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23/10/2018

Fracas au Brésil, fantasmes en France

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Son gouvernement comportera un financier ultralibéral et “plusieurs généraux“ (liés aux industries)... L’élection imminente de Bolsonaro – soutenu notamment par des “chrétiens” formatés – n’est pas sans quelques échos bizarres dans l’Hexagone :


  

► Il ne cache pas leurs noms : se voyant comme “élu d’avance” dimanche, Jaïr Bolsonaro dit vouloir donner un ministère géant (Economie +  Finances + Industrie + Commerce + Plan) à l’ultralibéral Paulo Guedes, formé aux USA à l’école friedmannienne et dont le programme consiste à tout privatiser. Quant aux Transports et à l’Environnement, ils pourraient aller au général Oswaldo Ferreira qui dit regretter les années 1970 : “quand il n’y avait pas d’agence environnementale pour emmerder le monde”...  Comparé à ça, Trump passerait pour un social-écolo.

D’où l’enthousiasme de la droite dure transatlantique : y compris nos autoproclamés “réacs” ennemis de l’auteur de Laudato Si’, qui étrennaient la semaine dernière un nouveau slogan : “Le pape est le chef de l’Eglise, il n’est pas mon chef de section !”. Comme si le chef de l’Eglise n’était pas Jésus-Christ. Et comme si la foi au Christ (y compris ses effets sociaux) était un caporalisme…

Car la bolsonaromania de nos réacs a aussi une cause “religieuse”. Elle vient de l’une des composantes du tripode bolsonariste au Brésil : “BœufBallesBible”. Le Bœuf, c’est l’agro-industrie maîtresse du pays. Les Balles, c’est l’industrie des armes à feu dont Bolsonaro est l’homme-lige. La Bible, ce sont de richissimes sectes “chrétiennes” comme l’Eglise universelle du Royaume de Dieu dont le vieux gourou Edir Macedo (patron d’une des principales chaînes TV du Brésil) fut poursuivi pour blanchiment de fonds mais amnistié par Lula… et qui soutient aujourd'hui Bolsonaro, lequel promet aux sectes de nouveaux avantages financiers.

La plupart de ces pasteurs “chrétiens” enjoignent donc à leurs fidèles de voter pour Bolsonaro, qui a chez eux 35 points d’avance sur le candidat de gauche.

Au Brésil comme aux USA, le soutien de ”religieux” aux droites dures ultralibérales a l’argent pour infrastructure. Mais il invoque la religion, réduite à “l’anticommunisme” (comme si la gauche brésilienne était communiste) et à une morale hypnotisée par le sexuel  – sauf lorsqu’on parle de Bolsonaro dont il convient d’oublier qu’il fut marié trois fois, au mépris de la parole de Jésus dans l’Evangile sur l’indissolubilité du conjugal… Il est vrai que le futur président du Brésil s’est refait une virginité en se faisant rebaptiser par un pasteur néochrétien : ce qui fait de lui un apostat au regard du catholicisme, mais lui vaut la jubilation des collines éternelles et la majorité au second tour : hallelujah.

En quoi cette fantasmagorie “religieuse” a-t-elle un écho chez nous ?  Depuis vingt ans, le dynamisme de la religiosité néo-chrétienne a fait école au Brésil dans une aile du clergé et des militants catholiques ; aile qui, à son tour, a séduit une fraction catholique dans des diocèses français. Ainsi le glissement des néo-chrétiens brésiliens à l’extrême droite a entraîné (dans une moindre mesure) celui d’une partie des catholiques du Brésil, et par ricochet celui de leurs épigones parmi les catholiques de France. Lesquels, en, outre, avaient souvent leurs propres mobiles de dérapage... C’est ainsi que de bonnes gens qui se croyaient dévoués à témoigner du Christ, se retrouvent aujourd’hui dans l’impasse d’une politisation extrémiste. Et en porte-à-faux par rapport à l’Eglise catholique.

 

 

 

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Commentaires

MACEDO, KELLER... ET NOS SUPER-CATHOS

> Le paysage sociologique de cette élection ne valide-t-il pas vos observations sur les évangéliques, compilées dans votre bon ouvrage paru il y a dix ans ? En particulier, peut-on dire que les chrétiens évangéliques ont gagné du terrain en Amérique latine, et plus spécialement au Brésil, par rapport à il y a dix ans ?
Si c'est le cas, le synode des jeunes tombe à pic pour tenter d'apporter une réponse à cette recomposition : devant des évangéliques type Macedo, quelle attitude les catholiques devraient-ils prendre pour contenir l'hémorragie ?
Ayant travaillé un an à New York il y a dix ans, j'avais pu constater que les évangéliques y étaient dans le vent : c'est... un catholique qui m'invita à assister au culte de l'Église du Rédempteur ('Redeemer Church') pour la première fois, dans un auditorium plein à craquer. Cet ami ne tarissait pas d'éloges à propos des prédications du pasteur Timothy Keller (dont le talent était réel), moins soporifiques à ses yeux que les sermons catholiques. Ce que j'ai vu à Manhattan est une expérience de mimétisme à la René Girard : quand tout le monde va écouter Tim Keller, aller à la messe fait ringard.
Il serait regrettable que les églises catholiques se fassent siphonner en Amérique latine sur le même modèle...

