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04/10/2018

Macron, nouvelle étape de la déconstruction du politique

non-2017-n-est-pas-1958.jpg

...commémore quand même la fondation de la Ve République :


 

Etrange coïncidence : au moment où l’on célèbre le 60e anniversaire de la Ve République, la “fonction présidentielle” prétendument restaurée par M. Macron continue à s’effilocher comme elle le fait depuis près d'un demi-siècle. La démission-mutinerie de Collomb vient après la démission-scandale de Hulot, la bouffonnerie Benalla et l’étalage d’incompétences du bloc REM [1], sans oublier les comportements bizarres de Macron lui-même. Ces signes de morbidité semblent montrer que le macronisme, prétendue disruption, n’est qu’une étape supplémentaire de l’agonie du politique.

Le politique agonise parce qu’il l’a bien voulu. Il était en principe le garant du bien commun : ce qui incluait à la fois le destin géopolitique du pays et son pacte social… Or, constate [2] Richard Kozul-Wright qui est l'un directeur de la CNUCED (Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement),

« …depuis quarante ans, un mélange d’illusionnisme financier, de pouvoir débridé des grandes sociétés et d’austérité économique a mis en pièces le contrat social apparu après la Seconde Guerre mondiale et l’a remplacé par un ensemble différent de règles, de normes et de politiques aux niveaux national, régional et international. Cela a permis au capital – matériel ou immatériel, de court ou long terme, industriel ou financier – d’échapper à la supervision réglementaire, d’étendre son périmètre à de nouveaux secteurs lucratifs et de restreindre l’influence des responsables publics sur la conduite des affaires. »

Résultat : les “gouvernants” n’ont plus les outils permettant de gouverner ! C’est particulièrement net dans l’Union européenne où les Etats n’ont plus en main la monnaie ni le budget, devenus instruments des nouvelles règles et normes imposées par la machinerie néolibérale globale – dont Bruxelles n’est qu’un échelon. Règles et normes enveloppées dans le discours du libre-échange camouflant la circulation incontrôlée des capitaux (qui prépare une nouvelle crise systémique, mais c’est un autre problème).

Le macronisme n’est qu’un symptôme de tout cela. En coulisses il est l'outil de la finance. En scène il est “le discours un peu facile de ceux qui s’engagent à ne laisser personne de côté tout en appelant à la bonne volonté des entreprises ou à la part d’ange [3] des super-nantis” : “dérobade pour éviter tout débat sérieux sur les causes véritables de l’aggravation des inégalités, de l’endettement et de l’insécurité”.[2]

Rien n’obligeait les dirigeants politiques des années 1990 à saborder leurs responsabilités pour se soumettre aux banques et aux multinationales : soumission dont la “construction européenne” est devenue l’un des noms régionaux...

Mais ils l’ont fait ! Dès lors la Constitution de 1958 se vidait de son sens, triturée pendant trente ans pour perdre toujours plus de contenu sous la pression du Conseil dit constitutionnel et dans la connivence des présidents successifs.

Comment s’étonner qu’aujourd’hui les sondages reflètent cette débâcle ?  Ils disent deux choses complémentaires. Dans l’enquête YouGov (Huffington Post), les Français saluent rétrospectivement De Gaulle, seul (avec 65 %) à dépasser la majorité en opinions favorables. Mais dans l’enquête Odoxa (Figaro), 62 % se disent favorables à une VIe République : ils jugent la Ve inefficace, “loin des gens”, et ils critiquent l’élection présidentielle devenue quinquennale qui rend les politiciens “un peu fous”.  

Comparez les deux sondages :  entre la défunte république gaullienne – rétrospectivement estimée des Français –  et la république Chirac-Sarkozy-Hollande-Macron, quelle différence ?  Celle-ci : la seconde est de plus en plus vide sur le plan politique (ça se voit), et de plus en plus injuste sur le plan social (les gens le ressentent, sauf la part la plus bourgeoise de l’électorat Macron).

Rien d’étonnant à ce qu’une majorité de Français souhaitent que l’on passe à autre chose, sans savoir très bien quoi.

 

__________

[1]  Commerciaux pris de désarroi devant les questions politiques, nombre d'entre eux ne viennent même plus en séance.

[2] Le Monde économie-entreprises, 28/09.

