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26/11/2006

" Le Christ et la politique " : une homélie à Versailles

medium_christ-before-pilate_1_.jpgDans le même sens que l'article du P. Gitton (ma note du 25. 11), ce texte du P. Jean-Marc Bot, curé de la cathédrale de Versailles, aujourd'hui dimanche 26 novembre :


 

 

<<  Dans l'évangile de ce jour Jésus affirme, devant Pilate, que son royaume n'est pas de ce monde. [...]  Le jour de son Ascension il ne répond même pas à ses apôtres qui lui demandent quand il rétablira la royauté en Israël.  Jamais, nulle part, Jésus n'a laissé croire qu'il cherchait à  établir sur la société tout entière un règne juridique avec ses institutions politiques. Il n'a voulu que fonder son Eglise et l'envoyer en mission pour témoigner comme lui.  Il l'a fait sur la base de la conversion individuelle et de la liberté de conscience. Il est venu témoigner de la vérité, non l'imposer par la force. Il l'a payé de sa vie. C'est uniquement de cette manière qu'il a voulu régner dans ce monde temporel. C'est uniquement de cette manière que son Eglise s'est développée, héroïquement, pendant les trois premiers siècles.

Ensuite, à partir de Constantin, est venue la Chrétienté. Pendant plus d'un millénaire, le christianisme s'est imposé comme religion d'Etat sur l'Europe. L'Eglise du Christ a bénéficié d'institutions officiellement chrétiennes. De toute évidence, cette longue période a produit de nombreux fruits d'excellente qualité. Mais peut-on dire que le Christ y a régné, au sens où il parle de son Royaume [...] ? De toute évidence il faut répondre non. D'innombrables chefs d'Etat, officiellement chrétiens, n'étaient pas chrétiens en réalité ; d'innombrables hommes et femmes d'Eglise n'étaient pas disciples du Christ (y compris 39 papes indignes). Jésus avait prévenu que beaucoup viendraient sous son nom en le trahissant... C'est bien parce que ce genre de fausse monnaie ravageait la Chrétienté, que saint François d'Assise reçut du Christ la mission de "relever" son Eglise !

Fêter le Christ-Roi n'est donc pas célébrer avec nostalgie un Moyen Age idéalisé... En fait, le Christ n'a jamais régné sur notre pauvre terre, au sens "politique" du terme. Il n'a aucune intention de le faire. Il commence par régner en partie dans les coeurs et dans les communautés qui se convertissent réellement selon son Esprit, l'Esprit des Béatitudes. Et nulle part ailleurs. Son règne intégral est encore objet d'espérance. Il ne s'établira qu'à la fin des temps.  >>

 

Ce texte, publié en éditorial du bulletin de la cathédrale Saint-Louis, a été complété lors de l'homélie du 26 novembre : le P. Bot a notamment souligné que les "nombreux fruits" de la Chrétienté sont la pléiade innombrable des saints du Moyen Age.

 

 

 

Commentaires

EMANCIPATION DE L'EGLISE

> Le P. Bot exprime magnifiquement ce que je ressens. Nous vivons une époque révolutionnaire. Celle de l'émancipation du discours de l'Eglise par rapport aux considérations profanes.
Merci pour cette note. Elle est à encadrer.

Écrit par : Qwyzyx | 26/11/2006

PACIFIEE ET NORMALISEE ?

> Que cette question est difficile ! Quel mystère nous abordons là ! et quels écueils nous entourent !
Sans aucun doute possible, le ROYAUME DE JESUS CHRIST n’est pas de ce monde !
La collusion du temporel et du spirituel aux « beaux temps » de la Chrétienté médiévale n’était pas évangélique. Elle n’est pas un idéal vers lequel il faut tendre !
Elle s’était établie par « routine » pour ainsi dire, pour continuer vaille que vaille une suppléance de « pouvoir politique » par défaillance de celui-ci : chute de l’Empire, graves désordres, guerres incessantes, invasions, épidémies, famines, etc… La jeune Eglise chrétienne a suppléé au pouvoir défaillant en le remplaçant dans ses tâches les plus humanitaires, puis elle a pris goût à ce pouvoir peu à peu, nommant rois et princes, et elle prit même une fâcheuse tendance à le considérer comme le REGNUM CHRISTI.
Malgré les rappels incessants des saints, des moines, et même des philosophes ( Guillaume d’Occam ) les Cisterciens de St Bernard contre les richesses de Cluny, St François d’Assise, Ste Brigitte, Ste Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Vincent de Paul, François de Sales, etc. etc… sans oublier la querelle des Rois contre la Papauté temporelle….
Tout ceci est connu, et vrai !

