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Jean-Pierre Lebrun : ”Un monde sans limite” [1]
Ouvrage du psychiatre et psychanalyste J.P. Lebrun (éditions érès, 1997) - Une synthèse par S. Lellouche :
Jean-Pierre Lebrun est psychiatre et psychanalyste. Ce livre, par les articulations qu'il dévoile, aide à se départir d'une double et symétrique attitude infantile : 1) déplorer du seul point de vue moral la mise à mal du sujet humain et de la cellule familiale (simultanément par l'effacement de la fonction paternelle et l'indifférenciation père-mère), tout en consentant à demeurer aveugle au lien radical entre ce délitement et l'emprise de la technoscience dans chaque recoin de notre tête et de notre monde social ; 2) se gargariser de son moi humaniste et progressiste en matière «de mœurs et d'éthique», tout en restant sourd à la continuité structurale entre, par exemple, la politique dite «émancipatrice» de l'euthanasie et le legs de la médecine nazie. S.L.
Quel rapport entre l'évitement de la conflictualité et l'essor du juridisme, entre l'essor des sectes et l'affaire du sang contaminé, entre la pilule anti-conceptionnelle et l'accroissement des problématiques d'inceste, entre le new-age et le monde virtuel de l'ordinateur ou les questions de diagnostic génétique? Le lien qui relie ces faits, apparemment disparates, est du même ressort que celui qui a rendu possible les dérapages totalitaires du XXe siècle, soutient Jean-Pierre Lebrun.
Ce point de départ situe le lien dans les processus de désymbolisation qui traversent nos sociétés, la disparition des rites, le tout concentré en un fait majeur : l'ébranlement de la figure paternelle au sein d'un système familial en voie de privatisation. Dès 1932, Jacques Lacan en faisait le constat : «Un grand nombre d'effets psychologiques nous semble relever d'un déclin social de l'imago paternel (…) Quelqu'en soit l'avenir, ce déclin constitue une crise psychologique (…) Peut-être est-ce à cette crise qu'il faut rapporter l'apparition de la psychanalyse elle-même.»
Notre si grande difficulté à saisir la portée de ce «monde sans pères», à pouvoir même le penser, est largement due à l'extrême parcellisation de nos connaissances : autre nom de leur privatisation. Dans le sillage de Freud et de Lacan, JPL insiste sur la profonde articulation individuelle et collective de cette crise, où le discours de la science recouvre les ruines du savoir du maître antique : «Nous soutiendrons que la psychanalyse est à même d'éclairer le ''malaise dans la civilisation'' d'aujourd'hui, en repérant en quoi notre social, marqué par les implicites du discours techno-scientifique secrète une adhésion insue à un ''monde sans limites'' et autorise ainsi la contrevenance aux lois de la parole qui nous spécifient comme humains».
La fonction du père
D'abord, un détour proprement psychanalytique, crucial pour la suite du propos : qu'est-ce qu'un père ? Quelle est la spécificité de sa fonction psychique auprès de l'enfant appelé à devenir sujet? En quoi le rôle du père a-t-il été mis à mal ? Face à ces questions, JPL pose en préambule ce constat historique : par étapes successives depuis la fin du XVIIIe siècle, le droit, notamment en France, traduit ce déclin des pères et la mise en cause de l'autorité paternelle. Celle-ci se retrouve invalidée, pour aboutir en 1970, à son remplacement par le concept d'autorité parentale.
L'impact sur le droit de la filiation est profond. Sous l'influence directe de la science biologique, prétendant décrypter l'énigme de la paternité, le fondement biologique de ce droit tend à se substituer à son fondement symbolique. La génétique promeut une paternité fondée sur le géniteur, ce qui fait dire à Irène Théry : «Croire que l'on peut refonder la sécurité de la filiation sur le fait biologique est l'une des illusions majeures de notre temps», car la filiation est ainsi identifiée à l'hérédité alors qu'elle est d'abord affaire de parole, le géniteur ne pouvant en cela être assimilé au père. Par ailleurs, cette même évolution du droit, par l'établissement de la coresponsabilité parentale, voit disparaître le concept d'autorité au profit de celui de responsabilité, dans un renversement de situation, sinon de droit, qui profite à la mère au détriment du père.
On notera donc que cette mutation dans le droit s'est opérée par l'invocation de la vérité scientifique certaine du géniteur, se substituant à la vérité psychique incertaine de la paternité : «C'est faire fi, dit JPL, de ce que, au sein de la notion de paternité, se trouve logé le cœur même de ce qui fait notre humanité et qu'un sujet ne peut exclure de sa destinée la dimension de l'incertitude sans s'abolir lui-même comme singularité subjective».
