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12/09/2017

Un "piège redoutable" : pour qui, et pour quelle raison ?

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Dans "la confrontation Macron-Mélenchon", des commentateurs voient "un piège redoutable pour la France". Il y a plusieurs failles dans ce raisonnement :


 

Avant les manifestations de cet après-midi et celles du 23 septembre, on lit ce matin (blog d'Atlantico) : "La confrontation Macron-Mélenchon est un piège redoutable pour la France". En quoi consisterait ce piège ? En ceci : Macron et sa phrase sur les "fainéants", Mélenchon avec ses "insoumis", enfermeraient les Français dans un "discours binaire entre dominants et dominés, qui ne correspond pas à la réalité économique".

L'auteur de ce diagnostic se nomme Eric Verhaegue. Cet énarque de la promotion Copernic collabore à la revue Contrepoints avec MM. Garello, Gave et autres amis du genre humain : publication à tropisme libertarien sous apparence "libérale-conservatrice", cette revue est un vecteur de la mystification en cours auprès du public de droite.

Parlant d'un "piège", M. Verhaegue désigne deux mâchoires. L'une est Jean-Luc Mélenchon, censé être un dogmatique de la lutte des classes (accusation inévitable de la part d'un commentateur libéral). L'autre mâchoire du piège est formée par Emmanuel Macron  et son boys band : ce que M. Verhaegue leur reproche, à eux, c'est l'imprudence d'un vocabulaire sans filtre. Quant M. Macron parle de "fainéants", sa cible est en effet confirmée par le secrétaire d'Etat Benjamin Griveaux taxant de "névroses" et de "passions tristes" les adversaires des ordonnances. Le mot "fainéants" (vieille injure bourgeoise aux ouvriers) est un des emprunts  de M. Macron au vocabulaire 1900. Moins vieillot, "passions tristes" (plus encore que "névroses") vient des médias : c'est un de leurs éléments de langage automatiques, empruntés aux essayistes mondains.

Donc le parler du Macron boys band fournirait des armes à M. Mélenchon, selon le cercle des libéraux bien élevés. Là serait le piège, disent-ils : ré-installer par les mots un climat de luttes sociales. Ils le déplorent parce que tout n'est à leurs yeux qu'une question de mots, et qu''il ne faut pas donner l'impression d'une inéquité socio-économique (inexistante selon la doxa de l'époque, qui baptise "micro-entrepreneur" le cycliste livreur de pizzas). Selon les libéraux, les rapports dominants-dominés n'existent que si on en parle, et M. Macron nuit à la rationalité chaque fois qu'il dit ce qu'il pense des inférieurs : "ceux qui ne sont rien", ceux qui pourraient "se payer un costume comme le mien" s'ils travaillaient, etc. D'où l'inquiétude d'un député macroniste dans la presse de ce matin : "Ce n'est pas le meilleur vocabulaire. L'opposition n'arrive pas à trouver le bon angle contre nous, il ne faudrait pas le leur fournir nous-mêmes..."  Ce que les libéraux reprochent à la Macronie, c'est de parler trop. Les gens sérieux doivent agir en sourdine.

Mais est-il sérieux de postuler que les rapports de domination n'existent pas ? ni le néo-management ? ni les licenciements opportunistes (encore chez Veolia cette semaine, pour booster la rentabilité de + 2 % à + 4 %) ? ni la financiarisation ? ni le casino global aspirant les capitaux ? ni  les paradis fiscaux ? ni le règne des "1 %" ? ni la loi de la jungle des multinationales ? et de postuler que l'économie libérale en 2017 est seulement l'espace de courageux "risk takers" (dit M. Verhaegue) ? Est-il sérieux de nous dire que tout entrepreneur vit dans "une extrême précarité" (id.), comme si les grandes entreprises et les petites étaient dans le même univers ?  "On ne retrouvera le dynamisme économique que si, et seulement si, on change les termes du raisonnement", déclarent les libéraux bien élevés. Mais ce n'est pas le raisonnement qu'ils veulent changer,  ce ne sont que les mots : les libéraux bien élevés sont des postmodernes. Ils voudraient surtout que l'Elysée cesse de vendre la mèche.

 

 

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12:10 Publié dans Idées, Macron | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : macron, "fainéants"

Commentaires

APORIE ?

