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04/02/2014

J.P. Lebrun, "Un monde sans limite" [2]

Quand les différences sont assimilées à des "discriminations" :

 


Un scientisme ordinaire

 

La science raciale des nazis est donc liée à ce «remplacement» de l'énonciation du père par de simples énoncés des présupposés scientifiques. Peut dès lors s'opérer une adhésion «en toute innocence» à un énoncé meurtrier, couvert sous l'alibi scientifique. En cela, Gérard Haddad pose la question : «Le nazisme n'est-il pas le signe avant-coureur du fantasme suicidaire qui habite le sujet de la science?». Le système totalitaire nazi s'enracine dans ce discours de la science, nouveau référent central du monde social.

Dans La condition de l'homme moderne (1958), Hannah Arendt avance que la modernité se caractérise par une «perte en monde» radicale, du fait même de cette inscription dans le discours de la science, qui a induite chez l'homme la perte de son rapport au monde et au sens commun. Par excellence, l'homme du système totalitaire se coupe de l'expérience. La pensée s'en émancipe, au prix d'une ruine de la faculté de juger. Arendt dévoile le lien entre l'impuissance à penser et l'incapacité d'éprouver des expériences. Traduisant la pensée d'Hannah Arendt, Anne-Marie Roviello écrit : «Dans le monde du non-sens qu'est le système totalitaire, l'idéologie ne se définit pas tant par des contenus de pensée, par une vision, même dogmatique du monde, que par un aveuglement actif et radical de la pensée au monde (…) Le sujet idéal du régime totalitaire n'est ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais l'homme pour qui la distinction entre le vrai et le faux n'existaient plus». La rupture de la pensée avec sa propre origine est donc consommée dans le régime totalitaire.

L'idéologie totalitaire, plus même qu'un discours mensonger, travaille à imposer au réel sa propre cohérence. Le monde totalitaire manifeste en cela la caractéristique du monde moderne : l'hubris (l'excès), la rupture d'avec le sens commun et le sens des limites : «L'aphorisme du «tout est possible» devient le trait qui caractérise nos sociétés modernes».

Lors du procès Eichmann à Jérusalem en 1963, Arendt ne découvre pas en lui un «monstre» mais un personnage parfaitement banal, un haut fonctionnaire de l'extermination, incapable de penser en dehors de la hiérarchie à laquelle il est totalement intégré. Elle voit en lui un paradigme du sujet (ou plutôt a-sujet) du système totalitaire : «C'est cette ruine de la faculté de juger qu'elle rendra responsable de la «banalité» du mal (…) Dans le système totalitaire, apparaissent un criminel et un mal nouveaux (…) il ne s'agit pas d'un sujet maléfique, mais d'un sujet qui démissionne de sa position de sujet, qui se soumet entièrement au système qui le commande (…) Il se trouve ainsi, à la lecture de Hannah Arendt une convergence entre système totalitaire et sujet qui démissionne de son énonciation ; ce qui inaugure cette configuration, c'est la possibilité pour un sujet d'être soulagé du malaise de l'incertitude inhérente au fait de penser et de soutenir son désir dans sa singularité, en s'en remettant aux seuls énoncés».

L'idéologie nazie trouvait sa justification dans la science, via la biologie raciale. Pendant longtemps, face à cette réalité, on s'est contenté, afin que la science en reste blanchie, d'évoquer ici une «pseudo-science» ou l'influence fort dommageable de l'idéologie sur la science. Or, la science nazie n'a pas seulement été «abusée». Constatons que les abusés étaient pour une large part aussi les abuseurs. Les scientifiques ont contribué au programme du régime nazi. Une telle compromission est inhérente à la méthode scientifique et au marquage du lien social qu'elle instaure : «C'est bien la science en tant que système qui est mise en cause» affirme Josiane Olff-Nathan.

JPL signale que les médecins étaient la corporation la plus représentée au sein des instances du parti nazi : 45% du corps médical était membre du parti national-socialiste. Les médecins ont directement collaboré à l'entreprise des camps d'extermination. De plus, comme le rappelle JPL, « il nous faut savoir qu'avant l'horreur des camps d'extermination, il y a eu, entre 1939 et 1941, une politique dite "d'euthanasie", en l'occurrence le programme T4 qui consistait à organiser la suppression des 'vies qui ne valaient pas la peine d'être vécues" (…) A la tête des "stations d'euthanasie", c'étaient des médecins qui organisaient la sélection des victimes ». Lors du procès Eichmann, l'avocat de celui-ci, insista auprès du juge pour parler de la mise à mort par gaz comme «procédé médical», mis au point par des médecins.

Cette adhésion-fascination massive des médecins au nazisme est directement liée à la spécificité de l'idéologie nazie, comme biologie ou raciologie appliquée. En ce sens, l'antisémitisme et le racisme nazi, de viscéraux, deviennent scientifiquement "justifiés", et l'épuration biologique vient justifier scientifiquement l'élimination de ceux et celles qui sont identifiés comme la cause du mal social. Les exhortations anti-juives d'Hitler étaient du reste remplies du vocabulaire médical.

Le système totalitaire nazi s'est donc appuyé sur l'autorité de la science, celle-ci se substituant à celle du père. A cet égard, pour comprendre le totalitarisme nazi, JPL en resitue l'enjeu en l'articulant à la question de la famille et du déclin des pères, telle qu'abordée plus haut.

Distinct en cela de la tyrannie, comme figure abusive du père ou du maître, dans le totalitarisme, «ce qui est à faire disparaître, c'est (au contraire) l'altérité du Père». Le ressort antipaternel de l'antisémitisme nazi se manifeste par la volonté d'exterminer radicalement la religion du Père.

Dit autrement, le vœux du tyran est de se débarrasser du féminin, alors que le système totalitaire s'attaque à la fonction paternelle, en ce qu'elle (comme nous l'avons vu) ouvre à la possibilité de l'altérité : «Tel sera le paradoxe : métapsychologiquement, la figure de Hitler serait bien plus à mettre en relation avec la mère toute-puissante, qu'avec ce qu'on appelle communément un père tyrannique». Le père occupe la position de l'exception alors que la mère intervient du lieu de la totalité.