Le père, altérité irréductible, est le premier étranger, contrairement à la mère qui est «cet autre-même dont il faudra que l'enfant se sépare pour devenir sujet, et dans ce trajet, il est attribué au père, cet autre-autre, de venir faire contrepoids». Le père, par sa place indispensable de tiers, institue l'altérité. Dans ce complexe d'Oedipe identifié par Freud, le père a pour rôle de séparer l'enfant de la mère, cette tâche acquérant toute sa signification, selon Lacan, par la mise en place du langage. Le sujet ne se construit psychiquement qu'en se confrontant à cette asymétrie inhérente à la conjoncture familiale. C'est par le langage, introduit par le père, que se produit l'opération de séparation, par laquelle le futur sujet pourra soutenir son désir propre. En quelque sorte, le langage comble la béance de cette séparation de l'enfant d'avec sa mère, incontournable pour qu'il devienne sujet. Le père doit être présent dans ce vide laissé, sans non plus l'être excessivement, car il deviendrait à son tour une «deuxième mère» dont l'enfant ne pourrait plus se passer... Le père suscite ce décalage entre ce que dit la mère à et de son enfant, et ce que cet enfant est comme sujet. Il signifie à l'enfant qu'il n'est pas que ce que la mère dit qu'il est, que ses désirs lui sont propres et ne sont pas ceux de sa mère. En cela il relativise la portée des mots de la mère vers l'enfant : «Le père a donc la charge de fournir à l'enfant ce qui lui permet de faire obstacle à l'engluement de la mère». En substituant le signifiant paternel au signifiant maternel, le père «permet que s'entame le deuil de la complétude», de la totalité fusionnelle de la mère et de l'enfant.
La loi universelle de la prohibition de l'inceste est donc ici reprise au niveau familial dans le complexe d'Oedipe. Cet interdit de l'inceste revient en un passage de l'univers des choses en celui des mots ; il introduit à la fonction langagière : «c'est à ce titre que nous pouvons alors parler de «Loi du langage»». Ce décalage instauré par le langage avec le monde des choses, implique un renoncement par l'enfant à l'immédiateté. La castration, primaire et secondaire, est l'autre nom de ce renoncement au «voeux d'accomplissement incestueux ou de toute-puissance infantile».
Dans l'Oedipe, c'est donc le père qui représente cette loi du langage, et qui en est le révélateur. JPL rappelle ici que dans la phase préoedipienne, l'enfant se trouve dans un paradis imaginaire, dans une illusion réciproque avec sa mère, qui lui laisse à croire qu'il est tout pour elle, et lui-même se leurrant en se croyant être le centre du monde. Mais, «malheureusement – ou plutôt heureusement – un décollement va s'introduire dans cette apparente lune de miel» entre la mère et l'enfant, quand celui-ci se rendra compte qu'il n'est pas tout pour sa mère, qui outre qu'elle est une maman, est aussi une femme, une épouse. C'est là qu'intervient le père, venant «délivrer» l'enfant de son illusion. Il faut noter que pour que cette fonction paternelle puisse s'exercer, il est indispensable qu'elle soit reconnue, soutenue et nommée par la mère.
Ce qui ici est décisif, c'est que l'intervention du père fait basculer l'ordre imaginaire qui caractérisait la relation mère-enfant, vers un ordre symbolique qu'il s'agit maintenant d'installer définitivement. Pour l'enfant, la loi du langage à laquelle le père l'introduit, met fin à son espoir de pouvoir tirer jouissance de sa mère.
En cela, on peut relier la psychose à une défaillance de la fonction paternelle symbolique, la psychose étant alors une lésion de cette «armature langagière ou signifiante qui est constitutive du monde du sujet».
A ce stade, JPL établit le lien entre l'enjeu qui vient d'être décrit dans son contexte individuel et familial, et son inscription dans le monde social. Il ne suffit pas en effet au père que la mère lui reconnaisse sa fonction. Celle-ci doit également être ratifiée au niveau social. Sinon, comme le dit Aldo Naouri, «si le corps social l'abandonne (le père) et décide de le laisser affronter seul la propension incestueuse maternelle, il le réduit à l'impuissance, ouvrant la voie à une violence qui débordera très largement le cadre strict de la famille».
Vivons-nous dans un monde sans pères ? On ne peut en tout cas pas dire que nous vivions dans un monde sans papas. Beaucoup de pères divorcés revendiquent par exemple le droit de continuer de s'occuper de leur enfant. De même, les pères semblent plus présents que jamais auprès du tout jeune enfant, qu'ils soignent, qu'ils baignent, qu'ils font manger, avec compétence et tendresse. Mais les fonctions maternantes étant si prégnantes dans le monde social, on peut se demander si ces papas ne sont pas d'abord devenus des «mères-bis»? Ce qui serait désigné comme une «absence des pères» ne désignerait-il pas une confusion des places et «un glissement du rôle des pères vers l'idéal de la mère»? Ce gommage en cours de la différenciation père-mère, jusque dans le droit par le concept d'autorité parentale, va dans le sens de la désymbolisation, ôte la confrontation avec la dissymétrie, par laquelle le sujet peut supporter les conflits et se confronter au réel de l'altérité : «ce faisant c'est tout un équilibre qui est en rupture (…) quelque chose semble s'être passé dans le social qui a rendu caduque cette place pour le père (…) Mais à qui ou à quoi attribuer la responsabilité de cette configuration?».
Le discours de la science
«Notre hypothèse, c'est que c'est la survenue du discours de la science et surtout son accomplissement actuel qui a subverti en profondeur, d'une manière inédite et souvent insue d'elle-même, l'équilibre jusque là en jeu dans la famille, scène de l'élaboration de la réalité psychique du sujet et creuset de la vie sociale, et que ceci a rendu, dès lors, difficile l'exercice de la fonction paternelle», pose JPL, qui précise d'emblée qu'il ne s'agit là en rien de décrier la connaissance scientifique en tant que telle, mais bien plutôt, comme nous le verrons, la place démesurée que celle-ci s'est attribuée, par une opération de nécessaire enfouissement de la vérité, dont pourtant cette connaissance scientifique procède, et à laquelle elle aurait donc dû demeurer subordonnée.
