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31/07/2006

Presse parisienne : un dessin de trop

A la "une" du Monde, le 30 juillet, sur le drame du Liban...


...un dessin de Plantu (souvent mieux inspiré) prétend tirer la leçon de ce drame. On y voit la communauté internationale au pied du cèdre, symbole du Liban ; l'un des personnages dit aux autres : "Et si on décidait enfin pour toute la région une séparation de l'Eglise et de l'Etat" ?  Parmi la foule des dirigeants mondiaux, un autre personnage - Oncle Sam -  riposte en brandissant une croix et en criant : "Vade retro Satanas !".

On ne peut pas imaginer plus absurde résumé de la situation.

Pour trois raisons :

1. Le drame du Proche Orient est géopolitique par essence. Ses aspects religieux sont secondaires. Ils fonctionnent comme prétexte. Les mobiles du gouvernement israélien ne sont nullement mystiques. Si des colons juifs invoquent la religion, il y a aussi des courants orthodoxes qui rejettent le sionisme comme idéologie laïque "prétendant forcer la main à Dieu"...  Quant au Hezbollah, il n'est en train de devenir populaire auprès des Palestiniens que maintenant, très tardivement, et en raison de la nouvelle guerre. Prétendre que la confrontation israélo-arabe (commencée en 1947) s'enracine dans la religion, c'est commettre un contresens radical.

2.  Ce contresens est-il volontaire de la part de Plantu ? Le choix des mots n'est pas innocent : "séparation de l'Eglise et de l'Etat" n'a aucun sens au Proche Orient ; en revanche, il éveille chez le lecteur français des souvenirs de la IIIe République ; donc sa transposition au cas de la guerre du Liban pousse le public français à penser que "toutes les religions sont dangereuses". Cette idée inepte inspire la politique officielle et les éditoriaux depuis cinq ou six ans. On en connaît l'origine : c'est la peur de nos dirigeants et  leaders d'opinion à l'idée d'avoir l'air de résister à l'islamisme seul ;  ils croient se couvrir en laissant entendre que toutes les "Eglises" (!) sont  tendanciellement une menace pour les bonnes gens. D'ailleurs l'abbé Pierre est barbu comme Nasrallah ; Le Monde devrait enquêter pour savoir s'il n'y a pas de katiouchas dans les bunkers d'Emmaüs.

3.  Montrer l'oncle Sam brandissant une croix permet de faire de G.W. Bush le vrai symbole du christianisme, et de cette religion l'un des fauteurs de guerres au Proche Orient. (Et tant pis si le Vatican s'oppose à ces guerres depuis toujours !). A rapprocher du journal de 13 heures sur une grande chaîne, le week-end dernier : en marge de la crise du Liban, on y voyait Bush sortir d'un édifice religieux. C'était un temple évangéliste (où "'W" venait d'entendre prêcher la religion neocon* et non celle de Rome) : "Le président sort de la messe", affirmait néanmoins  le journaliste français, suggérant que Bush était allé retremper son bellicisme à un office religieux catholique...

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(*)  cf. le livre de J.F. Colosimo.

Commentaires

> La question est : comment aboutir à une cohabitation non-conflictuelle des Israéliens et des Arabes. Le fait que la plupart des Israéliens soient juifs implique-t-il que la religion juive inspire la politique israélienne ? Ca n'a rien d'évident. Le sionisme est une création laïque : on note une parenté entre la pensée de Herzl et la philosophie politique "conservatrice" de l'époque wilhelmienne. (Et à plus forte raison en ce qui concerne Jabotinski, père fondateur de la droite nationaliste israélienne). Le judaïsme religieux a longtemps regardé avec méfiance le sionisme laïque...
Quant aux chrétiens, il faut distinguer. L'Eglise catholique a toujours tenté d'agir en faveur de la paix et de la cohabitation entre juifs, musulmans et chrétiens arabes (ces derniers existent encore). Ceux qui mettent de l'huile sur le feu en se faisant "sionistes" avec une outrance que n'avaient pas les vrais sionistes, ce sont les évangélistes américains exaltés : une "confession" issue du christianisme protestant US, de plus en plus bizarre, souvent liée aux services spéciaux de Washington, et dotée d'énormes moyens financiers par de grandes entreprises texanes. Les attitudes de ces évangélistes sont à l'opposé des attitudes catholiques romaines.

Écrit par : cheerly | 01/08/2006

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