Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/07/2007

L’évolution et la pensée : comment le problème se pose

En marge des controverses sur l'Intelligent Design :


« La théorie de l’évolution, comme hypothèse scientifique, porte sur le processus de développement des êtres vivants. Elle s’inscrit dans le cadre d’une explication physique et ne répond pas, comme telle, à la question métaphysique de l’origine des choses. Par ailleurs, elle fait difficulté si elle va jusqu’à poser la pensée comme issue elle-même du déploiement mécanique de la matière : la pensée, qui est réflexion, liberté, est d’une autre nature que la matière qui est juxtaposition spatiale, déterminisme, immédiateté. Pour montrer que tel est bien le cas, il faudrait, au préalable, montrer l’homogénéité de la matière et de la pensée.

L’évolutionnisme philosophique  – de Bergson, par exemple –  pense l’évolution comme le mouvement, non de la matière elle-même, mais de la conscience qui arrache la matière à la répétition du même par sa capacité de retenir ce qui n’est plus et d’anticiper ce qui n’est pas encore. A l’opposé du darwinisme, qui pense l’évolution comme un résultat mécanique de la sélection naturelle, l’évolutionnisme philo-sophique en fait une dynamique dont le fondement ne peut être que spirituel. »  

 

(Richard Dubreuil, professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Paris, article Evolutionnisme, in Dictionnaire de culture générale, PUF 2000).

 

Commentaires

LENINE ET DARWIN

> En se souvenant aussi de l'immortelle proposition du généticien stalinien H.J. Muller (1890-1967), prônant la culture de tissus reproducteurs mâles "pour permettre à des femmes inséminées de porter dans leurs flancs et d'élever un fils de Lénine ou de Darwin"...

Trofim


[De PP à T. - Le darwinisme social est un trait d'union, non seulement entre Staline, Hitler et Mao, mais entre ces vieux totalitarismes et le très postmoderne ultralibéralisme, qui nous prépare un "tout-génétique" assez effrayant... au nom des économies et de la productivité.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Trofim | 01/07/2007

BERGSON, STAUNE, DARWIN

> J'aimerais revenir à la question de l'Intelligent Design, qui m'a laissé insatisfait. D'abord un constat : cette tendance de la biologie non darwinienne ne représente pas toutes les théories refusant l'explication de l'évolution par le seul hasard. Ainsi le très teilhardien Gustave Martelet y voit un dieu bouche-trou qui permet de fournir des explications là où le darwinisme montre ses faiblesses. Pour lui, « une hypothèse qui ramène Dieu au rang d'un "programmateur", si génial soit-il, [...] n'est en réalité qu'un substitut bâtard du véritable Créateur. » Reprenant l'expression de Teilhard, il dit prendre le parti d'un Dieu qui «fait se faire» la Création. Autrement dit une Création libre, ce qui correspond mieux au message biblique.
Jean Staune, dont vous aviez recommandé l'ouvrage (et qui a été traîné dans la boue à plusieurs reprises par Le Monde) prend ses distances lui aussi vis-à-vis de l'Intelligent Design. Il en propose une typologie en trois branches. Deux refusent en fait la théorie de l'évolution, une est bel et bien évolutionniste. Mais il reproche à cette dernière d'aller trop loin en expliquant l'insuffisance du mécanisme darwinien par un dessein intelligent. Alors que la coordination et la canalisation de l'évolution peut s'expliquer par des lois naturelles.
Ce qui est certain, (si je me base sur l'opinion de Martelet et de Staune) c'est que Bergson n'appartient pas à l'Intelligent Design, dans ce sens que selon lui la création n'est pas programmée, mécanique. Au contraire, elle est riche de potentialités.
Mais peut-être que dans toute cette histoire il ne s'agit que d'une querelle de mots ? Je ne suis pas darwinien. L'explication forcenée par le hasard me semble un peu risible.

