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02/07/2007

Ecole catholique, famille, société : un discours révolutionnaire en Espagne

par le cardinal primat Cañizares :


 

 

En Espagne, l’attitude officielle envers l’Eglise catholique atteint le stade de la malveillance active.  Malgré cette tension, le cardinal Antonio Cañizares, archevêque de Tolède et primat d’Espagne, a prononcé récemment une remarquable homélie sur l'identité de l'école catholique, dont voici des extraits (source : http://hermas.info). Ce texte est plus qu’une « feuille de route » pour l’école. C’est l’esprit de la Nouvelle Evangélisation, en plein cœur de la société et loin des mirages politiciens  :

 

 

 « Je suis persuadé que nous vivons des moments très importants pour l'école catholique. Je crois que c’est plus que jamais son heure. Si elle n'existait pas, il faudrait la créer. La situation que nous vivons, marquée par une perte douloureuse d'humanité et, en même temps, par une aspiration à une humanité renouvelée, et dans la perspective d'une culture nouvelle qui, soit sera véritablement humaine et religieuse, soit ne sera pas… Nous devons offrir dans nos écoles une véritable alternative à l'enseignement qui est offert dans d'autres écoles, pour contribuer à une rénovation de la société depuis la contribution originale et humanisante de l'Evangile. Il faut le faire, clairement, à partir de la foi en Jésus-Christ, de la foi de l'Église, et, comme j'ai dit, en étroite communion avec elle. Nous savons qu'en agissant ainsi, nous n’allons pas à l’encontre de l’humain et du bien commun, mais qu’au contraire nous les élargissons et les consolidons, comme la foi élargit la raison. Ne craignons pas d’offrir et de défendre cet apport avec toutes ses conséquences et ses exigences, sachant que nous défendons ainsi le droit humain fondamental à la véritable et à la pleine liberté d'enseignement. Parfois nous devrons marcher à contre-courant (…), mais cette marche est absolument nécessaire au bien de nos élèves, de nos familles, de notre société menacée. Quand sont en jeu le bien de la personne, son développement intégral, l’avenir de la société, une véritable anthropologie, des libertés et des droits fondamentaux, il faut ramer contre le courant et les vents défavorables, sans se décourager. Cela coûte, bien sûr, mais la fidélité à l'Evangile, qui est fidélité aux hommes, le réclame et elle est au-dessus de tout.

 

 

« Un projet éducatif clair et transparent »

 

« (…) L'école catholique est et doit être un espace de liberté, un cadre d'éducation intégrale, avec un projet éducatif clair, transparent, fondé spécifiquement et fermement sur Jésus-Christ. Il ne s'agit pas d'une vague inspiration chrétienne, mais d'un établissement chrétien dans tout son projet, dans tous ses enseignements, dans toutes ses réalisations. L'école catholique met au centre l'exigence fondamentale de tout éducateur chrétien : transmettre la vérité non seulement par des mots, mais en la certifiant explicitement par l’exemple. En assurant un enseignement scolaire de qualité, l'école catholique propose une vision chrétienne de l'homme et du monde qui offre aux enfants et aux jeunes la possibilité d'un dialogue fécond entre la foi et la raison, une rencontre avec la vérité, pour être soutenus par elle et guidés en tout par elle. L'école catholique n'est pas un ghetto mais un espace d'universalité, ce qui suppose qu’elle soit fondée sur la vérité. Son devoir est de transmettre des valeurs à assimiler et la vérité à découvrir, avec la conscience et la certitude que toutes les valeurs humaines trouvent leur pleine réalisation et, en conséquence, leur unité dans le Christ. Une école au service de la vérité qui nous rend libres et qui se réalise dans l'amour, en faisant toute la lumière sur Jésus-Christ, qui est la vérité en personne, et non un être abstrait et irréel. Il n'est pas une création de l'homme, ni une idéologie.


