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10/07/2007

La mort d'André Chouraqui

184d7bebf1ea88f84c0c3978a90ff9be.jpgDans l'émotion de sa disparition, relisons ce qu'il écrivait :


André Chouraqui est mort le 9 juillet à Jérusalem. Ce grand intellectuel franco-israélien avait 89 ans.  Juriste, maquisard dans la Haute-Loire, conseiller de Ben Gourion, maire adjoint de Jérusalem, historien, poète, dramaturge, il était l’auteur d’une magistrale traduction de la Bible en 26 volumes : dont une « rétroversion » en hébreu (puis en français) du texte grec des évangiles.  

A l’heure où l'ignorance médiatique parisienne  tente d’accuser d’« antisémitisme » le missel de Jean XXIII (!),  relisons ce que Chouraqui écrivait en 1979, dans la préface à sa traduction du Nouveau Testament * :

« Toute lecture du Nouveau Testament, y compris du corpus paulinien, souligne bien l’unité de l’univers spirituel et culturel des Hébreux, efface des frontières que les rivalités religieuses, aggravées par les grandes tragédies de l’histoire, avaient édifiées entre le monde juif et le monde chrétien. Restitué à son contexte historique et à son substrat sémitique, le Nouveau Testament, sans rien perdre de sa substance théologique, prend tout le relief d’une irrésistible authenticité. » 

Et sur l’évangile de Jean : « Son symbolisme, inhérent à la pensée hébraïque, s’enracine cependant dans les faits, dont il souligne la signification théologique et sotériologique. »

 

Dans la même préface, Chouraqui écrit ceci sur Jésus de Nazareth (« Iéshoua ») :

 

« Il a une voix qui lui est propre, unique, inoubliable pour tous ceux qui en entendent les âpres accents… Il annonce avec génie, en d’inoubliables paraboles, le royaume qui vient, la parousie et le jugement dernier qui, dans un monde proche de sa fin, rétablira le règne lumineux de son créateur, IHVH Elohim. Iéshoua n’est pas un rabbi comme il en est tant, il n’est pas non plus un prophète ordinaire : il émane de lui une puissance qui ébranle les masses auxquelles il s’adresse de préférence, le ‘am ha-harès, le « peuple de la terre », les humbles, les déshérités méprisés par les sadducéens, par les scribes et même par les pharisiens…  Les pharisiens, intrigués par ce rabbi dont l’originalité les dépasse, sont mortifiés de ses critiques, de leurs faiblesses et de leurs échecs. Les sadducéens ont des raisons plus précises de lui en vouloir, lui qui s’est conduit en maître d’un sanctuaire dont ils ont le contrôle, lui qui tourne en dérision leur refus de croire en la résurrection des morts… Tous sont d’accord sur un point : celui de se débarrasser du problème posé par ce messie en le livrant au plus vite aux Romains.

…Mais le caractère en vérité exceptionnel, unique, de la vie et de la mort de Iéshoua se trouve dans les fécondités de sa brève existence. L’esprit se trouve confronté à des réalités si puissantes et si contradictoires qu’il hésite à leur donner une explication de type naturaliste sans avoir à recourir au traditionnel appel au surnaturel. Une musique retrouvée, ai-je écrit en parlant de ce livre [l’Evangile] où l’un des pionniers de la renaissance d’Israël, Jossèph Haïm Brenner, reconnaissait « l’os de nos os, la chair de notre chair ». C’est son chant qu’il est urgent de retrouver, son chant annonciateur d’espérance, d’amour, de vie. Au lieu d’en alimenter ces lamentables polémiques, ces guerres, ces schismes, ces controverses, qui ont fait le déshonneur de l’humanité, sachons découvrir en cette Annonce un lieu privilégié de rencontre, d’inspiration, de paix et de salut.

Et puisque je suis, semble-t-il, le premier en Israël à avoir traduit et commenté l’ensemble des livres du Nouveau Testament, ce texte toujours neuf après les vingt siècles dont il a si largement inspiré l’histoire, qu’il me soit permis de le dire avec un autre fils d’Israël, Emil Ludwig, l’auteur d’une biographie de Jésus : Le Fils de l’homme : « Il n’entre pas dans le caractère de cet ouvrage de troubler la foi en la divinité de Jésus-Christ chez ceux qui vient de cette foi, mais au contraire de prouver la réalité de l’humanité de Iéshoua à tous ceux qui la tiennent pour une invention.. » >>

 

 

Beaucoup aujourd’hui ne tiendraient plus ces propos, mais  Chouraqui les tient.  Nous aussi.

