31/10/2005
Toussaint à la hausse, Halloween à la baisse : questions en vrac
Photo : à l'entrée d'une boulangerie parisienne, une affiche de la Toussaint 2005.
Le journal 20 minutes nous l’apprend : les familles renouent avec un rendez-vous séculaire du calendrier. La Toussaint reverdit et Halloween s'étiole...
« Signe des temps, l’Eglise catholique organise depuis quatre ans à Paris un concert rock baptisé ironiquement Holywins (« le sacré l’emporte ») pour faire concurrence à la fête anglo-saxonne et rappeler le sens chrétien de la fête de la Toussaint et du jour des Morts. Cette initiative qui rassemble toujours plus de monde n’a plus pour ambition d’être la rivale de Halloween, mais représente avant tout un rassemblement festif de jeunes chrétiens. » C'est ce qu'écrit 20 minutes, avant de noter que Halloween, fête factice (importée des Etats-Unis à partir de 1995), « connaît une baisse d’engouement » en France. Le journal interroge à ce sujet l’ethnologue Patrick Prado. Celui-ci s’étonne : «Je pensais au départ qu’Halloween allait tenir dans la durée, comme Noël. Mais il faut croire qu’on ne plaisante pas autant que ça avec la mort. D’une manière plus générale, on assiste depuis peu à une re-ritualisation des fêtes traditionnelles. Halloween va retourner dans les vitrines et non dans la rue, cela reste une fête uniquement commerciale... »
On a envie de poser deux questions :
1. Une fête artificielle (« commerciale ») pouvait-elle « tenir dans la durée » comme celle de Noël - qui est profondément enracinée dans l’âme des Français, même si sa signification théologique est ignorée de la plupart ?
2. Si Halloween boudé par les Français se réfugie dans « les vitrines », cela veut dire que les vitrines sont dans un autre monde mental que « la rue »... En ce cas, le « commercial » appartient-il à une autre culture que le populaire ? Si les gens de marketing restent ainsi ancrés dans une culture d’importation, qu’est-ce que c'est que ce commerce qui ne s'incline pas devant les réactions des consommateurs ?
Ces questions en entraînent d’autres :
- La défaite de Halloween ne serait-elle pas un échec (symbolique) de l’uniformisation culturelle planétaire qui avait progressé irrésistiblement depuis dix ans, véhiculée par le big business (*) ?
- Si nos contemporains sentent qu’on « ne plaisante pas avec la mort », n’est-ce pas le signe d’une résistance de la vie : c’est-à-dire d’une recherche du sens de l’existence, face à la dictature de l’absurde imposée depuis dix ans par le marché des nouveaux comportements ?
- Alors quelles voies de recherche se proposer ? Quelles « contre-cultures » tracer et irriguer ?
- Dans ce débat vital, la foi et la culture chrétiennes n’auraient-elles pas des éléments de réponse ? Ou, en tout cas, un rôle à jouer (peut-être même irremplaçable) ?
Et encore d’autres questions :
- Puisque les Français(e)s abandonnent maintenant Halloween, comment des institutrices et des mères de famille, en grand nombre et dans toute la France, ont-elles pu, année après année, maquiller de pauvres enfants en cadavres ou en monstres... sans s’interroger sur ce qu’elles faisaient ?
- A partir de quel moment un déclic mental s’est-il produit, qui leur a ouvert les yeux ?
- Quelle a été l’efficacité (par rapport à cela) de la contre-offensive catholique : concerts rock, pour la mobilisation des énergies adolescentes ; activités « culturelles » pour les enfants, genre « jeux des saints de l’Histoire » ; initiatives auprès des commerçants, style gâteaux de la Toussaint dans les boulangeries ?
- L’invasion de l’univers « Halloween » a visé les enfants pendant dix ans. Ne faut-il pas la rapprocher d’un phénomène qui a visé les adolescents durant la même période ? Il s’agissait de l’invasion de la BD par des albums mytho-ésotériques, destinés aux ados, et qui ont installé l’idée d’un Moyen Age pseudo-« celtique », polythéiste et magicien, absolument non-chrétien, proche des jeux vidéo - et sans aucun rapport avec le Moyen Age des historiens. Cette déformation s'est ajoutée à la panne de l'histoire à l'école, pour priver une génération de son patrimoine spirituel et historique, au profit de fantasmes ineptes... mais largement exploités par les éditeurs de jeux.
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(*) sur les coulisses marchandes de l'importation de Halloween en France, consulter la note de l'historien C. Levalois : http://cnah.ifrance.com.
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POST-SCRIPTUM DU 6 NOVEMBRE 2005 /
Pour répondre à Alsator
(lire plus loin son commentaire daté du même jour : rubrique des commentaires, en bas de cette page)
> De P.P. à Alsator : vous pensez que Halloween, "libérée de sa pesanteur américaine", redeviendrait une fête "européenne" - et, "donc", cesserait de causer des soucis ? C'est un point de vue qui mérite la discussion. La réalité est que Halloween, en 2005, n'a aucun sens traditionnel : ce n'est rien d'autre qu'une fête "américaine" (ou plus exactement commerciale). La "libérer" de cela équivaudrait à lui ôter son peu de contenu, donc à la faire disparaître ! Vous aimeriez lui restituer un sens que vous appelez "européen" : mais où le trouveriez-vous ? Même les archéologues ne sont pas en mesure de dire ce que signifiait vraiment la fête celte de Samain, d'où Halloween est censée dériver... Et même si Halloween était issue de Samain, pourquoi cette filiation serait-elle "sans souci" ? Une origine n'est pas nécessairement bonne en soi. Le spirituel et l'originel sont deux choses différentes. Pour les chrétiens, le Christ transcende toutes les cultures : il sauve en elles ce qu'elles ont de meilleur, et il les libère de ce qu'elles ont de pire ; Jean Raspail fait sur ce sujet une observation remarquable dans son dernier livre*, page 227, lignes 5 à 10. C'est toute la différence (radicale, fondamentale) qui sépare la foi catholique et le culte des "identités" !
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(*) En canot sur les chemins d'eau du roi, Albin Michel, octobre 2005.
12:20 Publié dans Témoignage évangélique | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
J'ai été surprise cette année d'observer que peu de commerçants incitaient à fêter Hallowen. En revanche lundi, j'ai vu dans les rues quelques groupes d'enfants déguisés et masqués en squelettes ou sorciers. A votre avis, pourquoi cette persistance ?
Écrit par : Catherine | 01/11/2005
Mon Dieu , quelle bonne nouvelle !
Retranché dans ma campagne, je n'avais pas remarqué cette régression d'alloouine ...
Comme quoi, il y a tout de même, parfois de bonnes nouvelles !
Merci, Monsieur De Plunkett, pour votre petit "blog-notes"
Cordialement.
Écrit par : eric | 04/11/2005
Pourquoi se féliciter ou non de le fête d'Hallowwen, car liberéer de sa pesanteur américaine, elle reste une fete d'europe et donc ne pose pas de soucis
Écrit par : alsator | 06/11/2005
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