Blaise


[De PP - Je vous suis. Un point tout de même : Martelet est trouble. L'attitude de ces chrétiens-là finit par vider l'idée de création, quoi qu'ils en disent... C'est indéfendable. En outre, la Genèse indique de la part de Dieu une création active. Vont-ils nous dire que la Genèse n'est pas une intuition de l'essentiel, mais un simple "poème" ? ]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Blaise | 01/07/2007

BERGSON ET A. FAGOT-LARGEAULT

> Bergson est toujours actuel, du point de vue de son dialogue avec les sciences du vivant. Il est donc à prendre au sérieux.
Un débat très intéressant là-dessus:
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/sciences_conscience/fiche.php?diffusion_id=53618
Et au Collège de France, Anne Fagot-Largeault considère que l'apport de Bergson est essentiel pour comprendre ce qu'est le vivant.

Écrit par : Blaise | 01/07/2007

Je vous propose un texte admirable de Gilson sur le sujet ou un sujet connexe :

> « Si, comme l’assure Engels, c’est le cerveau qui pense, jamais effet ne fut plus dissemblable de sa cause, car le cerveau est un morceau de matière vivante et organisée, d’une certaine dimension et d’un certain poids, d’une structure assez bien connue et dont l’activité s’exerce à partir de centres localisables, au lieu que la pensée, telle que la décrit Plotin, n’offre aucun des caractères de ce qui est corps dans l’espace. L’intelligence, dit-il, précède les intelligibles et les est tous à la fois. Ces intelligibles s’offrent à nous sous forme de notions distinctes, telles que le « juste » et le « beau » par exemple ; mais comment l’intelligence peut-elle accueillir ces objets multiples sans perdre son unité ? Comment peut-elle se mettre à leur recherche sans se mouvoir, elle qui n’est pas dans l’espace ? (En. V, 5, 1). La vérité est qu’elle ne s’en compose pas. Elle est la totalité de ces intelligibles, qui sont des êtres ; elle n’a donc besoin ni de raisonner pour les atteindre, ni de se conformer à eux pour être vraie. « Ainsi la vérité par essence n’est en accord avec rien d’autre qu’elle-même, mais elle est, et ce qu’elle est, c’est cela qu’elle énonce » (V, 5, 2). Après quoi Plotin conclut, sur un ton de triomphe discret, mais ému : « Qui donc la réfuterait ? Et d’où tirerait-il la réfutation ? » Car une réfutation n’a d’autre objet que de rétablir la vérité, or c’est d’elle que nous parlons " et on ne peut rien trouver de plus vrai que le vrai."
Plotin ne prévoyait pas qu’Engels objecterait un jour à son expérience que la pensée n’énonce rien, puisque c’est elle que le cerveau énonce.(…)»

"Constantes philosophique de l’Être" E. Gilson pp. 159 et 160, Librairie Philosophique Vrin 1983.

Écrit par : Denis Merlin | 02/07/2007

Et voici quelques extraits de Bergson

> ... tirés de "L'Energie Spirituelle" , qui sont très convaincants et illustrent la conception de l'évolution comme mouvement de la conscience:

« Une conscience qui ne conserverait rien de son passé, qui s’oublierait sans cesse elle-même, périrait et renaîtrait à chaque instant : comment définir autrement l’inconscience ? Quand Leibniz disait de la matière que « c’est un esprit instantané », ne la déclarait-il pas, bon gré, mal gré, insensible ? Toute conscience est donc mémoire –conservation et accumulation du passé dans le présent.
« Mais toute conscience est anticipation de l’avenir. Considérez la direction de votre esprit à n’importe quel moment : vous trouverez qu’il s’occupe de ce qu’il est, mais en vue surtout de ce qui va être. L’attention est une attente, et il n’y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie. L’avenir est là ; il nous appelle, ou plutôt il nous tire à lui : cette traction ininterrompue, qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause aussi que nous agissons continuellement. Toute action est un empiètement sur l’avenir.
« Retenir ce qui n’est déjà plus, anticiper sur ce qui n’est pas encore, voilà donc la première fonction de la conscience. Il n’y aurait pas pour elle de présent, si le présent se réduisait à l’instant mathématique. Cet instant n’est que la limite, purement théorique, qui sépare le passé de l’avenir ; il peut à la rigueur être conçu, il n’est jamais perçu ; quand nous croyons le surprendre, il est déjà loin de nous. Ce que nous percevons en fait, c’est une certaine épaisseur de la durée qui se compose en deux parties : notre passé immédiat et notre avenir imminent. Sur ce passé nous sommes appuyés, sur cet avenir nous sommes penchés ; s’appuyer et se pencher ainsi est le propre d’un être conscient. Disons donc, si vous voulez, que la conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir. Mais à quoi sert ce pont, et qu’est-ce que la conscience est appelée à faire ? »