Mais la réaction de la Révolution française qui mit une fin brutale à ce pouvoir, en confisquant tous les biens matériels de l’Eglise, par un hold up qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire, pour les transformer en « biens nationaux », puis en assignats, dans une gabegie effrayante, dont profitèrent surtout la bourgeoisie et les petits malins « initiés » comme on dirait aujourd’hui, cette réaction donc par sa violence et ses grossiers appétits, n’a pas résolu, il s’en faut, le problème de la place de l’Eglise dans une société politique.
Plus de deux siècles après la question reste toujours pendante dans notre pays, et dans beaucoup d’autres à l’image du nôtre.
Les lois de 1904/ 1905 furent plus des lois de mise au pas, de spoliation agressive, que des lois issues d’une réflexion juste et approfondie sur la séparation des pouvoirs, l’autonomie du politique, la place du religieux !… Et en 1989 / 90 une donzelle entchadorisée, habilement cornaquée, sema le plus grand émoi dans la République laïque, qui se prit ses pieds laïcistes dans le tapis mahométan.
Et l’affaire n’est pas encore réglée ! on met des cautères, mais on refuse le débat de fond !

Celui-ci est difficile, sans aucun doute, mais ce n’est pas un motif pour le renvoyer en permanence aux calendes grecques.
L’Eglise, ni aucune religion, n’a à régenter le pouvoir politique, qui est autonome dans sa sphère.
Mais on ne peut pas dire non plus que la religion relève du strict for interne, du domaine privé, du goût personnel, comme l’art de se coiffer, de s’habiller ou d’accommoder une choucroute ….
L’Eglise est dans son droit semble-t-il, quand elle revendique le droit d’exercer un magistère spirituel sur ses fidèles à l’intérieur d’un espace de liberté, dans une société civile organisée
Et pour cela, celui d’avoir des biens et des revenus légitimes.
Cela ne peut s’appeler bien sur, le REGNUM CHRISTI ! ni la Chrétienté !
Cela pourrait tout au plus en être une préfiguration, dans le cas d’un fonctionnement harmonieux, entre les fidèles croyants et la société civile.
Mais on est loin en France de cette situation pacifiée, et normalisée,
entre la religion et la République !

Écrit par : clement | 26/11/2006

L'HOMELIE DE VERSAILLES

> Mais le père, dans son homélie (j’y étais), n'a pas été si élogieux sur le Moyen Age et ses nombreux saints, loin de là… Et ses reproches sur cette période de rayonnement chrétien étaient quelque peu exagérés. (sans tomber dans la « nostalgie sur un Moyen Age idéalisé »).
Vous ne soulignez pas dans votre note, lui l'a fait largement (trop ?), les nombreux hommes d'Eglise et rois qui n'étaient pas de vrais disciples du Christ.
Or, il prêchait en la cathédrale Saint Louis…. A-t-il oublié ce saint qui est l’exemple que l’on peut conjuguer règne du Christ et règne politique ?

CC.

[De P.P. à C.C. - J'y étais aussi (le dimanche matin, à la messe de 9h 45) : j'ai entendu en gros ce que j'indique dans ma note, et qui vient du bulletin. Par ailleurs, la cathédrale de Versailles entend chaque année l'éloge de saint Louis, le dimanche de sa "fête différée" (j'y étais aussi cette année).
Me permettrez-vous deux remarques ? D'une part, saint Louis n'était nullement parfait : les saints ne sont pas des gens "parfaits". D'autre part, il a été canonisé pour ses vertus personnelles, non pour le contenu de sa politique...
Mais ce que je voudrais surtout dire, c'est qu'en 2006 la priorité des catholiques n'est pas de parler de saint Louis aux foules amnésiques ou étrangères qui peuplent l'Europe ; elle est de leur faire découvrir Jésus Christ. La nouvelle évangélisation est l'évangélisation d'une société entièrement nouvelle. Et si nous voulons que le Christ "règne" (dans les coeurs), à nous de donner aux autres envie de Le découvrir... Là, on est très loin du "politique d'abord", comme l'a souligné le P. Bot lors de cette homélie retentissante.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : CC | 29/11/2006

ERREURS DE LOUIS IX

> Et sur la politique de Louis IX, il y aurait des critiques justifiées. Ne serait-ce que la calamiteuse expédition de Tunis (1270), après le non moins calamiteux abandon de l'alliance qu'offrait Hülegü, khan des Mongols, pour casser les reins aux forces turques et libérer la Terre Sainte. Comme quoi le règne du Christ dans le coeur du chef d'Etat ne lui donne pas forcément la lucidité géostratégique ! Et comme quoi ce n'est pas pour son bilan royal qu'il a été canonisé.

Écrit par : L. guyomard | 29/11/2006

VIVIFIANTE

> Très vivifiante homélie, cela remet en place beaucoup de choses oubliées par certains et critiquées par les détracteurs. Cela rejoint l'opinion de Machiavel dans Le Prince.
Merci pour cela !

Écrit par : Emmanuel | 05/12/2006

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