« La transformation et l'incertitude culturelles, la mondialisation des échanges, le pluralisme de la société, la relativisation des valeurs, le scepticisme et le subjectivisme régnants, le relativisme moral et intellectuel, ou la désintégration tellement préoccupante du lien familial, produisent chez les enfants et les jeunes une vive inquiétude qui se reflète dans leur manière de vivre, d'apprendre et de se projeter dans l’avenir. Un tel contexte invite l'école catholique à proposer un projet éducatif véritable et propre qui permette aux enfants et aux jeunes non seulement d’acquérir une maturité humaine, morale et spirituelle, mais aussi de s’engager dans la transformation de la société, avec le souci de collaborer à la venue et à l'établissement du Royaume de Dieu parmi nous. Pour cela l'école catholique, avec clarté et persévérance, doit être en mesure d'offrir sa contribution véritable et originale au monde, à savoir le trésor caché de l'Evangile, pour construire la civilisation, la citoyenneté de l'amour, de la fraternité, de la solidarité et de la paix, laquelle se fonde toujours sur la vérité, la liberté, la justice et l'amour. Au centre de tout, la personne humaine, la dignité de tout être humain, l'établissement des droits humains fondamentaux, lesquels ne sont pas créés par les pouvoirs humains, et ne résultent pas davantage d’un consensus entre les hommes ou de majorités parlementaires, mais procèdent de l’être même de l'homme.

 

 

« Une véritable révolution dans le monde et la société »


« Un cancer ronge l'éducation, comme aussi la société et la culture que reflète souvent l’école. Il consiste à la fois dans un relativisme gnoséologique et moral et dans l’oubli de la vérité de la personne, de la vérité de l’homme, inséparable de Dieu, dans l’oubli de la nature, de ce qui convient à l’homme par le fait qu’il en est un, dans l’oubli de la raison ou dans sa réduction à la raison seule, avec ses pathologies ou, plus concrètement, à la raison scientifico-technique, à la raison practico-instrumentale. On ne peut pas éduquer l'homme, quand, par exemple, on le réduit à une anthropologie dérivée d'une conception de l'homme seulement comme liberté, comme décision, comme subjectivité séparée de la vérité.

 

Nous devons faire tous nos efforts pour que notre enseignement soit compétent dans tous les aspects techniques, scientifiques, pédagogiques, professionnels. Avec moins de moyens, nous devons être capables d'offrir plus de qualité d'enseignement et plus de rigueur. Mais ceci est insuffisant. Avant tout, nous devons chercher à ce que notre présence soit éminemment évangélisatrice. Evangéliser, c’est humaniser, c’est éduquer ; évangéliser, c’est mener à bien l'œuvre de rénovation de l'humanité avec des hommes et des femmes nouveaux, par la vérité et la nouveauté de l'Evangile ; évangéliser, c’est aider à apprendre l'art de vivre, d'être homme, en conformité avec celui qui est la vérité de l'homme : Jésus-Christ. Pour cela l'école catholique doit évangéliser en instruisant et instruire en évangélisant. Conscient de la noblesse et de la difficulté d'enseigner et d'instruire aujourd'hui, je demande de toutes mes forces et j’encourage de tout mon être tous ceux qui sont engagés dans l'école catholique – parents, professeurs et enseignants, directeurs –  à alimenter l’espérance des jeunes et, pour cela, à proposer inséparablement et simultanément l’acquisition d'un savoir le plus vaste et le plus profond possible, et une éducation exigeante et persévérante dans la vérité, dans la véritable liberté humaine, et dans l’introduction à l’idéal le plus élevé et le plus exigeant, qui est Jésus-Christ et son message évangélique. Conduire les élèves à rencontrer la personne du Christ est le mieux que nous puissions offrir dans le domaine de l’éducation, par le moyen de l’enseignement ; pour cette raison, c’est une grande contribution au service de ce qu’est l’école. Une école catholique évangélisatrice est une véritable révolution dans le monde et dans la société ; elle devrait l'être, et elle ne l’est pas, pour le malheur de l'école et pour le malheur de la société. Quand l'école sera véritablement catholique, elle changera le monde. Si plus de vingt pour cent des écoles de notre pays étaient catholiques, cela se refléterait dans une humanité nouvelle, dans une véritable transformation sociale et culturelle. Ceci n’est aucunement du confessionnalisme, ni de la soif de pouvoir. 