 

Un symbolique virtuel

 

JPL a donc jusqu'alors montré l'importance de la fonction paternelle pour la constitution psychique du sujet ; il a fait le constat que cette place du père est aujourd'hui ébranlée par le discours de la science faisant vœux de faire disparaître l'énonciation, et que par structure, la méthode scientifique porte en elle même une potentialité totalitaire. Dans ce qui suit, il montre l'empreinte de la technoscience dans l'environnement social, concomitamment au discrédit jeté sur l'autorité paternelle, et donc à la subversion de l'équilibre familial. De multiples pathologies nouvelles sont liées à cette transformation.

Dans la continuité de la tradition chrétienne, Dany-Robert Dufour, dans Les mystères de la trinité, insiste sur cette trinarité inscrite au cœur de notre condition d'être parlant. Elle est spécifique à la condition humaine, au symbolisme humain et à la Loi du langage, que le sujet met en place par l'intervention du père, figure tierce par excellence. Le passage de la trinarité au binaire est une autre façon de dire la perte du sens commun sous les effets du discours de la science. L'incrustation et la sophistication de la technique dans tous les recoins de notre quotidien nous fait perdre le sens de l'expérience, lié à la confrontation au ternaire : «En effet, ce qui fait le sens commun – ou le bon sens comme on l'appelle – ne renvoie pas à des connaissances mais à un savoir interne au sujet, à cette faille qui le fait sujet et qui de ce fait lui donne une boussole qui n'a besoin d'aucune connaissance extérieure pour fonctionner. Ce sens commun n'est que le résultat de la mise en place de l'ordre symbolique humain qui nous caractérise. Mais lorsque nous nous laissons emporter par l'environnement technique, (s'introduit alors une nouvelle donne) qui fait perdre au sujet le sens de la limite.» Le discours laissant à croire que demain «tout sera possible» efface la possibilité de l'expérience spontanée. Il y a changement de nature dans le passage de l'ordre symbolique à l'ordre technique, dans lequel le rôle du langage tend à disparaître, notamment par son informatisation. La syntaxe informatique et le fonctionnement même de l'ordinateur, s'aligne sur le régime binaire : c'est oui ou c'est non.

Autre trait de ce marquage par le discours de la science et de la technicisation : le primat de l'efficacité, visant une maîtrise et une prédiction d'un réel purement opératoire. L'identification de l'essence de l'homme à la carte du génome réduit l'homme à une définition strictement opératoire.

Dans cette optique du discours de la science, il s'agit donc de créer un nouveau langage, en conséquence de cet impératif opératoire. Georges Orwell, dans son roman 1984, l'a appelé la novlangue, à la construction de laquelle travaille Winston. Toute nuance doit être effacée afin que dans ce langage, les mots n'aient plus qu'une fonction opératoire. Chaque nouvelle version des dictionnaires de novlangue contient un vocabulaire toujours plus appauvri, écartant toujours plus loin la tentation de réfléchir. Orwell décelait ce passage vers un langage automatique et non plus voué à l'expression de la volonté personnelle. En cela, dans son roman, la novlangue est un des fondement du totalitarisme : «La novlangue, en gommant le travail de l'énonciateur, élimine tout ce qui pourrait mettre en panne la transmission de l'idéologie et génère un monde entièrement régi par ce néo-symbolique. Elle vise en même temps son utopie ultime : une voix unifiée rendue conforme au désir de Big Brother.» Autrement dit, «la révolution sera complète quand le langage sera parfait» (1984). Purement binaire, la novlangue oppose toujours deux mots opposés l'un à l'autre, et pratique constamment l'euphémisme. Ainsi, aujourd'hui «plan social» signifie mettre au chômage quelques milliers de personne : «Dans notre société, un nouveau langage est né : celui du parler pour ne pas dire».

JPL avance encore d'autres caractéristiques du marquage social par le discours de la science, comme la disparition de la catégorie de l'impossible : «Etant donné que, dans le symbolique de la science, ce réel originel est oublié, la conséquence en est que vouloir l'impossible est confondu avec rendre tout possible (...) et il ne faudra pas nous étonner que dans un tel contexte, notre limite à tous – la mort elle-même – soit devenue incongrue.»

Autre caractéristique, (à l'image de l'ordinateur qui 1. marche ou 2. ne marche pas), la «loi du tout ou rien», inhérente à la binarité en voie de généralisation : «Ainsi, par exemple, il apparaît comme une ineptie de militer pour que l'homosexualité soit acceptée dans la société, en même temps que de persister dans le refus d'accorder le mariage aux homosexuels. C'est ou l'égalité ou l'injustice !». La possibilité même du discernement tend à disparaître.

Encore un autre trait : la prétention universalisante du discours de la science, sensé s'appliquer à tous. Il sait ce qui est bon pour nous, comme le savoir maternel (sans le contrepoids du père) sais «infailliblement» ce qui est bon pour l'enfant. Ce règne de la «mêmeté» tend à réduire et à effacer toute différence.

Par ailleurs, le discours de la science transforme le rapport au temps, qui d'historique devient opératoire. Il n'est plus question de se laisser du temps, de prendre son temps, car le temps technicien ne connaît plus que le futur. «Notre temps social aujourd'hui consacre bien le temps de la science».

L'analyse est ensuite portée sur cet ébranlement de nos repères symboliques chez l'individu et à l'intérieur même du lien social. JPL part de ces deux registres de l'Imaginaire et du Symbolique, comme deux modalités complémentaires de l'intervention parentale : «Le fait d'en rester au seul amour maternel laisserait dès lors le sujet en proie à la préséance du leurre imaginaire s'il n'y avait pour l'en délivrer l'intervention paternelle : manœuvre qui implique la reconnaissance de la présence du Symbolique (…) L'intervention paternelle – son amour «sous condition» - métaphorise la possibilité pour le sujet de se repérer ailleurs que dans l'image ou dans le miroir.»

Lacan avait souligné le lien entre la perversion et la prévalence de la dimension imaginaire. Dans la perversion, le désir reste organisé par l'instance imaginaire. Notre monde social, précisément, prédispose à ce type de fonctionnement, à cet enlisement dans l'imaginaire, par cette prolifération d'objets et de gadgets immédiatement disponibles, comme des «dûs». Le monde social favorise le leurre imaginaire, l'illusion que «tout est possible», alors que l'ordre symbolique, auquel introduit le père, nous aidant en cela à devenir des sujets adultes, implique au contraire de faire le deuil de cette illusion infantile : «ce père vient mettre fin au rêve d'accomplissement de toute-puissance.»

