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09/12/2005

« Communautarisme catholique » ?

Le piège de "l'identité"...


 

 

Le « communautarisme » est un mouvement général de désagrégation  et de tribalisation de la société, né - entre autres -  de  l’utilitarisme marchand.

Est-ce un mouvement irrésistible ? Sans doute : qu’on le veuille ou non.

Faut-il se méfier de toutes les communautés ? Certainement pas.

La tribalisation d'un pays est  sans doute néfaste (si "tribus" veut dire clans narcissiques, fermés sur eux-mêmes) ; mais toutes les communautés ne sont pas des "tribus" ! Certaines sont même le contraire : leur raison d'être est l'ouverture sur l'universel. C'est le cas de la communauté planétaire des chrétiens catholiques.

Le bimensuel L’Homme Nouveau  (article de Philippe Maxence, numéro du 10 décembre) s’interroge sur ce problème. Examinant l’attitude des catholiques dans le contexte de la montée des communautarismes, il cite l’entretien organisé par Christophe Geffroy dans La Nef,  en 2004, entre Mgr Henri Brincard, Jean Raspail, Paul-Marie Coûteaux et moi. Ce débat avait évoqué la disparition de l’ancienne société française (postchrétienne), et l’installation  - déjà en cours -  d’une société européenne sans précédent : multi-ethnique, déracinée, extérieure au christianisme. Une société où les multitudes seront en proie à un système économique déshumanisant…

L’Homme Nouveau  écrit ceci :
 << J’extrais du même débat cette remarque de Patrice de Plunkett : ‘…La situation est ainsi et nous allons devoir vivre et agir dans cet univers-là. L’urgence est de nous y préparer. Le combat de demain sera pour la défense de la condition humaine, contre la déshumanisation du matérialisme mercantile ; ce combat-là devra être mené parmi le tout-venant des populations réelles, autour de nous, quelles qu’elles soient, d’où qu’elles soient ’. Ce faisant,  Patrice de Plunkett mettait en garde contre le repli sur soi, la ghettoïsation (…) Derrière ce souci de réalisme se pose, davantage que la question de la mort de la France, celle de l’avenir du catholicisme dans notre société moderne.>>

 

Mais le journal ajoute : << Parce qu’il faut être le levain dans  la pâte, Patrice de Plunkett récuse en fait ce qu’il faut bien appeler par son nom de communautarisme catholique, perçu comme une tentation de se mettre au chaud, dans un confort bien bourgeois… >>

 

Cher Ph. M., ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.  Je ne porte aucun regard "négatif". Je ne réduis pas ce qui se vit dans les milieux catho à un "confort" ! Loin de moi l’idée de récuser un réseau de communautés réellement chrétiennes et catholiques (familles, écoles, associations, paroisses, séminaires, etc)...  Ce que je récuse, c’est tout à fait autre chose  (qui n'est pas chrétien) : c’est une certaine façon - fréquente à droite - de traiter le catholicisme comme s’il n’était qu’un des éléments d’une « identité » à « défendre ». Le catholicisme n’est pas cela. Il vient d’ailleurs. Il va au-delà. Il survivrait  à « l’identité » française, comme il a survécu à « l’identité » gallo-romaine.  C’est lui qui a les promesses de la vie éternelle ; les nations ne les ont pas. Beaucoup de nations ont vieilli et disparu : c’est le mouvement de la vie naturelle, et il n’est transcendé que par la Vie surnaturelle – qui s’adresse aux personnes et non aux sociétés.
Ayant cessé de faire des enfants, les vieux peuples d’Europe occidentale (dont le peuple français) ont créé les conditions inéluctables de l’arrivée de peuples jeunes, souvent non-chrétiens, venant d’autres continents. D’où la mission des catholiques : une fois de plus, ils auront à évangéliser une société nouvelle (*) où ils seront  une petite minorité. C’est ce que leur donne à faire la Providence… Du reste l’H.N. le dit dans son article : « la rencontre  avec Jésus-Christ n’est pas une affaire de peau ni d’appartenance ».
Le communautarisme que je critique n’est donc pas celui des chrétiens catholiques (comment reprocher à  la minorité catho  de devenir une « communauté », alors que cette situation se généralise ?). Mais il y a communauté et communauté… Le catholicisme n’est  pas au service d’on ne sait quelle « identité » :  c’est une fenêtre ouverte sur l’infini. Familles, éducateurs, pasteurs, tous sont appelés à l’évangélisation des foules mondiales qui vont habiter l’Europe. Voilà l’avenir.  Aimons-le d’avance : le Ciel nous l’envoie.