[3]  Dans le langage des chais : la partie d’un volume d’alcool qui s’évapore pendant son vieillissement en fût. Désigne ici la part des cadeaux fiscaux aux super-riches dont ceux-ci sont censés faire bénéficier le reste de la société. C’est la théorie du ruissellement (trickle-down), principale imposture de l’idéologie libérale “jamais vérifiée nulle part” selon l’expression du pape François dans Evangelii gaudium.

 

 

 

giscard-macron.jpg

 

12:43 Publié dans Idées, Macron | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : macron

Commentaires

PLURIEL

> l'expression est "la part des anges".

EL


[ PP à EL - C'est ce que je dis dans ma note explicative à la fin. Mais il ne m'appartenait pas de réécrire M. Kozul-Wright. ]

réponse au commentaire

Écrit par : E Levavasseur / | 04/10/2018

ANGES

> On pensait en début de campagne en 2007 que Ségolène allait amener du nouveau...une femme présidente pensez-vous !
On pensait que Macron allait amener du nouveau... si jeune et hors des partis !
Trump, 5 étoiles, etc. C'est quand même fou de penser qu'un personnage (à ce niveau là les personnes ne comptent plus) puisse amener du nouveau...
Au passage voyez ou revoyez "la part des anges" de Ken Loach ;-)
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Écrit par : Antoine R. / | 04/10/2018

REQUINS

> Moi je croyais tout simplement que dans tous ces requins il estimait naïvement qu'il restait une part d'angélisme les portant à l'altruisme en faveur des plus déshérités.
Maintenant, chacun son interprétation. D'ailleurs, les deux se complètent et ne s'excluent pas mutuellement.
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Écrit par : Bernadette / | 04/10/2018

AUTRE ASPECT

> Il est un autre aspect qui, à mon sens, explique l'érosion du politique : la république Chirac-Sarkozy-Hollande-Macron est celle des réseaux sociaux, du smartphone, des chaînes d'info en continu et de l'hyper-réactivité émotionnelle, où le détail acquiert plus d'importance que le fond.
Avant cela, la place de l'image était bien moindre : de Gaulle, s'il avait vécu à notre époque, se serait fort mal accommodé de ce culte permanent de l'immédiateté ; il n'aurait guère apprécié que la communication remplace en grande partie la réflexion politique.
Dernier exemple de cette dérive : Theresa May, dont les médias n'ont retenu que l'entrée en scène sur la musique d'ABBA "Dancing Queen", plus importante à leurs yeux que le contenu de son discours...
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 04/10/2018

COMME SARKOZY

> Au début, Macron paraissait jeune comme Giscard, aujourd'hui, il paraît ridicule comme Sarkozy.
Son dernier gag : demander aux retraités d'arrêter de se plaindre. C'est vrai que, si les 90% de Français qui pâtissent de sa politique faisaient comme s'ils étaient contents, ce serait quand même plus agréable pour les 1% qui en profitent largement.
Autre gag, rouerie de politique qui peut marcher sur les esprits limités, prendre à son compte tout ce qui pourrait être avancé contre lui : de Gaulle, la société du spectacle, la sollicitude envers les pauvres, etc.
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Écrit par : Guadet / | 04/10/2018

@ Guadet

> Et il reste encore 4 ans !
4 ans !
Et après : descendrons-nous encore ?
Après le président-philosophe quadra, la présidente-enseignante trentenaire ?
______

Écrit par : Feld / | 04/10/2018

et pendant ce temps, au Québec :

> http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2018/10/05/31001-20181005ARTFIG00132-matthieu-bock-cote-les-medias-europeens-n-ont-rien-compris-aux-elections-quebecoises.php#xtor=AL-201

Le parallèle est pour moi évident entre Justin Macron et Emmanuel Trudeau, le tout-est-à-vendre, la société multiculturaliste c'est-à-dire le rouleau compresseur "zéroculturaliste", la politique-téléréalité, etc.

autre article intéressant : https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0302342477303-les-cinq-ingredients-qui-preparent-la-crise-de-2020-2210790.php
______

Écrit par : E Levavasseur / | 05/10/2018

Feld,

> ne nous plaignons pas, notre président n'a pas encore rêvé de faire de son cheval un ministre, ce qui signifie qu'il y a encore moyen de descendre.
Je crains fort que nous n'ayons des gouvernants mauvais tant que notre société ne s'améliorera pas.
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Écrit par : Bernadette / | 06/10/2018

