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02/10/2018

Qui cherche querelle au "synode des jeunes" ?

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Elle échoue dans le reste du monde catholique, mais l'opération US continue contre le pape. Qu'est-ce qui gêne tellement l'archevêque de Philadelphie (74 ans) dans le synode qui se réunit à Rome ?


 

 

Le “synode des évêques sur la jeunesse, la foi et le discernement des vocations” se tient au Vatican du 3 au 28 octobre sous la présidence du pape, avec la participation de jeunes venus du monde entier. Objectif : encourager le rôle de la jeunesse dans l’Eglise catholique et faire face aux problèmes de l’avenir catholique – en lien avec  “les espoirs et les nécessités de l’humanité”, selon la formule du pape. Il s’agit, souligne François, “de garder un œil sur les racines de l’Eglise et de maintenir ses enseignements essentiels, mais aussi de trouver les moyens créatifs de partager ces enseignements, et de réfléchir à la façon dont l’Evangile répond aux questions des gens d’aujourd’hui”.

Le document de base [1] ou Instrumentum laboris (“IL”) de ce synode est issu des avis des évêques du monde, des ordres religieux, des organisations catholiques et du groupe de travail de 300 jeunes (16-29 ans) réunis à Rome en mars par le pape. Participeront aussi aux débats du synode des collaborateurs et observateurs, dont une trentaine des femmes.

Le pape l’a dit en mars au groupe de travail des 16-29 ans, “les jeunes sont ceux qui peuvent aider l’Eglise à se libérer de la logique de l’on-a-toujours-fait-ainsi” : ce “doux poison qui tranquillise le cœur et nous laisse anesthésiés au point de ne plus pouvoir marcher”.

Cette démarche exige de faire confiance aux jeunes, de les impliquer dans les processus de décision et de leur donner des responsabilités réelles au niveau paroissial, diocésain, national et international : changement qui fera partie de la transformation de l’Eglise annoncée par la Lettre du pape François au peuple de Dieu (20 août, cf. ici note d’hier).

Cette perspective de transformation révulse les milieux immobilistes : ceux qui ont inspiré et orchestré l’opération Vigano en août dernier, qui tentent de mutiner des catholiques chinois contre le Saint-Siège, et qui sont prêts à tout pour entraver l’action du “socialist pope”.

Parmi les quasi-schismatiques entourant l’ex-nonce Vigano, on trouve principalement Mgr Charles Chaput. Premier archevêque de Philadelphie depuis un siècle à ne pas avoir été fait cardinal, cet homme de 74 ans (au piètre bilan pastoral) déteste le programme ecclésial de François. Devant – par fonction – prendre part à ce synode ouvert aux jeunes, Mgr Chaput en ressentait des brûlures d’estomac depuis six mois. Fin août, en coordination avec le coup Vigano, Mgr Chaput enjoignait à François d’annuler le synode “ou d’en changer le sujet” : à l’entendre, un pape auquel un monsignor enjoint de démissionner ne peut décemment présider un synode sur l’avenir de l’Eglise ; quant aux évêques du reste du monde, aucun d’entre eux n’est plus crédible pour parler aux jeunes – puisque la Pennsylvanie, diocèse de Mgr Chaput, est au premier plan du scandale pédophile.

D’où l’ironie de l’analyste Michael Sean Winters dans le National Catholic Reporter : “Après tout nous sommes les Américains : le monde et l’Eglise ne tournent-il pas autour de nous ?”

Désireux d’empêcher ce synode de réforme, Mgr Chaput déclenche alors (comme son ami Vigano) un esclandre médiatique. Sur le site des intellos conservateurs First Things, il publie des “pensées sur l‘Instrumentum laboris” [alias IL], attribuées à “un théologien nord-américain respecté”. Mgr Chaput ne précise pas de qui ce théologien est respecté, mais on s’en fait vite une idée : ses “pensées” reflètent le juridisme et la crispation théoricienne d’un certain catholicisme du XIXe siècle.

Ce texte accuse d’abord l’IL de “naturalisme”. Incompréhensible du commun des mortels mais familier aux chicaneurs à l’ancienne, ce grief permet de condamner toute prise en compte d’éléments socio-culturels dans la réflexion catholique – et ainsi de se débarrasser des réalités. C’est très confortable, même si cela conduit à rejeter Vatican II (Gaudium et spes) : mais rejeter le concile est en vogue chez les conservateurs de 2018, qui prennent De Mattei pour un historien fiable.

