Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/10/2006

L'islam, première religion en France ? Cette question mérite d'être posée

Un prof du public nous écrit :


Je reproduis ici un message (envoyé à ce blog) qui va, à sa manière, au centre du problème

[de : ren']

<<   Témoignage d'un prof catholique en collège public, travaillant avec des ados, et qui ne peut que constater le décalage entre "la messe, c'est chiant" et "le ramadan, j'en suis fier".

-  Du côté chrétien :

Beaucoup de chrétiens de France, usés par le retour de manivelle d'une République qui se défendait contre le "royal-catholicisme" (aussi charitable que le récent "catho-franquisme"), ont -sauf exceptions- honte de leur religion.

Soyons honnête. Trop souvent, la messe   - pratique la plus visible -   est une épreuve (musicale, en particulier...) ; alors que la beauté (qui peut être simple !), ça compte. Influencés par notre société individualiste, combien sommes-nous également à ne même pas nous dire bonjour le dimanche ? La communauté (sans "-isme"), ça compte.

Des efforts existent... Bien insuffisants.

-  Côté musulman ? Le ramadan est avant tout un signe identitaire. Il y a également un côté "démonstration de virilité" dans les "quartiers" (qui amène à cette pratique des ados non-musulmans)...

Mais il y a aussi une fierté légitime, fierté d'avoir des valeurs (très proches des nôtres) qui s'expriment dans une religion qui n'a pas honte d'elle-même. >>

r.


[de P.P. à R. -  Je vois la situation un peu comme vous, bien que je ne croie pas que les valeurs de l'islam soient "très proches des nôtres" (elles sont d'une autre nature). Le centre nerveux du problème est dans la déprime d'une partie des milieux sociologiques catho, en France et dans le reste de l'Europe.
Mais tous ne sont pas déprimés.
Certes il y a des dormeurs qui continuent à somnambuliser comme dans les années 1970-1980 : les uns se prenant pour les pionniers d'un "christianisme adulte et pluriel" (mais vidé et honteux) ; les autres repliés sur eux-mêmes comme une réserve d'Indiens.
Cependant il y a aussi des éveillés :
- les uns sont étiquetés (à tort) " religieusement conservateurs" parce qu'ils marchent avec le pape : mais ils ont compris l'urgence de lancer des passerelles par dessus l'abîme séparant la foi chrétienne et les gens d'aujourd'hui, parqués dans la société matérialiste mercantile. Et pour lancer des passerelles, il va falloir changer de langage (et de façon de présenter la foi).
- Les autres viennent de ce qu'on appelait naguère le "progressisme" : mais ils ont compris qu'un christianisme vide (tendant vers "plus de christianisme du tout", selon le mot terrible de Mgr Cattenoz) n'intéresse personne, et que c'est une des raisons de la désertification des églises. (Autre raison : la médiocrité liturgique, que vous définissez parfaitement dans votre message).
- Ces "éveillés" des deux origines ont vocation à se retrouver et à travailler fraternellement ensemble. Rien n'est plus urgent que de créer ce creuset. ]

 

Commentaires

HEDONISME ET RAMADAN

> Je me rappelle le commentaire de Roger Arnaldez, l'un des meilleurs spécialistes français de l'Islam: l'Islam et l'Occident ne sont pas deux civilisations, mais deux possibilités de la même civilisation. Et il ajoutait: c'est une histoire de famille, mais les histoires de familles, les guerres civiles sont souvent les plus acharnées.
Je n'adhère pas à l'expression "choc des civilisations"; je préfère "choc" à l'intérieur de la même civilisation.
Je me rappelle aussi le discours prononcé il y a quelques mois par René Girard à l'Académie française, où il constatait "l'épuisement des Lumières". Le laïcisme incantatoire des médias et des politiques en est le signe; il dérape sur les problèmes posés par l'Islam.
Le ramadan est de plus en plus suivi chez nous. Mais c'est encore un ramadan d'hiver avec des nuits relativement longues. Il glisse d'année en année vers les mois d'août, juillet, juin. Qu'en sera-t-il à ce moment-là ?Il y aura un choc entre "l'hédonisme" et la rigueur du ramadan.

