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26/11/2020

Pourquoi Macron semble parler dans le vide

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Énième allocution mardi soir ; lassitude des auditeurs. Pour que soient crus ses froids appels à l’unité nationale, deux choses manquent à Macron  : le sens de l’unité et le sens de la nation.


La nature diviseuse et méprisante du macronisme s’est trop affichée depuis 2017 : non seulement ce système est inapte à soigner une société malade, mais il a aggravé son mal.

Le mal a gagné les esprits. Dans tous les pays occidentaux et particulièrement en France, les enquêtes des psychosociologues constatent une vague d’angoisses individuelles et collectives :  les gens se dressent les uns contre les autres sous tous les prétextes, les réseaux sociaux recréent moins de liens qu’ils ne résonnent de délires et d’insultes réciproques. Ce sont des symptômes. Les gens disent : “On n’en peut plus, on ne peut plus se projeter 1,  la vie devient impossible !”. C’est une épidémie de pathologie dépressive, qui vient doubler celle du Covid. (Paradoxalement beaucoup de dépressifs nient l’existence du Covid : la perte de contact avec les réalités est signe de psychose).

Sous ce drame mental et moral, il y a la dissolution du tissu social opérée depuis plusieurs dizaines d’années par le système socio-économique. Corrodés par la nouvelle “règle du jeu” – mot de passe d’une idéologie prétendument “entrepreneuriale” étendue à toute la vie sociale –, les liens sociaux sont tombés en poussière ; les individus laissés à eux-mêmes (et sommés d’être des winners) se retrouvent nus et transis devant le fléau du Covid et ses effrayants effets sociaux dérivés : suppressions de postes, délocalisations etc ; car nombre d’entreprises “françaises” profitent de la situation pour ré-enclencher leur exode ultralibéral vers le rest of the world. M. Macron parlait récemment de relocaliser des productions ; l’aile marchante du patronat ne s'en soucie pas et fait ses bagages, pour l’Est-UE ou pour l’Asie. L'Elysée et Matignon ne réagissent pas.

Dans vingt ans, l’incapacité ou la connivence de notre classe politique feront l’objet de jugements sévères. D’ici là, les populations vont souffrir... C'est le moment de relire – ou de lire –  Laudato Si’ et Fratelli tutti.

 

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1. "Se projeter" : terme pédant passé dans l'usage commun mais venu du marketing, qui l'a emprunté au langage des études de psycho. (Naguère on aurait dit simplement : "faire des projets" ).

 

 

 

 

 

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Commentaires

DISCUSSION

> Attention cher Patrice
Votre vision critique du Président est très proche de celle des intégristes
Soyons plutôt comme la majorité des évêques : disciplinés dans l'application des règles fixées.

Phil

[ PP à Phil – Attention à ne pas confondre.
► Je préconise de suivre les directives sanitaires: elles relèvent de l'instinct de conservation collectif et n'importe quel gouvernement les aurait prises s'il s'était mis dans le même cas que le nôtre (d'autres mesures auraient pu être prises, et plus tôt, si nous étions bien gouvernés : mais il faut faire avec ce qu'on a).
► Une tout autre chose est de voir le macronisme comme il est. Et sur ce point mes critiques antilibérales n'ont absolument rien à voir avec les fantasmes des intégristes ! Eux combattent un moulin à vent (le Complot des Forces Occultes) et refusent de voir le véritable problème : l'ultralibéralisme économique et financier qui sacrifie la société à l'Argent.
► Rendez-moi cette justice : je critique l'ultraconservatisme catholique aussi vigoureusement que le macronisme, et depuis nettement plus longtemps.]

réponse au commentaire

Écrit par : Phil / | 26/11/2020

> Merci, Patrice, de la justesse de vos analyses.
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Écrit par : Luc Foucart / | 26/11/2020

DÉLAIS

> « Dans vingt ans… », dites-vous, cher PP, cette politique aura les jugements qu'elle mérite. Je prends le pari qu'elle sera jugée et sanctionnée comme elle le mérite au printemps 2022. Dans moins de deux ans.

