19/11/2005
La foi chrétienne et la société actuelle : après Poitiers et le Touquet, le débat continue
Après : 1. le débat autour du livre "Benoît XVI et le plan de Dieu", le 18 novembre à la fac de droit de Poitiers, 2. le débat du 13 novembre au Salon du Livre du Touquet, la discussion se poursuit à travers ce blog...
1. Après le débat de Poitiers (18 novembre)
Commentaire mailé le 19 novembre par l'un des participants au débat :
<< Suite à votre conférence du 18 novembre à Poitiers, je souhaite vous poser une question :
Dans l'introduction de votre livre Benoît XVI et le plan de Dieu, vous rapportez cette phrase du nouveau pape : "Nous sommes obligés de chercher de nouvelles voies pour parler de l'Eglise à tous", que vous commentez ensuite avec ceci : "Il ne s'agit pas de replier l'Eglise catholique sur ses certitudes - mais au contraire de trouver une façon nouvelle de d'offrir ses certitudes à tous, c'est à dire de les faire aimer en montrant le bien qu'elle génèrent".
Est-ce là une invitation à la confiance mutuelle, humblement, au-delà de nos errances respectives et de nos erreurs, et à accepter de se reconnaître d'une même Eglise et d'oeuvrer ensemble pour ce qui est l'essentiel, la foi en notre Seigneur Jésus Christ qui parle à ceux que nous serions enclin à rejeter ;
et encore, à rechercher, avec honnêteté, sans esprit de clan, à progresser ensemble ?
Une invitation à ne plus nous cacher derrière nos certitudes et nos convictions fortes (sans pour autant y renoncer bien entendu), pour rejeter l'autre sans l'accepter comme frère là ou il en est, avec ses différences ?
Nos familles de tradition chrétienne sont souvent aujourd'hui éclatées, suite à des condamnations, des refus d'accepter l'autre là où il en est ... Puis-je lire ce passage comme une invitation à s'ouvrir à ceux qui n'étant pas à proprement parler des piliers de la "société libérale mercantile" que vous avez décrite, se sont laissés prendre dans certains de ses égarements (divorce-remariage, homosexualité ....) ? Peut-on évaluer une frontière entre ne pas se replier sur nos certitudes / rejet et condamnation / et faire aimer ces certitudes ? >> (Signé : Olivier de Frémond).
Réponse de P.P. - Vous avez raison : il n'y a pas de frontières. "Ne pas se replier" et "faire aimer" vont ensemble. Les certitudes catholiques ne sont pas une idéologie - de secte, de clan, de milieu social - : ce sont "des fenêtres ouvertes sur l'infini" (J. Ratzinger). Comme dit Tertullien : "Le Christ ne s'est pas désigné comme étant la coutume, il s'est désigné comme étant la vérité" ! Le chrétien n'est pas là pour juger autrui ni pour asséner des convictions (surtout pas celles d'un milieu) : il est là - en principe - pour témoigner du bonheur infini de la Trinité, bonheur qu'Elle promet à chaque personne ; et, par surcroît, pour témoigner d'un "art de vivre chrétien" qui est notre réponse à cette promesse divine - une réponse joyeuse et reconnaissante. Quand certains comportements apparaissent comme l'inverse de cet "art de vivre", le chrétien doit le dire, si c'est utile et nécessaire ; s'il se taisait dans ces cas-là, sa foi ne serait pas authentique. Mais ce qu'il doit critiquer - dans ces cas-là - ce sont des actes, jamais des personnes. Voilà la ligne de conduite qui peut aider beaucoup de familles de tradition chrétienne (qui vivent de plus en plus souvent - vous le soulignez - des situations difficiles) à ne pas enfermer un individu dans l'image de certains de ses actes. L'homme selon Sartre n'est que la somme de ses actes ; l'homme selon le Christ n'est jamais prisonnier de ce qu'il a fait. Il y a toujours un ange prêt à ouvrir la porte de sa prison.
2. Après le débat du Touquet (13 novembre) : réponse à La Voix du Nord
La Voix du Nord (15 novembre) rend compte aimablement du débat qui a eu lieu le 13, au Salon du Livre du Touquet, entre Daniel Duigou et moi.
Duigou est l'auteur de Journaliste, psy et prêtre. J'étais là comme auteur de Benoît XVI et le plan de Dieu. Les deux livres ont le même éditeur et ne se contredisent pas totalement, mais leurs auteurs n'ont pas la même idée des réformes à apporter à l'Eglise catholique. Isabelle Creuze, organisatrice du Salon, a donc eu l'idée de ce débat.