 

 

« Rendre présent l’Evangile dans les réalités de la vie »

 

A mesure que les écoles sont entrées dans une réglementation officielle et professionnelle plus méticuleuse et plus exigeante – parfois plus bureaucratique – nous risquons de nous laisser absorber par le travail de l'enseignement pur, ou de nous satisfaire des exigences de réglementation et de formation culturelle des élèves. Même si nous leur donnons une vision chrétienne de la culture, et même si nous avons quelques activités pastorales, et des compléments, ceci n'est pas suffisant, et n'arrive sûrement pas au niveau de ce que requiert une véritable évangélisation dans le cadre éducatif. Il faut oser évangéliser. Les écoles doivent être le support et l’occasion d’une action ou d’une présence ecclésiale claire, directement et décidément évangélisatrice, visant à la conversion personnelle et profonde des jeunes au christianisme, à partir de laquelle on peut offrir une formation spirituelle et une introduction pratique à la vie chrétienne intégrale. L'école catholique, ne l'oublions jamais, est appelée à être une communauté dynamique de foi – parole de Dieu, prière, sacrement, vie commune expression de la charité, signe chrétien – en relation étroite avec la pastorale diocésaine. Les écoles sont des écoles de l'Église, toujours des écoles de l'Église et, par conséquent, en collaboration étroite avec l'Église diocésaine. Elle devra contribuer en vertu de sa mission et propre rôle à l'initiation chrétienne intégrale des enfants, des adolescents et des jeunes. Ceci ne rompt pas l'identité de ce qu’est une école, parce qu'une école catholique n'est pas une paroisse.

 

« Nous ne pouvons pas oublier, au reste, que quelle que soit la structure scolaire, les parents sont et seront, et resteront toujours, les premiers responsables de l'éducation des enfants. L’école, y compris catholique, agit subsidiairement par rapport aux parents, lesquels, usant de leur droit, ont demandé ce type d'éducation que leur offre l'école catholique (…). L'Église elle-même et l'État sont subsidiaires à la famille. L'école catholique et les familles doivent unir leurs efforts éducateurs, surtout en ce temps où le tissu familial est si fragile. Il revient à la communauté éducative de promouvoir cette collaboration avec les familles, afin que les parents prennent conscience de manière renouvelée de leur mission et de leur rôle éducatif et soient assistés dans leur tâche fondamentale, mais aussi afin que le projet éducatif et pastoral de l'école catholique soit en adéquation avec les aspirations légitimes des familles.

 

« L’une des tâches évangélisatrices les plus pressantes de l'école catholique est de faciliter le dialogue de la foi avec une culture non chrétienne. Nos jeunes ne vont pas vivre dans une serre. Pour cette raison, nos écoles doivent les préparer à vivre avec sérénité et sécurité dans un contexte réel, qu’ils trouveront à l'Université, et dans la société en général. Préparez-les à être des agents de diffusion de la culture chrétienne, capables d'écouter, de dialoguer, de convaincre, d'annoncer et de rendre présent l'Evangile dans les réalités de la vie, là où se joue le sort et l’avenir des hommes et de la société. En étant au service du dialogue entre l'Église et la communauté des hommes, en étant engagé à promouvoir l'homme dans sa réalité intégrale, l'école catholique rappelle au peuple de Dieu le point central de sa mission : permettre à tout homme de donner un sens à la vie elle-même, en faisant émerger le trésor caché qui est en lui, et inviter ainsi l'humanité au projet de Dieu manifesté dans le Christ Jésus.

 

« (…) L'école catholique doit donc prioritairement fixer ses objectifs éducatifs et pastoraux en vue d'un christianisme vécu, actif, voire militant, c'est-à-dire en vue de rendre possible l'éducation intégrale d’hommes et de femmes qui, en tant que catholiques, se rendront présents dans la société pour la renouveler de l'intérieur par l'Evangile de Jésus-Christ ».

 

 

+ Antonio Cañizares

cardinal archevêque de Tolède

primat d'Espagne

 

 

Commentaires

REVOLUTIONNAIRE

> Si les médias français avaient connu ce discours qui parle explicitement de révolution, ils l'auraient qualifié de "conservateur" ! Leurs réflexes sont plus forts que la réalité.

Écrit par : Nati | 01/07/2007

ECOLE CATHOLIQUE ?

> Merci beaucoup pour ce relais ! Cette homélie est vraiment tonique et enthousiasmante. C'est un document essentiel. J'ai assisté, samedi, à la fête de l'école catho (sous contrat) où sont (encore pour cette année) mes enfants. Aucune référence chrétienne, même fort lointaine. En regardant les c........ qu'il était infligé à nos enfants de réaliser (danses et chants débiles), je pensais à cet article et à l'analyse de Mgr Cattenoz et je me disais : "Décidément, nous en sommes à des années-lumière". Ces écoles catho sont souvent des monstruosités : des corps sans âme, des centres chrétiens incapables d'évangéliser, pire : des centres chrétiens gérés POUR ne pas évangéliser. Il y a du travail à faire, quand les directeurs tremblent de ne pas être dans le moule institutionnel et que les paroisses associées à ses écoles ont elles-mêmes peur d'y exercer une quelconque influence !
Encore merci.

