03/09/2017
Slate donne une leçon d'exégèse à un "catho-libéral"
Certains médias devinent l'insincérité du bourgeoisisme "catho" :
http://www.slate.fr/story/131228/liberalisme-collectivism...
...cent ans après Léon Bloy
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14:38 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : chrisitianisme
Commentaires
BLOY
> Léon Bloy : premier écrivain cité par François, dès sa première homélie en tant que pape !
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Écrit par : Marchenoir / | 03/09/2017
À LA PORTÉE
> Article de vulgarisation de qualité étonnante dans un média où on lit beaucoup de bêtises
(Cf le lien sur "5 raisons pour lesquelles Jésus n'aurait pas existé qui est d'un très faible niveau scientifique et intellectuel")
Ce qui est déconcertant aussi dans cet article est la nécessité pour le journaliste de faire de la pédagogie (raconter la parabole de talents, expliquer le mot bibliste...). C'est une leçon pour' nous. Pour évangéliser il faut se mettre à la portée du contemporain qui n'y connaît plus rien.
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Écrit par : Ludovic / | 03/09/2017
VIRUS DE L'IDOLÂTRIE
> L'idolâtrie est un virus qui mute et prend trois formes principales successives:
- dans l'Ancien Testament, elle prend la forme des dieux de la fécondité qui sont une tentation pour le peuple juif après son installation sur la terre promise;
- dans les Evangiles, c'est la polémique sur l'argent qui devient le lieu du combat principal contre l'idolâtrie (on ne trouve plus trace dans la bouche de Jésus des paroles des prophètes contre les Baals, dieux de la fécondité);
- pour les premiers chrétiens, le combat est contre la divinisation du pouvoir politique de César (c'est même souvent pour cela qu'ils sont mis à mort).
Je pense qu'aujourd'hui, nous avons dans nos sociétés ces trois formes de l'idolâtrie en même temps: les idoles païennes de la fécondité (et du sexe), l'argent, le pouvoir politique (les totalitarisme du XXe siècle, mais aussi la "pensée unique" libéralo-libertaire à laquelle il devient dangereux de s'opposer).
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Écrit par : B.H. / | 03/09/2017
PARABOLES
> Jésus collectiviste ou libéral, voilà une question quelque peu réductrice.
En tout cas, les interprétations de M. Gave seraient simplement risibles s'il n'existait pas des gens pour les prendre au sérieux. Ainsi, telle parabole serait selon M. Gave à prendre à la lettre et telle parole ou image(*) à prendre de manière bien moins littérale, selon que cela arrange ou non les présupposés de M. Gave.
"Individuellement, on peut pratiquer la charité mais nul n'y est tenu" écrit M. Gave. Cent ans après Léon Bloy, voilà qui mériterait un chapitre de l'"Exégèse des lieux communs", mais il y a déjà "Dieu n'en demande pas tant", dont Bloy fait l'exégèse pour commencer. Si M. Gave souhaite s'instruire, je crois savoir que l'"Exégèse des lieux communs" figure dans un recueil d'essais et pamphlets de Bloy à paraître prochainement chez "Bouquins".
(*) En ce qui concerne le chameau et le chas d'une aiguille, j'ai entendu il y a longtemps un prêtre expliquer que le chas d'une aiguille pourrait être une expression désignant une porte de Jérusalem connue pour ses encombrements. L'expression devient alors plus claire, sans nier la difficulté qu'il y a pour un riche à entrer dans le royaume de Dieu. Sans être strictement littérale, cette explication ne faussait pas, elle, le texte.
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Écrit par : Sven Laval / | 03/09/2017
CE QUE VISE JÉSUS
> Dans le diocèse bien bourgeois de Paris j'ai souvent entendu dire que les riches attaqués par Jésus n'étaient évidemment pas les heureux possesseurs de biens matériels, qui sont tellement merveilleux. Curieusement on entend beaucoup moins ça dans les diocèses de banlieues pauvres.
L'explication du chas de l'aiguille par la porte étroite me semble contradictoire avec la suite du texte évangélique où Jésus dit bien qu'il est impossible à l'homme de faire son salut par lui même. Il vise aussi bien l'illusion de la richesse matérielle que l'illusion de la richesse spirituelle.