Denis


[ PP à Denis – Je n'en prendrais pas le pari, parce que d'ici à 2022 je ne vois aucun parti ou candidat assez lucide pour comprendre la nature, l'ampleur et la profondeur de la crise ! Vu le conformisme et la platitude mentale installés en France, il faudra plus longtemps. Ou une catastrophe systémique. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Denis / | 26/11/2020

CARENCE FRANÇAISE

> Jugement sévère à propos de la gestion calamiteuse de l'épidémie de coronavirus, également :
Taïwan - 7 morts
Corée du Sud - 515 morts
Allemagne - 15 000 morts
France - 50 000 morts

En France - Pas de politique de dépistage systématique. Difficulté d'obtenir des tests antigéniques. Tests PCR sur ordonnance. Deux confinements généraux. Arrêt de l'économie.
À Taïwan et en Corée - Suivi systématique des personnes positives et mise en quarantaine de celles-là uniquement avec lourdes amendes à la clef. Accès aisé de la population aux tests PCR. Zéro jour de confinement, aucun arrêt de l'économie.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 26/11/2020

LE CAPITALISME NUIT GRAVEMENT À LA SANTÉ (MENTALE)

> Cher PdP, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous écrivez. Cela me rappelle un excellent sociologue anglais, Mark Fisher (1968-2017), qui dénonçait les méfaits du capitalisme, comme provoquant des maladies mentales graves. Fisher était lui-même dépressif, et s'est d'ailleurs suicidé. Ses travaux étaient de haute qualité scientifique. Je vous conseille de cet auteur : 'Le Réalisme capitaliste — N'y a-t-il aucune alternative ?' traduit de l'anglais, aux éditions Entremonde, 2018, 10 €. Fisher était assez connu au Royaune-Uni, il tenait un blog. Il a vraiment étudié principalement l'environnement socio-économique à travers la maladie mentale, manière de remettre de l'humain dans le monde, en un dernier espoir, avant qu'il ne soit trop tard. Il ne s'intéressait pas trop à la religion, mais son livre est une mine d'arguments. -- Quant à la reprise des messes, eh bien, nous allons attendre encore un peu. Que nos prières en soient plus vives et plus intenses !
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Écrit par : Bégand / | 26/11/2020

Denis et @Philippe de Visieux :

> pas qu'en France, en Europe ou aux USA. Mais les systèmes politiques et sociaux sont totalement différents, et on ne peut pas tout mettre sur le dos du gouvernement actuel. On paie, et ce n'est pas fini, des dizaines d'années de relativisme, de dégradation de l'autorité et du patriotisme, des ouvertures excessives des frontières économiques et humaines. L'Europe sombre lentement, vassale des USA, et l'Asie prend une place importante, sinon la première, dans tous les domaines. Nous sommes déclassés et la remontée éventuelle (très loin d'être assurée) prendra des dizaines d'années. Je crains que PP n'ait hélas raison : M.Macron sera réélu en 2022, et aucune correction ne sera possible sans un électro-choc.
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Écrit par : BCM / | 26/11/2020

à Patrice :

> Comme vous, je ne voyais jusqu'à peu aucun candidat à la fois estampillé 'Laudato Si' et 'Fratelli Tutti'.
Depuis quelques jours, je réalise qu'Arnaud Montebourg pourrait être un choix bien meilleur que la macronie pro-finance ou l'extrême-droite tendance Marine ou tendance Marion.
Cet homme - qui n'est certes pas parfait - me semble sincère dans le patriotisme économique qu'il défend : l'écouter sur ThinkerView fait froid dans le dos. C'est l'actuel président de la République (alors à Bercy) qui a livré Alstom aux Américains, c'est le même homme qui consenti à la fusion Véolia-Suez (qui n'est rien d'autre qu'un renvoi d'ascenseur assorti d'une casse sociale à venir), c'est le même qui a dans ses cartons la privatisation de la SNCF, d'EDF et de la Caisse des dépôts. "Ce gouvernement détruit la France" en conclut le P. Giraud. Si Montebourg était à l’Élysée, nous échapperions au moins à cela.