 

 

____

(*)  Desclée De Brouwer 1985.

(**) Sur la datation des évangiles, André Chouraqui écrit : « Il semble qu’il faille retenir ici pour l’essentiel la thèse de John A.T. Robinson  (Redating the New Testament, Londres 1976), dont l’argumentation se fonde sur l’importance de 70, année de la destruction du Temple de Jérusalem. L’évangile de Matthieu n’aurait pas pu être écrit après cette date sans parler explicitement de cet événement. »

 

 

 

Commentaires

HOMMAGE À CHOURAQUI

> C'est la disparition d'un grand homme, son magnifique livre sur la vie des hommes du temps de la Bible est d'une telle fluidité de lecture, sur des sujets historiques si arides sous la plume de tant d'autres.

Écrit par : Emmanuel | 10/07/2007

LE CHRISTIANISME NE PEUT PAS ÊTRE ANTISEMITE

> " Exactement ce que Pie XI avait affirmé le 6 septembre 1938 : ' L'antisémitisme est inadmissible. Nous sommes spirituellement des sémites' (Libre Belgique 14-9-1938) Ce lien est ontologique et, ontologiquement, le christianisme ne peut pas être antisémite. C'est ce que rappelait Emmanuel Leroy-Ladurie, dans un article du Figaro littéraire : ' La vérité, c'est que, selon les théologiens chrétiens de la haute époque, les juifs, loin de disparaître, doivent subsister jusqu'à une très lointaine fin du monde (au cours de laquelle effectivement ils seront sauvés et iront au paradis), et cela afin de mieux demeurer comme témoins historiques, jadis, de la venue du Christ, et afin de pouvoir prouver un jour, lors de leur conversion de l'extrême fin des temps, la vérité de la religion chrétienne. C'est pourquoi les papes, à Rome, comme l'a montré Poliakov, ont très souvent protégé la survie physique et communautaire des juifs '( Figaro littéraire 16-1-1997) Bien sûr, un antisémitisme chrétien a existé, le fait est indéniable et ne saurait être contesté. Cependant, cet antisémitisme chrétien, pour être le fait de personnes chrétiennes, n'en demeure pas moins une dérive chrétiennement inadmissible."

Matthieu Baumier "L'anti traité d'athéologie" p.224

Écrit par : Qwyzyx | 10/07/2007

> Très beau, et émouvant, de lire ces lignes.
Merci.

Écrit par : Philippe M | 10/07/2007

UN EXEMPLE POUR NOUS

> C'était une très belle figure. Sa traduction de la Bible et des Evangiles, commentés avec une égale bienveillance, sont emblématiques de sa soif d'un dialogue fraternel. Qui donc à part lui aurait été capable d'adjoindre dans un même ouvrage les Evangiles à la Bible? Et pourtant ce n'était pas du syncrétisme. Chouraqui était simplement un homme foncièrement bienveillant, capable de s'ouvrir largement aux chrétiens et aux musulmans sans avoir le moins du monde à renier sa propre foi. Il devrait être aussi un exemple pour nous, chrétiens, dans le dialogue oecuménique et interreligieux, mais aussi dans notre manière courante de nous comporter et de réagir vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas notre foi: une attitude confiante, dépourvue de tout sentiment agressif, prête à comprendre l'autre. Ce qui n'est pas facile.

Écrit par : Blaise | 11/07/2007

UN GRAND HOMME

> C'est un grand homme, un grand spirituel que Chouraqui. Du point de vue de l'histoire de l'Occident, ce sont en effet les communautés juives établies en Gaule il y a plus de deux mille ans qui ont séduit les Gaulois. La religion juive, universalisée par le Christ et, à sa suite par saint Paul, a permis la conversion des Occidentaux dès cette époque. Les Gaulois convertis ont ressenti l'abandon du paganisme comme une libération.
Faisant le chemin, inverse André Chouraqui redécouvre le caractère juif du christianisme que les Occidentaux lui ont transmis.
C'est pourquoi j'adhère à la thèse de M. Chouraqui : il faut que cessent les rivalités et les polémiques.

Écrit par : Denis Merlin | 11/07/2007

MERCI A CHOURAQUI

> Merci pour votre article et merci à André Chouraqui pour son travail sur les mots de la Bible...
De lui j'ai appris à mieux lire les "béatitudes" : Heureux les "matriciels" est bien plus fort, bien plus engageant pour moi que "Heureux les miséricordieux"...
voir : http://www.michel64.com/article-5954237.html

Écrit par : mikel | 11/07/2007

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