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Écrit par : Guadet / | 03/09/2017
WEBER, BLOY ETC
> Ah, cette vieille lune émanant, historiquement, d'un certain ethos d'origine puritaine d'une partie du protestantisme (ou se gardera d'englober nombre -la très grande majorité, sans doute- de nos frères réformés)...
Max Weber ('Ethique protestante et esprit du capitalisme', et 'Ethique protestante et esprit de la démocratie') a formulé le point, qu'on ne saurait réduire à l'aspect que M. Gave & consorts se contentent de caricaturer.
J'ai, comme sûrement beaucoup d'entre nous, rencontré aux Etats-Unis des gens, capables de dire d'untel, fortuné: il est béni de Dieu, la preuve, il est extrêmement riche.
La prudence commande une réserve, à savoir que la Parole est, de façon générale, suffisamment délicate pour que, après vingt siècles, après que tant de grands esprits s'y soient collés leur vie durant, tout n'ait pas été définitivement interprété, en un sens unique et commun.
Prenez un passage du Nouveau Testament, celui du dernier ou du prochain dimanche par exemple, et faites-le méditer par 50 prêtres et 50 pasteurs, vous aurez une centaine de variations nuancées sur un thème, voire parfois des différences totales, de rupture, dans l'analyse, et pas d'un côté le point de vue des prêtres catholiques en bloc, de l'autre celui des pasteurs réformés.
J'en reste, pour ma part, à la limpidité de St-Paul:
"Pour ceux qui veulent devenir riches, ils tombent dans la tentation, le piège et une foule de convoitises insensées et funestes, qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent, et certains, dans cette convoitise, se sont égarés loin de la foi et se sont transpercés eux-mêmes de beaucoup de tourments. (1 Tim, 6, 9-10)"
(NB: Outre Weber et St Paul, on pourrait aussi recourir, par exemple, à un Chateaubriand ('Vie de Rancé'), à un William Faulkner ('Parabole'), aux œuvres de François d'Assise -et de combien d'autres- non contemporains de Bloy.
Cette digression cher Patrice parce que Léon Bloy, à demi-fou et écartant sciemment une vertu théologale -l'espérance- a, certes, signé des pages magnifiques -ses contemporains célèbres passés au vitriol sont son tout meilleur à mon humble avis- mais, tout de même, quand on a des contemporains du calibre de Germain Nouveau (Ave Maris Stella & autres poèmes), Paul Verlaine ('Sagesse'), Francis Jammes et combien d'autres, ça se pose un peu là en termes de talent de plume se réclamant catholique, outre ceci un ou plusieurs saint(s) contemporain(s) de Bloy ont rendu un témoignage d'une autre portée sur ce thème-là en particulier - je pense à Benoît-Joseph Labre, il y en a bien sûr d'autres. Souffrez que je le lise, espérant ne rien déformer, cent ans après tous ceux-ci, plutôt que cent ans après Bloy, d'avance merci de votre compréhension bienveillante.)
Aventin
[ PP à Aventin - Taxer Bloy de folie est une erreur. Ce qui fait problème est plutôt... son orthodoxie ! Mais il n'était cité ici que pour sa méditation permanente sur l'argent, où les ténèbres personnelles sont traversées d'éclairs de génie. Le pauvre grand Verlaine n'est pas comparable... ]
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Écrit par : Aventin / | 03/09/2017
DÉLESTAGE
> Mon aumônier m'avait aussi, en son temps, raconté cette version du chas. Une modeste porte de Jérusalem que les chameaux ne pouvaient franchir qu'en déposant leur charge de marchandise. D'où le symbole: pour entrer au paradis, le riche doit se débarrasser de ses biens.
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Écrit par : VF / | 03/09/2017
ARGENT ET BIBLE
> J'ai beau prendre la question dans tout les sens, en lisant la Bible et en écoutant mon coeur, c'est bien au don que le Seigneur m'appelle, au délestage. Combien me faut-il pour vivre une vie simple, à moi et ma famille ? et le surplus, je donne aux pauvres, et/ou à l'église.
L'argent à un pouvoir de séduction irrésistible, ce n'est pas si simple que cela, la générosité, et il n'y a bien que la recherche de la justice et l'amour du prochain qui me donne l'élan du coeur suffisant.
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Écrit par : Girard / | 04/09/2017
@ VF :
> porte destinée à ne laisser passer qu'un homme à la fois (pour raison de sécurité), le dromadaire doit - en plus - se mettre à genoux et se traîner sur les genoux pour franchir ce genre de porte...