Écrit par : BH | 15/10/2006

DEUX CREUSETS NECESSAIRES

> Bonjour.

- Je suis très conscient des différences entre islam et christianisme. Lors de notre échange autour de Mme Jefferts Schori, je notais par exemple l'écart qui existe à mon sens entre la fixation définitive des rites par le prophète de l'Islam, "sceau des prophètes" (Coran XXXIII, 40) et la foi chrétienne en l'action de l'Esprit Saint, notre attachement à la personne vivante du Christ, etc.
Islam et christianisme sont des religions différentes, parfois inconciliables : le refus de la crucifixion de Jésus (Coran IV, 157) en est l'exemple le plus incontestable.
Cette incapacité à comprendre comment Dieu peut permettre que "le Messie, Jésus, fils de Marie, illustre ici-bas comme dans l'au-delà, et l'un des rapprochés d'Allah" (Coran III, 45) puisse subir "l'ignominie ici-bas" (Coran V, 33) est d'ailleurs à mes yeux une chance pour nous, chrétiens, qui oublions parfois que "nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés (...) puissance de Dieu et sagesse de Dieu" (1 Corinthiens I, 23-24).
- Mais Islam, Christianisme et Judaïsme ont une proximité réelle. Ces musulmans qui ont "en estime la vie morale" et qui rendent "un culte à Dieu, surtout par la prière, l'aumône et le jeûne" (Vatican II) ont des valeurs similaires aux nôtres.
Si, par exemple, on reproche au Coran l'affirmation suivante : "Les serviteurs du Tout Miséricordieux sont ceux (...) qui, lorsqu'ils dépensent [en aumônes], ne sont ni prodigues ni avares mais se tiennent au juste milieu" (Coran XXV, 63 et 67) en la rapportant à l'évangile de ce matin, "une seule chose te manque ; va, ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, suis-moi" (Marc X, 21), soyons honnête : combien sommes-nous à réagir comme ce jeune homme qui avait "de grands biens" ? C'est là que je parle de "valeurs très proches des nôtres".
- Aussi quand vous parlez de "créer ce creuset" entre "éveillés des deux origines", je repense à cette autre phrase du Concile appelant, avec les musulmans, à "protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté".
Votre "creuset" est nécessaire ; celui que j'évoque l'est également. Pour "apprendre, au centre de soi, à s’observer dans le miroir de la critique et apprendre, plus profondément encore, à se décentrer suffisamment pour s’engager avec l’autre dans le miroir de ses valeurs et de nos espérances communes" (Tariq Ramadan).
Je ne fais pas une apologie du relativisme ; je dis simplement que le miroir de l'autre nous aide à devenir véritablement des chrétiens, dans toute notre spécificité.

Écrit par : Ren' | 15/10/2006

A REN', SUR LE CORAN ET JESUS-CHRIST

> Votre analyse du monde ado dans lequel vous semblez baigner est intéressante et d’une observation juste, bien que partielle…
Mais vos conclusions sur les similitudes et les «confraternités » de l’Islam et du Christianisme sont fortement tendancieuses, ou sollicitées comme vous voudrez !
« Valeurs très proches des nôtres », comme vous y allez ! ……
S’il n’y avait que la négation du Crucifiement de Jésus, ce serait déjà beaucoup, mais ce n’est que le petit bout de la lorgnette ! ……
Dans le Koran, l’image de Jésus apparaît comme hors de l’espace et du temps, sans allusion au pays d’Israël, la Palestine. Sa naissance « miraculeuse » [ en quoi ? pourquoi ?..] au pied du palmier, dans le désert, ses miracles (il anime un oiseau modelé dans l’argile) sortent directement des évangiles apocryphes des premiers siècles chrétiens. Sa mort tragique, son message si particulier, le choix de ses disciples et la fondation de son Eglise sont totalement inconnus dans le Koran.
Bref, il est plus un mythe qu’un prophète réel.
Dans le même ordre d’idées, savez-vous que Agar, mère d’Ismaël, et seconde épouse d’Abraham, n’est jamais nommée dans le Koran ? Voilà une femme qui aurait pu y trouver place assez naturellement……. Absence bien étrange ! Et l’image donnée d’Abraham n’est pas moins curieuse ! On ne voit pas qu’il ait été le « fondateur de l’Islam » :
« Abraham n’était ni juif ni chrétien, mais était un vrai croyant soumis à Dieu. Il n’était pas au nombre des polythéistes » [ Koran III, 67 ]
Parmi d’autres réalités méconnues en ce domaine, savez-vous que le nom de Jérusalem est mentionné plus de sept cent fois (700) dans l’Ancien Testament, et qu’il n’est pas cité une seule fois dans le Koran ! Et Mohammed n’a jamais mis les pieds à Jérusalem.
Quant à votre citation de Tarik Ramadan, elle est éclairante en effet, et constitue à elle seule un beau miroir... aux alouettes, pour faire des « chrétiens dans toute leur spécificité ».

