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06/10/2018

Brésil : la vraie nature du "populisme de droite"

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Jair Bolsonaro sera-t-il réellement élu ?  De quoi est-il le nom ? D'où vient son étrange popularité chez les électeurs évangéliques (un peu moins chez les catholiques) ? Éléments d'information :


Les sondages placent l'ex-capitaine Jair Bolsonaro, 63 ans, en tête de la présidentielle dont le premier tour se joue demain 7 octobre. Cette ascension d'un démagogue est produite par l'effondrement du reste de la classe politique dans la corruption institutionnelle : série de méga-scandales qui ont plongé dans le désarroi ce pays de 200 millions d'habitants. Quand le chaos règne, sonne l'heure du démagogue dont les gens vont dire : "Il a des côtés inquiétants mais il ramènera l'ordre." On connaît la chanson.

Bolsonaro est un tribun d'une rare violence. Son langage de guerre civile est sans équivalent – sauf chez le Philippin Rodrigo Duarte. Mais il séduit dans presque toutes les catégories de population : notamment chez les chrétiens (81 % des Brésiliens)... et là on doit s'interroger.

Les "évangéliques" votent en effet Bolsonaro à 36 %, contre 12 % au candidat de gauche Fernando Haddad. Chez les catholiques moins bolsonarisés, c'est 24 % et 20 %.

Comment les bolsonaristes chrétiens expliquent-ils leur vote ?  Dans toutes les enquêtes d'opinion ils déclarent : "Bolsonaro est contre l'avortement et le communisme." Phrase symptomatique d'une grande naïveté et d'une grande confusion mentale ! Naïveté, parce que Bolsonaro ne se pose en  pro-life que depuis 2016, quand il a mis la main sur un certain électorat évangélique en allant se faire rebaptiser par un pasteur en Israël. Confusion mentale, parce que le défunt "communisme" ne menace pas au Brésil (ni ailleurs). Mais l'Eglise universelle du Royaume de Dieu, propriétaire d'une grande chaîne de télévision, s'est mise en campagne électorale pour Bolsonaro... Comme des pans entiers du mouvement évangélique au Brésil, ladite "Eglise"  diffuse l'hérésie post-chrétienne dite "Evangile de la prospérité" qui transforme le christianisme en idéologie supplétive du consumérisme. Et derrière ce courant agissent, en infrastructure, les mêmes groupes d'intérêts étatsuniens que derrière le courant bergogliophobe dans l'Eglise catholique [1]... Il y a une cohérence dans tout ça.

D'autant que Bolsonaro se pose ouvertement en "Trump du Brésil" :  à côté de ses poses pro-vie, il proclame l'urgence d'une libéralisation totale du port d'armes afin de "liquider la racaille".

Ce n'est pas une parole en l'air et il ne s'agit pas (comme il le prétend) de "laisser les pères de famille s'armer pour défendre leur foyer".

Ce que veut Bolsonaro  – et qui lui vaut un financement massif –  est propre à la situation brésilienne. Il s'agit de donner aux fazendeiros, grands propriétaires terriens devenus agro-industriels, le moyen légal d'équiper des armées privées afin de liquider les 'Paysans sans terre'... (Ceux-ci ne cessant de réclamer la réforme agraire, promise faussement par Lula avant que Mme Rousseff ne déclare "terrorisme" leurs manifestations). La guerre civile contre les Paysans sans terre n'ayant jusqu'à présent fait que 2000 morts, Bolsonaro souhaite que l'on soit plus radical : "Nous allons donner des fusils aux propriétaires ruraux", annonce-t-il entre deux gémissements surjoués à la télévision [2]. Il promet également d'autoriser sans frein tous les pesticides, et de déréglementer la déforestation agro-industrielle de l'Amazone : "Pas un centimètre de plus pour les Indiens !" 