L'affaire Galilée ouvre un conflit de légitimité entre l'autorité de l'Eglise et celle de la science : «Galilée et sa lutte contre Rome ont été suscitées par l'événement que constitue la possibilité d'affirmer «cela est scientifique»» (Isabelle Stengers). Un nouveau lien social se fonde dans ce nouveau principe de légitimité : non plus l'énonciation du maître, son dire, mais un savoir d'énoncés qui s'empilent les uns sur les autres, le dernier rendant déjà obsolète le précédent. Le rapport savoir-sujet remplace le rapport maître-sujet.
Et dans ce basculement, encore une fois, JPL distingue très clairement la science, comme procédé de connaissance, du «discours de la science» comme nouveau fondement du lien social, qu'il subvertit en venant se substituer à la loi du langage, avec tout ce que cela va impliquer dans le rapport du sujet à la limite : «ce développement véhicule en son sein ce dont profite le sujet pour ne pas avoir à assumer les conséquences de ce que parler implique». La science s'attribue ainsi, au cœur du social, une autorité qu'elle n'avait pas jusque là et qu'elle n'avait pas vocation à avoir.
Dès son origine, la science porte en elle une volonté de subvertir le langage, de le réduire à une fonction utilitaire. Les Grecs visaient déjà un savoir affranchi de la subjectivité des locuteurs. Il faudra attendre l'âge classique pour que ce vœux se réalise pleinement. Déjà loin de Montaigne qui constatait la vanité du savoir, le Discours de la méthode que publie Descartes en 1637, vise la recherche d'un point de certitude pour la construction des sciences : «Ainsi la science se constitue, non plus sur les perceptions mais sur les idées elles-mêmes. La rupture est dès lors faite avec la position épistémologique d'Aristote pour qui la priorité restait accordée à la chose existante». Descartes dissocie notre entendement de notre sens commun, dont il s'agit désormais de faire abstraction. Avec Galilée, il prend parti pour un rapport à la nature et au monde réduits à leur mathématisation.
Telle est la coupure fondamentale d'avec les Grecs : le savoir évacue la question de la vérité : «Désormais, savoir et vérité sont disjoints et le savoir, de ne plus être obligé de se confronter sans cesse à ce qui le fonde, peut se capitaliser. Le s
04/02/2014 | Lien permanent
J.P. Lebrun, ”Un monde sans limite” [2]
Quand les différences sont assimilées à des "discriminations" :
Un scientisme ordinaire
La science raciale des nazis est donc liée à ce «remplacement» de l'énonciation du père par de simples énoncés des présupposés scientifiques. Peut dès lors s'opérer une adhésion «en toute innocence» à un énoncé meurtrier, couvert sous l'alibi scientifique. En cela, Gérard Haddad pose la question : «Le nazisme n'est-il pas le signe avant-coureur du fantasme suicidaire qui habite le sujet de la science?». Le système totalitaire nazi s'enracine dans ce discours de la science, nouveau référent central du monde social.
Dans La condition de l'homme moderne (1958), Hannah Arendt avance que la modernité se caractérise par une «perte en monde» radicale, du fait même de cette inscription dans le discours de la science, qui a induite chez l'homme la perte de son rapport au monde et au sens commun. Par excellence, l'homme du système totalitaire se coupe de l'expérience. La pensée s'en émancipe, au prix d'une ruine de la faculté de juger. Arendt dévoile le lien entre l'impuissance à penser et l'incapacité d'éprouver des expériences. Traduisant la pensée d'Hannah Arendt, Anne-Marie Roviello écrit : «Dans le monde du non-sens qu'est le système totalitaire, l'idéologie ne se définit pas tant par des contenus de pensée, par une vision, même dogmatique du monde, que par un aveuglement actif et radical de la pensée au monde (…) Le sujet idéal du régime totalitaire n'est ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais l'homme pour qui la distinction entre le vrai et le faux n'existaient plus». La rupture de la pensée avec sa propre origine est donc consommée dans le régime totalitaire.
L'idéologie totalitaire, plus même qu'un discours mensonger, travaille à imposer au réel sa propre cohérence. Le monde totalitaire manifeste en cela la caractéristique du monde moderne : l'hubris (l'excès), la rupture d'avec le sens commun et le sens des limites : «L'aphorisme du «tout est possible» devient le trait qui caractérise nos sociétés modernes».
Lors du procès Eichmann à Jérusalem en 1963, Arendt ne découvre pas en lui un «monstre» mais un personnage parfaitement banal, un haut fonctionnaire de l'extermination, incapable de penser en dehors de la hiérarchie à laquelle il est totalement intégré. Elle voit en lui un paradigme du sujet (ou plutôt a-sujet) du système totalitaire : «C'est cette ruine de la faculté de juger qu'elle rendra responsable de la «banalité» du mal (…) Dans le système totalitaire, apparaissent un criminel et un mal nouveaux (…) il ne s'agit pas d'un sujet maléfique, mais d'un sujet qui démissionne de sa position de sujet, qui se soumet entièrement au système qui le commande (…) Il se trouve ainsi, à la lecture de Hannah Arendt une convergence entre système totalitaire et sujet qui démissionne de son énonciation ; ce qui inaugure cette configuration, c'est la possibilité pour un sujet d'être soulagé du malaise de l'incertitude inhérente au fait de penser et de soutenir son désir dans sa singularité, en s'en remettant aux seuls énoncés».
