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17/08/2006

Benoît XVI, et les médias toujours obliques

medium_tv1_1_.jpgL'interview allemande de Benoît XVI, et ce qu'on en fait à Paris...


 

 

Le site vatican.va  tardant un peu à mettre en ligne les événements, c’est dans Le Monde (15. 08. 06) qu’il faut aller chercher un coup d’œil sur l’entretien du 13 août, donné par Benoît XVI aux télévisions allemandes un mois avant son voyage en Bavière :

 

<<  …C'est un "manifeste" autant qu'un entretien, écrit Mario Politi dans La Repubblica du 14 août. Le pape exprime son anxiété devant le recul de la foi chrétienne en Europe, face à la "polyphonie" des cultures et des religions. Mais il refuse tout discours crispé, comme celui qui était reproché à Jean Paul II : "Le christianisme n'est pas une somme d'interdits, mais une option positive." On avait déjà senti cette réorientation aux Journées mondiales de la jeunesse de Cologne, il y a un an, puis lors de sa visite à Valence (Espagne) en juillet. Cet entretien a valeur de confirmation.

Benoît XVI convient qu'il est "difficile de croire en Dieu", à cause de "la vague drastique de sécularisation et de laïcisme". C'est particulièrement vrai pour l'Occident, qui se trouve menacé dans son identité : "L'Occident est fortement touché par d'autres cultures, où l'élément religieux est très marqué, et qui sont horrifiées par la froideur qu'elles constatent en Occident à l'égard de Dieu." Le pape ne désigne pas l'islam, ni les spiritualités orientales, mais le décryptage est aisé.

Il cherche à se rassurer en constatant un "retour" du religieux chez les jeunes qui expriment "le besoin de quelque chose de plus grand" que la société matérielle. Il y a donc une chance à saisir, observe-t-il : l'Eglise doit changer la forme de son discours et mettre l'accent sur la "formation" plutôt que sur la norme morale.

Par exemple, à propos du sida, de la contraception ou de l'explosion démographique - des sujets dont l'opinion ne retient que le désaveu par Jean Paul II du préservatif -, le successeur du pape polonais explique : "Si l'on enseigne seulement la façon de construire et d'utiliser des techniques - par exemple le mode d'emploi des contraceptifs -, alors il ne faut pas s'étonner si l'on se retrouve avec des guerres ou des épidémies de sida. Il faut, dans le même temps, former les cœurs, c'est-à-dire permettre à l'homme d'acquérir des repères, et lui apprendre à employer correctement les techniques."

Autre chance selon lui : le basculement démographique du christianisme (2 milliards de fidèles), désormais plus nombreux dans l'hémisphère Sud. "Nous ne devons pas capituler, nous plaindre en disant que nous ne sommes plus qu'une minorité, conclut Benoît XVI. Essayons de sauvegarder notre petit nombre et de nouer des relations, afin de recevoir des autres des forces nouvelles. De plus en plus de prêtres indiens et africains viennent en Europe ou au Canada !" Sortir de la tentation du repli qui guetterait les catholiques : ce message du pape est un tournant. >>

 

Six réflexions sur ce qui précède :

 

 1.  Lisons les discours de Jean-Paul II, en particulier ceux qui ont trait à la sexualité humaine (cf. le livre d’Yves Semen) : aucune « crispation » dans la pensée wojtylienne.  Sa positivité sur la sexualité lui était même reprochée – et avec  violence – par les théoriciens anticonciliaires ! Pourquoi ce journal parle-t-il de « crispation » ? Parce que c’est le mot-valise, obligatoire, dont toute la presse doit  se servir chaque fois qu’il est question du versant moral du catholicisme.

 

2.  « Le christianisme n’est pas une somme d’interdits,  mais une option positive » :  Benoît XVI le dit, mais le journal affirme que cette positivité est nouvelle, inédite ; que c’est une rupture avec l’ère Wojtyla !  (Dans d’autres circonstances, le même journal affirme que l’action internationale de Ratzinger est plus faible que celle de Wojtyla… et que cela aussi est une « rupture ».  Cette quête médiatique de la « rupture » est acharnée.  Pourquoi les médias cherchent-ils partout des ruptures, comme le verrat les truffes ?  Parce que la rupture, «  y a  que ça qui fait de l’info »).

 

3.  L’article déforme le propos de Benoît XVI à propos des  « autres cultures » : le pape ne veut pas dire qu’elles menacent « l’identité » de l’Occident. La pensée de Josef Ratzinger use rarement de ce concept d’identité...  Hélas pour la presse politically-correct, qui voudrait voir les catholiques patauger dans le particularisme : ce qui meut J. R.  est le souci de l’universalité du christianisme en tant que vérité de Dieu et vérité de l’homme, cœur et raison !   (Quant à l’attitude des autres cultures et des autres religions face à la société matérialiste mercantile médiatique d’Occident, c’est en effet la stupeur, le dédain, parfois l’indignation. Les journaux feraient bien d’y réfléchir, eux qui se veulent épris de cultures non occidentales…)

 

4.  Plus loin, le journal reparle de Jean-Paul II et de son « désaveu du préservatif ». Combien de fois devra-t-on faire observer que ce pape n’a jamais parlé de préservatif dans ses discours ?