> La pertinence de votre commentaire conduit, selon moi, à l'aporie suivante: l'analyse que vous faîtes est celle de tous ceux qui essayent de réfléchir un peu et en indépendance, mais aucune solution ne viendra, ou pas avant très longtemps, car il n'existe aucune force contraire assez puissante pour s'opposer efficacement au modèle capitaliste et post-démocratique actuel.
1) M. Mélenchon dit des choses souvent vraies mais parfois dans l'outrance à l'égale de l'outrance des injures gouvernementales, il représente un parole faible sans troupe importante à mobiliser.
2) Les syndicats ne pèsent plus rien et sont discrédités par leur collusion avec le pouvoir, le deal entre le gouvernement et les principales centrales pour ne pas leur appliquer les textes sur la moralisation de la vie publique en dit long sur leur soumission, les salariés n'ont aucune illusion à se faire
3) Le parlement ne représente aucun bouclier, L'Assemblée moutonnière faite d'incompétents avancera derrière tous les projets de lois, godillots bien au pas.
4) Les journalistes, en particulier les éditorialistes en vue, censés être un contre-pouvoir, ont aidé à l'élection des actuels dirigeants et même les invectives qu'ils reçoivent maintenant en récompense ne les font nullement varier dans l'apologie des puissants, la servilité se paye de salaires et de crachats, mais vaut mieux, pour eux être souillés que d'oser se rebeller et de perdre sa place!
5) La rue, donc nous, ne fera rien, le chômage est une menace assez effrayante pour se taire et tout accepter, le niveau de dettes des ménages happés par la consommation sans frein, suffit à museler pour continuer de payer capital et intérêts de la maison, du 4x4, de la HiFi, des écoles de commerce des enfants et des vacances et WE à l'autre bout de la planète ...
Bref l'engrenage à broyer les consciences et à forger des consommateurs est bien huilé, même les injures s'avalent sans broncher ....
Demain sera pire ... mais demain n'appartient même pas à l'horizon de la pensée et, si toutefois elle existe encore, elle ne s'exprimera pas.

Albert E.


[ PP à AE :
En gros vous avez raison.
Mais :
1. "Sire, l'avenir est à Dieu" ;
2. un horizon bouché n'empêche pas de regarder le compas... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Albert E. / | 12/09/2017

Mais si.

@ Albert E.

> Ce que vous constatez, c'est que les gens «dans le système» ne feront rien changer. Soit parce qu'ils sont en haut, et donc n'en n'ont pas l'intention; soit parce qu'ils sont en bas, et donc n'en n'ont pas le pouvoir (et le haut œuvre à ce qu'ils n'en n'aient pas l'intention non plus).
Mais au lieu de conclure que rien ne changera, je propose de conclure qu'il faut «sortir du système», c'est-à-dire accepter de remettre en cause ses habitudes pour vivre autrement. Je suis certainement arrivé trop tard à cette conclusion en ce qui me concerne, et encore, mais je me réjouis de voir des jeunes effectivement ne plus accorder d'importance aux entraves qui leur ont été léguées parce qu'elles ne les concernent plus.
En un sens, ils sont toujours dans le monde, mais ils savent bien qu'ils ne sont pas (plus) du monde.
______

Écrit par : olivier / | 12/09/2017

"APORIE"

> En réponse ...
1) Si je partage l'objection faîte ci-dessus (ma 5ème et dernière fille, M2 de sociologie, a refusé un poste de doctorant pour se faire aide-berger dans les Alpes et vit dans un camion aménagé ...), si donc je partage cette objection, cela ne dit rien du désir de révolte. Hors système n'implique pas anti-système, la démarche est autre.
2) La résistance passive a sa grandeur mais sa servitude, la longueur du temps qui passe, et souvent un système s'écroule sous le poids de ses propres contradictions et de sa complexité, non de résistances internes. La déliquescence tient à la dynamique propre de ce système dans son épuisement et non au travail de sape d'une opposition interne.
3) Or le système est mondial et tout est fait dans ce sens, il n'y aura donc pas de cavalerie de renfort, elle n'arrivera même pas en retard!
4) L'appât du gain, même des miettes, miroité par les rares bénéficiaires, de l'ordre capitaliste et consumériste sera toujours plus fort que l'abnégation et les risques qu'exige une résistance.
5) La précarité sociale que demande la marginalisation au mondialisme marchant n'est possible qu'en absence de charges familiales ... la responsabilité des enfants implique le poids des renoncements aux idéaux pour ne pas les handicaper .... Les quelques irréductibles ont souvent les services sociaux et la justice à leurs trousses.
Je n'ai que rarement connaissance de poursuites judiciaires contre les délinquants financiers et autres dépeceurs et délocalisateurs d'entreprises ...
6) Aporie, vous dis-je!
7) Si l'avenir appartient à Dieu, le renoncement à un futur est des Hommes ....
______