L'idéologie nazie trouvait sa justification dans la science, via la biologie raciale. Pendant longtemps, face à cette réalité, on s'est contenté, afin que la science en reste blanchie, d'évoquer ici une «pseudo-science» ou l'influence fort dommageable de l'idéologie sur la science. Or, la science nazie n'a pas seulement été «abusée». Constatons que les abusés étaient pour une large part aussi les abuseurs. Les scientifiques ont contribué au programme du régime nazi. Une telle compromission est inhérente à la méthode scientifique et au marquage du lien social qu'elle instaure : «C'est bien la science en tant que système qui est mise en cause» affirme Josiane Olff-Nathan.
JPL signale que les médecins étaient la corporation la plus représentée au sein des instances du parti nazi : 45% du corps médical était membre du parti national-socialiste. Les médecins ont directement collaboré à l'entreprise des camps d'extermination. De plus, comme le rappelle JPL, « il nous faut savoir qu'avant l'horreur des camps d'extermination, il y a eu, entre 1939 et 1941, une politique dite "d'euthanasie", en l'occurrence le programme T4 qui consistait à organiser la suppression des 'vies qui ne valaient pas la peine d'être vécues" (…) A la tête des "stations d'euthanasie", c'étaient des médecins qui organisaient la sélection des victimes ». Lors du procès Eichmann, l'avocat de celui-ci, insista auprès du juge pour parler de la mise à mort par gaz comme «procédé médical», mis au point par des médecins.
Cette adhésion-fascination massive des médecins au nazisme est directement liée à la spécificité de l'idéologie nazie, comme biologie ou raciologie appliquée. En ce sens, l'antisémitisme et le racisme nazi, de viscéraux, deviennent scientifiquement "justifiés", et l'épuration biologique vient justifier scientifiquement l'élimination de ceux et celles qui sont identifiés comme la cause du mal social. Les exhortations anti-juives d'Hitler étaient du reste remplies du vocabulaire médical.
Le système totalitaire nazi s'est donc appuyé sur l'autorité de la science, celle-ci se substituant à celle du père. A cet égard, pour comprendre le totalitarisme nazi, JPL en resitue l'enjeu en l'articulant à la question de la famille et du déclin des pères, telle qu'abordée plus haut.
Distinct en cela de la tyrannie, comme figure abusive du père ou du maître, dans le totalitarisme, «ce qui est à faire disparaître, c'est (au contraire) l'altérité du Père». Le ressort antipaternel de l'antisémitisme nazi se manifeste par la volonté d'exterminer radicalement la religion du Père.
Dit autrement, le vœux du tyran est de se débarrasser du féminin, alors que le système totalitaire s'attaque à la fonction paternelle, en ce qu'elle (comme nous l'avons vu) ouvre à la possibilité de l'altérité : «Tel sera le paradoxe : métapsychologiquement, la figure de Hitler serait bien plus à mettre en relation avec la mère toute-puissante, qu'avec ce qu'on appelle communément un père tyrannique». Le père occupe la position de l'exception alors que la mère intervient du lieu de la totalité.
Un symbolique virtuel
JPL a donc jusqu'alors montré l'importance de la fonction paternelle pour la constitution psychique du sujet ; il a fait le constat que cette place du père est aujourd'hui ébranlée par le discours de la science faisant vœux de faire disparaître l'énonciation, et que par structure, la méthode scientifique porte en elle même une potentialité totalitaire. Dans ce qui suit, il montre l'empreinte de la technoscience dans l'environnement social, concomitamment au discrédit jeté sur l'autorité paternelle, et donc à la subversion de l'équilibre familial. De multiples pathologies nouvelles sont liées à cette transformation.
Dans la continuité de la tradition chrétienne, Dany-Robert Dufour, dans Les mystères de la trinité, insiste sur cette trinarité inscrite au cœur de notre condition d'être parlant. Elle est spécifique à la condition humaine, au symbolisme humain et à la Loi du langage, que le sujet met en place par l'intervention du père, figure tierce par excellence. Le passage de la trinarité au binaire est une autre façon de dire la perte du sens commun sous les effets du discours de la science. L'incrustation et la sophistication de la technique dans tous les recoins de notre quotidien nous fait perdre le sens de l'expérience, lié à la confrontation au ternaire : «En effet, ce qui fait le sens commun – ou le bon sens comme on l'appelle – ne renvoie pas à des connaissances mais à un savoir interne au sujet, à cette faille qui le fait sujet et qui de ce fait lui donne une boussole qui n'a besoin d'aucune connaissance extérieure pour fonctionner. Ce sens commun n'est que le résultat de la mise en place de l'ordre symbolique humain qui nous caractérise. Mais lorsque nous nous laissons emporter par l'environnement technique, (s'introduit alors une nouvelle donne) qui fait perdre au sujet le sens de la limite.» Le discours laissant à croire que demain «tout sera possible» efface la possibilité de l'expérience spontanée. Il y a changement de nature dans le passage de l'ordre symbolique à l'ordre technique, dans lequel le rôle du langage tend à disparaître, notamment par son informatisation. La syntaxe informatique et le fonctionnement même de l'ordinateur, s'aligne sur le régime binaire : c'est oui ou c'est non.
Autre trait de ce marquage par le discours de la science et de la technicisation : le primat de l'efficacité, visant une maîtrise et une prédiction d'un réel purement opératoire. L'identification de l'essence de l'homme à la carte du génome réduit l'homme à une définition strictement opératoire.