Aussi, «le sujet s'autorise du discours social ambiant pour «s'immuniser» contre le père, puisque ce même social, marqué par le discours de la science, consacre le renforcement de la position maternelle (…) C'est à faire face aux conséquences d'un tel dispositif, que la société se voit contrainte aujourd'hui.» La clinique quotidienne du psychanalyste, en effet, amène celui-ci à faire le constat des ravages qu'entraîne cet évitement du tiers. En même temps qu'elle entretient la croyance que «tout est possible» et qu'elle promeut la persistance de la toute-puissance infantile, notre société ne véhicule plus les interdits fondateurs, ceux de l'inceste et du meurtre. Les nouvelles pathologies mentales observées découlent de ce fonctionnement incestueux, socialement admis et constitutif du discours de la science, qui abolit la notion de limite et la catégorie de l'impossible.

L'altérité en elle-même se trouve subvertie, car «ce qui fonde la possibilité d'altérité dans la réalité psychique, c'est l'entame du langage véhiculée par l'intervention interdictrice du père en tant qu'elle ratifie l'indisponibilité de la mère comme objet de jouissance absolue». Par la substitution du concept d'autorité parentale à celui d'autorité paternelle, la différence elle-même est en voie de désinscription : «Comment en effet se confronter à la différence, si désormais, la mêmeté des places de père et de mère épargne au futur sujet de faire son apprentissage dans cette confrontation ?». Dans une telle configuration, l'effacement de toute dissymétrie induit l'idée que l'autorité équivaut à de l'abus et à de la violence.

De cette «élision de l'altérité dans l'oeuf», on peut saisir le sens de la «pacification» ambiante, comme fausse paix, potentiellement génératrice des pires violences. Nous vivons en effet «l'effacement de la conflictualité au profit de la recherche quasi éperdue du consensus. En effet, si nous ne disposons plus dans nos repères internes de quoi nous confronter à ce qui est dissymétrique, nous aurons tendance à tout faire pour éloigner le spectre de ce qui ne peut plus apparaître que comme un conflit insoluble. L'effet paradoxal que ceci amène c'est, d'une part un évitement "soft" de la conflictualité, d'autre part un surgissement inattendu de la violence sous une forme incontrôlable. Pour le dire dans notre jargon, si «le discours de la science implique la forclusion du Phallus», rien d'étonnant à ce que ne revienne dans le réel, sous la forme de violence débridée, ce qui a été forclos du symbolique. Notre organisation sociale (…) induit le gommage de la dissymétrie des places (toujours sous le couvert de "l'égalité", et veut effacer les différences (confusément identifiées à des "discriminations" potentielles), en l'occurrence celle des sexes aussi bien que celle des générations. Passer du règne des pères à celui des experts implique dès lors une nouvelle version du rêve de servitude volontaire : que nous régisse du dit qui se passe du dire ! A ce prix, évidemment, nous pourrions espérer la communication "clean", le malentendu évacué, la disparité abolie, la différence éludée... en un mot la "solution finale" à l'altérité... »

 

Serge Lellouche – Fraternité des chrétiens indignés

  

 

 

 

11:11 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : psychanalyse

Commentaires

STÉRILE SCIENTISME

> Enthousiasmant !
Je vais bientôt sortir un livre où je parle de l'architecture de la belle époque à Paris, époque de l'introduction de la modernité. J'y démontre que les architectes dits "d'avant-garde", ceux qui font le choix de la science et de la technique contre l'autorité des maîtres de l'époque, produisent en fait une architecture moins intéressante et moins porteuse d'avenir que les architectes fidèles à tradition et à l'enseignement des institutions léguées par cette tradition.

Il faudra bien se rendre compte un jour que les pensées scientistes ou modernistes sont stériles.

Guadet


[ PP à G. - Envoyez-moi votre livre, que nous en parlions. C'est un excellent sujet. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Guadet / | 04/02/2014

@ PP

> Il sortira à la rentrée ; je vous l'enverrai avec plaisir.
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Écrit par : Guadet / | 04/02/2014

XIXe

> L'exemple typique du scientisme en architecture, au XIXe siècle, c'est Viollet-le-Duc.
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Écrit par : Blaise / | 04/02/2014

REMARQUABLE

> remarquable synthèse. J'avais déjà été frappé par la haine que les libertaires amateurs de caprices biotechnologiques manifestent contre la psychanalyse. Mais là, j'ai l'impression de commencer à comprendre.
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Écrit par : Felipe / | 04/02/2014

TRÈS RICHE

> Décoiffant, très riche, il me faudra une 2ème lecture pour bien digérer tout.
Effectivement la binarité est castratrice et empêche le dialogue, l'ouverture.
[Re]découvrir le symbole du ying et du yang ?
Le scientisme du nazisme d'hier se cache-t-il [renaît-il] derrière le modernisme d'aujourd'hui ? (ne pas être dans l'avant garde du modernisme suffit a se fare taxer de rétrograde, ce qui devient l'injure suprême. Le modernisme est l'étalon de référence obligé [bien que sa défnition soit arbitraire]).
Camus ("Mal nommer les choses, c'est participer au malheur du monde") avait-il fait la même démarche ?

@Guadet

> tiens, tiens où situez-vous Le Corbusier ?
(bon ce n'est pas à Paris, mais je pensais à la cité Frugès...).
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Écrit par : franz / | 04/02/2014

PSYCHANALYSE

> La science, la science...
Ce résumé me laisse songeur. Car dans quel camp mettre la psychanalyse, dans celle de la science qui tout veut expliquer, dans la vérité inébranlable et universelle ou dans l'Imaginaire et le Symbolique ?
Lacan souvent a été cité dans ce texte. Il me revient à la mémoire une affiche d'une conférence sur lui d'un homme portant un enfant dans ses bras, avec un téton au milieu de la poitrine de l'homme. Le titre était : le téton du Père.
Lacan a été maître-forgeron de mots voulant signifier des choses mystérieuses aux communs des mortels (le noeud-bo, le Grand Autre qui forclos, la mère-la-seule, le transitivisme, etc.)

M. Lebrun, quant à lui, sort tout l'attirail lacanien pour démonter la science et le scientisme. Mais la psychanalyse est elle-une science ? Ou au-dessus d'elle ?