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Écrit par : Roque / | 04/09/2017
GAVE ET LE TROU DE L'AIGUILLE
> J'avais vu cette explication pour la porte surnommée chas de l'aiguille dans un livre pour enfants. Cela rappelle des souvenirs...
Pour en revenir à Mr Gave, ce qu m'a frappé, c'est sa façon de dire que tel passage de l'évangile doit être pris au sens littéral concernant la Parabole des talents, mais que quand il s'agit de charité et d'une critique sans ambigüité de l'argent, curieusement, il y a un autre sens à trouver. Cet homme s'aveugle volontairement et j'ai du mal à savoir s'il est conscient ou non de sa mauvaise foi ou bien s'il s'est convaincu lui même...
ALP
[ PP à ALP - Auto-persuasion confinant à l'aveuglement : le cas est aussi celui de S. de Larminat. D'où ses embrouilles envers la conférence des évêques... ]
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Écrit par : A-L P / | 04/09/2017
JÉSUS, BLOY, L'ÉCONOMIE...
@ Ludovic
Vous avez raison: cet article de 2015 sur la prétendue inexistence de Jésus est indigent. Puis-je me permettre, à ce sujet, de rappeler mon petit livre de réponse à Michel Onfray, que Patrice de Plunkett a bien voulu recenser ici même avant l'été?
@ Patrice de Plunkett
Merci pour la photo de Bloy et pour l'hommage (même mesuré) à celui-ci, dont nous célébrerons le 3 novembre l'exact centenaire de la mort!
@ tous
A l'université Paris-Sorbonne, un jeune historien nommé Jonathan Cornillon est en train d'achever (sous ma direction) une thèse sur la vie économique des communautés chrétiennes des premiers siècles, en commençant par Jésus lui-même et les Douze. La soutenance est prévue pour le 2 décembre. Cela devrait donner un livre passionnant.
Jean-Marie Salamito
[ PP à JMS :
- Dites-nous ce qui est prévu pour la commémoration Bloy en novembre, que nous puissions nous y associer !
- Quelle salle, le 2 décembre ? peut-on y assister ?
- Je rappelle votre "Onfray" dans le prochain CODEX. ]
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Écrit par : Jean-Marie Salamito / | 04/09/2017
A Roque:
> Délestage et humilité donc pour le riche...on a du boulot à faire pour nettoyer nos vies...
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Écrit par : VF / | 04/09/2017
@ Patrice :
> A dessein j'ai pris un poète qui fut, en son temps, certifié fou peut-on dire (Germain Nouveau) un autre l'étant au moins au trois quart, si Bloy l'est à demi: Verlaine. Idem pour le saint, Benoît-Joseph Labre, jugé tel lors de sa vie terrestre (c'est sa canonisation qui est contemporaine de l'époque de Bloy).
Nous avons une divergence de vue sur l'orthodoxie de Léon Bloy, peu importe et c'est hors-sujet, merci pour relayer, comme vous le faites, le souvenir de ses écrits: le lecteur se rend aisément compte qu'il y a davantage de littérature dans trois chapitres de Léon Bloy que dans toute la tête de gondole d'un kiosque de gare ou d'aéroport de nos jours, et ce sans même parler, parce que c'est bien entendu, du vigoureux et parfois salutaire pamphlétaire et polémiste...
Aventin
[ PPà A. - Je suis simplement perplexe à propos des extrapolations de LB (la première communion de sa fille compensant mystérieusement une catastrophe aux Antilles, etc : imaginations qui contredisent objectivement l'évangile de la tour de Siloé, par exemple).
Je suis allergique aux bizarreries "symboliques" de Tardif, et très circonspect sur les élucubrations autour de La Salette.
Mais ce n'est rien par rapport au génie littéraire de Bloy, ni à ses foudres anti-bourgeoises hilarantes ! ]
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Écrit par : Aventin / | 04/09/2017
@ VF et Roque :
> Oui, ces compléments permettent de mieux comprendre l'explication par la porte étroite.
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Écrit par : Sven Laval / | 04/09/2017
à PP et ALP
> mais quand cette auto-persuasion coïncide avec des intérêts matériels, il y a un bémol au "fanatisme" !
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Écrit par : jf.devred / | 05/09/2017
JEAN-PAUL II ANTI-LIBÉRAL
> L'article de 'Slate' est assez bon. C'est sûr, "collectiviste" est peut-être un peu exagéré, mais le journaliste a fait un effort en présentant la DSE de façon équilibrée.
