22/10/2005
Questions ouvertes :
Halloween à la baisse - "Avec Dieu, avec l'homme" - Les médias et le spirituel - Ce qu'a dit Vatican II - Une nouvelle théologie de la libération ? - 1933-1945, résistance chrétienne au totalitarisme : des livres à lire - etc.
> Catherine écrit : << J'ai été surprise cette année d'observer que peu de commerçants incitaient à fêter Halloween. En revanche lundi, j'ai vu dans les rues quelques groupes d'enfants déguisés et masqués en squelettes ou sorciers. A votre avis, pourquoi cette persistance ? >> Parce qu'il y a encore des mères et des institutrices pour trouver cool de maquiller les bambins en cadavres... Le pilonnage psychologique commercial a duré dix ans, ne l'oublions pas. Ca laisse des traces !
> Lisant ici l'allocution de Mgr Centène (Vannes, 16 octobre), Chantal réagit : << Qu'est-ce qui autorise à dire qu'un monde "sans Dieu" devient un monde "contre l'homme" ? Le monde des fanatiques religieux est "avec Dieu" mais vraiment "contre l'homme" >>. Comment répondre à cette question, sinon en remarquant que seul le Dieu des chrétiens s'est fait homme ? D'où l'incohérence de fanatiques "chrétiens" (il y en a eu) qui retournaient contre l'homme la foi au Dieu fait homme, et utilisaient ainsi le christianisme à des fins non-chrétiennes. La prière de repentance de Jean-Paul II et de toute l'Eglise catholique, au seuil du IIIe millénaire, a mis en lumière cette incohérence passée afin qu'elle ne se reproduise pas - sous d'autres formes - dans l'avenir. Seule l'Eglise catholique romaine a accompli cette démarche !
> Laurence envoie ce commentaire : << Blog intéressant... Dans quel direction comptez-vous le développer ?>> Réponse : dans toutes les directions de l'actualité (je suis un journaliste !). Mais avec pour fil conducteur les enjeux spirituels. Donc humains. "Il n'est pas d'amour ou de souffrance ici-bas qui ne se réfère à l'amour ou à la Passion du Christ", écrivait Divo Barsotti. Il disait aussi : "La spiritualité chrétienne ne se révèle pas à travers une doctrine, mais dans la réalité de la vie..."
> A propos de ma note sur le synode ("Vatican : trois semaines pour l'essentiel"), Louis pose cette question : <<Ne pensez-vous pas qu'il y a un problème entre les journalistes en général et le catholicisme ? Etes-vous plus journaliste ou plus catholique ? >>
Réponse : Le problème est que la machinerie des médias - surtout audiovisuels - fonctionne dans une logique qui coïncide rarement avec celle de l'évangile : c'est un problème "mécanique" plus qu'idéologique... D'autre part, il y a un problème de connexion entre les médias d'aujourd'hui et la réalité. Dans Le Monde du 18 octobre, un article commente cette première mondiale qu'a été l'entretien de 16 minutes accordé par Benoît XVI à la TV polonaise, le 16 octobre. Les neuf dixièmes de l'article sont dans le ton du Monde, clair et précis. Pourquoi le journaliste juge-t-il nécessaire d'ajouter : "Cet entretien (...) fait mentir la réputation de théologien un peu raide du nouveau pape ?". Cette réputation n'existe que dans l'esprit des journalistes... Ils ne cessent de constater qu'elle est fausse, mais ils ne cessent d'y revenir. C'est comme un tropisme. A chaque intervention du pape Ratzinger, les médias redécouvrent en lui un homme simple, ouvert, affectueux et attentif aux autres ; à chaque fois ils oublient ensuite ce qu'ils ont découvert. On a vu ce phénomène après la première homélie du pape (printemps 2005) ; puis après les JMJ (été 2005) ; on le revoit fonctionner à l'automne 2005. Et pourtant : il ne serait pas difficile de savoir - une fois pour toutes - quel homme est Josef Ratzinger, à condition d'interroger ceux qui le connaissent. Ils sont nombreux.
Quant au problème général de connexion des grands médias avec la réalité : j'ai abordé divers aspects de cette question dans le dossier L'Evangile face aux médias (Cahiers d'Edifa, 2000), et je vais le traiter de nouveau, dans ce blog et dans la presse.
Savoir si l'on est "plus journaliste" ou "plus catholique": ce serait un dilemme si l'univers médiatique était toujours et partout réfractaire au christianisme... Il l'est, très souvent et par tendance mécanique. Mais pas toujours ni partout. Il peut se laisser effleurer par le spirituel : on l'a vu lors des JMJ de Cologne, quand les télévisions ont retransmis l'impressionnante veillée d'adoration du samedi soir - "plus intense à l'écran que dans la foule" (ont témoigné des journalistes) !