En tout cas, le psychanalyste est d'abord un médecin. Quid des psy qui étaient nazis ? Il y en avaient-ils dans les 45% du corps médical ? Aucun psy n'a participé au programme nazi?

Le lacanisme s'appuie-t-il sur la réalité ? Ce n'est pas ce que pense "le psychologue communautaire argentin Alfredo Moffatt (qui) écrit à propos de Lacan critiqué pour son accent sur la langue et le discours au détriment de la matérialité de la réalité sociale :
« Nous pensons que cet évitement de la réalité de l’école lacanienne qui domine actuellement dans le champ de la psychothérapie, a été fonctionnelle dans notre pays grâce à sa capacité à nier ce qui se passait. Pendant la dictature militaire, se contaminer avec le réel était très dangereux, un patient militant “brûlait” »." (Voir wiki Lacan).

Ces remarques mettent en relief quelques contradictions de ce résumé : parler de novlangue alors que Lacan à mis sur pied son propre vocabulaire réservé à des initiés, critiquer la science et le scientisme sans autocritique, etc.
Quant au lien avec le christianisme, il est très faible, hormis la citation de la trinité, plutôt vu en tant que concept pouvant expliciter la Loi du Langage, que vues comme Personnes aimantes et divines qui créent le langage. (D'ailleurs la minuscule de trinité, me laisse un petit arrière-goût dans la bouche).
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Écrit par : Th / | 05/02/2014

@ Blaise et Franz

> D'accord pour Viollet-le-Duc, qui voulait imposer sa seule théorie dans l'enseignement de l'architecture. Mais lui au moins reconnaissait l'autorité des maîtres gothiques. Vers 1900, les soi-disant "modernes" veulent faire table rase du passé.
Le Corbusier au contraire se réfère à l'histoire avec l'architecture classique ou l'architecture méditerranéenne. Avant 1914 il adhère au retour au classicisme prôné par Loos, Behrens, Louis Süe ou Perret, retour qui permet de sortir de l'impasse de l'Art nouveau. Il s'inspire de la science académique des plans pour la beauté de ses "promenades architecturales". Ensuite, il s'enthousiasmera un peu trop pour la technique et il bâtira des théories trop précises. Théories dans lesquelles lui-même ne se laissera jamais enfermer : il mettra toujours la poésie avant la technique, et les "appétits spirituels" de l'homme avant son confort matériel.
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Écrit par : Guadet / | 05/02/2014

PRECISION

> Une précision s'il vous plaît: quand J.P. Lebrun parle de dissociation entre savoir et vérité, je suppose qu'il pense aux sciences humaines, non? Dans les sciences de la nature: chimie, physique (au sens actuel)ou même biologie, on est vite ramené au réel le plus concret à la fois par l'expérimentation et par les application qu'on en fait.
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Écrit par : Pierre Huet / | 05/02/2014

@ Pierre Huet

> Depuis l'utilisation de l'IRM, la psychologie passe du côté des sciences dures, mesurable et vérifiable sur un environnement vivant, à tel point que certains psychologues neuroscientifiques actuels comme le professeur Chris Frith qui ramène les théories de Freud dans le champ de la littérature (il le dit noir sur blanc). Il le traite même de bon conteur, car la plupart de ses affirmations sont désormais contredites par cette technique si affreuse et binaire.

Le résumé du livre de J.P Lebrun est tellement imbibé de vocable lacanien et freudien qu'il est difficile de cerner ce qui se trouve derrière les mots savoir et vérité.
Par exemple, savoir et comprendre la "forclusion du Phallus" signifie détenir la vérité selon Lacan, car tout découle de ce postulat. Lacan se place au-dessus de la masse humaine en voulant saisir la réalité par des concepts mathématiques. La bouteille de Klein lui permet donc de décrire un certain type d'inconscient. Ainsi, en sachant ce qu'est une bouteille de Klein, je sais comment fonctionne de l'intérieur certaines personnes. Savoir et vérité sont imbriqués chez Lacan.

On peut ainsi comprendre ces attaques d'un lacaniste contre la science qui étudie le génome, ou la logique binaire, car cette science détruit peu à peu les théories de Lacan (qui restent toutefois suffisamment vagues et mystérieuse pour pouvoir être réinterprétée, car faites de paradoxes (la figure maternelle d'Hitler), de métaphores, de notions mathématiques (les miroirs), de jeux de mots fréquents (père et experts).
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Écrit par : Théophile / | 05/02/2014

> LACAN GOUROU
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Écrit par : arf / | 05/02/2014

@ Théophile,

> Qu'est-ce que vous nous racontez?
Vous dites : «parler de novlangue alors que Lacan a mis sur pied son propre vocabulaire réservé à des initiés»
Ca veut dire quoi ça? Quel rapport entre la novlangue et le langage de Lacan, aussi exotique, voir «élitiste» soit-il? Aucun.
Lacan veut saisir la réalité par des concepts mathématiques? Ca vient de sortir ça?
Hormis votre focalisation sur Lacan, essentiellement sur son «personnage» et ses tournures de langage déroutantes, que cherchez-vous à démontrer au juste? Vous vous livrez à une sorte d'attaque désordonnée, tout azimut contre la psychanalyse, et on ne parvient toujours pas à comprendre ce à quoi vous voulez en venir.
Vos attaques contre Lacan sont un peu courtes pour mettre à mal la thèse du livre.
Ce livre établit un lien structural entre :
1) le déclin de la figure paternelle, censée libérer l'enfant de son illusion de toute puissance, en l'ouvrant à l'univers symbolique du langage, par lequel il devient sujet
2) l'effacement de cette loi du langage devant le «discours de la science», qui induit chez le sujet et dans le monde social, l'illusion infantile que «tout est ou sera possible» par les avancées technoscientifiques 3) le système totalitaire, précisément fondé sur le scientisme et sur la ruine de la faculté de juger du sujet, sur sa démission de sujet parlant.
Alors le coup du neuroscientifique qui critique Freud, fort des «nouvelles avancées de la science», pardonnez-moi, mais je crois que vous êtes passé complètement à côté de ce bouquin.
Vous avancez l'exemple du génome, ou de l'IRM, pour reprocher à la psychologie de ne pas se soumettre «à des sciences dures, mesurables et vérifiable». Vous voulez du tangible, de la certitude et de la preuve scientifique. De l'infaillible, quoi. Mais c'est précisément l'objet du livre que de montrer les impasses mortelles auxquelles mène ce scientisme que vous faites vôtre, qui ne se fonde que sur lui-même et qui induit une perte du réel et du sens commun.
Pourquoi voulez-vous que la psychologie se soumette à ce qui est vérifiable et contrôlable et démontrable, alors que son objet est d'ouvrir le sujet, par sa faille, à l'inconnu, à l'indéterminé, au non-maîtrisable, au risque du langage, en un mot à la vie ?
Voilà justement peut-être le lien (implicite) de ce livre avec le christianisme.
Ce même JP Lebrun avait écrit il y a quelques années un livre avec le bibliste André Wénin, dans lequel ils croisaient leurs regards respectifs d'exégète et de psychanalyste, qui convergeaient dans la conviction commune que «le monde humain ne peut être pensé qu’en devant laisser sa place à ce qui échappe radicalement»...
Mais avec la cartographie du génome humain, plus rien ne nous échappe.
http://www.editions-eres.com/parutions/psychanalyse/humus-le-desir-de-l-analyste-en-acte/p2098-lois-pour-etre-humain-des-.htm
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Écrit par : Serge Lellouche / | 05/02/2014

