01/12/2017
Ne transigeons jamais sur l'universel !
Une pression idéologique à droite s'exerce sur des catholiques pour qu'ils passent de la critique du global au rejet de l'universel. Céder à cette pression serait dénaturer la foi :
Le voyage du pape en Birmanie et au Bangladesh a suscité les commentaires embarrassés de la presse française : elle ne voit pas pourquoi le « chef de l'Eglise catholique », comme elle dit, se rend dans des pays dont la population est dans son écrasante majorité soit bouddhiste, en Birmanie, soit musulmane, au Bangladesh.
C'est que la vision catholique du monde est mal connue des médias (c'est un peu normal), mais aussi d'une partie des catholiques, ce qui est moins normal.
On me dit : « Le pape n'a pas à se mêler de politique, ni en Europe ni dans le reste du monde, puisque le Christ a dit : "rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". Mais qu'est-ce qui est à Dieu ? Toute la création, qui doit lui revenir au dernier jour. Et l'humanité fait partie de la création. Et la paix entre les hommes est le premier bien de l'humanité : son premier « bien commun ».
Le pape, vicaire du Christ, serviteur des serviteurs de tous, a parmi ses responsabilités celle d'intervenir comme acteur important pour le bien commun de l'humanité. C'est la raison pour laquelle il va dans le monde partout où sa présence peut appeler à la réconciliation, même si à vue humaine dans certains pays la réconciliation semble impossible, ce qui est le cas en Birmanie où le cardinal birman a demandé au pape de ne pas prononcer le nom des Rohingya pour ne pas risquer d'aggraver encore la persécution militaire qui les frappe.
J'avoue ne pas comprendre comment on pourrait se dire chrétien tout en désavouant le métier de pèlerin de la paix, qui est celui de tous les papes depuis que Jean-Paul II a métamorphosé l'exercice de la fonction pontificale. Comment un chrétien pourrait-il ne pas soutenir les efforts de paix ? Les récuser par pessimisme sur la nature humaine ne serait pas évangélique. Les récuser par préférence pour les affrontements armés serait pathologique.
Mais l y a une troisième façon de récuser les efforts de paix universels : elle consiste à récuser l'universel lui-même, et on pourrait s'inquiéter si cette attitude devait se répandre chez des catholiques français.
L'universel est en effet la catégorie fondamentale du christianisme depuis ses origines. Au IVe siècle, saint Jean Chrysostome proclame :
"Des uns et des autres le Christ fera un seul corps ! Ainsi, celui qui réside à Rome regarde les Indiens comme ses propres membres. Aucune union comparable à celle-là : le Christ sera la tête de tous."
Ne transigeons pas sur l'universel ! Résistons à ceux qui voudraient nous attirer dans le piège de l'idéologie identitaire : enfermer chaque culture en elle-même, affirmer que les différences de culture expriment des différences de nature entre les humains... Ce n'est pas parce que la définition ou la ligne de partage du bien et du mal peuvent différer selon les latitudes, que la nature humaine n'existe pas et que la paix sur la terre - pax in terris - n'est pas le premier bien commun de l'humanité.
Bienheureux les artisans de paix, dit le Christ. Il ne parle pas seulement de paix spirituelle mais de paix tout court, et le pape est pleinement dans sa mission quand il voyage pour appeler à la paix. Ce labeur immense d'un homme de 80 ans mérite notre admiration et notre affection sans réserve.
16:19 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : christianisme
Commentaires
CHANTRES
> Chanson séductrice des identitaires : chaque Kultur dans sa bulle et en avant pour la Guerre des Civilisations ! D'autant plus toc que beaucoup de chantres du grand conflit global n'ont jamais porté un fusil de leur vie.
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Écrit par : Bernard Couture / | 01/12/2017
INFILTRATION
> On mesure l'infiltration de l'identitarisme chez les cathos de droite. Sur l'incommunicabilité entre cultures certains commencent à tenir des propos dignes de feu Dominique Venner. Des chrétiens affichés ont maintenant des positions anthropologiques incompatibles avec le christianisme.
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Écrit par : André Biguet / | 01/12/2017
à André Biguet
> Oui mais le voyage du pape en Birmanie et au Bangladesh dépasse les différences culturelles. Il s'adresse au besoin de paix qui fait partie de la nature humaine universelle, sauf bien sûr pour les idéologues de la guerre mais ceux-là sont vraiment hors du dialogue possible avec le christianisme.
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Écrit par : Quiniou / | 02/12/2017
MERCI
@PP
> pour ce précieux éclairage en bonne suite à votre échange avec Victor Loupan hier sur RND. Tous mes voeux.
PH94
[ PP à PH94 - Merci ! ]
réponse au commentaire
Écrit par : PH94 / | 02/12/2017
AMBIANCE PRÉ-SCHISMATIQUE
> Sur le pape François, ce qui me semble être le premier article d'Yves Meaudre depuis sa "lettre ouverte (...)" de l'entre-deux tours des présidentielles :
http://conscientia.fr/2017/09/04/le-pape-francois-signe-de-contradiction/
Sur le blog de Philippe de Saint-Germain, qui reprend la ligne de l'ancien 'Liberté politique'.
Cet éloge du pape est plus que bienvenu, dans l'ambiance pré-schismatique où nous nous trouvons plongés.
Feld
[ PP à Feld - Cette ambiance est le sujet central de mon livre (janvier) ! ]
réponse au commentaire
Écrit par : Feld / | 02/12/2017
UNION DES PEUPLES
> Que nous le voulions ou non, la guerre contre toutes les identités, donc aussi la nôtre, est mondiale, et elle est le fait d'une idéologie de la concurrence universelle, pour le maximum de profit, pour une minorité toujours plus minoritaire!, qui demande à être éradiquée d'abord dans nos propres modes de vie.
Même les religions qui n'ont pas prétention universelle, même les sociétés a-religieuses, doivent aujourd'hui s'ouvrir à toutes les cultures, qui sont toutes également attaquées par cette guerre mondiale, pour faire une union des peuples contre cette machine à tout détruire: nous devons tous rentrer dans un front universel de résistance.
"La malédiction de la guerre commerciale est si répandue que ses ravages n'épargnent aucun pays. Devant elle des traditions vieilles de mille ans s'effondrent en une année" (William Morris, Comment nous pourrions vivre, 30 novembre 1884).
Le catholicisme, parce qu'il a cette vocation universaliste, non de domination, mais de service, a une mission toute particulière dans cette union universelle de résistance des peuples.
Les identitaires de tous bords sont dans une attitude suicidaire, à vouloir combattre ceux-là qui sont leurs alliés potentiels, absolument nécessaires si nous voulons nous donner une chance de survie.
Autrement dit, c'est le système qui nous met en concurrence artificielle, peuples contre peuples, cultures contre cultures, quand ce qui est coeur des cultures et des peuples, chacun selon leur génie propre, c'est la loi d'entraide, dont une traduction est l'universelle loi d'hospitalité. Sénèque déjà l'avait on ne peut plus clairement montré: à chacun aujourd'hui d'aller chercher au coeur de sa culture ce ressort commun qui fonde notre humanité: l'entraide désintéressée.
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Écrit par : Anne Josnin / | 03/12/2017
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