Dans cette optique du discours de la science, il s'agit donc de créer un nouveau langage, en conséquence de cet impératif opératoire. Georges Orwell, dans son roman 1984, l'a appelé la novlangue, à la construction de laquelle travaille Winston. Toute nuance doit être effacée afin que dans ce langage, les mots n'aient plus qu'une fonction opératoire. Chaque nouvelle version des dictionnaires de novlangue contient un vocabulaire toujours plus appauvri, écartant toujours plus loin la tentation de réfléchir. Orwell décelait ce passage vers un langage automatique et non plus voué à l'expression de la volonté personnelle. En cela, dans son roman, la novlangue est un des fondement du totalitarisme : «La novlangue, en gommant le travail de l'énonciateur, élimine tout ce qui pourrait mettre en panne la transmission de l'idéologie et génère un monde entièrement régi par ce néo-symbolique. Elle vise en même temps son utopie ultime : une voix unifiée rendue conforme au désir de Big Brother.» Autrement dit, «la révolution sera complète quand le langage sera parfait» (1984). Purement binaire, la novlangue oppose toujours deux mots opposés l'un à l'autre, et pratique constamment l'euphémisme. Ainsi, aujourd'hui «plan social» signifie mettre au chômage quelques milliers de personne : «Dans notre société, un nouveau langage est né : celui du parler pour ne pas dire».
JPL avance encore d'autres caractéristiques du marquage social par le discours de la science, comme la disparition de la catégorie de l'impossible : «Etant donné que, dans le symbolique de la science, ce réel originel est oublié, la conséquence en est que vouloir l'impossible est confondu avec rendre tout possible (...) et il ne faudra pas nous étonner que dans un tel contexte, notre limite à tous – la mort elle-même – soit devenue incongrue.»
Autre caractéristique, (à l'image de l'ordinateur qui 1. marche ou 2. ne marche pas), la «loi du tout ou rien», inhérente à la binarité en voie de généralisation : «Ainsi, par exemple, il apparaît comme une ineptie de militer pour que l'homosexualité soit acceptée dans la société, en même temps que de persister dans le refus d'accorder le mariage aux homosexuels. C'est ou l'égalité ou l'injustice !». La possibilité même du discernement tend à disparaître.
Encore un autre trait : la prétention universalisante du discours de la science, sensé s'appliquer à tous. Il sait ce qui est bon pour nous, comme le savoir maternel (sans le contrepoids du père) sais «infailliblement» ce qui est bon pour l'enfant. Ce règne de la «mêmeté» tend à réduire et à effacer toute différence.
Par ailleurs, le discours de la science transforme le rapport au temps, qui d'historique devient opératoire. Il n'est plus question de se laisser du temps, de prendre son temps, car le temps technicien ne connaît plus que le futur. «Notre temps social aujourd'hui consacre bien le temps de la science».
L'analyse est ensuite portée sur cet ébranlement de nos repères symboliques chez l'individu et à l'intérieur même du lien social. JPL part de ces deux registres de l'Imaginaire et du Symbolique, comme deux modalités complémentaires de l'intervention parentale : «Le fait d'en rester au seul amour maternel laisserait dès lors le sujet en proie à la préséance du leurre imaginaire s'il n'y avait pour l'en délivrer l'intervention paternelle : manœuvre qui implique la reconnaissance de la présence du Symbolique (…) L'intervention paternelle – son amour «sous condition» - métaphorise la possibilité pour le sujet de se repérer ailleurs que dans l'image ou dans le miroir.»
Lacan avait souligné le lien entre la perversion et la prévalence de la dimension imaginaire. Dans la perversion, le désir reste organisé par l'instance imaginaire. Notre monde social, précisément, prédispose à ce type de fonctionnement, à cet enlisement dans l'imaginaire, par cette prolifération d'objets et de gadgets immédiatement disponibles, comme des «dûs». Le monde social favorise le leurre imaginaire, l'illusion que «tout est possible», alors que l'ordre symbolique, auquel introduit le père, nous aidant en cela à devenir des sujets adultes, implique au contraire de faire le deuil de cette illusion infantile : «ce père vient mettre fin au rêve d'accomplissement de toute-puissance.»
Aussi, «le sujet s'autorise du discours social ambiant pour «s'immuniser» contre le père, puisque ce même social, marqué par le discours de la science, consacre le renforcement de la position maternelle (…) C'est à faire face aux conséquences d'un tel dispositif, que la société se voit contrainte aujourd'hui.» La clinique quotidienne du psychanalyste, en effet, amène celui-ci à faire le constat des ravages qu'entraîne cet évitement du tiers. En même temps qu'elle entretient la croyance que «tout est possible» et qu'elle promeut la persistance de la toute-puissanc
04/02/2014 | Lien permanent | Commentaires (22)
GPA : le business est pour
Sur le site de Libération, organe de la bourgeoisie lib-lib, cette perle de lecteur :
...signalée par un ami de notre blog :
"LeftMind 3 Février 2014 à 12:45
Nous avons la chance de vivre dans une économie de marché qui permet de relayer les avancer sociétales. Ouvrir à tous la GPA et la PMA est un moyen de créer de la croissance car ce là donnera des emplois et un carnet de commande aux laboratoires, spécialistes impliqués dans le processus. Il y aura donc création de valeur d'un ^coté et bonheur familial de l'autre.."
(du fil de commentaires sous http://www.liberation.fr/societe/2014/02/03/valls-le-gouv...)