SCIENCES DURES ET ANTHROPOLOGIE

> Nos sciences modernes, telles que théorisées par Descartes et Kant notamment, ont des méthodologies gravement immorales, ce qui saute aux yeux des sagesses non occidentales.
Elles sont ainsi habitées dès le départ par une fascination pour le morbide (ce que l'on voit avec les pratiques de la Renaissance, comme les autopsies de cadavres alors interdites par l'Eglise, cadavres parfois "fabriqués" pour la circonstance, en cette époque trouble où les assassinats sont expressions banalisées des passions), par une violence envers l'ensemble du vivant que nous ne voulons toujours pas regarder en face.

Il nous faut écouter par exemple les éleveurs d'Afrique Noire qui, choqués de nos méthodes au moment de la vache folle -pardon, de sa sortie médiatique-, se proposaient d'adopter nos élevages de bovins ou ovins que nous abattions "préventivement" en cas de suspicion, pour maintenir notre consommation pourtant excessive en protéines animales.
Il nous faut regarder en face le malaise des employés de nos abattoirs.
Il faut faire rentrer les journalistes et par eux le peuple dans nos laboratoires, gardés au secret au nom de la concurrence, pour voir enfin avec quel acharnement on y expérimente sur le vivant, on le passe à la question, on fait copuler les espèces, on décompose, recompose, etc jusqu'à en faire sortir le jus d'un produit commercial au packaging luxueux comme un cercueil de star.
Quand je vois en couverture de magazine une oreille humaine qu'on a fait pousser sur le dos d'une souris, je ne crie pas au génie mais je suis saisie d'effroi.

L'euthanasie, la GPA ne sont qu'aboutissement logique de ce qui est présent dès le début de la chaîne dans nos laboratoires.
Oui notre médecine est en grande partie science du cadavre, oui notre biologie est haine de la vie dès le départ, qui sommons la vie de parler sous la contrainte hors de son milieu, dans les geôles de nos laboratoires, comprimée, déshabillée, entre les lamelles de nos microscopes, ces cellules déflorées et énucléées pour y introduire de force un ADN arraché à d'autres, quand nous devrions aller humblement à elle, nous faire avec le temps apprivoiser pour la comprendre toujours mieux dans le foisonnement heureux de ses manifestations extraordinaires.

Quand entendra-t-on par exemple les souffrances des femmes dont on écrase mécaniquement les seins pour mammographie, quasi d'autorité à la cinquantaine, "pour leur bien", après les avoir gavées d'hormones, toujours pour leur bien ?

Ce sont aussi à mon sens les ethnologues, antropoloques qui nous sont modèles pour une autre approche scientifique,(je pense à Mauss, à Malinowski, à Levi-Srauss), comme aussi ces éthologues qui se fondent dans les mondes des chimpanzés ou des loups pour les comprendre d'abord par empathie. On ne connait que ce que l'on aime. Donc ce qu'on laisse être, ce que l'on ne cherche ni à posséder ni à dominer. (et c'est pourquoi le mal, en tant que non-aimable, reste mystère douloureux pour l'intelligence).
Cette révolution méthodologique à laquelle nous invite l'anthropologie etl' éthologie a été appliquée en économie, même si cela a ensuite été récupéré par le système, par Muhamad Yunus lorsque, sortant de son université du Bengladesh avec ses étudiants (dans une salle de cour,- qui ressemble d'ailleurs étrangement à un laboratoire-, il nous raconte comme les problèmes économiques les plus complexes ont toujours une belle solution... qui le laisse impuissant devant la misère réelle), il choisit de tout réapprendre auprès des pauvres du village voisin, "in vivo".

Et, profondément, oui il y a une jalousie sidérale de l'homme au ventre à jamais stérile face au mystère de la fécondité féminine, mystère vie qu'il cherche à dérober. Derrière l'homme moderne qui a vendu son âme pour dominer le monde,-c'est le préalable chez Descartes comme chez Kant- ce sont bien nos démons ainsi déchaînés qui veulent par tous les moyens s'approprier la Femme et son fruit de Vie. Mais la fin de l'histoire, nous chrétiens la connaissons.
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Écrit par : Anne Josnin / | 06/02/2014

@ Théophile et Serge Lellouche

> "Mais avec la cartographie du génome humain, plus rien ne nous échappe."
Pas d'accord.
Il paraît plus exact de dire que:

1) La vie ne découle pas de la matière, ni par hasard, ni par nécessité, pour employer une expression célèbre, car l'extraordinaire complexité et précision de l'organisation vivante de la matière (et non de la matière vivante, raccourci stupide, la matière n'est jamais vivante) plonge une apparition spontanée de la vie dans un abîme d'improbabilité. C'est l'énigme non résolue de l'apparition de la vie et aussi de la macro-évolution.

2) Le génome ne donne pas la clé de l'âme humaine, ni même la connaissance du fonctionnement des neurones. Le génome est à la fois le programme qui construit l'organisme, mais pas rigidement, il s'exprime en fonction de son environnement, et le logiciel qui le fait fonctionner.