Cordialement, pour l'équipe d'hermas.info

Écrit par : Gabarra | 02/07/2007

PARTOUT

> La même lutte partout. Parents qui veulent sauvegarder leur droit à élever leurs enfants selon leurs convictions les plus profondes. Et qui sont parfaitement conscients que l´héritage le plus précieux qu´ils vont leur laisser c´est la Foi. Chez nous ce n´est pas, encore, aussi sauvage qu´en Espagne. Pour le moment, bien sûr…

j.a.varela

Écrit par : juan varela | 03/07/2007

ENFIN

> ...et à la suite de Mgr Cattenoz, certains de nos évêques se réveillent, d'autres attendent que la vague s'amplifie pour emboîter le pas. Mais qu'importe ce texte possède et la force et le fond d'un programme.
Je souhaite, j'espère, et j'attends qu'il soit le plus rapidement possible mis en applications dans les établissments où nous avons eu la faiblesse de mettre nos enfants imaginant, depuis longtemps je ne sais quel sursaut de conviction qui ne vint jamais, au contraire.
Je témoigne ici, moi qui fut un pur produit des Frères des Ecoles Chrétiennes (j' ai eu la chance de n'avoir que des maîtres religieux, sans aucun laïc de la septième à la terminale) à qui je dois tout, que le lycée qui accueille mon dernier enfant ne s'appelle plus "que" Jean-Baptiste de La Salle et non Saint J-B de La Salle, car m'a-t-on dit, ce serait trop long. Bigre comment ai-je fais pour le dire dans son entier quand je n'étais qu'en "onzième"?
Mais le pire n'est pas là car le pire existe: Une formation religieuse était offerte, l'année écoulée, une heure par semaine au élève du lycée de mon enfant, mais il y avait une heure de cours en même temps ..., la croix de la classe fut enlevée par des élèves, seul mon enfant protesta, la croix ne fut pas remise !
La liste des livres de philo proposée pour l'entrée en terminale ne comporte aucun auteur chrétien, mais certains sont des athés militants. Voci un exemple de cette liste: Sartre et le poncif "l'Existentialisme est un humanisme", Foucault (comme introduction à la joie existentielle on fait guère mieux ...) Diderot et sa "Religieuse", l'incontournable Jean-Jacques ...
Que ces auteurs soient "obligatoires" je veux bien l'admettre, mais rien n'empèche de proposer, aussi, dans une école dite catholique des philosophes d'un niveau nettement plus élevé et d'une richesse de pensée largement supérieure. Pourquoi négliger saint Augustin dont le livre XI des Confessions n'a jamais été même égalé quand il s'agit de parler du temps, peut-on raisonnablement omettre saint Thomas d'Aquin? Pourquoi le petit Sarte et non le géant Louis Lavelle dont le premier ne fut que le pilleur et le piètre copieur? Peut-on négliger Maurice Blondel ou Emmanuel Mounier sans parler de Boèce quand on sait l'enjeu actuel autour de la personne? Rien n'empèche à un véritable professeur de philosophie d'école catholique, quand bien même il ne serait qu'un laborieux répétiteur de citer au moins Nédoncelle quand cette notion sera abordée.
Quant aux classiques grecs seul Platon est à l'honneur, mais fi d'Aristote ou des Présocratiques. A-t-on dépasser la définition de l'acte de penser donnée dans le Poème de Parménide?
Bref "l'esprit du temps" est encore pire là où attendait tout autre chose. Mais ni le mot ni la chose espèrés ne fleurissent aux jardins éducatifs que l'on croyait catholiques et que le qualitif encombre tant que l'on en rajoute pour se le faire pardonner.
Alors oui il est temps que se rassaisissent les responsables d'établissements, les directeurs diocésains et surtout nos épiscopes, ceux-ci n'ont-ils pas la responsabilité de "l'épiscopé des belles âmes"?

Écrit par : Albert E | 03/07/2007

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