https://twitter.com/GaelGiraud_CNRS/status/1331870060147826688
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https://www.youtube.com/watch?v=Q6SIxUA_Ans

Écrit par : Philippe de Visieux / | 27/11/2020

MACRON HORS SOL

> Pourquoi "semble" ?
Il est hors du réel.
Il y a quelque temps, Reporterre citait Alain Bougrain-Dubourg disant qu'on pouvait discuter avec Giscard, pourtant grand chasseur, mais pas avec Macron, qui ne chasse pas, ce dernier étant hors sol.
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Écrit par : PF. Huet / | 27/11/2020

TOUTE LA CLASSE POLITIQUE

< Certains me trouveront un peu extrémiste, mais je crois que la perte du sens de la nation n'est pas un phénomène propre à Macron bien qu'il culmine dans cette personne.
Beaucoup pensent qu'un homme politique est une personne qui s'engage pour des idées et une certaine vision de l'intérêt commun. Ils se figurent que quand un homme politique arrive au pouvoir, il se décide à faire tout pour réduire le chômage par exemple. C'est malheureusement une vision de la politique à qui nos élites feraient le reproche d'appartenir à un autre temps.
J'ai beau ne pas être un vieux loup de mer, j'ai eu tout le loisir de me fourvoyer dans des partis politiques attrape-tout par le passé. Aujourd'hui, quand je regarde la politique, je ne vois rien d'autre que des prestataires détachés en affaires publiques chargés d'améliorer les performances financières de leurs (gros) clients. Et ceci afin de rebondir ultérieurement sur un poste plus confortable dans le privé.
Et ça marche d'autant mieux qu'ils connaissent très bien les éléments de langage nécessaires pour camoufler le vrai sens de leur action: "j'ai donné ma vie pour la République", "les accusations qu'on porte contre moi sont une ignoble tentative de m'abattre", "je n'ai qu'une seule ambition: la France" et couffin-patin.
Je vois le covid, comme une formidable grâce que Dieu nous fait (Dieu peut tirer un bien d'un mal), de pouvoir retourner nos efforts vers le bien commun, de cesser de nous faire illusion avec l'idéal publicitaire et marketing et de réadmettre notre fragilité.
Peut-être qu'il y a une tendance en ce sens. Nous réapprenons à prendre soin les uns des autres et à renoncer à notre soif de consommer.
Mais il y a aussi une angoisse que cette maladie nous isole encore plus; qu'elle aggrave la pauvreté. Il reviendrait à Macron de faire régner un climat de confiance pour apaiser cette angoisse. Mais un président qui assume cyniquement qu'il est là pour les "premiers de cordée" ne met pas toutes les chances de son côté.
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Écrit par : Cyril B / | 27/11/2020

@ PP

> Pour ma part, dans la perspective de l'élection présidentielle de 2022, j'ai décidé d'en finir avec toute idée de vote "utile" ou "éthique" et de ne plus surseoir à ma conviction politique la plus intime en œuvrant autant que possible pour que celle-ci, "royale chrétienne et républicaine", soit dûment représentée parmi les candidats.
Je vous vois sourire, cher PP, devant cette expression "royale chrétienne et républicaine" qui m'est venue hier (… l'octave du Christ-Roi ?). J'en souris aussi, bien conscient que le béotien que je suis en politique aura du mal à convaincre l'aquaboniste que vous semblez être devenu à cet égard.
Entrons, cher PP, dans le débat de la France chrétienne et sociale que nous appelons de nos vœux. Ouvrons par exemple "La religion française" de Jean-François Colosimo. Radiographions "le Parti des Politiques" de Bertrand Renouvin. Revenons sur la "monarchie républicaine et gaullienne" instituée en 1958. En définitive, recensons sans plus attendre les quelques "légitimités" pour lesquelles nous devons nous battre afin que la logique de la réconciliation historique entre monarchie chrétienne et république, dans le pardon demandé et reçu, et celle du relèvement national en appelant au peuple de France, à sa mémoire, à sa noble aspiration à la liberté, l'égalité, la fraternité, à sa quête permanente d'unité, se conjuguent et l'emportent sur les facteurs de division à l'œuvre depuis cinquante ans.
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Écrit par : Denis / | 27/11/2020