3) On a décortiqué le génome, on observe l'effet des émotions sur le cerveau par l'IRM, mais qu'est-ce qui fait que nous admirons un paysage ou acceptons ou non de reconnaître l'existence de Dieu ?
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Écrit par : Pierre Huet / | 06/02/2014

ACCORD

> cher Pierre, la phrase sur le génome humain, c'était teinté d'ironie! D'où mon accord total avec ce que vous écrivez ensuite :)
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Écrit par : Serge Lellouche / | 06/02/2014

@ Serge Lellouche et Anne

> Merci d'avoir pris le temps de me répondre. Comme je ne vous connais que par votre implication numérique en tant que chrétien indigné à travers ce blog et celui dudit mouvement, je me suis imaginé des choses sur vous, par exemple comme étant celui qui avait la charge de résumer des livres qui expliquaient ce mouvement (Zundel, etc. Dont le résumé était excellent et enrichissant).
D'où mon étonnement en lisant ce résumé ci-dessus de lire des commentaires sur la Trinité réduite à une trinarité inscrite dans nos êtres parlants. Lire cela après votre résumé sur Lubac et cie, ça tranche énormément. Je cherchais donc vainement une référence chrétienne dans un blog chrétien, et vous avez répondu à ma question.
D'autre part votre commentaire est bien plus clair que votre résumé en deux parties, car il en tire l'essentiel avec des mots simples. En revanche pour moi la première version m'est bien trop compliquée ("que nous régisse du dit ce qui passe du dit !") butant à chaque phrase. Quel est donc le but de vos résumés? A quel public vous adressez-vous dans ce blog ?
Troisièmement je suis fan de science et la science me mène tous les jours à la contemplation.

Quand je lis ce résumé et le commentaire d'Anne Josnin, j'ai l'impression que la science n'est que ténèbres. Les indignés ne vont-ils jamais se soigner chez le médecin qui a sûrement dans son cursus disséqué un cadavre? Les chirurgiens sont-ils rejetés par l'Eglise, ou acceptés comme un moindre mal? Jérôme Lejeune parlait-il ainsi de la science?
D'ailleurs la distinction science et scientisme n'est pas très clairement faite dans ma tête en lisant ce résumé. Le commentaire d'Anne Josnin m'embrouille encore plus car les deux notions semblent confondus. Il y a de quoi quand on ne retient que les exemples proposés !
Certes PP dénonce avec raison toutes les dérives actuelles, mais la science ne se réduit pas à cela. N'est-il pas possible d'utiliser plutôt un texte du Magistère sur la question et en soulignant toute la subtilité ? Quel message voulez-vous faire passer? M. Lebrun est-il une référence des chrétiens indignés ?
Je ne cherche pas à me payer votre tête, loin de là, je me suis simplement... Indigné.
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Écrit par : Theophile / | 07/02/2014

@Anne

> Se fondre dans le monde des chimpanzés a aussi ses dérives : la deep ecology.

@Pierre Huet

> La science actuelle cherche les réponses par ce qu'elle peut mesurer, et ce qu'elle affirme ou propose n'est pas toujours facile à entendre.
C'est le cas pour la dépression. Tout le monde est d'accord que le pancréas est un organe qui peut manquer d'insuline, que le coeur est aussi un organe qui parfois a besoin de médicaments à vie pour maintenir correctement ses fonctions. Mais dire à un patient que son cerveau est organe en manque de neurotransmetteurs et que c'est la chimie d'abord qui va faire disparaître ses tentatives de suicides, sa fatigue, ses symptômes, il y a un pas difficilement franchissable.
On préférera tout faire souvent plutôt que de prendre ses vilains-médicaments-de-multinationales-avides-d'argent-sans-conscience, ces vilaines-particules-chimiques-qui-ne-sont-pas-naturelles-donc-dangereuses-pour-la-santé ou ces produits-qui-modifient-la-conscience-au-point-qu'on-n'est-plus-soi-même.
Que notre psychisme soit conditionné par la chimie, le génome ou l'environnement nécessite une grande dose d'humilité car l'on se voit souvent ange vêtu d'un corps comme un manteau.
L'Eglise quant à elle, n'hésite pas à rappeler notre côté glébeux, poussiéreux tout autant que celui de l'âme, invisible non mesurable. Elle peut donc aussi parler de l'action des anges ou de Dieu sur nous tout en regardant face à face la science actuelle.
Pour conclure, ce n'est pour moi ni la psychanalyse, ni la psychologie quelle qu'elle soit, ni la science ni la philosophie ou l'anthropologie qui me donnent un regard global sur l'homme, mais l'Eglise et son Magistère, tout en tenant compte des avancées dans ces disciplines.

Th.


( De PP à Th. - Il n'y a que les catholiques pour parler de "deep ecology", alors que ce n'est... rien. Un moulin à vent. J'aimerais qu'on me cite un seul exemple de courant influent de "deep ecology", ici et maintenant... La revue française L'ECOLOGISTE, couramment accusée d'être le porte-parole de la "deep ecology", milite contre la PMA et la GPA et a pris position contre la loi Taubira ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : Théophile / | 07/02/2014

