15/02/2007
Le "dieu ours" revient, et il est très en colère
Les dépêches d'agence se mettent à encenser le paganisme paléogermanique :
Et revoilà le plantigrade ! (Cf ici note du 19/01). Cette fois c’est à propos d’un gros livre de Michel Pastoureau : L'ours, histoire d'un roi déchu, qui paraît au Seuil. Pastoureau est un médiéviste. Ce n’est pas le cas des rédacteurs de dépêches. Voici comment ils résument son livre :
> L’ours, disent-ils, était jadis « le roi des animaux en Europe, parfois vénéré comme un véritable dieu » : « Ces cultes très anciens ont laissé de nombreuses traces dans l'imaginaire du Haut Moyen Âge, ce que l'Eglise, qui cherche à convertir ces peuples barbares, ne supporte pas… D'autant qu'il y a plus grave : l'ours passe pour être sexuellement attiré par les jeunes femmes. Il les recherche, les enlève et les viole, donnant naissance à des êtres mi-homme, mi-ours, qui deviennent des guerriers indomptables, voire des fondateurs de lignées prestigieuses. De nombreuses histoires d'ours violeurs de femmes figurent dans les contes et légendes de l'Europe entière… L'Eglise médiévale lui déclare la guerre [à l’ours] avant même le règne de Charlemagne, une guerre qui durera près d'un millénaire, au cours de laquelle tous les moyens seront bons aux prélats et aux théologiens pour déboulonner l'ours de son trône. Elle installe sur ce trône symbolique le lion, un animal plus lointain donc plus maîtrisable, roi des bestiaires de l'orient mais absent des rites païens de l'Europe du Nord… »
Ce « résumé », transposant les données du Haut Moyen Age dans les catégories mentales de 2007, révèle une curieuse confusion. Pour donner à l’Eglise le mauvais rôle - celui de « l’intolérance » -, on dérape dans une apologie, très New Age, du chamanisme païen. La dépêche ne se rend pas compte qu’elle cite l’une des figures les plus inquiétantes de la mythologie paléogermanique : le berserkr (« chemise d’ours »), guerrier fou, mi-humain mi-bête, élément d’élite d’une mythologie qui connut son heure de gloire moderne il y a 70 ans outre-Rhin.
Plus bizarre encore : la dépêche affiche sa préférence envers l’ours, Européen de souche, par rapport au lion, sorte d’immigré oriental ! Pourquoi ? Parce que l'Eglise a combattu le paganisme ursicole : « tous les moyens seront bons aux prélats et aux théologiens pour déboulonner l’ours de son trône… » Et si l’Eglise médiévale se montre aussi intolérante envers le dieu-ours, c’est, nous dit-on, qu’elle ne « supporte » pas les traces de paganisme : le verbe « supporter » étant là comme pour réduire les positions catholiques à une sorte de névrose. Allusion à peine voilée aux débats actuels ! Comme quoi la bataille permanente des médias en faveur des Nouvelles Mœurs peut conduire à de bien étranges dérives…
11:50 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : ours, religion, paganisme, Eglise, catholicisme, christianisme, médias
Commentaires
"Mi-homme, mi-ours"
> Le récit de la Genèse répète que Dieu créa chaque être vivant "selon son espèce". Ce récit s'oppose justement au paganisme qui a toujours pour rêve de fabriquer des êtres qui sont soit le mélange entre des espèces animales (cheval ailé) soit entre l'animal et l'homme (sirène, centaure, dieu horus etc... et plus près de nous speeder-man, homme doté de certains attributs de l'araignée). Il y a aussi les histoires où l'on passe de l'humain à l'animal à la suite d'un sort (la belle et la bête, le loup garou de la pleine lune.....)
Ce n'est pas simplement la mythologie, car "le Monde" du O6/10/06 nous informe que ,d'après le Guardian , "trois équipes britanniques de biologistes de renom s'apprêtent à créer, via la technique du clonage, des embryons chimériques. Ceux-ci seraient obtenus à partir d'un noyau de cellule humaine placé au sein d'un ovocyte de lapine ou de vache, préalablement énucléé. De tels embryons seraient dotés d'un matériel génétique pour l'essentiel humain... associé à un soupçon d'ADN animal, présent dans les mitochondries du cytoplasme de l'ovocyte".
Écrit par : BH | 15/02/2007
ET LES CATHARES
> En effet cette démarche de diaboliser l'Eglise à tout prix donne des résultats étonnants. Ainsi nos médias se mettent parfois à encenser les albigeois comme les vecteurs de liberté, d'authenticité ( et tout ce qu'on veut de valeur positifve) pour la simple fait qu'ils sont entrés en conflit avec l'Eglise...
Or 5 mn d'examen de la doctrine albigeoise suffirait à montrer à nos anticléricaux en herbe que le catholicisme est beaucoup plus proche de leurs valeurs à eux : l'ascèse albigeoise qui méprisait le corps absolument, tandis que la vision catholique du corps est un équilibre : le remettre à sa juste valeur, sans le déifier, ni le mépriser.
Bref la doctrine albigeoise serait insupportable à la mentalité d'aujourd'hui. Cet exemple montre bien que le barbare contemporain ne va pas aux faits (réalité) mais s'attache à des idées fondées sur des vues de l'esprit.
Bref beaucoup de vent.
Écrit par : Gégé | 15/02/2007
BERSERK
> "La dépêche ne se rend pas compte qu’elle cite l’une des figures les plus inquiétantes de la mythologie paléogermanique : le berserkr («chemise d’ours»), guerrier fou, mi-humain mi-bête, élément d’élite d’une mythologie..." Ce passage m'a fait penser au jeu "Close Combat 2". Pour ceux qui ne connaîtrait pas, Close Combat est une série de jeux de stratégie de Microsoft ayant pour cadre la Seconde Guerre Mondiale, on choisit des unités (infanterie, blindés, soutient), on les déploie et on attaque l'adversaire. Durant la bataille, on entend les rapports des unités et un cadre affiche en anglais ce qu'il en est (unité détruite, redéployée, terrain conquis, etc.).
Parfois on entend un "AAAAAAAAAaaaaaaah !" ou un "GERONIMOOOOOOOOOO !", accompagné du message "Untel has gone berserk". En regardant dans un dico, j'ai découvert que "to go berserk" veut dire "devenir fou furieux" ou "se déchainer".
Grâce à vous, Monsieur Plunkett, je crois savoir d'où ça vient. Merci !
Pour revenir à quelquechose de plus sérieux, quand je vois tout ces faits d'actualité (comme l'affaire du discours de Ratisbonne, ou encore cette histoire d'ours), j'ai l'impression qu'en matière de bêtise, cette société "is going berserk"...
Écrit par : Jan-Pawel | 15/02/2007
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