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17/11/2006

L'affaire de l'affiche Girbaud : un symptôme de l'air du temps

Pourquoi la Cour de cassation a-t-elle annulé l'arrêt de la cour d'appel, qui condamnait la firme Girbaud (pour offense à la foi des catholiques) ?


<<  PARIS (agences) - La première chambre civile de la Cour de cassation a jugé mardi que l'affiche de la campagne publicitaire des créateurs de vêtements Marithé & François Girbaud, inspirée de "La Cène" de Léonard de Vinci, qui avait été interdite en mars 2005, n'aurait pas dû l'être car elle ne constituait pas une injure envers les catholiques.

Le tribunal de grande instance de Paris, en mars 2005, puis la cour d'appel en avril 2005, avaient estimé au contraire que la pub reproduite sur une bâche géante près de la porte Maillot constituait une "composition parodique injurieuse". Et avaient donc interdit son affichage.

Un arrêt qui a été cassé mardi par la Cour de cassation. Qui n'a cependant pas saisi de nouvelle Cour d'appel pour restatuer sur cette affaire car la campagne publicitaire date du printemps de l'an dernier. Dans son arrêt, la plus haute juridiction estime qu'en l'espèce "la seule parodie de la forme donnée à la représentation de la Cène qui n'avait pas pour objectif d'outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience, ne constitue pas l'injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse".  

La justice avait été saisie par la Conférence des évêques de France (CEF), représentée par l'Association Croyances et Libertés, qui avait soutenu que la publicité faisait "gravement injure aux sentiments religieux et à la foi des catholiques". La campagne des créateurs Marithé & François Girbaud consistait en une photo qui s'inspirait de "La Cène" du maître italien Léonard de Vinci. Seul homme, vu de dos, l'apôtre Jean était vêtu simplement d'un jean, tandis que Jésus et les apôtres étaient représentés par des femmes habillées des vêtements des créateurs. Cette inversion des sexes était un clin d'oeil au best-seller "Da Vinci Code". Dans ce roman, Dan Brown affirme que, sur la fresque de "La Cène", la personne assise à la droite de Jésus n'est pas Jean mais Marie-Madeleine.

 

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>  Mon commentaire :

 

1. S'il n’y a pas d'offense sans l’intention d’offenser, alors il n’y a pas mort d’homme si l’on n’avait pas l’intention de tuer, et une grande firme n’aurait pas dû être condamnée dans l’affaire de l’amiante !  C’est la fin du droit pénal rationnel.

 

2.  Notez un glissement significatif. La CEF parlait d’offense envers « la foi » des catholiques. La Cour parle d’offense envers « les catholiques ». Ce n’est pas la même chose. La Cour adhère donc au communautarisme ?

 

3.  On peut se payer la tête des catholiques alors que l’on veille à ne vexer aucune autre confession. Ceci tient à plusieurs raisons, dont la principale est la mentalité quasi-médiatique répandue dans nos élites : tout doit « changer » tout le temps, or le catholicisme est là (inchangé) depuis 2000 ans, donc il n’est pas conforme à l’esprit du changement perpétuel. *

 

4.  Ce n’est pas une raison, pour les catholiques, de tomber à leur tour dans une attitude de communauté prenant feu et flamme à la moindre atteinte envers ses « valeurs ». Pour le croyant chrétien, la foi n’est pas une « valeur » (qui serait propre à une communauté). Elle est Révélation universelle, destinée à toute l’humanité. Les catholiques ne la considèrent pas comme leur propriété, ni ne la veulent imposer à personne ; quand ils la voient traîner dans le ridicule, ils la défendent pour ce qu'elle est.

 

5.  Il faudra que des chrétiens, parmi les juges, expliquent le contenu de la foi chrétienne. La Nouvelle Evangélisation s’adresse aussi aux grands notables.

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(*) On dira : l’islam non plus ne change pas, et même encore moins !  Sans doute. Mais sa présence massive en France est une nouveauté : donc un changement.

Commentaires

> La lecture de l'arrêt est insuffisant pour se faire une idée.

Il faut lire le le rapport du conseiller rapporteur et l'analyse faîte par l'avocat général pour connaître les moyens de droit qui ont été abordés.

Enfin, on ne connaît pas les arguments soulevés par les avocats de l'épiscopat.

Des traités internationaux ratifiés par la France protège et défendent les religions. Le juge ne peut pas cependant se saisir de moyens de droit qui n'ont pas été évoqués par les parties.

La liberté d'expression pour le livre d'Eva Joly n'a pas bénéficié de la même appréciation.

Écrit par : Qwyzyx | 17/11/2006

> Il reste un recours possible devant la cour européenne des droits de l'homme.

La convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme protège les convictions religieuses.

Écrit par : Qwyzyx | 18/11/2006

L'AFFICHE GIRBAUD

> La seule vue de l'affiche suffit pourtant à identifier une volonté de choquer le "catho". Tous les personnages sont luisants comme le papier est glacé, un choix esthétique "porno chic" a été délibéré. La vue des fesses de l'apôtre Jean dans son blue jean taille basse est aussi de nature à évoquer des relations malsaines dans ce groupe. Tout, dans cette pub, est intention de choquer les catholiques. Il faut être complice ou être niais pour n'y voir qu'un jeu avec Léonard de Vinci. En pleine affaire Da Vinci Code, rien n'est innocent dans cette affiche. Mais à propos, qu'en pensent les autres Eglises chrétiennes ? N'y a-t-il que les catholiques que cela choque ?

Écrit par : Maximilien FRICHE | 18/11/2006

> Je n'ai peut être pas assez bien cherché. Peut-on connaître les références de cet arrêt que je n'ai trouvé nulle part ?

deux remarques :

Un recours est toujours possible devant la cour européenne des droits de l'homme.