à BCM :

> La priorité me semble être une révision des politiques économiques communautaires en cessant de faire de la concurrence pure et parfaite l'idéologie européenne, et en tournant le dos à l'ordolibéralisme en autorisant les États à se refinancer à taux zéro auprès de la BCE.
Pour l'Amérique comme pour l'Asie, l'Europe c'est l'Allemagne : la France ne compte plus. Pour recouvrer sa souveraineté, notre pays doit exiger de Bruxelles que certaines règles soient revues : une hausse substantielle des droits de douane rendant invendables en Europe les produits manufacturés en Chine, l'instauration d'une fiscalité intracommunautaire agressive à l'égard des GAFAM, la mise en application simultanée de la taxe sur les transactions financières et de la taxe carbone.
Ces mesures simples permettraient de commencer à résoudre la question de l'endettement public, d'agir en faveur d'une écologisation de l'économie et de promouvoir la relocalisation de notre industrie.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 27/11/2020

@ Philippe de Visieux

> "Exiger de Bruxelles"? C'est difficile. Il est gravé, en tant qu'objectif, dans les traités européens la libre circulation des marchandises et des capitaux entre les Etats membres et avec les pays tiers. D'ou par exemple l'établissement de toujours davantage d'accords avec tel ou tel producteur de viande ou de soja, ou la suppression des quotas d'importation de produits textiles.
Les traités ne peuvent être modifiés qu'à l'unanimité des 27.
Ce n'est pas demain la veille! Le remède devra donc être plus radical.
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Écrit par : PF. Huet / | 27/11/2020

ONFRAY

> https://frontpopulaire.fr/o/Content/co306251/michel-onfray-un-genocide-au-phosphore

Je lis rarement Michel Onfray avec plaisir mais je ne pouvais pas ne pas partager ce texte bouleversant. Si ce qu'il écrit est vrai, l'heure est grave en Europe.

PV


[ PP à PV – Le malheur est qu'avec lui, c'est rarement vrai : il "fait le show". ]

réponse au commentaire

Écrit par : Philippe de Visieux / | 29/11/2020

à PF Huet :

> https://www.institut-rousseau.fr/dette-publique-qui-gardera-les-gardiens/
Oui, il sera difficile d'exiger de Bruxelles. Mais c'est sans doute le seul moyen de sortir de l'ornière néolibérale dans laquelle la France se trouve, à terme par une réécriture du traité de Maastricht, dans l'immédiat par la fin de l'ordolibéralisme au niveau de la BCE. Cet article signé du P. Giraud et de Nicolas Dufrêne en expose les raisons avec beaucoup de lucidité.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 29/11/2020

IRRÉALISME DES ATLANTISTES

> Les réussites de l'Asie face à la pandémie tiennent peut-être aussi à des facteurs qu'il faudrait savoir évaluer avant de tirer des conclusions définitives. La France n'est pas une île, ni une péninsule séparée du Nord par la frontière la plus étanche du monde. Qui sait si cela ne joue pas ? Ne concluons pas trop vite alors que tant de facteurs que nul n'a encore eu le temps de voir dans leur ensemble peuvent avoir influé sur ce qui s'est passé. Et puis, la "réussite" asiatique se paie au prix fort - un prix différent, mais tout aussi inhumain et inacceptable, et si parfaitement capitaliste :