Les grands propriétaires se sentent "les coudées franches pour faire ce qu'ils voudront", s'inquiète le P. Paulo Santos, de la Commission pastorale de la terre à la Conférence des évêques du Brésil. [3]

La vraie nature de Bolsonaro est en effet de servir la banca ruralista : le lobby de l'agro-business qui contrôle 45 % des parlementaires brésiliens. Ce groupe d'intérêts n'a cessé de monter en puissance depuis dix ans ; il voit maintenant en Bolsonaro son outil présidentiel. 

Et ça ne s'arrête pas au monde agricole. Le "populiste de droite" est en réalité le candidat des marchés, désormais flanqué d'un conseiller économique ultralibéral affiché, Paulo Guedes. D'où sa  promesse de privatiser tous les secteurs encore publics, ce qui crée une euphorie inédite à la Bourse de São Paulo...

Si Bolsonaro est élu, l'exultation de nos libéraux-conservateurs parisiens fera plaisir à voir. Je vois d'ici leurs médias titrer : "L'homme qui réconcilie l'économie et les valeurs traditionnelles".

 

__________

[1]  cf. la série des notes de notre blog (septembre) sur le coup Vigano, le cardinal Burke et Steve Bannon.

[2] il se dit encore souffrant de son attentat manqué : ce qui lui a permis d'échapper aux débats en face à face avec ses concurrents.

[3]  Le P. Santos a raison et ne manque pas de courage. Est-ce à cause de ce courage que "l'Eglise catholique au Brésil perd du terrain au profit des évangéliques", comme ne cessent de le dire (avec le sourire) nos grands médias... et la droite catho de l'Hexagone ?

 

 

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13:21 Publié dans Amérique latine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : bolsonaro

Commentaires

DOLOROSO

> Si Bolsonaro passe, va-t-on voir des propagandistes évangéliques brésilien(ne)s se répandre dans nos médias y compris cathos pour chanter leur alleluia de voir élu un ami
du Grand Trump ? C'est plus que probable.
Será doloroso.
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Écrit par : Edson / | 06/10/2018

MÊME PLUS CAPABLE

> Tout ce que la gauche bobo trouve à reprocher à Bolsonaro c'est d'avoir dit des choses grossières sur les femmes et les gays.
La gauche bobo n'est même plus capable de repérer un milicien du néolibéralisme quand elle en voit un. Tellement elle est devenue libérale elle-même.
Pas étonnant qu'on perde les élections quand on n'a plus rien à dire.
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Écrit par : Edson / | 06/10/2018

à Edson :

> J'allais faire le même commentaire que vous sur ce qu'en dit la "gauche bobo" (il suffit d'écouter les bulletins d'information de Radio-France pour s'en rendre compte).
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Écrit par : Sven Laval / | 06/10/2018

> Pourquoi parler de "gauche bobo"? la gauche est morte avec Mendes-France en 82. Dites simplement "les bobos".
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Écrit par : VF / | 06/10/2018

IDÉOLOGIE DE CLASSE

> La gauche bobo qui ne trouve rien à dire
quand le gouvernement fait un Nième cadeau aux plus riches (qui ne produisent rien en France)
quand la mise en servage des paysans par les industriels de l'agroalimentaire & de la grande distribution s'aggrave
quand l'autorisation de mise sur le marché du round up est renouvelée
quand un homme de main du président roue de coups un couple dans le Ve arrondissement
quand une journaliste est victime d'une chronique-ramassis d’obscénités sur France Inter sous prétexte qu'elle est "bien à droite"
quand les éditions Glénat publient une BD mettant en scène un enfant ayant des relations sexuelles avec des adultes = pédophilie
quand un rappeur dit qu'il faut pendre les blancs
quand les gens qui ont du mal à vivre son priés d'arrêter de se plaindre
etc, etc.

Oui, on sait que penser de la gauche bobo.
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Écrit par : E Levavasseur / | 08/10/2018

> Le seul qui vient de la gauche bobo (Charlie Hebdo et tutti quanti) et qui s'est réveillé, c'est Nicolino.
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Écrit par : Raphaël R. / | 08/10/2018

Les commentaires sont fermés.