> Commentaire de notre ami : « Si on remplace GPA par "capacité à acheter une voiture" et "laboratoires" par "usine de production", ça marche aussi, non ? »
> Mon commentaire : 1. admirez l'orthographe du soldat d'élite de l'industrie biotechnologique. 2. Admirez aussi le concept de "spécialistes impliqués dans le processus" ! La formule est splendide, elle mérite de prendre rang après les deux célèbres âneries showbiz des années 1990 : "merci à tous les professionnels de la profession", et : "vous êtes connu pour votre notoriété". 3. L'auteur de la perle signe LeftMind, ce qui veut dire : a) que la gauche franco-française parle américain autant que la droite ; b) que cette gauche est du côté de l'aile la plus inhumaine du productivisme ; c) que c'est tout ce qui lui reste de sa période marxisante, révolue depuis bien longtemps. 4. Merci à LeftMind pour ce texte riche en enseignements, et surtout pour la phrase qui devrait rendre antilibéraux tous les non-conformistes : "une économie de marché qui permet de relayer les avancées sociétales". Ce lien entre le modèle économique et les lois Hollande-Ayrault échappait encore au regard de la majorité des protestataires...
04/02/2014 | Lien permanent | Commentaires (11)
Et à quoi s'occupe le Sénat ? à dépénaliser le chichon
Après le bobo qui veut la GPA pour doper la croissance (note précédente), la sénatrice Benbassa lance un nouveau Grand Débat Sociétal : vite ''une loi pour lever le tabou sur l'usage du cannabis'', parce que ça créerait des emplois !
...car, dit-elle, ''pourquoi se voiler hypocritement la face devant les retombées économiques positives, créations d'emplois incluses, que l'encadrement suggéré par la proposition de loi écologiste est susceptible de générer ? ''
La sénatrice EELV du Val-de-Marne rejoint ainsi, last but not least, le cercle des vieux doctrinaires ultralibéraux (ceux des années 1985-1990), qui réclamaient la dépénalisation des drogues en vertu de la théorie classique du laissez-faire. Leur raisonnement s'étendait à toutes sortes d'autres activités, injustement maintenues dans la zone grise de l'économie parallèle...
La proposition de loi de Mme Benbassa sera présentée à la presse le 6 février au Palais du Luxembourg. Qui oserait douter encore de l'utilité du Sénat ? Toujours prêt à étendre les domaines du marché ; et plein de considération envers ''les experts concernés par le processus'', comme dit le bobo LeftMind.
L'écologie n'a évidemment rien à voir avec tout ça. Mais elle est le moindre souci du parti ''écologiste'' : d'où ses misérables scores... Une misère qui permet tout de même de devenir député, sénateur, et ministre.
04/02/2014 | Lien permanent | Commentaires (14)
Les députés PS se disent en guerre ”contre les curés” ! Non : ils sont en guerre contre les mesures familiales issues de
La révolte du groupe socialiste de l'Assemblée persiste, soutenue par les radios du service public :
La gravité du ''péril prêtre'' n'échappe pas aux élus et aux journalistes, puisque nous sommes en 1834. Ce matin à France Inter et France Culture, l'aube était encore plus anticléricale que d'habitude : en réunion de groupe, les députés PS venaient de hurler au danger calotin pour intimider M. Ayrault et obtenir que les ''mesures phare'' du projet de loi retiré soient réintroduites, en ordre dispersé, après les municipales.
À entendre ces députés, flanqués de M. Mamère et de M. Plenel (France Culture ce matin), le mouvement de résistance familiale serait une création du clergé ; la présence d'un cardinal et de deux imams dans la foule lyonnaise serait un affront à la République [1], déjà menacée dans son existence même (là nous sommes en 1934) ; et critiquer un amendement PMA éventuel serait un complot factieux, car cet amendement était tabou – en raison de son sujet – avant même d'exister...
Les députés PS déplacent le problème. Ce contre quoi ils sont objectivement en guerre n'est pas le clergé. C'est la politique familiale issue de la Résistance et de la refondation républicaine de 1946... Ce qu'on veut « déconstruire » [2] aujourd'hui avait été construit par le CNR en vue de revitaliser la société après la Libération ! Constater ça, c'est comprendre à quel point l'état d'esprit de la classe politique (et le PS n'est pas seul en cause) a dégénéré depuis dix ans, sous l'emprise du consumérisme.
Personne ne nie que la société a changé en profondeur, en particulier dans le domaine de la vie conjugale et familiale ; et que la République doit adapter sa façon de soutenir les familles de toutes sortes. Encore faut-il qu'il s'agisse de soutenir, non d'aggraver le processus de dissociation. Encore faut-il que l'on n'appelle pas « adaptation » une pollution radicale de la loi par l'hyper-individualisme, indexé sur les caprices de consommateur. Et que l'on incite les adultes à remplir leurs devoirs envers les enfants, au lieu de sembler leur dire : « ne vous souciez pas des enfants, l'école de M. Peillon se charge d'eux à tous points de vue. »
Dans un de ces élans oratoires kitsch qui contribuent (ainsi que sa moustache) à le rendre intemporel, M. Plenel, ce matin, accusait « d'immobilisme » les supporters de la famille. M. Plenel déparle. Le familial est le contraire de l'immobilisme : c'est l'élan vital, le mouvement même de la vie. On regrette d'avoir à le rappeler... Et c'est le véritable objet du débat : celui que les législateurs de la Libération voyaient clairement, et que les nôtres ne voient plus – embrumés qu'ils sont par le malthusianisme libéral.
