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15/11/2006

Pour se libérer du nouveau ‘‘contrôle de l’intimité’’

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 Nouvel écho au débat de société sur une « théologie de la libération ». C’est un livre de Roland Gori et Pierre Le Coz :


 

 

 

Le psychopathologiste Roland Gori, professeur à Aix, est le co-auteur d’un essai  intitulé L’empire des coachs : une nouvelle forme de contrôle social.* 

Qu’est-ce que le coaching ? Pour les « coachs », c’est un métier. Pour les « coachés », c’est une mode de masse : notre ami le coach nous aide – contre rémunération – à affronter la société d’aujourd’hui, cette jungle où chacun est tout seul.

 

LE COACHING ENVAHIT L’EXISTENCE PRIVEE

Dans les années 1970, le coaching était l’art de préparer le « mental » des sportifs, comme si leur psychisme était une batterie d’appoint.

A partir de 1990, le coaching gagne le monde de l’économie.  L’un de ses objectifs est d’adapter le salarié à l’exigence de la performance croissante. C’est l’époque où l’entreprise prétend changer de « culture interne » : fini l’autoritarisme, vive la créativité. Les managers voudraient « faire en sorte que les autres fassent ce que vous souhaitez qu’ils fassent, sans que vous ayez besoin de le leur demander », résume le sociologue Olivier Cousin. Et pour cela, il faut « mieux les connaître, mieux se connaître soi-même, psychologiser les rapports sociaux… »

Après l’an 2000, le coaching déborde dans les domaines de l’existence privée. Selon le site Coaching éthique,  le « coaching personnel »  aide à « gérer les crises de la vie, à surmonter un deuil ou un divorce, à équilibrer travail et vie privée, à réussir son couple et sa famille, à trouver un sens, à découvrir et à réaliser son projet de vie, à trouver sa vocation,  à mieux vivre en tant que parent seul, à sortir du célibat, à réussir ses relations affectives, à régler les problèmes de fond du quotidien, à atteindre vos objectifs, à réaliser vos rêves d’une vie meilleure et satisfaisante ».

Le coaching serait donc indispensable à la vie quotidienne de chacun ? C’est une prétention inquiétante.

 

SOFT COACHING, HARD COACHING

Quel est en effet le but du coaching ? La question a deux sortes de réponses selon le genre de cabinet que vous interrogez.

Réponse soft : « Nous sommes là pour aider à améliorer vos rapports humains, pour vivifier votre créativité. » 

Mais il y a une réponse hard, subliminale : « Nous sommes là pour vous armer d’une stratégie individuelle. Vous êtes le seul et unique responsable de ce qui vous arrive. Donc adaptez-vous. Si vous n’avez pas la solution, c’est que vous êtes le problème. A vous de changer ! Soyez flexible et séduisant, sinon vous serez mauvais. Donc perdant. C'est-à-dire viré… »

Mais si nous étions virés quand même, quoique flexibles et séduisants ? 

« C’est toute la question de l’évaluation du travail », constate Cousin : « on vous demande d’y mettre une part de vous-même, de votre subjectivité, mais les salariés s’aperçoivent qu’ils ne sont jamais évalués sur ces critères. » 

« Communiquer », « participer » , « prendre l’initiative », « se mobiliser »,  toutes ces « potentialités » que le coaching  nous apprend à « éveiller en nous »  seraient ainsi un nouvel opium du peuple.

Est-ce vraiment là l’esprit du coaching ? Oui, dit le Pr Gori. 

« Non ! », protestent plusieurs cabinets : selon eux, « il existe des coachs humains, chrétiens, cultivés, respectueux des nuances de la vie personnelle... »

Je connais des cabinets de ce type. Mais ce qu’ils pratiquent est l’aide à la reconstruction intime de la personne, à la lumière de l’humanisme chrétien. C’est très différent du coaching que critiquent les auteurs de L’empire des coachs.

 

« P.N.L. »  ET  « LIFE COACHING »

Ce coaching-là fait partie d’un climat discutable : le life-coaching (« apprendre à gérer sa vie »), par exemple, est aux antipodes de la vision chrétienne de l’existence. Il vient de la vogue du « développement personnel » qui a déferlé sur l’Occident avec ses techniques mentales étranges. Ainsi la « programmation neuro-linguistique », ou PNL, se présente comme un « mode d’emploi du cerveau,  au carrefour des neurosciences, de la psychologie, de la cybernétique, de l’intelligence artificielle et de l’anthropologie ». La PNL veut nous rendre capables de « choisir nos émotions », de « fonctionner en haute performance ». Son principe : l’homme n’opère pas à partir de la réalité mais de l’idée qu’il s’en fait ; donc tout est possible à chacun, il suffit de le vouloir. La vie devient un jeu vidéo.

