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16/02/2019

Régis Debray, 'Le Monde' et l’Europe colonie américaine

europe

Debray inaugure chez Gallimard une collection de libelles avec un texte intitulé L’Europe fantôme. Le plus symptomatique n’est pas ce texte mais la façon (inédite) dont Le Monde le présente :


Le Monde 15/02 (extrait), présentant le livre :

<< Régis Debray voit dans l’Union européenne un pion aux mains des Américains, maîtres de l’échiquier mondial depuis l’effondrement du monde soviétique. L’originalité de son analyse vient de ce qu’il considère que les Etats-Unis ne conquirent pas tant l’Europe qu’ils profitèrent d’un "vide" provoqué par un processus d’ "inculturation", autrement dit par la dissolution de l’européanité dans l’occidentalité américanisée. […]  Cette inculturation, c’est celle des langues européennes, supplantées par l’anglais "globish". Celle, aussi, de la politique qui, née dans l’agora athénienne, s’est mise au service de l’économie, conformément à l’adage anglo-saxon du laisser-faire.  Celle, enfin, du peuple même, auquel se sont substitués des individus en quête de bonheur individuel, aspirant au statut de people… S’il manque peut-être de nuance, le tableau lucide que Régis Debray brosse de l’Europe n’est pas sans trouver des échos avec la crise de légitimité dont fait l’objet l’UE. >>

 

Extrait du livre :

<< Ce n’est pas par servilité mais par inculturation que l’extraterritorialité du droit américain est vécue comme naturelle [en Europe]. On ne comprendrait pas sinon qu’on accepte […] d’être taxé (acier et aluminium), racketté (les banques), écouté (la NSA), pris en otage (l’automobile allemande), commandé ou décommandé in extremis (militairement), soumis au chantage (nos entreprises en Iran), etc. L’hyperpuissance a obtenu sa naturalisation, et nous vivons comme nôtres ses conflits domestiques. […]  L’Union européenne tourne au mantra quand l’européanité se voit dissoute dans l’occidentalité, dont le centre de gravité a franchi l’Atlantique. Rome n’est plus dans Rome… >>

 

 

Commentaire

L’américanisation prive de contenu la plupart de nos postures politiques actuelles : 1. La posture des “européistes”, bien entendu ! La machine UE tourne à vide mais ils persistent dans des slogans, en forme d’inexactitudes (“l’Europe a produit 70 ans de paix”) ou d’inepties (“grâce à l’Europe les gens peuvent voyager”) masquant cette réalité : l’Europe colonie américaine... 2. Et la posture de beaucoup d’anti-européistes : que ce soient nos pseudo-souverainistes mais disciples de Milton Friedman comme les Gave (notre note du /2) ; ou nos clones gaulois de l’Alt-Right US, dont ils ont emprunté tous les codes depuis cinq ans : “identitaires” (?) français faisant le voyage de Washington pour aller flagorner la droite US ultra !

►  La situation en est au point où même la grande presse parisienne de référence doit constater le dépérissement de la construction européenne et l’absorption du Vieux Continent dans l’espace américain. Cette "lucidité", comme dit Le Monde, est bonne, mais tardive. Va-t-on mourir guéris ?

 

 

 

europe

 

11:01 Publié dans Europe, Idées | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : europe

Commentaires

EN ANGLAIS

> Il est bien temps que les intellos parisiens découvrent la lune. Le mal est fait. Les Français sont en majorité américanisés jusqu'à l'os, y compris et surtout les cathos : dans ma paroisse bcbg on chante des cantiques en anglais : "bless my soul"... Comme ça on ne s'isole pas du business.
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Écrit par : Alban M. / | 16/02/2019

L'EUROPE

> Il n'y aura pas de guérison à court terme, car plusieurs pays profitent de cette situation (sans compter les corruptions individuelles), et il n'y a absolument aucun accord entre les pays membres sur ce diagnostic et donc a fortiori sur le remède. De mauvais choix initiaux ne permettent jamais de revenir en arrière.
De plus les systèmes politiques étant en mutation profonde, il n'y a plus de possibilité de "sortir pas le haut". L'Europe va sans doute rester pour longtemps une zone très particulière dans l'Histoire, déstructurée sur la plan politique, tenant par une construction juridique verrouillée. La langue commune peut-elle être autre chose que l'anglais ? non (28 pays...), et pour ça les USA n'y sont pour pas grand chose. A moins que la technologie ne change les choses, comme souvent (traducteurs automatiques miniaturisés).
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Écrit par : BCM / | 16/02/2019

"INCOHÉRENT"

> D'un point de vue idéologique, les Gave chez Dupont-Aignan sont l'équivalent de la présence commune de Robert Hue et Alain Madelin sous la bannière Macron : c'est incohérent. Les Gave soutiennent un ultralibéralisme sans frontière, le marché-au-dessus-de-tout, la fin de l'idée de nation. Dupont-Aignan se dit souverainiste, pour un retour à l'Europe gaullienne des États-nations. Que l'on m'explique...
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 16/02/2019

