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09/06/2007

« Le Monde » a un accès de lucidité

ae34176a7391db4fc8567776f58f6c0b.jpg...sur l'islam, sur Averroès (photo), et sur le christianisme :


 

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En ouvrant  Le Monde 2 (supplément au Monde du 9 juin), intéressante surprise : sous la signature de l’anthropologue et reporter égypto-libanaise Nadia Khouri-Dagher, une enquête sur les intellectuels qui voudraient moderniser la pensée musulmane. Et, dans cette enquête, au moins deux idées non-conformistes.

 

>  La première concerne le texte coranique, et elle est exprimée par Rachid Benzine : « Le langage coranique, comme tous les langages religieux, utilise le mythe, la parabole et le symbole. Il faut appliquer au Coran les mêmes méthodes de lecture que les chrétiens ont appliquées à l’Evangile ».  Idée intéressante en ce qui concerne l’exégèse du Coran. Mais aussi, idée forte si on la replace dans le contexte des attaques médiatiques européennes contre le christianisme… Selon ces attaques, en effet, il y aurait deux  versions de la religion catholique : l’une bêtement « fondamentaliste »  donc dogmatique ; l’autre antidogmatique (et relativiste) parce qu’elle appliquerait à l’Evangile les « méthodes de lecture » modernes.  Or c’est le contraire de la réalité : comme le livre de Benoît XVI vient de le montrer, les méthodes de lecture modernes ne contredisent pas le dogme, et même le renforcent.  Les meilleurs interlocuteurs de l’islam ne sont donc pas les postchrétiens relativistes, mais les chrétiens croyants, dont la foi est aiguisée par l’acquis de la lecture moderne de l’Evangile.

 

>  La seconde idée non-conformiste que l’on trouve dans Le Monde 2 est celle-ci :  « Certains intellectuels aujourd’hui rappellent que la tradition de pensée libre [dans l’islam] remonte au philosophe andalou Ibn Rushd (Averroès, 1126-1198), qui, fervent d’Aristote et ouvert à la pensée rationnelle grecque, voulant concilier foi et pensée réflexive, fut accusé d’hérésie et contraint à l’exil. »  Ce qui révèle au lecteur deux choses que les historiens savent mais n’osent plus dire : a) l’Andalousie musulmane n’était pas le paradis de pluralisme et de tolérance  célébré  par  nos  journalistes ; b) l’islam a bien un problème avec la pensée rationnelle (comparé à la chrétienté médiévale, où l’aristotélisme de Thomas d’Aquin devint la philosophie de référence). Pour avoir exprimé cette idée à Ratisbonne, le pape fut hué. La même idée, imprimée dans Le Monde, va-t-elle indigner autant ?

 

Commentaires

ISLAM ET RAISON

> Dans un colloque international qui se tenait récemment à Tunis sur les rapports entre raison et foi et auquel j'ai assisté, un réputé historien de la pensée islamique a marqué son auditoire. En résumé, il a expliqué que le monde musulman devrait une fois pour toutes se demander pourquoi l’islam officiel n’a plus été capable de réconcilier religion et rationalité après
l’expérience aristotélicienne vécue du Xe au XIIIe siècle. On rappellera que le Moyen Age a vu des intellectuels musulmans
d’Andalousie –comme Averroès– développer une pensée cousine de celle de penseurs chrétiens tel Saint Thomas d’Aquin. Le prolongement de la pensée hellénistique au sein du monde arabo-chrétien a d’ailleurs été l’objet central du colloque de Tunis. Principale leçon tirée: l’islam doit reprendre ce qu’il a laissé au XIIIe siècle pour retrouver sa place dans le monde moderne. Dans son discours de Ratisbonne, Benoît XVI a ainsi montré beaucoup d’acuité en focalisant son analyse sur le Logos et ses rapports à la religion. Car c’est là le point faible de l’islam
contemporain. Ce n'est ainsi pas un hasard si les oulémas musulmans n’ont pas répondu sur le fond au questionnement du pape lorsqu’ils lui ont adressé une lettre commune dont on a très peu parlé en Occident. En avril 2005, le quotidien «El Watan» relatait par ailleurs un débat au cours duquel le professeur précité expliquait carrément: «Après la mort d’Ibn Ruchd (Averroès), il n’y a eu personne; c’est la sociologie de l’échec d’Ibn Ruchd dans le contexte islamique et sa réussite dans le contexte chrétien.(...) Il n’y a plus de pensée théologique dans les pays musulmans, on fait des fatwas.» Il existe pourtant des penseurs islamiques rénovateurs, mais non reconnus. Même la réformiste université islamique Ezzitouna de Tunis – où l’on ferait peut-être bien d’envoyer les imams occidentaux pour leur formation – est regardée avec beaucoup de suspicion par les autres écoles du monde musulman. Il faudra être patient...

Écrit par : Vincent (Suisse) | 12/06/2007

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