Écrit par : clément | 16/10/2006

L'ISLAM MONTRE-T-IL UN CHEMIN ?

> La montée de l'islam en France est-elle le problème des catholiques ? Non. Il s'agit surtout d'une conséquence poltique de deux cents ans d'antichristianisme.
Il ne faut pas que les catholiques soient pris en otage par ce discours nationaliste qui, de toutes les façons, n'a aucune considération pour eux.
La montée de l'islam doit être analysée à la lumière de la confusion des notions qui caractérise l'avènement et la consécration de la laïcité. La Nation s'est construite sur l'éradicatioin de la religion catholique. L'islam occupe l'espace vide ainsi créé.

L'islam amplifie l'inquiétude chez les athées parce qu'elle est une religion importée. Cet élément d'extranéité s'oppose encore plus durement au réflexe laïque qu'ile st ressenti comme une menace à l'unité nationale catophobe. Il ne faut pas oublier que la religion catholique elle même est suspecte d'obéir à une puissance étrangère malfaisante dans le discours illuministe qui fonde la doctrine poltique française (ultramontanisme) (1).

D'une certaine manière, l'islam montre le chemin à suivre aux catholiques. Si les catholiques souhaitent vivre leur foi, ne doivent-ils pas apprendre à s'émanciper ?
Le croyant recherchera en conscience s'il préfère sa foi ou sa nationalité quand la conciliation des deux pose un problème comme il existe en France et que cela lui impose finalement de faire un choix. Ce pays laïque doit être mis face à ses responsabilités et assumer les conséquences de son intolérance religieuse.

(1) lire à ce sujet Alain Bauer : "Le crépuscule des frères".

Écrit par : Qwyzyx | 16/10/2006

REN' REPOND A CLEMENT

> Entre deux cours, une réponse au message de Clément : «Valeurs très proches», je l'affirme, en effet, dans la lignée du document de Vatican II que je citais, citations dont l'introduction est : "L'Eglise regarde aussi avec estime les Musulmans" ...Nous parlons là de nos frères musulmans, non du Coran.

A leur contact, on peut en effet être confronté aux divergences telles que celles que vous évoquiez : à nous alors de savoir justifier notre espérance "avec douceur et respect, en ayant une bonne conscience" (1 Pierre III, 16). Et s'il nous faut faire l'effort de redécouvrir nos racines -scripturaires en particulier- pour être capable de le faire, n'est-ce pas positif ?

Une élève me demandait il y a quelques jours : "Pourquoi vous ne faites pas le ramadan ?" ; je lui réponds que je ne suis pas musulman, elle me dit que je peux le faire quand même. Je lui ai alors dis que, tout en respectant sa pratique, je croyais en autre chose. Cette jeune musulmane n'y a rien trouvé à redire, car pour elle "avoir la foi" est une valeur.

Alors que pour notre société matérialiste, c'est le comble du ridicule. Tout au plus (comme le disait un ministre-express adepte des beaux logements payés par le contribuable), la religion est-elle une "tradition".