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(*)  Note du 10 décembre - Ce matin à France Culture, propos de trois philosophes (Finkielkraut, Terestchenko, De Witt) : les situations humaines sont toujours inédites,  nous sommes donc obligés d'être inventifs et créatifs. La créativité est la seule manière loyale : a) de nous montrer "dignes de nos ancêtres", devant qui nous sommes certes comptables de nos actes mais dans les situations inédites du monde d'aujourd'hui ;  b) d'obéir à la nécessité intérieure qui nous vient d'Ailleurs, et qui nous dit de faire face aux circonstances nouvelles en les déchiffrant comme des signes.

Commentaires

> Merci pour ces réflexions, essentielles pour les temps que nous vivons en France.
Cela va dans le sens des réflexions de Timothy Radcliffe.o.p dans son livre "Pourquoi donc être chrétien?".

Écrit par : Josahn | 09/12/2005

> Oui, bravo et encore ! Merci pour cette libération ! Versaillais d'adoption pendant dix ans, j'ai vu dans cet écrin douillet le meilleur et le pire : des coeurs totalement offerts à la Providence et beaucoup de petits orgueils poussiéreux (nobiliaires, parfois) bousculés par le temps qui passe, prompts à construire le "camp des saints" et dont la religion n'est qu'une parure et un signe de reconnaissance, donc d'exclusion de l'autre.
Et tant pis pour la France de bon-papa : j'en apprends plus tous les jours dans le métro bruxellois sur l'avenir de notre civilisation que dans n'importe quelle évocation mélancolique sur "le temps d'avant" !
Je crois que je vais acheter votre livre !

Écrit par : Renaud | 09/12/2005

> Merci pour vos propos pleins d'espérance. La petite minorité des chrétiens occidentaux est montrée du doigt aujourd'hui. C'est une situation nouvelle et inconfortable et nous n'avons d'autre choix que de l'assumer. Le prochain nous identifie aussi facilement que nous repérons le fan de Zidane ou l'accro du "Monde". Il nous faut donc tenter d'être à la hauteur, malgré nos faiblesses.
Le communautarisme chrétien a au moins le mérite de nous permettre d'évoluer dans un environnement favorable. C'est la famille, les amis à la sortie de la Messe, etc.
C'est autant de quinquina nécessaire pour vivre dans le monde.

Écrit par : C.Alain | 10/12/2005

> Vous avez parfaitement raison de souligner que seul le christianisme a les promesses de la vie éternelle et non les nations, même si c'est dur à admettre... l'historien Jean de Viguerie conclut à peu près la même chose dans son essai: "les deux patries".
Quand au "communautarisme" des catholiques; c'est un réflexe de défense naturel dans une socièté devenue foncièrement antichrétienne. Il nous appartient, je pense, de recueillir l'héritage de la civilisation chrétienne et son expression française et d'être le "sel de la terre" dans la nouvelle socièté qui surgira un jour des désordres actuels.