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/12/01/c-est-sans-fin-je-suis-vraiment-epuise-le-surmenage-un-risque-majeur-pour-les-livreurs-sud-coreens_6061716_3234.html

Par ailleurs, 20 ans après les niaiseries sur l'hyperpuissance américaine (je me souviens de cet article de Forbes expliquant que désormais, aucun pays n'avait plus d'existence propre, car on ne se définissait que par rapport à sa positions vis à vis des États-Unis), on nous parle maintenant d'hyperpuissance chinoise et de disparition du reste du monde et, une fois de plus, de l'Europe. Loin de moi l'idée de nier l'importance historique et actuelle d'une très vieille nation dotée d'1,5 milliard d'habitants et qui fait preuve d'une agressivité diplomatique et militaire certaine, mais comme pour les États-Unis il y a 20 ans (ou le Brésil quand les BRICS étaient à la mode), cette vision des choses reste à la surface sans entrer dans les détails. On oublie de se plonger (tâche ingrate mais instructive) dans l'analyse des dépendances énergétiques et industrielles de la Chine, de ses déséquilibres campagne/ville, de ses échecs high tech cuisants (le seul TGV à aligner les morts, le barrage des Trois Gorges...), du fractionnement d'une population hétérogène, du progressif désalignement du monde de sa position purement commerciale paresseuse et imprudentes des 30 dernières années, de l'effondrement démographique asiatique en général et chinois en particulier (d'après l'analyse des groupes d'âge du recensement de 2010, depuis 20 ans au moins le taux de fécondité chinois ne dépasse pas 1,1 enfant par femme, et sa population active a déjà commencé à décroître), etc.
Bref, c'est De Gaulle qui avait raison quand il disait "Le Brésil est un pays d'avenir, et il restera", c'étaient les "anti-américains primaires" qui avaient raison quand ils prophétisaient l'effondrement du système financiarisé et l'échec en Irak dans le prolongement des lourdeurs logistiques et des inefficacités militaires affichées en ex-Yougoslavie et, sans nier l'importance de la Chine comme acteur multipolaire actuel, ce sont ceux qui regardent autre chose que les tonnages de porte-avions qui auront raison contre ceux qui voient déjà la main chinoise s'emparer du monde.
Ce qui n'ôte au rien qu'il faut recommencer à penser en gaulliste et remuer nos partenaires européens hors du carcan obsolète de l'OTAN - à commencer par l'Allemagne, qui s'est tout dernièrement distinguée par la voix de sa ministre de la défense : refus de l'appel du pied français à accélérer l'autonomie stratégique européenne et totale servilité atlantiste...
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Écrit par : Kevin Loriod / | 01/12/2020

à Kevin Loriod :