> Giancarlo, pour sa part, écrit : << Distribué dans toutes les boîtes aux lettres de ma commune en septembre 2005, le bulletin de la paroisse donne cette définition de la messe : "Les prêtres célèbrent face à l'assemblée des fidèles, mais c'est en fait toute la conception de la messe qui a évolué : toute l'assemblée célèbre et le prêtre préside." Cette évolution est (dit le bulletin) voulue par le concile Vatican II, qui a "apporté des idées nouvelles sur la façon de concevoir l'Eglise dans son rapport au monde". Que penser de ces affirmations, sachant que le cardinal Ratzinger est d'un autre avis dans ses livres ? >>
Réponse à Giancarlo : je partage votre perplexité. Non seulement ce bulletin paroissial contredit les livres du cardinal Ratzinger (p. ex. L'esprit de la liturgie, éd. Ad Solem 2002) - mais il contredit aussi les textes de Vatican II ! Lisez le texte conciliaire sur la liturgie (*). Au § 7, il indique que le Christ est présent "dans le sacrifice de la messe" sous plusieurs formes (lectures, prière des psaumes) auxquelles l'assemblée doit participer activement - mais que "le plus haut degré" de présence du Christ est l'eucharistie, fonction propre du prêtre : "Dans la personne du ministre" (le prêtre) la présence du Christ est au plus haut degré : 'le même (Christ) qui s'offrant maintenant par le ministère des prêtres, s'offrit alors lui-même sur la croix', et, au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques". Au § 33, le Concile précise : "Les prières adressées à Dieu par le prêtre, qui préside l'assemblée en la personne du Christ, sont formulées au nom de tout le peuple saint et de tous les assistants". Au § 48 : "L'Eglise s'applique avec un soin attentif à ce que les fidèles n'assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien à travers les rites et les prières, ils participent de façon consciente, pieuse et active à l'action sacrée, se laissent instruire par la Parole de Dieu, refassent leurs forces à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu, et qu'offrant la victime sans tache non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent ainsi à s'offrir eux-mêmes..." Voilà ce qu'explique Vatican II. Donc, si votre bulletin dit : "toute l'assemblée célèbre et le prêtre préside", c'est trop vague. (En réalité la "célébration" se fait à plusieurs niveaux et le rôle du prêtre est irremplaçable). Si le bulletin parle d'une "évolution" (?) de "toute la conception de la messe", c'est abusif. Et s'il suggère que cette "évolution"' vient du fait que Vatican II "a apporté des idées nouvelles sur la façon de concevoir l'Eglise dans son rapport au monde", c'est carrément inexact ! La liturgie est centrée sur le Christ, non sur le monde (c'est le Christ qui sauve le monde, non l'inverse). Ces choses doivent être clairement dites aux chrétiens, qui ont droit à des informations nettes et précises. Le même texte de Vatican II (§ 14) charge le clergé de diffuser ces informations : les pasteurs doivent se faire "maîtres" pour "enseigner" - notamment - la liturgie, son "esprit" et sa "vertu"...
Le Concile est aussi net dans sa constitution dogmatique sur l'Eglise (Lumen gentium, "la lumière des peuples")... Au § 10 : "Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, tout en différant entre eux selon leur essence et non pas seulement selon leur degré, sont cependant ordonnés l'un à l'autre ; l'un et l'autre, en effet, participent chacun selon son mode propre, de l'unique sacerdoce du Christ. Celui qui a reçu le sacerdoce ministériel (ndlr : le prêtre) forme et dirige, en vertu du pouvoir sacré dont il jouit, le peuple sacerdotal, célèbre le sacrifice eucharistique en la personne du Christ et l'offre à Dieu au nom de tout le peuple ; les fidèles, pour leur part, en vertu de leur sacerdoce royal, concourent à l'offrande de l'eucharistie et exercent ce sacerdoce par la réception des sacrements, par la prière et l'action de grâces, par le témoignage d'une vie sainte et par l'abnégation et une charité active." Et au § 17 : "A tout disciple du Christ incombe, pour sa part, la charge de répandre la foi. Mais si n'importe qui peut baptiser les croyants, c'est au prêtre cependant qu'il appartient de parfaire par le sacrifice eucharistique l'édification du corps..."
L'eucharistie est plus qu'une "célébration" ; PARFAIRE est autre chose que "présider". Le vocabulaire approximatif installé dans les années 1970 n'était pas innocent : il servait à faire croire que Vatican II avait dit et voulu ce qu'on allait faire désormais, ici et là - alors qu'il avait dit et voulu exactement l'inverse ! Il est temps de découvrir le vrai Concile et (comme le dit le cardinal Lustiger) de "déployer toutes ses potentialités".