Les députés PS racontent que leur « Progrès » est menacé par « les réactionnaires » ? Mais ce Progrès-là mène le PS dans le même camp que les patrons de Goldman-Sachs et de Monsanto [3] ; et le pouvoir « progressiste » français applique la politique économique du Medef... Il faudrait ainsi appeler « réactionnaires » ceux qui s'opposent à Goldman-Sachs, à Monsanto et aux exigences de M. Gattaz ? À ce degré de confusion mentale, mieux vaudrait reconsidérer l'ensemble de la question.
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[1] On en déduit qu'un cardinal ou un imam sont privés des droits du citoyen. Il faut aussi leur ôter leur carte d'électeur.
[2] Mot à la mode, mais insolite en matière de législation (et d'Education nationale).
[3] Lobbyistes de choc (auprès de la Cour suprême), en faveur de réformes « sociétales » comparables à celles que prône le PS français.
05/02/2014 | Lien permanent | Commentaires (23)
”Hiver solidaire” : accueil des sans-abri dans les paroisses
L’opération Hiver solidaire a repris à Paris pour la 6e année. 23 paroisses de la capitale y participent. Plus d’une centaine de personnes de la rue sont déjà accueillies, d’autres vont pouvoir les rejoindre :
Cet accueil n’est pas un hébergement comme les autres : 3 à 10 personnes sans logement sont reçues chaque soir dans les locaux paroissiaux pendant les mois d’hiver, pour dîner, passer la soirée et dormir avec des paroissiens. Il s’agit certes, de leur offrir un abri, mais surtout de créer une relation fraternelle dans la durée, centrée sur la rencontre, le partage et la convivialité. L’opération est portée dans la prière, notamment au cours des messes quotidiennes et dominicales, ce qui permet d’impliquer toute la paroisse. Les fruits d’ « Hiver Solidaire » sont multiples : outre la confiance qui favorise l'accompagnement des personnes accueillies, il y a la transformation du regard des uns sur les autres, le maillage d’amitié qui se crée dans le quartier…
La priorité donnée au lien fraternel conjuguée à l’expérience et au savoir-faire des équipes paroissiales a permis une reconnaissance par l’État de la qualité de l’accueil et de l’accompagnement fait par « Hiver Solidaire ». C’est pourquoi, les pouvoirs publics ont mis cette année des ressources humaines à disposition de l’opération, via l’association Aux Captifs la libération. Celle-ci abrite deux travailleurs sociaux financés par l’État, dont la mission est d’aider les paroisses dans le suivi des personnes accueillies et la préparation de leur sortie d’ « Hiver Solidaire ». Ils les épaulent en particulier dans la constitution du dossier administratif nécessaire pour toute demande de logement et démarche d’insertion.
La mobilisation des paroisses et des associations chrétiennes au service des personnes de la rue passe aussi par d’autres opérations qui se poursuivent tout au long de l’année : en allant à leur rencontre par des maraudes, en les accueillant lors de moments conviviaux (petits-déjeuners, repas), en les accompagnant pour les démarches et les besoins de leur vie quotidienne. Toutes ces actions sont menées en privilégiant la rencontre et l’établissement d’un lien fraternel, selon la demande du bon samaritain à l’aubergiste : « Prends soin de lui ! » (Luc 10, 35).
Plus d’informations sur
http://www.paris.catholique.fr/-monde-de-la-rue-.html
27/01/2014 | Lien permanent | Commentaires (2)
”Avec le pape François, face aux nouvelles pauvretés”
60e anniversaire de l'appel de l'abbé Pierre (hiver 1954) ! En écho aux appels du pape François, journée spéciale à Radio Notre Dame le jeudi 30 janvier : Comment trouver de nouveaux modes de coopération et d’entraide ? Émissions : René Poujol / Dominique Balmary, François Soulage, Florent Gueguen / Emmaüs / Le pape François à Assise / Les personnes de la rue / Débat public à la CEF, 20h30 : Mgr de Dinechin, P. Bernard Devert, Pierre-Yves Madignier, Patrice de Plunkett. Programme détaillé : ici
28/01/2014 | Lien permanent
Emplois : l'idylle Elysée-Medef ne sera pas féconde
La baisse des charges est un faux calcul :
<< Dans le projet du gouvernement, le financement est non seulement assuré (hausse de la TVA, économies sur les dépenses), mais il intervient même en amont, ce qui accroît l'effet récessif. Second point : l'actuel CICE (et a fortiori les baisses à venir sur les cotisations famille) touche les rémunérations jusqu'à 2,5 Smic, contre 1,6 Smic aujourd'hui. Or, selon Eric Heyer, ''plus les exonérations sont accordées sur un éventail de salaires large, moins l'effet emploi est important ''. Tous les critères semblent donc réunis pour que l'effet sur l'emploi de la baisse du coût du travail de 30 milliards d'euros prévue dans le cadre du pacte de responsabilité soit faible. Voire ''presque nulle'', selon l'économiste Jean Gadrey. […] Il rappelle également que nombre d'entreprises françaises, comme leurs homologues américaines, sont d'ores et déjà ''assises sur une montagne de liquidités''. Leur vrai problème ? L'absence de débouchés, autrement dit de demande, qui entrave leurs volontés d'investissement. […] La politique de baisse du coût du travail, un coup d'épée dans l'eau ? A voir. >>
(Libération, 28/01).
