10/04/2007
Présidentielle : la course au « Je veux »
Les candidats éligibles ne disent pas : « Voilà l’intérêt général ». Ni : « Voilà comment on peut le servir ». Ils disent : « Je veux… ». De quoi est-ce le symptôme ?
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C’est le langage de la pub, et c’est l’enterrement du politique. Avec ça on peut se faire élire. On ne se prépare pas à gouverner. Les candidats éligibles s’y sont tous mis. Dans leurs discours, ils disent : « Je veux… » Ils ne disent pas : « J’ai réfléchi à notre avenir commun, voilà quel est l’intérêt du pays et voilà de quelle façon on pourra s’y prendre. » Ils ne suivent pas l’intérêt général : ils parlent à des catégories sociales, à des niches de marketing. À chacune d’elles, ils disent : « Vous voulez quoi ? Je le veux aussi. » Autrement dit : « Je suis comme vous, je suis mes pulsions (et j’ai la pulsion de vous satisfaire).» Rien de tout cela ne comptera plus, d'ailleurs, sitôt l'élection faite.
Donc ne nous étonnons pas de l’absence de débat. Il serait possible de débattre sur des données substantielles (évaluations de priorités, objectifs communs) ; mais on ne peut pas débattre sur des « pulsions », des « coups de cœur », des bons sentiments, des petites phrases et des effets d'annonce. La barbe-à-papa est irréfutable.
L’invasion du « je veux » a commencé avec Ségolène Royal : ce n’est pas surprenant puisque son personnage émane des milieux publicitaires. La pub achève de s’emparer de la politique, comme elle s’était déjà emparée de la presse et de l’air du temps*. Le « je veux » a donc métastasé chez les deux autres candidats susceptibles de remporter le second tour. C'est la nouvelle règle du jeu, ou du "je". (Ceux qui n’ont aucune chance d'être élu peuvent garder un discours à l’ancienne, afficher des valeurs impérissables : justement parce qu’ils se savent inéligibles).
Comprendre ces symptômes rend profondément sceptique en matière de « politique » contemporaine.
Comme le disait la célèbre Note Ratzinger, l’engagement social du chrétien croyant, ultraminoritaire, ne passe pas seulement par les élections. On peut même se demander dans quelle mesure il y passe encore un petit peu ! Trouvons de nouveaux moyens de témoigner de l'essentiel : des moyens adaptés à la société nouvelle. Ces moyens ne sont pas les partis (machines à penser faux et petitement). Les catholiques ont à construire, dans les années qui viennent, des outils d’opinion inédits et des méthodes d’action neuves.
P.P.
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(*) D’où l’ambiance de cathophobie : cf. ma note d’hier.
10:55 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : présidentielle, campagne, candidats, religion, catholicisme, christianisme, politique
Commentaires
SYMPA
> C'est évidemment déprimant, mais vous n'avez pas tort sur le fond. Le politique est dévitalisé par la dérive actuelle. Voter n'a plus grand sens de toute façon, puisque la "politique" française est dictée par Bruxelles et qu'aucun candidat "éligible", comme vous dites, ne compte secouer cette tutelle de technocrates financiers. La seule perspective c'est que maintenant Bruxelles ne sera plus seule à dicter, il y aura aussi Washington. Sympa !
Écrit par : dochagne | 10/04/2007
BONNET BLANC
> C' est en fait le règne des émotions et des sentiments. Normal qu' on ne puisse rien construire avec ça, les électeurs sont devenus des marionnettes un peu comme les "consommateurs" des publicitaires. publicitaires et hommes politiques c'est bonnet blanc et blanc bonnet
Écrit par : jed | 11/04/2007
"JE VEUX"
> Je ne serais pas aussi sévère que vous. "Je veux" est moins signe de pulsion que de volontarisme. A mon sens, l'idée est: un président doit être un(e) homme/femme d'autorité, pétri(e) de convictions inébranlables, dans un monde qui a perdu ses repères. La force... pas forcément tranquille d'ailleurs!
Le problème c'est qu'il s'agit là d'un volontarisme qui tourne à vide, une simple posture, une volonté individuelle qui n'est rattachée à aucune vision de société, comme vous le dites très bien.
Écrit par : Philippe M | 11/04/2007
BIEN COMMUN
> Entièrement d'accord avec vous.
Toutefois, je préfère parler de "bien commun" plutôt que d'intérêt général" qui est déjà le fait d'une majorité, fut-elle de rencontre, qui veut s'imposer, alors que le bien commun se soucie de tous.
furgole
[De PP à F. - Et vous avez philosophiquement raison. Mais je dis "intérêt général" parce que le terme "bien commun" n'est pas compris du grand public d'aujourd'hui.]
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Écrit par : furgole | 11/04/2007
VIDE DE SENS
> Le constat est assez navrant : aucun des candidats "éligibles" ne remplit les conditions minimales pour emporter l'adhésion d'un catholique soucieux du bien commun.
Mais, après tout, il est un peu tard pour se plaindre : les catholiques convaincus ne représentent que quelques dixièmes de % de l'électorat total. Au surplus, le christianisme est sorti de la culture de notre pays... faute d'un engagement fort des chrétiens dans ce domaine. A titre d'exemple : qui, dans un milieu catho "bon teint", pousserait son enfant (surtout son fils) à embrasser une carrière dans l'enseignement, dans la fonction publique ou dans le social ? Je me rappelle, il y a quelques années, avoir assisté à un rassemblement (environ 800 personnes) d'une grande "communauté nouvelle". Le dernier, jour, repas par famille professionnelle : moult ingénieurs, consultants et financiers. Dans la famille "vie politique et fonction publique" : une personne (moi). Un peu dégoûté....
Cordialement,
F.
PS : tout cela ne nous dit pas pour qui voter. Problème : c'est la première fois que j'ai autant l'impression d'avoir à accomplir un acte vide de sens (compte tenu de l'uniformité des options fondamentales défendues par nos candidats, le seul enjeu est de savoir qui va peupler les différents cabinets ministériels, après...)
Cordialement
[De PP à F. - Je partage votre point de vue en tous points !]
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Écrit par : F. | 11/04/2007
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