[…]

« si, comme nous le disions, la conscience retient le passé et anticipe l’avenir, c’est précisément sans doute, parce qu’elle est appelée à effectuer un choix : pour choisir, il faut penser à ce qu’on pourra faire et se remémorer les conséquences, avantageuses ou nuisibles, de ce qu’on a déjà fait ; il faut prévoir et il faut se souvenir. »

[…]

« Si, en effet, conscience signifie choix, et si le rôle de la conscience est de se décider, il est douteux qu’on rencontre la conscience dans des organismes qui ne se meuvent pas spontanément et qui n’ont pas de décision à prendre. »

[…]

« Il me paraît donc vraisemblable que la conscience, originellement immanente à tout ce qui vit, s’endort là où il n’y a pas de mouvement spontané, et s’exalte quand la vie appuie vers l’activité libre. Chacun de nous a d’ailleurs pu vérifier cette loi sur lui-même. Qu’arrive-t-il quand une de nos actions cesse d’être spontanée pour devenir automatique ? La conscience s’en retire. »

[…]

« Quels sont, d’autre part, les moments où notre conscience atteint le plus de vivacité ? Ne sont-ce pas les moments de crise intérieure, où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis à prendre, où nous sentons que notre avenir sera ce que nous l’aurons fait ? Les variations d’intensité de notre conscience semblent donc bien correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou, si vous voulez, de création, que nous distribuons sur notre conduite. Tout porte à croire qu’il en est ainsi de la conscience en général. Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que conscience est synonyme de choix. »

[…]

« L’être vivant choisit ou tend à choisir. Son rôle est de créer. Dans un monde où tout le reste est déterminé, une zone d’indétermination l’environne. Comme, pour créer l’avenir, il faut en préparer quelque chose dans le présent, comme la préparation de ce qui sera ne peut se faire que par l’utilisation de ce qui a été, la vie s’emploie dès le début à conserver le passé et à anticiper sur l’avenir dans une durée où passé, présent et avenir empiètent l’un sur l’autre et forment une continuité indivisée : cette mémoire et cette anticipation sont, comme nous l’avons vu, la conscience même. Et c’est pourquoi, en droit sinon en fait, la conscience est coextensive à la vie. »

Écrit par : Blaise | 02/07/2007

INSOLUBLE

> Un mot bref...la question de l'évolution est passionnante et très complexe...
mais je suis persuadé qu'elle est insoluble rationellement, philosophiquement, si on ne s'est pas habitué à penser la nature et le vivant en termes aristotéliciens, notamment à sentir dans l'expérience et dans les résultats scientifiques la réalité de la distinction matière/forme...( pour ma part il m'a fallu des années de travail solitaire et assez acharné)
les modernes, les profs de philo, etc. quoiqu' ils en diraient, ne savent plus, ils ont oublié ou ils ne font pas vraiment l'effort ( ils connaissent les notions aristotéliciennes comme on connait l' histoire de la philo, ils ne s'y attardent pas, ils pensent que c'est de l'animisme primitif, ou du verbal, de la scolastique, etc. etc.)
Ils continuent de penser a priori que DESCARTES est un progrès par rapport à ARISTOTE et aussi les suivants, etc.
ça a manqué à BERGSON, comme ça manque aux autres modernes...GILSON a d'ailleurs écrit un petit livre la-dessus DE DARWIN à ARISTOTE ET RETOUR ( je cite de mémoire)
Il faut le leur dire: qu'ils retournent à l'école des maîtres et acceptent de remettre humblement en cause leur préjugés...qu'ils ruminent en dehors du prêt-à-penser et le reste leur sera donné par surcroît...quand même: qui peut croire que la vérité serait accessible comme ça!

Écrit par : Vicenzo | 03/07/2007

Les commentaires sont fermés.