> Question d'Hervé (à propos de mon commentaire des paroles de Mgr Vingt-Trois aux parlementaires) : <<Vous voulez une nouvelle théologie de la libération. Mais qu'entendez-vous par là ? Est-ce pour recommencer comme dans les années 80 ?>> Réponse : au contraire ! Dans les années 1980, on a appelé "théologie de la libération" une pensée qui n'était pas théologique : elle consistait à dissoudre la foi religieuse dans l'action politique, et à s'inspirer de Lénine plutôt que de l'Evangile. D'où la clarification finale (inévitable), demandée par les évêques latino-américains et opérée - avec tact - par Josef Ratzinger. Mais celui-ci a veillé à maintenir ouverte la possibilité d'une véritable théologie de la libération qui ne s'inspirerait que de l'Evangile : cherchez le Royaume de Dieu et sa justice, le reste sera donné par surcroît... Autrement dit : l'Evangile nous appelle à lutter aussi contre les situations économiques et sociales déshumanisantes qui deviennent "structures de péché". Jean-Paul II a critiqué, dans Centesimus Annus, le "matérialisme mercantile" et la société de marché - qui font de l'homme une simple variable d'ajustement économique (un instrument jetable, voire superflu), et qui font disparaître les biens immatériels, spirituels, culturels, moraux, dont l'humanité a un besoin vital. Un horizon individuel réduit à la consommation, une vie aliénée à l'achat d'objets en quantité croissante, une existence suspendue aux crédits renouvelables, c'est inhumain - et ça engendre la démence, comme dans le drame de la famille Cartier jugé en octobre 2005 par la cour d'assises de l'Oise... Se libérer de cet engrenage est un réflexe pour tout homme et un devoir pour le chrétien ; là est le creuset d'une future alliance planétaire pour la défense de l'humain, où l'Eglise aura un rôle décisif. C'est dans cette perspective que j'évoque une "nouvelle théologie de la libération"...
L'idée de cette théologie est déjà dans Isaïe (58, 6) : "Le jeûne que je préfère", dit Dieu, "n'est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient, bref, que vous mettiez en pièces tous les jougs !". Commentaire de la bibliste Marie-Noëlle Thabut : "Dans la Loi comme chez les prophètes, la grande leçon était : si vous voulez être les fils du Dieu qui vous a libérés, soyez des libérateurs à votre tour. Ce qui veut dire que l'expression 'tu aimeras' engage une conduite concrète, beaucoup plus qu'un sentiment." (L'intelligence des Ecritures, A 2, p. 403).
> D'autres demandent, à propos de ma note sur Mgr v.Galen ("Les chrétiens face au totalitarisme"), quels LIVRES font le point sur le conflit entre le III° Reich et la foi chrétienne.
Il en existe beaucoup :
- d'abord les mémoires de Josef Ratzinger : Ma vie (Fayard 1998).
Ensuite, par exemple :
- Trois ouvrages de Mgr Charles Molette : Résistances chrétiennes à la nazification des esprits (F.X. de Guibert, 1998) / Prêtres, religieux et religieuses dans la résistance au nazisme, 1940-1945 (Fayard 1995) / "En haine de l'Evangile" : victimes du décret de persécution nazi du 3 décembre 1943 contre l'apostolat catholique français à l'oeuvre parmi les travailleurs requis en Allemagne (Fayard 1993),
- Jean Kammerer : La baraque des prêtres à Dachau (Brepols 1995),
- Xavier de Montclos : Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme (Plon 1983),
- Pie XI, nazisme et communisme : deux encycliques de mars 1937 (présentation de Michel Sales, François Rouleau et Michel Fourcade, Desclée 1991),
- Guy Boissard, préface de René Rémond : Quelle neutralité face à l'horreur ? Le courage de Charles Journet (Ed. St-Augustin, 2000),
- Henri de Lubac : Résistance chrétienne à l'antisémitisme (Fayard 1988),
- Renée Bédarida : Pierre Chaillet témoin de la résistance spirituelle (Fayard 1988),
- Gaston Fessard : Au temps du prince-esclave, écrits clandestins 1940-1945 (Criterion 1989),
- Pierre Bolle et Jean Godel : Spiritualité, théologie et résistance - Yves de Montcheuil, théologien au maquis du Vercors (Presses universitaires de Grenoble, 1987)...
Etc.
Lire également - entre autres - la justice rendue à l'attitude de chrétiens allemands, dans deux témoignages d'Allemands juifs :
- La langue du III° Reich, de Victor Klemperer (Albin Michel 1996)
- et Dix millions d'enfants nazis, enquête d'Erika Mann, fille de Thomas Mann, sur l'étau totalitaire en 1937 (Tallandier 1988).
Ces deux livres notamment, ainsi que les mémoires de Josef Ratzinger, sont cités dans Benoît XVI et le plan de Dieu.
On lira aussi avec fruit :
- l'ouvrage du P. Pierre Blet : Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d'après les archives du Vatican (Perrin 1999)
- les chapitres consacrés à cette période dans deux ouvrages de Jean Sévillia : Zita, l'impératrice courage (Perrin 1997) et Historiquement correct (Perrin 2003).
P.P.
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(*) Par exemple dans le recueil Les Conciles oecuméniques, 2** Les Décrets (Cerf 1994, plusieurs rééditions).
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