11/05/2019
Aéroports de Paris : vers un référendum d'intérêt public
Défaite des libéraux qui contrôlent l’Etat ! Et réflexions :
Après le feu vert du Palais-Royal, arrivera-t-on au seuil des 4,7 millions de signatures citoyennes ? “Ce n’est pas impossible vu le climat actuel”, déclare au Monde le constitutionnaliste Didier Maus. Climat laissant envisager une convergence inédite entre les électeurs socialistes, communistes, mélenchonnistes, et ceux des électeurs de droite qui parviendraient à oublier un moment leur allergie à la gauche.
Cette convergence est jugée "immorale" par la Macronie ! Invoquant (malgré l’avis du Conseil constitutionnel) “le respect de la Constitution”, les élyséens crient que le référendum "remettrait en cause le vote des députés, donc la démocratie représentative", etc... Alerte, le populisme est à nos portes, il y a des élections dans huit jours.
Ces cris sonnent faux. La mobilisation contre la vente d’ADP ne se fait pas dans l’anarcho-démagogie : au contraire, elle demande que les aéroports de Paris prennent le statut de service public national. Autrement dit, “le maintien d’ADP sous le contrôle public au nom de l’intérêt général” (Gilles Carrez), pour éviter une privatisation-engrenage pire encore que celle des autoroutes.
Pour opérer son coup ADP, la Macronie se drape dans “l’autorité de la République”. Là est le problème. Que veut dire “République” sous le régime néolibéral ? Comme l’écrit Gilles Dorronsoro dans un essai paru il y a trois semaines (Le reniement démocratique - Fayard), la fonction étatique a changé depuis la fin du XXe siècle : “Aux néolibéraux l’Etat apparaît comme un enjeu central en ce qu’il permet une réorientation des politiques publiques en faveur des plus riches, notamment par la formation de rentes. Il s’agit d’un Etat profondément redéfini (personnel, compétences, production des normes, domaines d’intervention) dans une logique de porosité croissante entre le public et le privé.”
Les politiques qu’inspire le néolibéralisme sont au service des intérêts privés, souligne Dorronsoro : “Elles justifient le creusement du déficit à condition qu’il naisse d’une réduction d’impôts pour les plus riches ; le démantèlement de l’Etat-providence, mais une garantie pour les banques à l’origine des crises financières ; la compétition dans tous les domaines de la vie, mais la multiplication des rentes pour les élites...”
Cette dégénérescence de l’Etat au profit des intérêts privés, et la politique d’injustice sociale qui en résulte, sont la cause du malaise général et de l’insurrection “morale” des gilets jaunes. Insurrection venue – dit Dorronsoro – de “la précarité et l’humiliation qui vont avec des conditions de travail dégradées et l’injustice ressentie devant la répartition de la charge fiscale”… Les revendications des gilets jaunes sont viscérales : “Au-delà des demandes spécifiques, c’est une lutte pour la reconnaissance, c’est-à-dire le refus d’être dépossédés de leur dignité de citoyens”. Et c’est ce que prévoyait l’encyclique Centesimus annus de Jean-Paul II : “Avant même la logique des échanges à parité et des formes de justice qui les régissent, il y a un certain dû à l’homme en raison de son éminente dignité. Ce dû comporte la possibilité d’apporter une contribution active au bien commun de l’humanité”… Or le néolibéralisme, système du “déchet” selon le pape François, nie cette possibilité à “ceux qui ne sont rien” (mot de M. Macron). L’économie néolibérale financiarisée aura de moins en moins besoin d’êtres humains, ni à plus forte raison de citoyens.
Pourquoi la demande fondamentale des gilets jaunes est-elle le “référendum d’initiative citoyenne” (“RIC”) ? Parce que la méfiance est devenue extrême face à l'évolution de l’Etat en régime néolibéral : évolution que la Macronie – règne du mépris social – porte à l’incandescence. Si les humiliés en sont à revendiquer le RIC sous sa forme radicale (qui rendrait impossible tout gouvernement), c’est qu'aujourd'hui la “gouvernance” – néologisme néolibéral – est l’injustice érigée en système : le contraire du Politique, qui seul rend possible une justice sociale. Les dogmes de la libre concurrence et du “ruissellement” (vers le haut !) institutionnalisent la déshumanisation ; on serait bien sournois de s’indigner devant la révolte des déshumanisés.
La Macronie est arrogante. Cette maladresse la mène à des faux-pas. Le dernier en date est la privatisation d’ADP. Elle soulève une tempête qui vient de démâter le projet… Le coup ADP est l’exemple-limite d’une braderie du patrimoine national ; il faut expliquer partout l’ampleur de la menace, et la nécessité de la résistance.
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ps / Ce qui précède ne doit évidemment pas faire oublier que le transport aérien de masse détériore l’atmosphère terrestre et contribue au dérèglement climatique. Mais vendre les aéroports parisiens au privé (la surenchère concurrentielle) ne ferait qu’aggraver les choses.
18:26 Publié dans Economie- financegestion, Macron | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : aéroports de paris
Commentaires
MACRONISMES
> Si la Macronie juge "immorale" la convergence de diverses oppositions, c'est qu'il s'agit… d'une opposition, tout simplement.
En quelques lustres, on est passé de "l'opposition a tort", argument classique d'une majorité parlementaire et gouvernementale, à "toute opposition est immorale". C'était déjà le cas au moment des "manifs pour tous", et maintenant l'argument se généralise.
A ce prix-là, on voit difficilement comment la discussion avec des macroniens est possible.
Quant à la supposée remise en cause du vote des députés et de la démocratie parlementaire, comment ne pas sourire à un tel argument au lendemain du vote d'une loi sur la restauration de Notre-Dame par une majorité de trente-deux députés ?
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Écrit par : Sven Laval / | 11/05/2019
LE P.S.
> Heureux de voir le PS (!!!) adorer ce qu'il brûlait il y a encore quelques années : la notion de frontière et celle de souveraineté.
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Écrit par : Arnaud Bodin / | 11/05/2019
A.D.P.
> https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/11/adp-un-referendum-a-double-tranchant_5460891_3232.html
?!?!question de représentation mais pas de gouvernance...ou comment noyer le poisson ... ou comment rouler pour les futurs actionnaires...longue-vue ou microscope dans ce cas LE MONDE c'est "mes sous!"... faisons (un peu) peur..."ils" réfléchiront moins ...etc
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Écrit par : Gérald / | 11/05/2019
LA FOLIE DES PRIVATISATIONS
> https://actu.orange.fr/france/privatisations-apres-les-autoroutes-bientot-les-routes-nationales-CNT000001eAzr3.html
La grande braderie continue... On évoque également une possible privatisation de la Caisse des dépôts. Il est très positif que la Macronie perçoive à travers l'exemple d'ADP que toute nouvelle privatisation est désavouée par une majorité de Français.
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 12/05/2019
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