Écrit par : Albert E. / | 12/09/2017

BEAU JEU

> Les possédants ont beau jeu de dire qu'il n'y a plus de lutte des classes : depuis le XVIIIe siècle, à force de détruire tout ce qui faisait société par le libéralisme, ils ont enlevé à une classe laborieuse pauvre toute possibilité de s'organiser et de prendre conscience d'elle-même.
La population, atomisée en "monades" (je reprends le mot du pape), reste impuissante face au système.
La résistance restera inefficace tant qu'elle restera individuelle. L'extrême division de l'opposition antilibérale prouve qu'elle n'échappe pas à l'influence du système et qu'elle finit même par le cautionner en accréditant l'idée que toute alternative serait un chaos.
Il faudrait montrer qu'on peut reconstruire une société et non qu'on contribue à sa destruction.
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Écrit par : Guadet / | 12/09/2017

MANIF BON ENFANT

> J’ai mis les pieds dans la manif convoquée par la CGT ce mardi. Les médias auront noté un incident en tête de cortège, imputable à quelques jets de pierre sur les CRS à hauteur du commissariat du 13e arrondissement, juste avant d’arriver place d’Italie ; une petite charge de police sur des pseudo-casseurs et trois-quatre grenades « de désencerclement » et lacrymogène, pas de quoi fouetter un chat… Comme disait le commandant de CRS avant de charger, « on tamponne et on revient ». Les trois chars des forains, tout à fait festifs, sont arrivés à point nommé pour faire retomber la tension.
Côté « lutte des classes », si les jeunes communistes chantaient l’Internationale, ce qui m’a surtout frappé c’est l’implication plutôt bon enfant des seniors et retraités. Lesquels comptent dans leurs rangs, de terribles contestataires, comme vous le verrez dans les photos ci-jointes !
[@ PP : les photos vous arrivent par mail]
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Écrit par : D. Solignac (Denis) / | 12/09/2017

LIBÉRAUX DONC PAPOPHOBES

> Garello ? Le type qui a été décoré de la légion d'honneur par Boutin ?...
Quand on va faire un tour sur 'Contrepoints', par les temps qui courent on trouve ça:
"Que ce pape François est irritant dans ses choix politiques ! Il semble avoir à coeur de se placer systématiquement aux côtés de tous les anti-capitalistes et extrémistes de gauche qu’on retrouve ensuite unis dans un fervent soutien au Vénézuela moribond de MM. Chavez et Maduro !
On se rappelle qu’en juin 2015, il prenait fait et cause contre la mondialisation et pour la lutte contre le changement climatique dans l’Encyclique 'Laudato Si’ qui avait tout du manifeste anti-libéral engagé à quelques mois de la COP21 et des désormais fameux Accords de Paris. Déjà à l’époque, il recevait les acclamations émues de tout ceux qui, surtout à gauche, étaient à la pointe de la croisade pour “sauver le climat” et “sauver la planète” à coup de planisme imposé et de fiscalité délirante." Là : https://www.contrepoints.org/2017/08/27/297505-pape-francois-se-prend-t-homme-politique

C'est vrai qu'il n'est pas libéral, le Pape. D'ailleurs il pense même que « l’économie libérale de marché » qui prospère depuis 30 ans est un problème.Là : https://fr.aleteia.org/2017/09/08/ce-que-contient-le-livre-dentretiens-du-pape-francois-et-dont-personne-ne-parle/
Pour les questions relatives à ceux qui pensent que Macron va trop loin en ne faisant pas de langue de bois, vous aurez la réponse là: https://www.youtube.com/watch?v=vJTo6I2mR_M
Ou là: http://www.pipotron.free.fr/ Les deux solutions reviennent à peu près au même. Si vous êtes bon élève, vous pourrez entrer au MEDEF (et oui, on ne dit plus patronat...).
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Écrit par : ND / | 12/09/2017