La décision doit être appréciée au regard des moyens soulevés par les parties. Quels ont été les arguments des uns et des autres ? Que dit le rapport du conseiller rapporteur ? Quelles sont les conclusions du ministère public ?

Comment se plaindre de la justice ? Personne se s'est particulièrement ému du sort d'Eva Joly, ni de la censure dont a fait l'objet un de ses livres. Il s'agissait aussi de liberté d'expression.

Il existe plein de comportements judiciaires critiquables et connus qui ne sont pas dénoncés ou qui ne reçoivent pas le soutien qu'ils méritent. La Justice est un ensemble. Admettre une atteinte quelconque au principe l'affaiblit définitivement. Nous vivons à l'époque du scandale ordinaire. On ne peut que le regretter. Mais qu'avons nous fait pour qu'il n'en soit pas ainsi ?

O

Écrit par : Qwyzyx | 19/11/2006

INCOMPETENCE

> La 1° chambre civile est incompétente pour apprécier les éléments constitutifs d'une infraction. ce rôle reveint à la chambre criminelle. C'est pourtant ce qu'elle fait en l'espèce à propos de l'injure.
En effet, vous soulignez que : "Dans son arrêt, la plus haute juridiction estime qu'en l'espèce "la seule parodie de la forme donnée à la représentation de la Cène qui n'avait pas pour objectif d'outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience, ne constitue pas l'injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse".
Cette incompétence est d'autant plus flagrante que l'Etat lui même souligne dans ses communications les causes d'aggravation de l'injure quand celle ci vise un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse.
"la loi soumet à un régime particulier la diffamation et les injures visant certaines catégories de personnes (élus, cours et tribunaux) ou groupes de personnes en raison de leur origine ou appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Elles font alors l’objet de sanctions plus lourdes (articles 30, 31)."

Sur : http://www.ddm.gouv.fr/article.php3?id_article=595

Le recours devant la cour européenne des droits de l'homme semble s'imposer encore plus. Cette décision d'une chambre incompétente sur le fond me paraît être une atteinte au droit à un procès équitable.
La justice ne fait que perdre un peu plus de sa crédibilité.
La France est vraiment un pays de confusions.
Ne craignez-vous pas qu'un jour le préfixe suffise à la caractériser ?

Écrit par : Qwyzyx | 19/11/2006

INTENTIONNEL ?

> "S'il n’y a pas d'offense sans l’intention d’offenser, alors il n’y a pas mort d’homme si l’on n’avait pas l’intention de tuer, et une grande firme n’aurait pas dû être condamnée dans l’affaire de l’amiante ! C’est la fin du droit pénal rationnel."
Mais oui, en droit pénal, en ce qui concerne les délits ou crimes, la culpabilité suppose l'intention de commettre le délit. Dans une affaire de manquement aux règles de sécurité ayant entraîné la mort, la culpabilité est dans la négligence de la part de professionnels au courant des dangers. Notez d'ailleurs la différence entre cela et un homicide volontaire.
Je vous renvoie également à l'affaire "Monputeaux" où un blogueur a échappé à une condamnation en diffamation parce qu'il avait rapporté des propos diffamatoires sans intention de nuire, mais en pensant de bonne foi contribuer au débat politique.

C.

[De P.P. à C. - La jurisprudence n'est pas homogène en ce qui concerne l'intention subjective et la responsabilité objective. Cela dit, l'exemple de l'homicide volontaire était inadéquat. Mais celui de l'homicide involontaire est adéquat ! Si tout était ramené au critère de l'intentionnel, la vie en société n'aurait plus de protections judiciaires...]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : Un citoyen curieux | 20/11/2006

MELI-MELO FRANCAIS

> Il n'y a pas de responsabilité pénale sans faute, mais il en existe une pour les fautes "non intentionnelles". Cette nuance permet de sanctionner les conséquences dommageables d'une négligence ou d'une absence de mise en garde ou d'information du "sachant" à l'égard du néophyte.

Il me semble que la signification essentielles de cet arrêt Grinbert est de donner une illustration ultime du méli-mélo judiciaire français (1).

Au delà de la dimension "cathophobe", c'est l'institution judiciaire qui nous confirme son dérapage incontrôlé...(2)

Cet arrêt permet de constater - encore une fois - que la justice profane n'est plus que d'apparence. C'est ce qui doit le plus heurter le chrétien et l'amener à la dénoncer. Parce qu'au-delà d'une institution qui vacille, qui dédaigne les symboles de la foi, il s'agit avant tout d'une marque de mépris pour l'homme que la justice est censée protéger dans son intégrité physique et morale, dont le religieux est une composante. L'humanisme chrétien est - en l'espèce - en mesure de porter une critique constructive.

"...la tentative, portée à l’extrême, de modeler les choses humaines en faisant complètement l’impasse sur Dieu nous conduit toujours plus au bord de l’abîme, vers la relégation pure et simple de l’homme. Nous devrions, alors, renverser l’axiome des illuministes et dire : même celui qui ne réussit pas à trouver le moyen d’accepter Dieu devrait en tout cas essayer de vivre et diriger sa vie veluti si Deus daretur, comme si Dieu existait."

Benoît XVI

(1) dans la mesure où une chambre civile fixe une jurisprudence en droit pénal (l'injure), la Cour de cassation confirme la tendance d'une justice française purement formaliste (en apparence seulement).

(2) après Outreau, l'appel de l'OTS couronné par un réquisitoire inutile, les sanctions symboliques des élus, la démission des juges d'instruction (au sens propre et au sens figuré).

Écrit par : Qwyzyx | 20/11/2006

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