Le texte reproche à l’IL de préconiser “le dialogue” avec les gens : ce qui serait renoncer à “posséder la vérité”. Encore plus grossier que le précédent, ce grief-là consiste à croire que les évêques ne devraient pas dialoguer mais brandir leur “autorité” !  C’est un très vieux leitmotiv intégriste qui remonte aux polémiques ultra des années 1860… Mais comme Mgr Chaput affirme ailleurs (croyant gêner indirectement le pape) que les évêques ne sont plus crédibles à cause du scandale pédophile, on mesure l’incohérence des conservateurs de 2018.

Le texte accuse l’IL de professer “une conception relativiste de la vocation”. Ce troisième grief vient de la guerre des conservateurs contre Amoris laetitia, qui prend en compte le rôle de la conscience dans les décisions humaines… C’est pourtant ce que faisait la tradition catholique en théologie morale – jusqu’au dessèchement du juridisme, sur lequel campent aujourd’hui les Burke, les Chaput et les Vigano, chefs de meute de réacs occidentaux ignorant l’Evangile.

Étroitesse d’esprit, fantasmes théoriciens et refus du réel, c’est l’intégrisme tel qu’on l’a vu depuis la Belle Epoque : rien d’étonnant à ce qu’il trouve inavalable un synode consacré aux jeunes et aux réalités.

 

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[1]  https://eglise.catholique.fr/actualites/dossiers/copie-sy...

 

 

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Commentaires

NOMINATIONS

> Loin de vouloir à mon tour opposer les papes entre eux, force est de constater que les nominations de conservateurs à des postes en vue ont eu lieu en nombre dans les dernières années du pontificat précédent : Chaput à Philadelphie (2010), élévations de Brandmüller, de Ranjith et de Burke au cardinalat (2010-2011), Cordileone à San Francisco (2011), Müller à la Doctrine de la Foi (2012), pour ne citer que quelques exemples.
On pourrait fort justement me rétorquer que dans le même temps, des non-conservateurs ont été nommés, ce qui est certainement le cas, mais il me semble que cette vague des années 2010-2012 fut assez importante pour être notée.
PV


[ PP à PV - Tout "conservateur" n'est pas un tartufe par nature et la transmission de la foi chrétienne est (d'une certaine manière) une "conservation", comme l'évoque le pape François dans son discours aux jeunes du synode en mars dernier. Mais cette foi est exigeante : elle attend de nous une attitude permanente d'ouverture aux changements dans les styles de vie et les institutions, quand ceux-ci et celles-là deviennent obstacle au témoignage évangélique.
D'où la situation périlleuse d'évêques qui sous prétexte de "conserver la foi" la trahissent en l'assujettissant à leurs réflexes de milieu. Ceux-là amoncellent des charbons ardents sur leur tête, comme dit le livre des Proverbes. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Philippe de Visieux / | 02/10/2018

À Patrice :

> C'est exact ; sans doute le terme de "conservateur" est inadapté. Je faisais référence aux chrétiens qui chérissent une image passéiste de l’Église, excessivement idéalisée, et qui refusent toute évolution sous prétexte de vouloir protéger l'institution "de toujours" (pour paraphraser Mgr Lefebvre) alors que celle-ci n'a cessé d'évoluer depuis la Résurrection.
Certains différends de fond demeurent : la querelle Burke-François n'est au fond qu'une résurgence de celle qui opposa jansénistes et jésuites au Grand Siècle. Ce n'est pas un hasard si le premier fait très souvent référence à la grâce divine et si le second a appartenu à la Compagnie de Jésus. Comme au XVIIème siècle, nos jansénistes modernes critiquent la miséricorde mise en exergue par François comme un laxisme doctrinal : nos "conservateurs" prônent davantage l'austérité que la confiance en l'homme et s'enferment dans un rigorisme volontiers pessimiste...
C'est, d'une certaine manière, la renaissance de Port-Royal.

PV


[ PP à PV - Pour désigner cette déviance, le terme exact (conçu au XXe siècle par les historiens de l'Eglise, cf. Emile Poulat) est plutôt : "intégrisme". C'est un mot au sens très précis, contrairement à ce que prétendent... les intégristes.
Quant à "la renaissance de Port-Royal" : oui, vous avez raison. Je me souviens même d'une apologie des Messieurs et de leurs religieuses dans un article du bulletin de St-Nicolas-du-Chardonnet il y a vingt-cinq ans : les jeunes prêtres parisiens de la FSSPX s'étaient rendus en groupe voir la pîèce de Montherlant, et disaient ouvertement s'identifier à la "résistance" des jansénistes face au "persécuteur" Péréfixe. Lequel n'était d'ailleurs pas un personnage édifiant, mais c'est une autre histoire. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Philippe de Visieux / | 03/10/2018

SYNODE

> Louis Daufresne estimait ce matin sur Radio Notre-Dame que le synode tombait "assez mal" car l'Église affronte une crise sans précédent. N'est-ce pas au contraire une opportunité offerte par la Providence de surmonter celle-ci ? Un moyen d'affirmer que l'Église de demain ne tolèrera plus jamais de telles horreurs ?
______