Ce qui n'empêche pas la droite d'argent d'applaudir à la suppression nocive des cotisations familiales, et de surenchérir : les mesures de Hollande ''vont dans le bon sens mais pas assez loin'', etc. Que voudrait dire ''aller plus loin'' ? Eh bien par exemple : supprimer l'aide médicale de l'Etat, comme le propose le think-tank libéral catholique (oui, catholique !) nommé non sans culot Institut Thomas More. Le pauvre grand martyr anglais doit se retourner dans sa tombe... Quant au pape François, vous verrez un peu plus que son ''regard noir'' – comme disent mes confrères – quand on lui apprendra ce que racontent ces pharisiens de Bruxelles.
28/01/2014 | Lien permanent | Commentaires (2)
”Journée de retrait de l'école” : un souci pour Peillon ?
Il se fend d'un communiqué spécial pour jurer ses grands dieux qu'il "n'y a pas d'enseignement de la 'théorie du genre' à l'école, mais une éducation à l'égalité fille-garçon" :
Farida Belghoul et la "Journée de retrait de l'école"...
'' Il y a un certain nombre de parents qui, m'a-t-on dit, ont été inquiets, se sont laissés prendre à cette rumeur totalement mensongère selon laquelle, à l'école, on apprendrait aux petits garçons à devenir des petites filles... Tout ça est absolument faux, il faut cesser '', proclame le ministre.
Si la rumeur venait d'une frange d'ex-LMPTistes, M. Peillon ne serait pas inquiet : il serait ravi.
Mais cette rumeur vient de la cinéaste [1] franco-algérienne Farida Belghoul : ex-membre des étudiants communistes, pionnière du mouvement des beurs en 1984 et de tous les combats pour l'égalité. Ces origines assurent à Mme Belghoul une image (banlieues et gauche-de-gauche) que ses relations récentes avec Alain Soral n'ont pas encore annulée.
D'où l'angoisse de Peillon et des syndicats de l'EN depuis que Farida Belghoul, en octobre 2013, a ouvert le feu contre ce qu'elle considère comme un début de gender à l'école ! Le 13 décembre, elle lançait l'initiative ''Journée de retrait de l'école'' (JRE) qui invite les parents à garder leurs enfants à la maison, un jour par mois, pour obtenir ''l'interdiction de la théorie du genre dans tous les établissements scolaires''. Les premières JRE ont lieu en ce mois de janvier, avec un succès assez significatif – notamment chez les parents musulmans – pour que le ministère prenne peur.
Afin d'y voir clair, éliminons les faux-semblants.
1. Le fait que Soral soutienne Farida Belghoul fait partie de l'embrouille générale (affaire Dieudonné) qui tente, depuis quelques semestres, d'introduire des extrémistes nihilistes dans le débat sur la condition humaine ; mélange contre-nature dont la droite mainstream ne semble pas toujours vouloir se préserver, ayant elle-même grillé quelques neurones en battant le pavé.
2. Mais le fait que les parents musulmans écoutent Farida Belghoul n'a rien à voir avec l'extrême droite, et devrait être pris en considération par l'Education nationale.
3. M. Peillon abuse en affirmant que l'idéologie du gender "n'existe pas"... alors qu'elle dispose d'un brillant lobby [2] dans l'université, qui organise des symposiums stratégiques à l'EHESS. Si le ministre veut convaincre les familles que les modules ABC ne sont qu'une éducation (légitime) à l'égalité, il va devoir le prouver.
Tant qu'il ne l'aura pas fait, les parents écouteront Mme Belghoul quand elle dit, par exemple : "Cette idéologie s'immisce dans les programmes scolaires de manière extrêmement pernicieuse et à visage masqué derrière l'égalité..." Ou quand elle dit : "Qui défend aujourd'hui cette théorie ? Les féministes radicales comme Judith Butler et le lobby LGBT, assez influent pour que cela devienne une priorité de l'Education nationale dans les programmes scolaires. Ceci alors que nous avons des taux d'illettrisme de plus en plus importants dans les écoles et pas seulement dans les quartiers populaires, dans les couches moyennes aussi..." Ou encore (et on en voit l'effet chez les musulmans) : "Le politique est devenu l'instrument d'un projet spirituel au sens 'maléfique' du terme..."
Mme Belghoul se fait entendre d'autant mieux qu'elle veut mobiliser, dit-elle, "les parents de toutes convictions, qu'ils soient musulmans, catholiques, athées etc" [3] – face à cet Ubu roi : un gouvernement incapable de gouverner, mais inféodé à n'importe quoi.
PS – Un détail tout de même : le slogan anti-gender qui cartonne est : Tu seras une femme, mon fils. Pourquoi pas : Tu seras un homme, ma fille ?
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[1] Auteur notamment de C'est madame la France que tu préfères : histoire d'une fratrie de la seconde génération (1980).
[2] Ce lobby est loin de se limiter aux milieux PS ou Verts. Sous Sarkozy, en 2011, le ministre Luc Chatel avait introduit dans les classes de première un manuel de sciences de la vie dont un chapitre s'intitulait : Devenir homme ou femme.
[3] Une conférence de Farida Belghoul à Asnières :
http://www.youtube.com/watch?v=-I1OhNvJ4vY
28/01/2014 | Lien permanent | Commentaires (32)
Les chrétiens français commencent à renoncer au libéralisme, ”à ses oeuvres et à ses séductions” (rituel du baptême)
Luc Reitenbach du mouvement EDC (Entrepreneurs et dirigeants chrétiens) : « La finance peut être maîtrisée, à condition que le politique reprenne la main, et ce au niveau international... » (Lettre de l'Eglise catholique dans les Hauts-de-Seine, janvier-février 2014).
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12/01/2014 | Lien permanent | Commentaires (10)