GUÈRE

> Des anti-européistes; il y en a des vrais, des authentiques. Hélas, on ne les trouve guère dans les milieux catholiques, et ce, depuis des décennies.
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Écrit par : Pierre Huet / | 16/02/2019

@ Pierre Huet :

> normal, les évêques sont européistes depuis longtemps, rappelez-vous la réception de Jacques Delors à l'Assemblée plénière de l'épiscopat français à Lourdes en 1989. Ont-ils reçu un anti-européiste pour analyser le problème sous toutes ses facettes ?

BCM



[ PP à BCM – C'était il y a trente ans. Rappelons tout de même que la conférence épiscopale française critique depuis trois ans "le déficit démocratique" et le vide de sens de la construction européenne actuelle. Les positions ne sont pas figées. ]

réponse au commentaire

Écrit par : BCM / | 16/02/2019

CHESTERTON ET GOGOL

> Sur un autre terrain, l'économie, à l'évidence l'Islande a pu se remettre de la crise financière de 2008 qui la secoua du fait de pouvoir prendre des décisions politiques rendues possibles parce que l'île ne fait pas partie de l'UE, sort que la Grèce n'avait aucune chance de connaître.
Autre illustration, s'il prenait l'idée à un pays membre de l'UE de réellement engager une politique vertueuse de décroissance, elle se heurterait au léviathan, à la feuille de route européenne et ne le pourrait pas.
Aujourd'hui, nous autres Européens sommes les gallo-romains de l'Empire, heureux de tout ce que l'on peut désirer en matière de panem & circenses (malbouffe et jeux vidéo).
Jeux vidéos ? Mais c'est la Culture, le chiffre d'affaire du secteur ne dépasse-t-il pas celui du cinéma ?
La civilisation Gafam-Wall Street règne, nous portons des toges identiques à celle des envahisseurs venus en paix apporter la paix, adoptons les même coupes de cheveux, les mêmes manières à table comme au labor et à l'otium, affublons nos enfants de prénoms en usage outre-atlantique -sans doute pour leur donner les meilleures chances -, et consommons à satiété tout ce qui tombe du ciel star-spangled.

Je pensais, en lisant votre commentaire Patrice, à 'L'auberge volante', vous savez ce roman de Chesterton, paru en 1914, dans lequel le personnage principal, Patrick Dalroy (un des avatars de Don Quichotte les plus réussis de la littérature) se trouve ainsi tout seul face à l'ordre du monde, en un défi, un affrontement permanent de la donnée réelle en face, laquelle semble plus irrationnelle que le comportement du héros, avec toujours une prise en compte de la justice, opposée à la Loi, cette dernière devant impérativement être combattue par Dalroy.
Un Chesterton des plus incroyablement prophétiques (et ce n'est pas peu dire s'agissant du Gentleman de Beaconsfield) à l'aune de la situation qui est la nôtre un siècle plus tard.

Passons de l'auberge à la taverne, et j'arrête là mon humeur citatrice, ce bref extrait saisissant de Nicolaï Gogol (dans les 'Veillées du Hameau II') en guise de conclusion :
" Et ainsi, à peine le diable eut-il fourré la lune dans sa poche, qu'il régna soudain de part le monde une obscurité si totale qu'il n'en est guère qui eussent trouvé leur chemin jusqu'à la taverne, sans même parler de la maison du sacristain."
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Écrit par : Aventin / | 16/02/2019

LES G.J. ET L'U.E.

> Je vous recommande cette "table ronde" de trois économistes qui invitent les gilets jaunes à ne pas se tromper d'adversaire : l'Union européenne et sa commission. M. Macron, notre "monarque libéral élu" n'étant que le supplétif (au sens militaire) de cette entreprise à irresponsabilité illimitée supranationale nommée "Union Européenne" confusément appelée Europe (pour faire croire qu'elle tient sa source des territoires et des peuples qu'elle a conquis tels des parts de marché). Et qui en sont les actionnaires majoritaires ? En tout cas ni la France, ni l'Allemagne !
https://thinkerview.com/gilets-jaunes-le-debut-de-la-fin-pour-lue/
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Écrit par : J-Luc / | 17/02/2019

ALTERNATIVE

> Européennes : je vote pour qui s'engage à construire une alternative à internet, plus simplement un réseau qui garantit ne passer pas par les Etats-Unis (sauf si votre destinataire y est): dès une société utilise des serveurs américains (ou des dollars = monnaie utilisée pour les achats de pétrole), elle tombe sous le coup des lois extra-territoriales des Etas-Unis !
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Écrit par : franz / | 18/02/2019

Les commentaires sont fermés.