Écrit par : Philippe de Visieux / | 03/10/2018

DOCUMENT PRÉPARATOIRE

> Nous verrons bien ce que donnera ce synode (attendons les fruits sans parti pris).
J'observe simplement, et sans que ce soit un jugement de valeur, que dans le document final préparatoire disponible sur le site du Vatican, les mots salut, Ciel, Royaume sont absents. La morale n'y figure que deux fois, et toujours de manière négative (contrainte trop forte ou impossible à atteindre).
Au delà de la polémique inappropriée que vous évoquez sur le pape, on comprendra un certain étonnement de la part de personnes étiquetée conservateurs dont je crains de faire partie. Étonnement qui a débuté bien avant l'élection du pape François, encore une fois ne tombons pas dans cette mauvaise querelle.
Par contre il est rapporté, toujours dans ce même document, que "les jeunes ont besoin de comprendre la mission du Christ...". Espérons qu'elle leur sera clairement rappelée et sans l’ambiguïté qui a semblé marquer 'Amoris laetitia'.
Moi qui croyait qu'il s'agissait avant tout de suivre les deux premiers commandements et de sauver son âme.
On lit souvent que les jeunes ont soif d'absolu, de transcendance... Ce n'est vraiment pas l'impression que donne le texte. La notion de communauté par contre me parait ressortir exagérément, plus comme une protection par rapport à un monde déstabilisant.
Mais je le lis peut-être de travers, je serais curieux de connaitre votre opinion si vous en avez une.

Catho1728

[ PP à Catho 1728 - Excusez-moi mais tout de même : ni vous ni moi n'avons à "sauver notre âme", Jésus s'étant (il me semble) occupé de cela ; et personne n'est chrétien tout seul, puisque "nous sommes le corps du Christ" – c'est pourquoi nous sommes sauvés.
En revanche nous avons un devoir qui est d'aider nos frères à connaître le Christ : et c'est exactement le sujet du synode.
Le document préparatoire n'est donc pas une question de cours ni un catéchisme de persévérance : c'est une feuille de route pour le témoignage évangélique. Celui-ci ne consiste pas en premier lieu à parler du Ciel et du Salut à nos contemporains pour lesquels ces concepts n'ont aucun sens... Le témoignage commence par notre propre style de vie ("soyez prêts à donner les raisons de votre espérance à qui vous les demandera", première lettre de Pïerre).
Relu dans cette perspective qui est la sienne propre, le document préparatoire ne devrait plus vous choquer ? ]

réponse au commentaire

Écrit par : Catho1728 / | 03/10/2018

DOCUMENT

> Nous ne nous sommes pas compris.
De tout temps il a été question de témoigner par notre comportement, je dirais même exemplarité, et par notre parole, d'une manière active (bien que nous soyons désormais dénigré pour prosélytisme) ou réactive (première lettre de Pierre que vous évoquez). Nul besoin d'un synode pour rappeler cette vérité première que j'ai entendue depuis mon plus jeune âge. Certes si nous l'appliquons trop peu c'est certain.
Le texte dont je parlais est celui des jeunes ('Document final' préparatoire de la réunion pré-synodale des jeunes, et non 'Instrumentum Laboris'). Il n'y a pas lieu d'être choqué mais simplement d'écouter leurs préoccupations. Je n'ai pas trouvé d'analyse sérieuse de leur texte malheureusement. Lequel s'apparente selon ma lecture souvent à des demandes d'ordre plus politique que spirituel, d'où mon étonnement.
Par ailleurs il me semble difficile d'évangéliser sans aborder assez vite la question de l'âme immortelle et son devenir * - raison pour laquelle il sera plus facile de convertir un musulman par exemple qu'un athée matérialiste, lequel objectera très rapidement d'expérience que quitte à rejoindre le néant, autant...
Concernant la tenue du synode malgré la coïncidence malheureuse de la découverte de nouveaux cas d'abus, la nécessité est évidemment de le tenir. Dans la tempête il faut fermement tenir la barre, et non sauter par dessus bord. Surtout dans un bateau que l'on sait (de foi) insubmersible. Du reste le pape nous a appelé à la prière pour demander une protection surnaturelle, y compris par la prière particulière du pape Léon XIII (conséquente à sa vision).

* devenir incertain, confère le CEC (pas besoin de brandir le catéchisme de Pie X, pourtant toujours d'actualité selon le cardinal Ratzinger en son temps) sur les conditions (CEC 161), le jugement selon le credo (CEC 678-679), le jugement particulier (CEC 1021-1022) et dernier (CEC 1038-1041).
______

Écrit par : Catho1728 / | 04/10/2018

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