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30/11/2006

Benoît XVI : l'homélie d'Ephèse

Le 29 novembre, célébrant la messe à Ephèse pour les catholiques de la région d'Izmir, le pape a dit ceci :



<<  Je vous remercie de votre présence, je vous remercie de votre témoignage et de votre service à l’Eglise dans cette terre bénie où, aux origines, la communauté chrétienne a connu de grands développements, comme cela se voit aux nombreux pèlerinages qui se rendent en Turquie.


L’Eglise, « sacrement de l’unité du genre humain »

Nous avons entendu le texte de l’évangile de saint Jean qui invite à contempler le moment de la Rédemption, lorsque Marie unie à son Fils dans l’offre du sacrifice étend sa maternité à tous les hommes et particulièrement aux disciples de Jésus. Témoin privilégié de cet événement est l’auteur même du quatrième évangile, saint Jean, le seul des apôtres à rester au Golgotha avec la Mère de Jésus et d’autres femmes. La maternité de Marie, commencée par le fiat de Nazareth, se réalise sous la Croix. S’il est vrai, comme le dit saint Anselme, qu’ à partir du fiat  Marie commença à nous garder tous en son sein, la vocation et la mission maternelle de la Vierge vis-à-vis des croyants dans le Christ, commença effectivement lorsque Jésus lui dit : « Femme, voici ton fils ». En voyant du haut de la croix sa mère et à côté, le disciple bien aimé, le Christ mourant reconnut là le début de la nouvelle famille , germe de l’Eglise et de la nouvelle humanité. Pour cela, il s’adressa à Marie, l’appelant « Femme » et non « Mère », mot qu’il utilisa lorsqu’il l’a confia à son disciple : « Voici ta mère ». Ainsi réalisa sa mission le Fils de Dieu, né de la Vierge pour partager tout de notre condition humaine – sauf le péché. Au moment du retour à son Père, il donna au monde le sacrement de l’unité du genre humain : une famille rassemblée par l’unité du Père et du Fils et du Saint Esprit , et dont le noyau initial est justement ce lien nouveau entre la mère et le disciple. De cette façon, la maternité divine et la maternité ecclésiale restent liées à jamais.


La force « qui transforme l’homme et le monde »

[…] La première lecture  nous a présenté celui qui peut être l’évangile de l’apôtre des gentils. Tous, même les païens, sont appelés dans le Christ à participer pleinement au mystère du salut. Tout particulièrement, le texte contient l’expression que j’ai choisie comme devise de mon voyage apostolique : « Le Christ est notre paix ». Inspiré par le Saint Esprit, saint Paul dit non seulement que Jésus Christ nous a apporté la paix, mais que Lui est notre paix. Et en versant son sang, en offrant le sacrifice de sa chair, Jésus a détruit l’inimitié et a créé en Lui l’homme nouveau. L’apôtre explique que dans ce sens vraiment imprévisible, la paix messianique s’est réalisée dans la personne même du Christ et dans son mystère salvifique. Il l’explique en écrivant (alors qu’il est prisonnier) à la communauté chrétienne qui habitait ici à Ephèse : « aux saints qui sont à Ephèse, les croyants dans le Fils Jésus », comme dit dans l’adresse de la lettre. C’est à eux que l’apôtre souhaite la grâce et la paix de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus.
La grâce est la force qui transforme l’homme et le monde. La paix est le fruit mûr de cette transformation. Le Christ est la grâce, le Christ est la paix.
Maintenant saint Paul sait qu’il est envoyé pour annoncer un mystère, c'est-à-dire un dessein salvifique qui ne s’est révélé que dans la plénitude du temps et dans le Christ : le fait  que les nations sont appelés dans le Christ Jésus à participer au même héritage à former le même corps, à être participant de la promesse, grâce à l’Evangile. Ce mystère se réalise sur le plan historique, salvifique, dans l’Eglise, peuple nouveau où, une fois tombé le mur qui les séparait, se retrouvent dans l’unité les juifs et les païens. Comme le Christ, l’Eglise n’est pas seulement un instrument d’unité mais elle en est un signe efficace ; et la Vierge Marie, la mère du Christ et de l’Eglise, est la mère de ce mystère d’unité que le Christ et l’Eglise représentent ensemble, et édifient dans le monde tout au long de l’histoire, dit l’apôtre des païens.