 

5.  L’idée d’un Josef Ratzinger cherchant à se « rassurer »  est... inadéquate. Mais que l’Eglise doive changer de langage, c'est, en effet, une idée ratzingérienne.  Mon confrère me permettra de lui indiquer un livre de 2005 où cet angle était annoncé et développé.

 

6.  D’accord avec le dernier paragraphe de l’article. Que les catholiques d’Europe ouvrent les fenêtres sur la planète chrétienne, qu’ils respirent l’air du monde, et qu’ils sortent de la déprime spirituelle qui vide leurs intelligences, leurs âmes, leurs églises et leurs séminaires !  Mais là aussi, les médias ont à réfléchir :  ils ne peuvent pas, à la fois, approuver le propos de Benoît XVI  et  dire que cette déprime spirituelle et morale européenne est un progrès de la tolérance moderne !

P.P.

 

 

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Castelgandolfo, 13 août : Benoît XVI et ses intervieweurs des chaînes TV allemandes.

 

PS -  A propos du quatrième paragraphe de l'article du Monde, comparons-le au texte original de Benoît XVI. Voici ce que le pape a dit exactement : 

<< Justement, c'est le problème: est-ce que nous insistons vraiment tant que cela sur la morale? Moi je dirais - et j'en suis toujours plus convaincu après mes entretiens avec les évêques africains - que la question fondamentale, si nous voulons faire des pas en avant dans ce domaine, c'est l'éducation, la formation. Le progrès ne peut être authentique que s'il rend service à la personne humaine et si la personne humaine elle-même grandit, non seulement au niveau de son potentiel technique, mais aussi de ses capacités morales. Et je crois que le vrai problème, dans la conjoncture historique actuelle, c'est le déséquilibre entre la croissance incroyablement rapide de notre potentiel technique et celui de nos capacités morales, qui n'ont pas grandi de manière proportionnelle. C'est pourquoi la vraie recette c'est la formation de la personne humaine : c'est, selon moi, la clef de tout, et c'est aussi notre option. Et cette formation - pour être bref - a deux dimensions : tout d'abord, naturellement nous devons apprendre, acquérir des connaissances, des compétences, le know how comme ont dit. L'Europe, et au cours des dernières décennies l'Amérique, ont fait beaucoup dans cette direction, et c'est très important. Mais si l'on se limite à propager uniquement le know how, si l'on enseigne seulement la façon de construire et d'utiliser les machines, et le mode d'emploi des contraceptifs, alors il ne faut pas s'étonner si l'on finit par se retrouver avec des guerres et des épidémies de sida. Nous avons besoin de deux dimensions: il faut dans le même temps la formation des coeurs - si je peux m'exprimer ainsi -, qui permet à la personne humaine d'acquérir des repères, et d'apprendre aussi à employer correctement sa technique. Voilà ce que nous essayons de faire. Dans toute l'Afrique et aussi dans de nombreux pays d'Asie, nous avons un vaste réseau d'écoles à tous les degrés, où l'on peut avant tout apprendre, acquérir de vraies connaissances, des compétences professionnelles, et donc obtenir l'autonomie et la liberté. Mais dans ces écoles nous cherchons, justement, non seulement à communiquer du know-how, mais à former des personnes humaines, qui aient envie de se réconcilier, qui sachent qu'il faut construire et non détruire, et qui aient les repères nécessaires pour savoir vivre ensemble. Les évêques ont institué avec les musulmans des comités communs pour voir comment l'on peut créer la paix dans les situations de conflit. Et ce réseau d'écoles, d'étude et de formation humaine, qui est très important, est complété par un réseau d'hôpitaux et de centres d'assistance qui rejoint de façon capillaire les villages les plus reculés. Et en de nombreux endroits, malgré les destructions de la guerre, l'Eglise est la seule force qui soit restée intacte. Voilà la réalité! Et là où l'on soigne, où l'on soigne aussi le sida, on offre aussi une éducation qui aide à nouer de justes rapports avec les autres. C'est pourquoi je crois qu'il faudrait corriger l'image selon laquelle nous ne faisons que semer autour de nous des « non » catégoriques. En Afrique, justement, on travaille beaucoup, afin que les diverses dimensions de la formation puissent s'intégrer et afin qu'il soit possible de surmonter la violence  - et les épidémies, parmi lesquelles il faut citer également le paludisme et la tuberculose. >>

 

La totalité de l'interview est disponible sur http://www.evangelium-vitae.org/jeux/jeu.php?page=page_actu&ancre=1316

 

 

 

 

Commentaires

> Encore merci Patrice ! Et on peut s'amuser plus ou moins devant les ruptures, les crispations, l'obstination dans la demi-vérité du "Monde" qui n'a sans doute pas lu St Jean ou fort mal ! Notre foi nous a fait vaincre le monde et nous avons des papes formidables, qui valent vraiment la peine d'être lus et écoutés pour agir dans l'immense communion des saints. Prions et agissons avec amour, vérité et délicatesse.

Très cordialement

Écrit par : Gérald | 17/08/2006

> La première partie de l'entretien est en ligne sur Zenit :

http://www.zenit.org/french/
16 août 2006
Entretien avec le pape Benoît XVI (I)

Écrit par : Yannou | 17/08/2006

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