18/05/2020
"Certaines gens ont jeté le trouble parmi vous..."
Pour que cesse le “trouble” jeté aujourd'hui dans l’Eglise par une idéologie rigide : homélie du pape François pour la Journée mondiale de la famille – autour du passage des Actes des apôtres sur l'agitation d'Antioche (Actes 15:24) :
<< Dans le livre des Actes des apôtres, nous voyons que dans l'Eglise, au début, régnaient des temps de paix : elle grandissait dans la paix et l'Esprit du Seigneur se diffusait (cf. Ac 9, 31)... Il y avait aussi des temps de persécution, d'abord celle d'Etienne (cf. chap. 6-7), puis Paul le persécuteur converti, lui aussi persécuté… Et il y avait aussi des temps de trouble. Et c'est le thème de la première lecture d'aujourd'hui : Actes 15, 22-31. Les apôtres écrivent aux chrétiens [d'Antioche] issus du paganisme : “Nous avons appris que, sans mandat de notre part, certains venus de chez nous ont, par leurs propos, jeté le trouble parmi vous…” (v. 24).
Que s'était-il passé ? Les chrétiens [d'Antioche] provenant des païens avaient cru en Jésus Christ et reçu le baptême, ils étaient heureux, ils avaient reçu l'Esprit Saint. Du paganisme au christianisme sans étape intermédiaire... En revanche, ceux qu'on appelait “les judaïsants” soutenaient qu'on ne pouvait pas faire cela : si quelqu'un était païen, il devait d'abord devenir un bon juif, pour ensuite devenir chrétien dans la ligne de l'élection du peuple de Dieu. Et ces chrétiens [venu du paganisme] ne le comprenaient pas : “Mais comment, nous sommes des chrétiens de deuxième classe ? On ne peut pas passer directement du paganisme au christianisme ? La résurrection du Christ n'a-t-elle pas défait l'ancienne Loi, en la conduisant à une plénitude encore plus grande ?”. Ils étaient troublés et il y avait beaucoup de discussions entre eux. Et ceux qui voulaient tout cela étaient des personnes avec des arguments pastoraux, des arguments théologiques ou moraux : ils soutenaient que non, on devait procéder ainsi ! Et cela remettait en cause la liberté de l'Esprit Saint, la gratuité de la résurrection du Christ et de la grâce... Ils étaient méthodiques et rigides.
A propos de ceux-ci, de leurs maîtres, des docteurs de la Loi, Jésus avait dit : “Malheur à vous, qui parcourez mers et continents pour gagner un prosélyte, et quand vous l'avez gagné vous le rendez digne de la géhenne deux fois plus que vous”. C'est plus ou moins ce que dit Jésus dans le chapitre 23 de Matthieu (cf. v. 15). Ces gens, qui étaient “idéologues” – plus que dogmatiques : idéologues – avaient réduit la Loi et le dogme à une idéologie : “Il faut faire cela, et cela, et cela…”. Une religion de prescriptions. Et en agissant ainsi, ils enlevaient la liberté de l'Esprit. Et les gens qui les suivaient étaient des gens rigides, des gens qui ne se sentaient pas à leur aise, qui ne connaissaient pas la joie de l'Evangile. [Selon eux] la perfection de la route pour suivre Jésus était la rigidité : “Il faut faire cela, cela, cela, cela…”. Ces gens, ces docteurs manipulaient la conscience des fidèles et les faisaient devenir rigides, ou bien ces derniers s'en allaient.
C'est pourquoi, je le dis très souvent, la rigidité n'appartient pas au bon Esprit : parce qu'elle remet en question la gratuité de la rédemption, la gratuité de la résurrection du Christ. C'est quelque chose d'ancien : au cours de l'histoire de l'Eglise, cela s'est répété. Et de nos jours aussi, nous avons vu certaines organisations apostoliques qui semblaient vraiment bien organisées, qui travaillaient bien – mais tous rigides, tous pareils les uns aux autres : et ensuite nous avons appris la corruption qu'il y avait à l'intérieur, notamment chez les fondateurs.
Là où il y a de la rigidité, il n'y a pas l'Esprit de Dieu, parce que l'Esprit de Dieu est liberté. Et ces gens voulaient avancer en enlevant la liberté de l'Esprit de Dieu et la gratuité de la rédemption: “Pour être justifié, tu dois faire cela, cela, cela cela…”. La justification est gratuite. La mort et la résurrection du Christ sont gratuites. On ne paye pas, on n'achète pas: c'est un don ! Et ces derniers ne voulaient pas comprendre cela.
Les apôtres se réunissent alors en concile et, à la fin, ils écrivent une lettre qui dit ceci : “L'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas vous imposer d'autres charges…” (Ac 15, 28), et ils donnent ces obligations de bon sens: ne pas confondre le christianisme avec le paganisme, s'abstenir d'offrir des viandes aux idoles, etc. Les chrétiens troublés ont reçu la lettre alors qu'ils étaient réunis en assemblée et “quand lecture fut faite, ils se réjouirent de l'encouragement qu'elle apportait” (v. 31). Du trouble à la joie ! L'esprit de rigidité te conduit toujours au trouble : “Mais est-ce que j'ai bien fait cela? Est-ce que je ne l'ai pas bien fait ?”. Le scrupule… L'esprit de la liberté évangélique te conduit à la joie, car c'est précisément ce qu'a fait Jésus avec sa résurrection : il a apporté la joie ! La relation avec Dieu, la relation avec Jésus n'est pas une relation du genre “je fais cela et tu me donne ceci” (relation "commerciale", dirais-je – que le Seigneur me pardonne). Non ! elle est gratuite, comme est gratuite la relation de Jésus avec les disciples : “Vous êtes mes amis” (Jn 15, 14) ; “je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle amis” (cf. v. 15) ; “ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis” (v. 16)...
Demandons au Seigneur qu'il nous aide à distinguer les fruits de la gratuité évangélique de la rigidité non-évangélique, et qu'il nous libère de tout trouble de la part de ceux qui placent la foi – la vie de la foi – sous des prescriptions casuistiques : prescriptions qui n'ont pas de sens (ici je ne parle pas des Commandements). Qu'Il nous libère de cet esprit de rigidité qui prive de la liberté. >>
11:51 Publié dans AVEC LE PAPE FRANÇOIS, Eglises | Lien permanent | Tags : pape françois