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29/08/2006

Europe, terre de mission

Un colloque de théologiens, à Paris, semble avoir posé plus de questions qu'il n'a ouvert de pistes...


Le 28 août, à Paris, s'est achevé un colloque de sociologues et de théologiens européens, catholiques, protestants et orthodoxes, sur le thème : Penser la mission dans une Europe marquée par les Lumières.

C'est vrai : l'Europe est devenue terre de mission. La foi chrétienne, aujourd'hui, y est la grande inconnue.

(On peut se demander pourquoi le colloque a mis cette Europe-hypermarché sous le patronage des Lumières du XVIIIe siècle...  Cela tient peut-être à une envie rétrospective de "se réconcilier avec les Lumières" ; envie qui reste forte chez certains universitaires chrétiens. A en croire la presse, l'un des invités catholiques - emporté par ce désir de réconciliation tardive  - aurait  affirmé  que les Lumières n'avaient pas été  "antichrétiennes", et qu'elles s'étaient bornées à refuser "le pouvoir de l'Eglise" ;  propos lénifiant  qui fera sourire les historiens s'il a vraiment été prononcé.  D'autres intervenants ont été plus nuancés :  ils savent, comme l'écrivait naguère le cardinal Lustiger, que les inhumanités du XXe siècle prirent racine en partie dans l'idéologie du XVIIIe, porteuse d'une conception prométhéenne).

Mais là n'est pas l'important. Ce qui compte est l'analyse de la société de 2006. Selon la presse, "durant ces quatre jours, les intervenants ont cherché à redéfinir le rôle de la mission face à une situation religieuse inédite en Europe, qui fait de ce continent un cas particulier à l'échelle mondiale."

Nombre d'intervenants ont "plaidé pour une mission qui ne se place pas dans un rapport d'opposition à la culture qui est résultée des Lumières".  (La société actuelle n'est-elle vraiment que le produit des Lumières ? Vision d'enseignants, bien éloignée de ce qui se vit réellement aujourd'hui !). "Le pire serait un retour à l'irrationnel sous toutes ses formes, y compris de religiosité", a souligné un universitaire, prêtre d'un des diocèses de la région parisienne...  Il était apparemment d'accord là-dessus avec l'encyclique Fides et Ratio.  Mais que voulait-il dire au juste ?  Qu'appelle-t-il, lui, "irrationnel"  ?  Où situe-t-il les sources de l'irrationalisme actuel (*) ? Cet irrationalisme réduit l'humain aux sensations et aux émotions : c'est la marque du matérialisme ambiant, et c'est une déshumanisation en même temps qu'un facteur de déchristianisation ; mais ce matérialisme a des causes économiques et commerciales. Et il produit une "culture de mort" (dixit Jean-Paul II), devant laquelle le christianisme doit prendre ses responsabilités ! Au lieu d'acquiescer à cette culture-là, les chrétiens doivent être le ferment d'une contre-culture : non pas négative ou seulement critique, mais une culture créatrice, un témoignage d'humanisme plénier. Montrer que l'humanité nouvelle éclôt dans le Christ, c'est un boulevard qui s'ouvre à l'évangélisation et à la mission. Mais à condition de le voir et de le vouloir...

 

ps/ Selon la presse, le colloque a parlé de "la réalité plurireligieuse de l'Europe". C'est effectivement une réalité.  Mais on s'étonne que Grace Davie, sociologue des religions, ait dit que la distinction entre espace privé et espace public est remise en cause par  "l'arrivée sur le sol européen de croyants, musulmans ou chrétiens, n'ayant pas la même conception de l'espace public". Mme Davie devrait nous dire où elle a vu des immigrants chrétiens nier la distinction entre espace public et espace privé...

Toujours à propos de la "réalité plurireligieuse" en Europe :  les débats (nous dit la presse) ont "souligné l'importance d'aller à la rencontre des autres croyants". Sans doute. Il est plus facile de parler de nobles choses, avec un ami musulman érudit, que de subir un collègue de bureau matérialiste  qui se paie notre tête près de la machine à café. Mais si "mission" nous avons, elle consiste  aussi à évangéliser le matérialiste... Gardons-nous d'une polarisation exclusive sur le "dialogue inter-religieux", qui, chez beaucoup d'entre nous, a remplacé le goût d'évangéliser.

P.P.

(*) Sur le problème de l'irrationnel aujourd'hui, et sur ses causes économiques et commerciales, voir dans ce blog : note du 3.07, note du 26.06, etc. La note du 3.07 (mise en ligne initialement sur le site "Décryptage") a été publiée dans le numéro d'été de la revue  Liberté politique, pages 5 à 7.

 

 

Commentaires

> L'idée de contre-culture est "un boulevard pour l'évangélisation". C'est vrai. Le choix n'est pas entre le ghetto-catho et la soumission au matérialisme cheap ambiant, même repeint aux couleurs des "Lumières" (pauvre Voltaire). D'ailleurs l'idée de contre-culture germe actuellement aussi chez les protestants (Radical Orthodoxy) et chez les orthodoxes (message du patriarcat de Moscou sur l'Europe).

Écrit par : Lobo | 29/08/2006

> Le prêtre universitaire semble confondre, à mon avis, l'irrationnel avec le spirituel.
Pour avoir eu la chance de discuter avec un enseignant de l'université Al Azhar du Caire, je peux confirmer qu'il est plus facile de parler à un musulman qu'à un laïque de la religion, et que le dialogue interreligieux est une façon d'éclipser le véritable problème qu'est la disparition de la foi et son corollaire, le respect de la personne humaine.

Convertir un matérialiste près de la machine à café, effectivement, pose la véritable difficulté de la mission évangélique. Parler de Dieu à quelqu'un qui ne sait même pas apprécier le café au point d'accepter de boire un breuvage insipide et d'en tirer une satisfaction est un défi. Comment parler d'espérance à quelqu'un dont la conception matérialiste du bonheur semble résider dans la résignation par l'acceptation d'une certaine médiocrité ? C'est un peu méchant, mais il me semble que c'est bien en ces termes que se pose la difficulté d'un éventuel dialogue.
Je me demande cependant si on ne prend pas le problème à l'envers en voulant convertir par le discours. Ne faudrait-il pas tout simplement que les croyants fassent savoir qu'ils sont très heureux de l'être, pour que ceux qui ne le sont pas s'interrogent ?

Écrit par : Qwyzyx | 29/08/2006

> Bonjour,
Parlant d'évangéliser par la culture, j'avais écrit un billet là-dessus il y a quelques mois:
Quelle future culture catholique ?
http://dieu-seul.blogspot.com/2006/05/quelle-future-culture-catholique.html
L'idée est grosso-modo que la culture catholique est à réinventer, puisqu'elle est noyée dans le flot d'informations, de relativisme et de culpabilité.

Écrit par : Mickaël | 29/08/2006

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