 La paix entre toutes les nations

Le Christ a fait des deux, un seul peuple, un unique peuple. Cette affirmation concerne au sens propre les rapports entre les juifs et les païens, et le mystère du salut éternel. L’affirmation cependant peut s’étendre aussi, sur le plan analogique, aux relations entre les peuples et les civilisations du monde. Le Christ est venu pour annoncer la paix non seulement entre les juifs et les non juifs, mais entre toutes les nations, parce que toutes viennent du même Dieu unique créateur et Seigneur de l’univers.

[…] Réconfortés par la parole de Dieu, ici, d’Ephèse, ville bénie par la présence de Marie très Sainte, nous savons qu’elle est très aimée par les musulmans,  nous élevons vers le Seigneur une prière toute particulière pour la paix entre les peuples de cette région, pont naturel entre les continents. Nous invoquons la paix et la réconciliation, tout d’abord pour ceux qui habitent sur la terre que nous appelons « sainte » et qui l’est aussi bien pour les chrétiens que pour les juifs et les musulmans. C’est la terre d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, destinée à abriter un peuple qui sera bénédiction pour le monde entier. Paix pour l’humanité tout entière ! Que la prophétie d’Isaïe puisse se réaliser bientôt : « De leurs épées ils feront des socles de charrues. De leur lances, des faucilles. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation. On ne s’entraînera plus pour la guerre… ». De cette paix universelle, nous avons tous besoin. De cette paix, l’Eglise est appelée à être, non seulement annonciatrice prophétique mais signe et instrument.

Dans cette perspective de pacification universelle plus profonde et intense, vient l’aspiration à la pleine communion et la pleine concorde entre tous les chrétiens. Dans cette célébration sont présents des fidèles catholiques de différent rites, et ceci est une raison de grande joie et de remerciements à Dieu. Ces rites sont en effet l’expression de cette variété dont est habillée l’Epouse du Christ, à condition qu’elle sache aller dans l’unité et vers le témoignage unitaire. Exemplaire dans ce but doit être l’unité entre les membres de la conférence épiscopale, dans la communion et dans le partage des efforts pastoraux.

Les chrétiens, petite minorité

La liturgie d’aujourd’hui nous a fait répéter, comme refrain du psaume, le cantique de louange que la Vierge de Nazareth proclama dans la rencontre avec Elisabeth : le Magnificat. Nous avons entendu les paroles du psalmiste : « La miséricorde et la vérité se rencontrent, la justice et la paix s’embrassent »...  Chers frères et sœurs, j’ai voulu faire sentir par cette visite l’amour et la proximité  – non seulement mon amour et ma proximité spirituels, mais ceux de l’Eglise universelle –  à  la communauté chrétienne qui, ici, est vraiment une petite minorité, et qui chaque jour doit affronter des défis et des difficultés. Avec confiance nous chantons avec Marie, le Magnificat de la louange et du remerciement à Dieu qui regarde l’humilité de sa servante. Chantons le avec joie même lorsque nous sommes éprouvés par les difficultés et les dangers, comme cela se voit dans le beau témoignage du prêtre romain, Don Andrea Santoro
*, que j’aime rappeler aussi dans cette célébration. Marie nous apprend que la source de notre joie et que l’unique soutien est le Christ, et nous répète ses paroles : « N’ayez pas peur, je suis avec vous ».  Et toi, Mère de l’Eglise, accompagne toujours notre chemin. Sainte Mère de Dieu prie pour nous. >>

 

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(*) assassiné par un musulman fanatique à Trébizonde, le 5février 2006. Prêtre fidei donum du diocèse de Rome, le P. Santoro était « prêté » à l’Eglise catholique de Turquie. Le pape avait déclaré, le lendemain de ce meurtre : « Dans l’espoir que son sang devienne semence d’espérance dans la construction d’une fraternité véritable entre les peuples, j’élève de ferventes prières de suffrage pour ce courageux témoin de l’Evangile de la charité. De tout cœur, j’adresse en signe de réconfort la bénédiction apostolique à sa famille, à sa mère âgée si éprouvée et à tous ceux qui en pleurent la disparition violente ».