EUROPÉISME

> Lourde responsabilité des élites catholiques de droite comme de gauche dont l'européisme forcené a participé à cette situation, et ce, depuis les années 50. Des élites... et de la hiérarchie!
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Écrit par : Pierre Huet / | 06/10/2018

> oui : d'avoir confondu aussi longtemps "paix en Europe" et technocratie hors-sol.
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Écrit par : Der arme Konrad / | 06/10/2018

FAISEURS

> "Saborder leurs responsabilités pour se soumettre aux banques et aux multinationales" était probablement, dès les années 1990, une solution de facilité pour les politiciens : plus besoin pour eux de réfléchir à la complexité du monde, de poser les problèmes, etc. ; un discours déjà écrit et des solutions toutes prêtes les attendaient déjà.
De sorte que n'importe quel faiseur, intellectuellement médiocre et guère porté sur le bien commun mais bon manœuvrier (ou bénéficiant de quelques appuis décisifs) est désormais capable d'occuper "les plus hautes fonctions".
Il n'est donc pas surprenant de voir dans le mandat de tel ou tel président de la république non pas la direction dans laquelle il voudrait emmener le pays mais le signe d'une adaptation plus ou moins docile à une tendance générale.
J'en viens à me demander si les "bizarreries" de M. Macron ne sont pas des signaux qu'il se permet (ou qu'on lui permet) pour se donner les apparences d'un monarque tout puissant. Des airs de "roi-soleil" en quelque sorte. Bon, tout ne va pas si mal tant qu'il n'évoque pas Caligula.
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Écrit par : Sven Laval / | 06/10/2018

@ Bernadette

> Et encore : un cheval peut faire un très bon ministre, si c'est un cheval de race. Le tout est de bien le choisir. La nomination d'animaux à de hautes fonctions est un art délicat. L'homme qui allait de venir roi de Thaïlande n'a pas été très heureux, en faisant élever son caniche à la dignité de maréchal de l'air. Pendant les quatre années où il a exercé ses fonctions, jusqu'à son décès en 2015, le dénommé "Fufu" n'a pas particulièrement brillé. Fatal... chacun sait que les fonctions élevées dans les armées doivent être confiées prioritairement à des bergers allemands, des dobermans, ...races plus martiales, plus au fait de la chose militaire.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fufu_(chien)
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Écrit par : Feld / | 08/10/2018

"INACCEPTABLE"

> Les trois derniers présidents de la République ont soulevé d'immenses espoirs, au début de leurs quinquennats respectifs. Ainsi, en 2007, un haut fonctionnaire de mes relations parlait (sérieusement) du candidat Sarkozy comme d'un "nouveau Bonaparte". En 2012, on s'est mis à espérer une manière plus "digne" ("normale" ? ) d'exercer le pouvoir. En 2017, je me suis moi-même pris à penser que le président Macron avait, malgré le côté plus qu'inquiétant de son projet pour la France, rehaussé la fonction (par rapport à son prédécesseur, bien sûr ! ).
Et quelques mois plus tard, à chaque fois, ... on ajoute son nom à la liste des "mauvais chefs" prophétisés par Marthe Robin.
Une chose m'inquiète particulièrement, s'agissant de M. Macron. Le président de la Ve République est un monarque. Et comme un monarque, il est de bon ton qu'il quitte ses fonctions "les pieds devants"...au moins symboliquement. Magistrature suprême = fin de carrière. Alors qu'un homme qui devient président à l'aube de la quarantaine doit assurer son avenir. Et est donc (au sens large) potentiellement corruptible. Dans un système où, grosso modo, tout converge vers lui et tout procède de lui, c'est carrément inacceptable !
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Écrit par : Feld / | 08/10/2018

VEAUX

> Le genre d'article qui n'apporte rien...mais dont le contenu est extraordinaire !
https://fr.news.yahoo.com/remaniement-tweets-nouveaux-ministres-devraient-091500899.html
Ces gens n'ont donc aucun honneur ! Quelle honte ! Les commentaires sous l'article sont assez éloquents.
J'ai lu récemment une interview d'Alain Duhamel qui disait que, dans la société liquide au sein de laquelle nous évoluons, où les gens ne croient plus du tout au Politique, nous pouvons connaître les manifestations d'une révolution en-dehors d'une période révolutionnaire en tant que telle. Même si je pense que des veaux shootés à la consommation ne sont pas capables de la faire, la révolution...
______

Écrit par : Feld / | 16/10/2018

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