« La PNL existe depuis vingt-cinq ans. Elle est utilisée par les plus grandes entreprises comme par des centaines de PME, par des sportifs de haut niveau mais aussi par des enseignants et des parents pour l’éducation des enfants de tous âges, comme par des milliers d’autres gens de tous horizons », explique un site de coaching.

La profession de coach n’est pas réglementée. N’importe qui peut ouvrir un cabinet et se faire une clientèle de jeunes managers désorientés, rejetons de parents soixante-huitards qui ne leur ont légué aucun repère. Selon le sociologue Jean-Claude Kaufmann (LeMonde.fr), « c’est devenu très compliqué d’être une personne. Cela exige un changement constant et très profond. Il y a 50 ans, l’individu était porté par les institutions. Aujourd’hui, pour développer son efficacité, il a besoin d’outils nouveaux, de services, de conseils et d’expertise. C’est là que le coach intervient. » L’individu lui dit : « Délivrez-moi de ce travail insupportable d’être moi-même, et dites-moi ce que je dois faire pour m’en sortir. »

Tout le problème est là… Dans une société où le prêtre n’a plus voix au chapitre, on voit se lever une armée de nouveaux directeurs de conscience. Une coach lucide les nomme, dans un autre livre, « les managers de l’âme ».

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(*) par Roland Gori et Pierre Le Coz   (Albin Michel).

 

 

Commentaires

CHATEAU D'IF

> L'individualisme moderne est comme le château d'If au large de Marseille: une forteresse impressionnante sur son île, vue de l'extérieur, mais vide à l'intérieur.

Écrit par : BH | 15/11/2006

RESPONSABLE

> Estimez-vous que l'individu n'est pas responsable de ce qui lui arrive ?

A.P.


[De P.P. à A.P. - Gori et Le Coz ne disent pas que l'individu n'est responsable en rien. Ils disent, et c'est le bon sens, que l'individu n'est pas responsable de tout ! L'ultralibéralisme dit, comme Nietzsche, "il ne nous arrive que ce qui nous ressemble". C'est une belle maxime. Il suffit de lire la presse économique pour constater qu'elle est fausse.]

Cette réponse s'adresse au commentaire

Écrit par : A. Poirier | 15/11/2006

ORPHELINS DE L'AME

> Le coaching est un remède de plus pour les orphelins de l'âme.
Il y a eu la vogue du "coaching managérial" style Jacquet et sa vidéo sur la préparation de l'équipe de France du mondial 98. 2002 est venu un peu calmer les enthousiasmes... Domenech est un adepte d'astrologie. Pourquoi pas puisque Mitterrand consultait Elisabeth Tessier ?
Quant à Nietzsche, ne s'est-il pas contenté de constater la "mort de Dieu" pour en annoncer les conséquences funestes - ce que certains refusent toujours d'admettre . Mort métaphorique puisque le philosophe nous dit qu'il se dépouille seulement et qu'il demeure par delà le Bien et le Mal.
Le nihilisme met plus les hommes au défi de se dépasser, de relever leurs propres imperfections, qu'il n'atteint le principe divin.
C'est pourquoi ils s'abandonnent aux illusions d'une science perfectible pour se rassurer de ne pas s'être trompés (il y aurait comme un doute... Descartes ?).
La psychanalyse et ses querelles (Lacan, Jung, ...) la psychologie et ses contraditions (behavioriste, cognitif, ..), la sophrologie, la PNL, le coaching sont autant de modes onéreuses et lucratives dont la succession démontre l'insatisfaction de l'homme (1) à propos des ersatz qu'il s'invente pour se convaincre de l'inutilité de Dieu, pour se rassurer sur sa prétention à pouvoir Le remplacer, à s'En passer. Les sectes bénéficient de cette dérive pour se dissimuler et promettre des guérisons en tous genres, profitant de cette crédulité (2) qui favorise plus le charlatanisme que la raison.
Ce n'est pas la première fois, Dieu en a l'habitude (cf. Ancien Testament)

(1) sans parler de la tendance à instrumentaliser la médecine - ou ses avatars - à des fins arbitraires ou totalitaires (psychiatrisation des relations de travail, de la répression étatique, ...)

(2) aboutissement de la conception matérialiste de la vie.

Écrit par : Qwyzyx | 15/11/2006

"TOTALITARISME MARCHAND"

> Le coaching, finalement, c'est apprendre à vivre (ou survivre?) dans une société qui n'a plus que l'argent et l'apparence et donc la nécessité d'être performant et sûr de soi, comme valeur. Ne pensez-vous pas que c'est dû, entre autre, au vide éducatif (dans tous les sens du terme: spirituel, moral, affectif, psychologique etc.) que la génération de 68 a transmis à ses enfants, qui sont maintenant les trentenaires et les quadras , qui ont recours à ces "coach"? Il serait intéressant de savoir combien de croyants utilisent leurs services. En tout cas, le totalitarisme marchand se répand et seule l'Eglise apporte une réponse.

Écrit par : vf | 16/11/2006

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