Pour ce qui est des gens comme Charles Gave, on voit qu'il n'y connait rien. On en fait trop avec la Charité ? M. Gave n'a manifestement jamais lu l'hymne à la Charité de Saint Paul. Il ignore peut-être même ce que sont les vertus théologales, etc. Les "catholiques libéraux" me font le même effet que les "catholiques marxistes" de naguère. Ils veulent mélanger des choses non mélangeables (et sont surtout manifestement des ignorants): la Foi et une idéologie.
Pour ce qui est des "catholiques marxistes", ils ont pour beaucoup fini par quitter l'Eglise, le marxisme l’emportant sur la foi (le marxisme a souvent fini par être soluble dans l'européisme passé 1991). Est-ce à cela que nous assistons avec tous ces gens qui protestent contre le pape ? Probablement n'est-ce pas par hasard si c'est dans un même paragraphe de sa lettre 'Octogesima Adveniens' que le Bienheureux pape Paul VI interdit tant le marxisme que le libéralisme aux catholiques.
Mais si le marxisme est un matérialisme, on oublie souvent que le libéralisme a été un matérialisme, tout autant que le marxisme, mais avant la marxisme car il lui est chronologiquement antérieur. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est saint Jean-Paul au §13 de 'Laborem Exercens'. Il relate que cette erreur économiste, erreur du matérialisme, date du XVIIIe siècle. Or, l’on ne sache pas que Marx fût déjà né au XVIIIe siècle.…
Saint Jean-Paul II pense qu’il serait bon que l’on revoie les principes mêmes de l’économie pour remédier à cette erreur. C’est bien plutôt ce à quoi devraient se consacrer les économistes catholiques plutôt que de suivre les théories libérales mortifères.
§13 de LE :
« 13. "Economisme" et matérialisme
Avant tout, à la lumière de cette vérité, on voit clairement qu'on ne saurait séparer le «capital» du travail, qu'on ne saurait en aucune manière opposer le travail au capital, ni le capital au travail, et moins encore _ comme on l'expliquera plus loin _ les hommes concrets, désignés par ces concepts. Le système de travail qui peut être juste, c'est-à-dire conforme à l'essence même du problème ou, encore, intrinsèquement vrai et en même temps moralement légitime, est celui qui, en ses fondements, dépasse l'antinomie entre travail et capital, en cherchant à se structurer selon le principe énoncé plus haut de la priorité substantielle et effective du travail, de l'aspect subjectif du travail humain et de sa participation efficiente à tout le processus de production, et cela quelle que soit la nature des prestations fournies par le travailleur.
L'antinomie entre travail et capital ne trouve sa source ni dans la structure du processus de production ni dans celle du processus économique en général. Ce processus révèle en effet une compénétration réciproque entre le travail et ce que nous sommes habitués à nommer le capital; il montre leur lien indissoluble. L'homme, à quelque tâche qu'il soit attelé, relativement primitive ou, au contraire, ultra-moderne, peut aisément se rendre compte de ce que, par son travail, il hérite d'un double patrimoine: il hérite d'une part de ce qui est donné à tous les hommes sous forme de ressources naturelles et, d'autre part, de tout ce que les autres ont déjà élaboré à partir de ces ressources, avant tout en développant la technique, c'est-à-dire en réalisant un ensemble d'instruments de travail toujours plus parfaits. Tout en travaillant, l'homme «hérite du travail d'autrui» 21. Nous acceptons sans difficulté cette vision du domaine et du processus du travail humain, guidés que nous sommes tant par l'intelligence que par la foi qui reçoit sa lumière de la parole de Dieu. Il s'agit là d'une vision cohérente, à la fois théologique et humaniste. En elle, l'homme apparaît comme le «patron» des créatures, mises à sa disposition dans le monde visible. Si, dans le processus du travail, on découvre quelque dépendance, il s'agit de celle qui lie au donateur de toutes les ressources de la création, et qui devient à son tour dépendance envers d'autres hommes, envers ceux qui, par leur travail et leurs initiatives, ont donné à notre propre travail des possibilités déjà perfectionnées et accrues. De tout ce qui, dans le processus de production, constitue un ensemble de «choses», des instruments, du capital, nous pouvons seulement affirmer qu'il «conditionne» le travail de l'homme. Mais nous ne pouvons pas affirmer qu'il soit comme le «sujet» anonyme qui met en position dépendante l'homme et son travail.