PV


[ PP à PV – Les pages où mon livre décrivait les moeurs de ces sectes au Brésil expliquent en effet ce qui se passe actuellement. Hypnotisés par le pouvoir et l'argent, leurs "pasteurs" s'adaptent à tout ; Macedo passe de Lula à Bolsonaro sans difficulté.
Quant à l'influence du showbiz religieux (genre Keller) sur des catholiques, elle n'est que trop réelle, et montre qu'on peut être super-catho-waouh et avoir perdu le sens de l'eucharistie. Finalement le sacramentel et l'oraison leur importent peu ; l'important c'est de défiler dans les rues et "d'unir toutes les droites". ]

réponse au commentaire

Écrit par : Philippe de Visieux / | 23/10/2018

LA T.F.P.

> Par exemple, bien des catholiques de France se laissent complètement duper par la façade défense des "valeurs" du mouvement "Tradition, famille, propriété" fondé par le brésilien Plinio Correa de Oliveira.

Isabelle


[ PP à Isabelle - Mouvement qui sent le fagot, et que même 'Famille chrétienne' dénonçait comme "secte" il y a vingt ans. Mais mouvement dont la griffe se retrouve dans les diverses pétitions et "suppliques" anti-François depuis quatre ans, y compris celles que signe le cardinal Burke (lequel n'a pas peur des fréquentations disqualifiantes) ! Pétitions et suppliques dont une certaine bourgeoisie ultra-catho fait ses choux gras... ]

réponse commentaire

Écrit par : isabelle / | 23/10/2018

L'HOMME QUI LIT

> "Quant aux Transports et à l’Environnement, ils pourraient aller au général Oswaldo Ferreira qui dit regretter les années 1970" : l'affiche de Bolsonaro aurait même un petit air "1950", reprenant en quelque sorte un graphisme des années 30 la "qualité d'avant-guerre" en moins.
Une telle observation peut paraître frivole, voire futile, mais on peut légitimement se demander s'il n'entre pas dans la campagne de Bolsonaro quelque chose d'un "passéisme futuriste" : "revenons au bon vieux temps où l'on pouvait tout dézinguer au nom de l'ordre et du progrès".
Peut-être est-ce cela qui séduit une certaine droite en France : s'imaginer que nous sommes en 1950. Ajoutons à cela un discours "anti-intellectuel" (euphémisme pour dire philistin ou sciemment bas de plafond) qui peut aussi séduire. Sur ce dernier point, c'est tout ce que semblent en retenir bon nombre de critiques en Europe.
Une personne que je connais et qui vit au Brésil m'a dit récemment, à propos de retour au passé, qu'un des problèmes politiques de ce pays est que de nombreux responsables de tous bords semblent s'être arrêtés, mentalement, vers 1965. Par exemple, Dilma Rousseff n'en a pas fini de régler ses comptes avec la dictature (il est vrai qu'elle a eu à en souffrir), et Jair Bolsonaro en est encore à vouloir traquer le guérillero communisant...
Notons, pour revenir à l'analyse au pied levé de cette affiche, que l'image "anti-intellectuelle" de Bolsonaro est atténuée par les demi-lunes qu'il tient (c'est un homme qui lit !) et son regard pensif qui lui donne l'air de réfléchir posément.
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Écrit par : Sven Laval / | 23/10/2018

EN FACE

> ...charmante TFP qui imprime juste en face de chez moi... (bon, d'accord, y'a le champ à traverser). Mon curé - qui partage le même attachement que moi à la tradition vivante de l'Eglise - est heureusement rétif à leur vision sclérosée de celle-ci.
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Écrit par : Ren' / | 26/10/2018

AVERTISSEMENT

> La victoire d'un dangereux politicien provient surtout du discrédit de l'équipe précédente. Que cela serve d'avertissement à notre clique dirigeante.
Considérer les Français comme des alcooliques, paresseux, illettrés etc tout en délaissant "la France périphérique" (banlieues, campagne) ne peut que mal finir. Ce ne sera pas seulement la faute à ce qui reste de catholiques.

PH


[ PP à PH - "Ce qui reste de catholiques" ne sont guère en cause sur le plan quantitatif (électoral) : leur petit nombre les prive du rôle d'arbitre.
Leur éventuelle faute est sur le plan qualitatif : au lieu de se pénétrer de la vraie pensée sociale catholique (celle de l'Eglise réelle), certains lui substituent leurs opinions de milieu social... qui vont du conformisme macronien à la dérive d'ultradroite. Deux façons de tourner le dos à 'Laudato Si'. ]

réponse au coimmentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 29/10/2018

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