Quant à ma citation de Tariq Ramadan, elle était -de fait- un brin provocatrice. Je lis les articles de cet intellectuel musulman sur son site depuis une émission pitoyable sur TF1 où il avait été instrumentalisé pour mettre en valeur notre représentant national du nettoyage à haute pression.

Ces articles sont suivis par beaucoup de musulmans, il importe à mon sens de les connaître. D'autant plus que le point de vue qui y est développé est très loin des mensonges diffusés dans les médias français : il y a une véritable invite à un islam européen tourné vers l'avenir.

Écrit par : Ren' | 16/10/2006

Réponse à ren’


> « Réfléchir » sur l’Islam en cherchant à faire comme si le Koran n’existait pas, est peu sérieux
Courir après le mythe de l’Islam modéré risque de conduire à de graves et dangereux impasses
Evidemment que nombre d’internautes suivent les élucubrations de Tarik Ramadan….
De là à faire de ceci une référence de dialogue islamo-chrétien, c’est de l’équilibrisme œcuménique, et les cathos dans votre genre risquent fort d’être les premiers à chuter dans le vide
Bien sûr que votre élève « respecte » votre foi, cela ne lui coûte qu’un mot… Mais qu’elle vous ait invité à faire le ramadan avec elle, en toute sincérité, montre bien la conscience qu’elle a de la supériorité de sa religion sur la vôtre, et du peu de cas qu’elle fait d’un éventuel « dialogue » qu’elle estime tout à fait inutile. L’important est d’embarquer le « mécréant » à se soumettre. Quelle victoire aux yeux de ses frères si elle y était parvenue !!.....

Votre interprétation de la Déclaration de Vatican II « Nostra Aetate » Déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes, est intéressante, sans doute, mais on ne peut pas dire que cette déclaration de bienveillance aille très loin dans un dialogue constructif et novateur : n’importe quelle association humanitaire appellerait aussi à la « compréhension mutuelle, à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté » (§03)
Quant à la « repentance » exprimée au détour de quelques phrases, mieux vaut n’en rien dire, étant donné que c’est un article de mode très tendance depuis quelques années…
Sinon qu’il est toujours à sens unique, et que la réponse de l’Islam et des musulmans à cette proposition pleine d’aménité, est invariable depuis des siècles…… L’actualité la plus récente nous en apporte des preuves chaque jour.
N’est-ce pas là un bel exemple de ce qu’on appelle « La tradition » ?

Écrit par : clément | 16/10/2006

L'EGLISE "REGARDE AVEC ESTIME LES MUSULMANS"

> Clément s'interrogeant sur mon "sérieux"... Je n'ai jamais parlé de réfléchir sur l'Islam sans le Coran ; je connais d'ailleurs ce livre mieux que bien des musulmans. Mais j'appelle à réfléchir sur l'Islam en ouvrant les yeux sur sa complexité : l'Islam est multiplicité !
M. Ramadan n'est certes pas une figure du dialogue islamo-chrétien (rien à voir avec le cheikh Bentounès, par exemple), mais ses propos ont une portée, chez les musulmans francophones, qu'il ne faut pas négliger. Il est comme un catholique qui, ne pouvant nier que le Concile de Trente permet la peine de mort (chapitre XXXIII, §1), défend cependant la nécessité de l'abolir aujourd'hui. Il refuse de rejeter le corpus que sa tradition lui a transmise, tout en appelant à une évolution. Parler "d'élucubrations", c'est jouer le jeu des extrémistes.
Quant au respect de ma foi par cette élève, il est réel, loin de la vision caricaturale que vous présentez ; libre à vous de ne pas y croire, mais c'est la vérité. Mon anecdote n'est d'ailleurs qu'un exemple parmi d'autres.
Dans le phénomène "Islam", il y a des êtres humains. Et les êtres humains sont riches et complexes. Si "l'Eglise regarde aussi avec estime les Musulmans", c'est bien parce qu'il y a davantage en eux que le Coran.

Écrit par : Ren' | 16/10/2006

Les commentaires sont fermés.