Duigou et Plunkett, écrit La Voix du Nord, << ont confronté leurs points de vue à propos de l'élection du nouveau pape, devant une centaine de personnes réunies dimanche matin au Palais de l'Europe >> : c'était l'un des "cafés littéraires" du Salon. << Même si les échanges ont été polis et respectueux, les deux hommes ne sont pas d'accord sur l'idée qu'ils se font de l'importance du successeur de Jean-Paul II>>, constate le journal. Puis il résume : Plunkett, journaliste laïc, critique la façon dont les médias interprètent la vie de l'Eglise ; il a confiance en Benoît XVI pour mener à bien l'oeuvre de Vatican II. Duigou, journaliste-psy-prêtre, prend le parti des médias et se dit sceptique envers Benoît XVI ; d'après La Voix du Nord, il ne pense pas que ce pape ouvrira << les grands chantiers de la réforme de l'Eglise >>. Plunkett, au contraire, pense que le conclave a élu Josef Ratzinger parce qu'il a vu en lui l'homme capable d'ouvrir à la fois tous les grands chantiers de rénovation dont l'Eglise a besoin (mais ça, le journal ne le précise pas).
L'article s'achève sur une phrase de Daniel Duigou. Chose parfaitement légitime ! Mais quelle est cette phrase, choisie par La Voix du Nord parmi soixante minutes de débat ? << Il faut se poser de nouvelles questions et essayer d'y répondre. Il faut aussi que l'Eglise accepte d'être critiquée >>. Le lecteur a ainsi l'impression que le prêtre-journaliste-psy accuse l'Eglise de refuser, pour l'instant, les nouveautés et les critiques.
Or la réalité est très différente. Le synode des évêques du monde en octobre, et Benoît XVI, sont les premiers à se poser "de nouvelles questions". Peut-être ne sont-ce pas celles que voudraient les médias. Quant à l'attitude de l'Eglise devant les critiques, il suffit d'avoir assisté - en 1999 - à la conférence de Josef Ratzinger à la Sorbonne (*), pour savoir avec quelle intensité ce futur pape était conscient du fossé qui sépare l'opinion publique et la foi chrétienne. Ce fossé ne vient pas seulement de la "désinformation" médiatique, comme on le croit un peu vite dans les milieux catho. Il vient aussi d'un comportement critiquable chez les catholiques européens (et français) : le langage flou, vague, donc peu compréhensible, qu'ils jargonnent depuis les années 1970. Totalement démodé en 2005, ce langage fait partie des "coquilles vides", comme disait Josef Ratzinger il y a déjà douze ans. Aujourd'hui, en Europe, face au vrai chantier - celui de la Nouvelle Evangélisation - , l'urgence est de trouver une nouvelle façon (claire, précise et complète) d'exprimer la foi. Comment ? Avec quels instruments de recherche ? A partir de quelles expériences ? Voilà les "nouvelles questions" qu'il faut se poser d'urgence.
A condition, bien sûr, que l'on considère comme une priorité la transmission de la foi catholique.
Ce n'était pas le cas dans les années 1970.
Elles se trompaient...
L'heure est venue de tourner la page sur elles. Cessons d'appeler "nouvelles" les vieilles idées d'il y a trente-cinq ans : des idées que l'on tenta, au prix de lourdes pertes et de douloureux échecs humains, d'imposer dans le catholicisme. Le Christ seul est nouveau, et, avec Lui, la communauté mondiale des hommes et des femmes fidèles au Christ.
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(*) lire cette communication dans les actes du colloque, publiés au Livre de poche en 2002 sous le titre Christianisme, héritages et destin. (Autres intervenants publiés dans ce volume : Alain Finkielkraut, René Girard, Rémi Brague, George Steiner, Gianni Vattimo, Alain Besançon...).
15:10 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Monsieur de Plunkett, je viens de terminer votre ouvrage, vous me l'aviez dédicacé au Touquet. J'étais ce jeune homme au sac des JMJ.J'ai trouvé votre analyse très pertinente et efficace, de quoi se défendre contre les préjugés de la société, avec un vrai portrait de Benoit XVI, qui touche et renforce le plan choisi par Dieu. Vous m'avez éclairé sur tous les points de société controversés par les journalistes. Je vous remercie de m'avoir appris un peu plus sur l'Eglise, en espérant être au niveau pour préparer l'Eglise de demain avec tout l'amour et la paix, mais également une plus grande foi en Europe, c'est à souhaiter par la prière.
Merci beaucoup.
Defebvre Geoffrey
Écrit par : defebvre | 03/12/2005
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