@ Théophile,

> D'abord, pardonnez-moi d'avoir été un peu brusque dans mon précédent commentaire, mais il me semblait que vous portiez la critique un peu à l'emporte pièce, sans prendre en compte le contenu de la thèse de JP Lebrun. Par contre, votre dernier commentaire me semble beaucoup plus cohérent dans les questions qu'il soulève, et je vous en remercie.
Et oui, il est un peu déroutant, par rapport à nos repères et nos classifications habituels, de voir «cohabiter» dans cette série de synthèses Bastaire avec Michéa, Lubac avec Gorz, ou encore Zundel avec Lebrun. Mais n'est-ce pas le moment de nous laisser aussi surprendre par des œuvres qui n'ont pas forcément l'"étiquette catholique"? Sortons d'une forme d'entre-soit et pour tout dire d'une forme de suffisance qui sous entend toujours que nous n'aurions rien à apprendre de quiconque d'autres que de ceux «de notre clan».
Sachons aussi découvrir chez des auteurs non-catholiques, tout ce qu'il y a d'implicite ou d'explicite dans le contenu de leur oeuvre, «en germe» dans leur propos, qui vient faire écho et rejoindre nos interrogations. C'est bien de ses laisser bousculer. Les types de langages humains sont multiples, mais l'esprit de l'Evangile, potentiellement est partout.
Cette ouverture intellectuelle des catholiques à un horizon plus large me semble plus urgente que jamais. Benoît XVI n'appelait-il pas à un dialogue fructueux entre la théologie catholique et les diverses pensées écologistes, par exemple? La pensée des fondateurs de l'écologie politique est vraiment une mine à découvrir pour les cathos.
Nous avons notamment à apprendre de ces auteurs dans notre compréhension de l'homme dans la société. Le Cardinal de Lubac ne disait-il pas que la conscience que nous avons de Dieu et de l'homme en société sont liés. Or le monde catholique reste marqué par une césure mentale très forte entre les questions liées à la foi et les questions de société. Combien de fois n'ai-je pas entendu des penseurs catholiques exprimant une pensée lumineuse en matière théologique, et consternante de conformisme (et finalement d'inconséquence) dès qu'ils s'avançaient sur le terrain socio-politique.
Je suis convaincu qu'en cela, dans l'inscription sociale de notre foi, bien des auteurs non-catholiques peuvent nous aider à retrouver cette articulation, même si la pensée de ces auteurs reste inachevée, toute pensée trouvant en dernier ressort son plein achèvement par son évangélisation. «Approprions» nous ces pensées, pour ce qu'elles sont, mais aussi en les décryptant à la lumière de notre foi. En quoi cela contredirait-il le Magistère de l'Eglise et en quoi faudrait-il y voir la moindre trace de «relativisme»?
Par ailleurs, sur le livre de JPL, je comprends parfaitement que ce type de langage psychanalytique ne soit pas d'un abord facile, mais je crois que nous devons nous y confronter : nous avons là tellement de clés dans ce livre pour mieux comprendre l'enjeu psychique qui se trame par exemple dans l'affaire du gender, du mariage pour tous, mais aussi l'euthanasie et plein d'autres thèmes qui s'y entremêlent. D'où l'importance de prendre l'habitude de se confronter avec ce type de langages. Si ce type de synthèses peut y contribuer, tant mieux.
Mais encore une fois, la critique de JPL ne porte pas sur la connaissance scientifique en tant que telle, qui peut, comme vous le dites être une source profonde d'émerveillement et de contemplation. Comment ne pas s'émerveiller par exemples de toutes les découvertes en matière de physique quantique? Je ne sais qu'ajouter de plus, tout est dans le texte, relisez le : la critique porte sur le «discours de la science», avec ses certitudes et ses implicites d'un «monde sans limites», en ce qu'il vient se substituer à la «loi du langage» à laquelle introduit le père, par essence risquée et incertaine et seule par laquelle le sujet humain peut psychiquement se constituer en personne adulte, donc consciente de ses limites.
Pareil pour les médecins. Il s'agit pas d'être pour ou contre les médecins. Il s'agit de savoir si le médecin est à sa place où s'il n'y est pas. S'il n'y est pas, il faut l'y remettre. Ca m'est encore arrivé très récemment avec un médecin (pour mon fils), imbus du sentiment de toute puissance que lui confère son savoir médical, convaincu de tout savoir pour son patient comme une mère sait tout pour son enfant de deux ans. Et ben reprenons l'habitude de dire basta au médecin et si ça vous plaît pas c'est pareil. C'est ce que j'ai fais il y a quelques jours et je vous assure ça fait un bien fou d'envoyer un médecin dans les orties quand il le mérite.
C'est pas à la connaissance médicale qu'on dit stop, c'est à une forme d'emprise manipulatrice et dominatrice qui risque toujours de s'exercer au nom de cette connaissance. Il y va dans nos «expériences médicales» à nous tous comme il y va dans l'ensemble de la société où cette emprise du discours de la science s'est généralisée.
J'espère avoir en partie répondu aux questions que vous souleviez !
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Écrit par : Serge Lellouche / | 07/02/2014

@ Plunkett

> Merci pour votre remarque. Quand j'écrivais 'deep ecology', c'est en pensant surtout à Peter Singer, ce philosophe qui milite pour les droits des animaux de manière radicale. Pour lui, un cochon est plus développé qu'un nouveau-né. S'il en faut supprimer un, c'est donc ce dernier. D'ailleurs le meurtre d'un nouveau-né n'est pas comparable à celui d'une personne. Pareil en fin de vie.
Mais je ne savais pas que cette 'deep ecology' n'était pas si profonde et si catho-inside.

@ Serge Lellouche

> J'ai mis trois heures pour écrire mon premier commentaire, puis c'était si tard que je l'ai quand même posté (car je n'ai pas le clavier facile). Ca fait un peu bric-à-brac en effet, mais au moins je l'ai posté (au lieu de tout effacer comme à mon habitude).
C'est en lisant votre réponse que je me suis aperçu que l'auteur du résumé allait me lire. Dans ce blog, les commentaires filent et les postes aussi, ce n'est pas un forum. Je pensais plutôt : "vite écris, vite oublié". A moi de vous proposer mes excuses, je ferais mieux la prochaine fois en imaginant vous parler de visu.
Je vous rejoins tout à fait sur ce que vous dites, et je ne brandissais pas le Magistère "comme arme fatale contre les livres hérétiques" (ce n'est pas une citation, mais une expression). Votre intention m'est désormais plus clair.

Et je remarque que vous êtes à l'aise avec les textes difficiles, vous voyez des clefs partout, que ce soit dans le domaine branché catho, ou que le domaine "hors zone". Pour vous c'est une priorité urgente que d'ouvrir les cathos à un horizon plus large de pensée. Soit. Mais alors facilitez-nous l'accès en postant directement un commentaire introductif ou un pointage sur l'un de vos coups de coeur, le pourquoi d'un tel choix, puisque vous en avez largement les capacités.

Cette ouverture va aussi dans l'autre sens : proposer aux personnes de rejoindre la pensée catholique, tellement déformée par les média ou tout-un-chacun. Vous l'avez fait aussi par exemple avec Lubac (post que j'ai parcouru, mais sans vraiment y entrer, à cause une nouvelle fois de sa densité). Pour ce type de livre, un commentaire de votre facture me semble aussi une excellente porte d'entrée, à moins que je sois le seul non-littéraire à vous lire ! :)
En résumé, je vous propose pour la suite d'être un guide plutôt qu'un livreur de pizza toute faite.