> Bien d'accord avec vous pour affirmer que les modèles économiques asiatiques ne sont pas acceptables, a fortiori dans une perspective chrétienne. Pour avoir résidé dix ans à Taïwan, deux en Chine continentale et pour avoir pas mal voyagé dans cette région, j'en suis devenu tout sauf idolâtre de la croissance à deux chiffres obtenue par un quasi-asservissement de toute la population.
Ces pays sont confucéens, ce qui veut dire qu'ils comprennent la société comme une pyramide sophistiquée de relations interpersonnelles fondées sur le devoir des inférieurs (fils, salariés, administrés) à l'égard des supérieurs (parents, employeurs, hauts fonctionnaires) : la revendication personnelle en est absente, comme le sont les droits individuels chers à nos systèmes occidentaux. Le groupe social prime l'individu, toujours et partout : celui qui s'écarte des devoirs liés à son rang perd la face aux yeux de ses congénères et se voit marginalisé dans le meilleur des cas, contraint à d'humiliantes excuses publiques le plus souvent.
La paix sociale repose sur la honte ressentie par les contrevenants éventuels bien davantage que sur la coercition, d'où une apparente mais fallacieuse apparence d'harmonie entre les individus : les personnes étouffent sous leurs devoirs familiaux, professionnels ou patriotiques mais ne peuvent l'exprimer sans perdre la face. Leur révolte reste cantonnée à leur for intérieur.
L'amour chrétien, le pardon, la miséricorde sont absents du confucianisme : le droit à l'erreur est quasiment inexistant, a fortiori lorsque l'erreur en question a un impact sur le groupe dans son ensemble (la famille, l'entreprise, le pays). L'incivilité suprême est le fait de "ne pas se conformer à la marche du troupeau" (不合羣 en chinois) : la personne qui vit en régime confucéen accepte sa condition, obéit à ses devoirs, ne revendique aucun droit pour elle-même, se soumet silencieusement au "troupeau".
Peu étonnant dans ces conditions que l'Asie du Nord-est ait mieux résisté à la covid que le reste du monde : sa population est docile et extrêmement disciplinée. Les personnes qui refusent de porter le masque dans un autobus font l'ouverture du vingt-heures : honte étendue à la famille tout entière pour avoir manqué à son devoir envers le groupe social. Les amendes astronomiques liées au non-port refroidissent les plus téméraires.
Lorsque je citais Taïwan et la Corée du Sud comme exemples à suivre, je ne visais en aucune manière l'organisation de leurs sociétés ou la marche de leurs économies, que j'estime asphyxiantes à bien des titres. Je ne faisais qu'évoquer les mesures prises dès les premiers jours de la crise sanitaire, en particulier l'utilisation massive en Corée des tests antigéniques rapides avec dépistage automatique sur les parkings. En Europe, la Slovaquie a suivi ce modèle et l'Autriche s'y emploie. Taïwan et la Corée ont par ailleurs procédé à la géolocalisation des personnes contaminées, avant leur quarantaine pour déterminer les éventuels cas contacts, pendant celle-ci pour veiller à ce qu'elles ne quittent pas leur domicile en cas de symptômes mineurs (avec, là encore, des amendes vertigineuses à la clef et le risque de se voir jeté en pâture au vingt-heures).
Pour le reste, c'est-à-dire en ce qui concerne la vie économique des pays d'Asie du Nord-est, je vous rejoins pour ne pas y voir un modèle à suivre. Le pape François avait exprimé son incompréhension lors de son voyage à Séoul en 2014 : les jeunes Coréens se suicident de plus en plus, n'est-ce pas parce qu'ils placent l'argent, l'amour-propre, la réussite avant la vie humaine ? En Chine continentale, le milliardaire Jack Ma promeut le système 9-9-6, à savoir des semaines de 9 heures du matin à 9 heures du soir, 6 jours par semaine, soit un peu plus de 60 heures de travail hebdomadaire. À Taïwan, la multinationale Foxconn est connue pour mettre un tel degré de pression sur ses salariés que plusieurs suicides ont lieu annuellement dans les usines du groupe : pour y remédier, l'entreprise ne se remet aucunement en question mais préfère faire appel à des bonzes proposant des séances de méditation et exiger des nouveaux venus la signature d'engagements à ne pas se suicider.
Le capitalisme qui règne en Asie du Nord-est est à bien des égards plus cruel encore que celui de l'Oncle Sam : en l'absence de syndicats, les salariés dociles par nature se soumettent aux exigences de leur hiérarchie, y compris évidemment en matière salariale. L'Asie est l'anti-doctrine sociale de l’Église puisque les individus y sont moins perçus comme personnes, comme frères en Christ que je dois respecter, que comme éléments parfaitement interchangeables d'un système productif dont l'unique finalité est de satisfaire un actionnariat vorace.
La réalité asiatique est l'une des plus tristes, inhumaines, injustes qui soit : le "qu'as-tu fait de ton frère" en est totalement absent. Cela n'empêche pas que nous prenions exemple, de manière ponctuelle uniquement, sur les aspects qui méritent d'être transposés ou étudiés, comme ce fut le cas en Corée dans l'utilisation systématique des tests rapides dès le début de l'année.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 03/12/2020

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