Écrit par : FRL | 11/12/2005

> N'ayons pas peur ! Tout en restant lucides sur les problèmes nouveaux qui surviennent, croyons fermement que l'Esprit Saint, si nous Le prions, nous donnera les moyens pour vivre et rayonner pleinement notre foi aujourd'hui et demain.
"Il y a si peu d'amour dans le monde, nous dit Jacques Maritain, les coeurs sont si froids, si gelés, même chez ceux qui ont raison, les seuls qui pourraient aider les autres. Il faut avoir l'esprit dur et le coeur doux. Sans compter les esprits mous au coeur sec, le monde n'est presque fait que d'esprits durs au coeur sec et de coeurs doux à l'esprit mou". (in : "Réponse à Jean Cocteau")
autre belle remarque de ce grand penseur, si méconnu :
"Le christianisme, nous l'avons dit souvent, ne facilite pas les choses, il ne facilite pas l'art, et en un certain sens il ne facilite pas la philosophie. S'agit-il de facilité, autant devenir courge ou melon (ce melon dont Descartes rêvait dans son poêle).
Il est plus facile d'être une pierre qu'un arbrisseau, un arbrisseau qu'un oiseau, un oiseau qu'un homme, un homme d'affaire qu'un poète ou un philosophe, un poète ou un philosophe qu'un chrétien, un poète et un chrétien ou un philosophe et un chrétien qu'un poète chrétien ou un philosophe chrétien."
(J. Maritain "Préface à La philosophie Bergsonienne" p. 15 tome 1)

Écrit par : Frédéric RIPOLL | 12/12/2005

> Que pensez vous de l'ouvrage de Michel KUBLER, "Benoît XVI pape de Contre-Réforme" ? Merci de me répondre.

Ecrit par : TRAPES | 16.12.2005


[ Réponse de P.P. - Je ne peux pas exprimer un avis sur un livre qui traite (partiellement) du même sujet que le mien. Ce dont je peux témoigner, c'est de la table ronde de RCF sur Benoît XVI, à Paris, le 14 octobre. Outre Jean Chelini (historien), y participaient, en tant que journalistes, Michel Kubler, Jean-Marie Guénois et moi : et nos constats se sont trouvés converger, alors que nos points de vue et notre idée de la situation n'étaient pas les mêmes au départ. Au cours du débat, j'ai dit pourquoi le style Benoît XVI était cohérent avec le style Ratzinger ; Michel Kubler (qui avait critiqué en 2000 le document de Ratzinger "Dominus Jesus") a dit que Benoît XVI appelait au recentrement sur l'essentiel. Nous étions d'accord ! ]
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La réponse ci-dessus est adressée au commentaire

Écrit par : TRAPES | 16/12/2005

> M. de Plunkett reste un incorrigible optimiste!
Maître es-appel aux hommes du Gange, cessez de croire que les problemes politiques peuvent être résolus par un christianisme des premiers temps.
Amicalement,
Quelqu'un qui ne vit plus seulemnt d'hosties.

Ecrit par : de Pontouvre | 22.12.2005




[* Réponse de PP :

1. Par nature je ne suis pas un "optimiste", mais un pessimiste - corrigé par l'espérance quant à l'essentiel, depuis que j'ai eu la grâce de trouver la foi chrétienne. (Mais où est l'essentiel ? C'est là-dessus que nous ne devons pas être d'accord,vous et moi...).

2. Je ne suis maître en rien.

3. Je n'ai pas à faire "appel" aux "hommes du Gange" (emprunt au roman de JR) : ils sont venus d'eux-mêmes, attirés par le vide démographique d'une Europe sans enfants... Le malthusianisme des Européens a appelé l'arrivée de peuples jeunes ! Les discours des démagogues ne changeront pas cette réalité.

4. Le christianisme ne résoudra pas les "problèmes politiques" actuels : cette politique-là est morte. Laissez les morts enterrer les morts... Qui peut ressusciter la politique ? Le christianisme. (Par expérience, je ne vois pas que l'athéisme - de droite ou de gauche - ait rien apporté dans ce domaine !)

5. Personne n'a jamais vécu "seulement d'hosties" (sauf quelques très rares saints qui vivent aujourd'hui dans l'Eternité). Mais l'heure est venue, pour les chrétiens croyants, de cesser de se croire solidaires d'un banquet de Bas-Empire... ]

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Cette réponse de PP est adressée au message

Écrit par : de Pontouvre | 22/12/2005

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