Pour terminer, je voulais reprendre votre conclusion : "c'est pas à la connaissance médicale qu'on dit stop, c'est à une forme d'emprise manipulatrice et dominatrice qui risque toujours de s'exercer au nom de cette connaissance." Et bien dans mon premier commentaire, j'ai essayé de dire stop aussi. Le médecin, c'était Lebrun qui explique tout sur le scientisme, du point de vue je-vais-vous-expliquer-tout-de-la-vie. Et vous, c'était en fait moi qui a poussé mon coup de gueule ! J'avais l'impression que ce livre était un -isme qui expliquait un autre -isme ! (De mon côté, je connais un psy qui a fait des dégâts en une séance sur une personne avec ses lacan-citations, alors qu'il aurait mieux valu pour lui sortir de son domaine et se mettre à jour depuis tout ce temps, en s'informant des avancées en psychiatrie par la recherche médicale et les IRM depuis les années 90.)

Dommage qu'il soit si difficile de se rencontrer, cette discussion aurait été plus facile devant un verre de blanc que par écran interposé. Merci encore d'avoir pris le temps de me répondre clairement.

Cordialement,
Théophile.


[ PP à Théophile - L'idéologie animalitaire (Singer etc) n'a rien à voir avec de l'écologie ! C'est une construction mythique en marge des sciences, et qui tente abusivement de se réclamer d'elles. D'autres idéologies actuelles sont dans la même démarche d'imposture : cf les fantasmes infiltrés dans les études de genre, et tentant de s'infiltrer ensuite dans les classes de sciences. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Théophile / | 07/02/2014

Cher Théophile,

> Cette série de synthèses sera prochainement regroupée sur une page du site des chrétiens indignés, ce qui lui donnera son unité et ce qui vous permettra si vous le souhaitez de vous y référer facilement.
Sinon, je n'ai pas la prétention, pour reprendre vos mots, d'être un «guide» plutôt qu'un livreur de pizzas:), même si j'entends la pertinence de vos suggestions.
Le but de ces synthèses est vraiment de présenter des œuvres, telles qu'elles sont, «objectivement».
Hormis des éventuels préambules plus personnels, j'estime que je n'ai rien d'autre à faire que de m'effacer devant ces œuvres, en quelque sorte de me mettre au service de leurs auteurs, afin d'en tirer et d'en exposer la «substantifique moelle».
Je conviens que la longueur des synthèses implique une lecture assez exigeante et parfois ardue, mais le fil de commentaires qui suit peut aussi apporter des éléments de clarification à travers les interventions des uns et des autres.
Par ailleurs, je vous rejoints complètement sur cette ouverture «à double sens» : ce que je trouve passionnant aujourd'hui, c'est de déceler les zones de dialogues potentiels, de trouver les points d'articulations, implicites ou explicites, entre des pensées catholiques ou non-catholiques, et de sortir de l'étouffant confinement dans l'entre soi.

Quand André Gorz décrit la sortie du monde capitaliste dans le sens d'une «désertion» et d'un véritable Exode biblique, il me semble que ce non catholique exprime ce que des catholiques devraient être les premiers à exprimer et que, de fait et malheureusement, si peu expriment.

Et dans l'autre sens, quand Jean Bastaire expose toute la profondeur de vue des théologies de la création qui traversent la tradition d'Eglise, on se dit qu'il y aurait là pour les écologistes une source d'inspiration, et qui sait de conversion, vraiment extraordinaire, qui donne son sens dernier à l'écologie.
Qui serions nous, nous catholiques, pour prétendre évangéliser la terre entière, si nous ne sommes pas capables de nous laisser évangéliser par des non-catholiques, qui sont pourtant si souvent signes pour nous?

Pour le verre de vin blanc, quand vous voulez et avec grand plaisir! On peut aussi se retrouver lors des rencontres des chrétiens indignés si ça vous dit. Question jacobine : êtes vous parisien ?
Merci beaucoup pour l'intérêt que vous portez à ces livres; ça fait franchement plaisir.

Fraternellement.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 09/02/2014

LANZA DEL VASTO

> Merci pour ces beaux échanges !

Serge, en accord total avec toi. Tu exprimes parfaitement ce que je ressens si profondément, comme une nécessité absolue !
Il y a des trésors à découvrir partout ! Ouvrons nos portes !

En ce moment je n'ai pas du tout le temps d'y travailler, mais j'espère toujours pouvoir fournir un jour quelques synthèses sur l'oeuvre magistrale du si méconnu et/ou incompris Lanza del Vasto, artiste, poète, philosophe, théologien, pélerin, fondateur d'Ordre...
La tâche est ardue, par la forme même de sa pensée, éminemment structurée et en même temps foisonnante... par où commencer ??
(On trouve tous ses livres à moins de 10 Euros en occasion, n'hésitez pas ! Et ça se boit comme du petit lait !)
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Écrit par : PMalo / | 10/02/2014

@Serge Lellouche

> Merci pour cet échange. Quant à Paris, c'est pour moi hors de portée pour l'instant. En tout cas, j'ai pris note que je pourrai reprendre contact via le site des indignés, le cas échéant.
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Écrit par : Théophile / | 10/02/2014

@ PMalo,

> J'ai un souvenir vif de tes récits de lecture de Lanza del Vasto, dont tu m'avais parlé à merveille il y a quelques mois ; notamment de sa réinterprétation de (presque) tous les champs du savoir, tous «ré-axées» à la lumière du mystère trinitaire. J'en étais bouche bée.
Bref, comment ne pas se réjouir à l'avance de lire ta prochaine synthèse qui lui sera consacrée! :)
Tu le sais déjà mais je te le redis quand même, na : je suis ton premier supporter et serai ton premier lecteur!
Ne te charges pas du poids paralysant de devoir présenter son œuvre via une porte d'entrée «parfaite». Il n'y en a pas. Celle par laquelle ton intuition te portera sera la bonne. Après, le reste ça nous échappe...
Et puis entre nous, l'esprit attiré par la montagne noire et le regard tourné vers la plaine du minervois, que peux-tu craindre? ;-)
Amitiés
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 10/02/2014

Serge :

> "je suis ton premier supporter et serai ton premier lecteur !"
Allez, pour ton anniversaire, je t'offre l'intégrale LdV dans le texte. Puise à la source !

"l'esprit attiré par la Montagne Noire et le regard tourné vers la plaine du Minervois"
L'esprit et le regard, oh oui ! Si tu savais !! Mais les pieds, Serge, les pieds !! Oukisont ? Dans la gadoue. Et les mains itou.
______

Écrit par : PMalo / | 11/02/2014

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