ASSISTANT TRIEUR

> "Aporie", "monades"... ça philosophe chez PP. "Passions tristes", c'est une expression-clé de Spinoza, me semble-t-il. Toujours le vernis, dans le "Boys Band" (excellente trouvaille), de "Celui-qui-fut-l'assistant-trieur-de-notes-de-Paul-Ricoeur" (rires ?).
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Écrit par : Alex / | 12/09/2017

@ Albert E.

> J'ajouterais un "6" à votre premier message : les militaires, pourtant objectivement traités comme des chiens et humiliés publiquement (la dernière en date :http://lelab.europe1.fr/pour-christophe-castaner-la-nomination-de-mjid-el-guerrab-a-la-commission-de-defense-est-une-sanction-3432170) ne bougeront pas. Pas de culture de "sortie des casernes" chez nous.
Plus largement : je suis d'accord avec vous, nous sommes en pleine ... aporie. A vue humaine, les situation est sans issue. Elle ne peut plus durer, et pourtant...elle semble éternelle.
A tous points de vue, l'Occident s'est consacré à Satan. Me revient ce terrible aphorisme de Rod Dreher (l'auteur du 'Pari bénédictin'), que l'on pourrait étendre à la situation de notre civilisation en général : « Jésus-Christ a promis que les portes de l’Enfer ne sauraient atteindre son Eglise, mais Il n’a pas promis qu’elles ne la vaincraient pas en Occident« .
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Écrit par : Feld / | 12/09/2017

ERREUR

> Petite erreur: ce n'est pas Garello qu'a décoré Mme Boutin, c'est son confrère, Bichot, qui pense à peu près la même chose, et qui officie sur les mêmes sites.
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Écrit par : ND / | 13/09/2017

J.O.

> Ca y est bonnes gens c'est officiel ! Sonnez hautbois, résonnez musette !
http://www.lci.fr/sport/en-direct-jeux-olympiques-paris-decroche-les-jo-2024-los-angles-2028-lima-2064227.html
Je fais peut-être du mauvais esprit, mais ça a un petit goût de ..."ça y est, c'est officiel, les JO de 1940 (1944) auront lieu à Tokyo (Londres) !"
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Écrit par : Feld / | 13/09/2017

à Feld:

> « Jésus-Christ a promis que les portes de l’Enfer ne sauraient atteindre son Eglise, mais Il n’a pas promis qu’elles ne la vaincraient pas en Occident« .
Exact. Relire Luc X-1 à 12. Actuellement, nous sommes comme ces villes qui refusèrent l'accueil de la bonne nouvelle. D'ailleurs, encore récemment, des amis me disait qu'ils comprenaient que j'ai le goût de la vie spirituelle, mais qu'eux, ils n'en avaient pas besoin. C'est tout, ils n'en n'ont pas besoin.
Ceci dit, c'est pour cela que je parlais l'autre jour du problème foi/culture (valeurs?) pour ceux qui se disent encore chrétiens. L'Occident se pense comme le berceau du christianisme, voire son incarnation parfaite. En dehors de son orgueil monumental, c'est une erreur profonde spirituelle et ecclésiale. Nous ne somme qu'une part de ceux qui ont accueilli le message du Christ. Notre génération n'en veut plus mais l'humanité ne se résume pas à l'Europe. il n'y qu'à voir la croissance des Eglises des autres continents et le pape François le comprend. Je crois qu'il n'y a plus rien à espérer pour le moment de l'Europe.
On verra bien après l'effondrement qui arrive ce que cela donnera. On arrivera peut-être à donner le goût du Christ aux futurs peuples qui se feront, aidé de missionnaires venus d'Asie ou d'Afrique ?
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Écrit par : VF / | 14/09/2017

@ Feld et V.F.

> J'en conclus qu'Houphouët-Boigny a été visionnaire ... il avait prévu la fin de l'Europe et a donc fait ériger une réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome en Afrique (Notre Dame de la Paix à Yamoussoukro) ...
(joke bien sûr, enfin je l'espère)
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Écrit par : franz / | 17/09/2017

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