La rupture de cette vision cohérente, dans laquelle est strictement sauvegardé le principe du primat de la personne sur les choses, s'est réalisée dans la pensée humaine, parfois après une longue période de préparation dans la vie pratique. Elle s'est opérée de telle sorte que le travail a été séparé du capital et opposé à lui, de même que le capital a été opposé au travail, presque comme s'il s'agissait de deux forces anonymes, de deux facteurs de production envisagés tous les deux dans une même perspective «économiste». Dans cette façon de poser le problème, il y avait l'erreur fondamentale que l'on peut appeler l'erreur de l'«économisme» et qui consiste à considérer le travail humain exclusivement sous le rapport de sa finalité économique. On peut et on doit appeler cette erreur fondamentale de la pensée l'erreur du matérialisme en ce sens que l'«économisme» comporte, directement ou indirectement, la conviction du primat et de la supériorité de ce qui est matériel, tandis qu'il place, directement ou indirectement, ce qui est spirituel et personnel (l'agir de l'homme, les valeurs morales et similaires) dans une position subordonnée à la réalité matérielle. Cela ne constitue pas encore le matérialisme théorique au sens plénier du mot; mais c'est déjà certainement un matérialisme pratique qui, moins en vertu des prémisses dérivant de la théorie matérialiste qu'en raison d'un mode déterminé de porter des jugements de valeur _ et donc en vertu d'une certaine hiérarchie des biens, fondée sur l'attraction forte et immédiate de ce qui est matériel _, est jugé capable de satisfaire les besoins de l'homme.
L'erreur de penser selon les catégories de l'«économisme» est allée de pair avec l'apparition de la philosophie matérialiste et avec le développement de cette philosophie depuis sa phase la plus élémentaire et la plus commune (encore appelée matérialisme vulgaire parce qu'il prétend réduire la réalité spirituelle à un phénomène superflu) jusqu'à celle de ce qu'on nomme matérialisme dialectique. Il semble pourtant que, dans le cadre des considérations présentes, pour le problème fondamental du travail humain et, en particulier, pour cette séparation et cette opposition entre «travail» et «capital», comme entre deux facteurs de la production envisagés dans la même perspective «économiste» dont nous avons parlé, l'«économisme» ait eu une importance décisive et ait influé sur cette manière non humaniste de poser le problème, avant le système philosophique matérialiste. Néanmoins il est évident que le matérialisme, même sous sa forme dialectique, n'est pas en état de fournir à la réflexion sur le travail humain des bases suffisantes et définitives pour que le primat de l'homme sur l'instrument-capital, le primat de la personne sur la chose, puissent trouver en lui une vérification adéquate et irréfutable et un véritable soutien. Même dans le matérialisme dialectique, l'homme n'est pas d'abord sujet du travail et cause efficiente du processus de production, mais il reste traité et compris en dépendance de ce qui est matériel, comme une sorte de «résultante» des rapports économiques et des rapports de production qui prédominent à une époque donnée.
Evidemment, l'antinomie, envisagée ici, entre le travail et le capital _ antinomie dans le cadre de laquelle le travail a été séparé du capital et opposé à lui, en un certain sens de façon ontique, comme s'il était un élément quelconque du processus économique _ a son origine, non seulement dans la philosophie et les théories économiques du XVIIIe siècle, mais plus encore dans la pratique économico-sociale de cette époque qui fut celle de l'industrialisation naissant et se développant de manière impétueuse et dans laquelle on percevait en premier lieu la possibilité de multiplier abondamment les richesses matérielles, c'est-à-dire les moyens, mais en perdant de vue la fin, c'est-à-dire l'homme à qui ces moyens doivent servir. Cette erreur d'ordre pratique a touché d'abord le travail humain, l'homme au travail, et a causé la réaction sociale éthiquement juste dont on a parlé plus haut. La même erreur, qui a désormais son aspect historique déterminé, lié à la période du capitalisme et du libéralisme primitifs, peut encore se répéter en d'autres circonstances de temps et de lieu si, dans le raisonnement, on part des mêmes prémisses tant théoriques que pratiques. On ne voit pas d'autre possibilité de dépassement radical de cette erreur si n'interviennent pas des changements adéquats dans le domaine de la théorie comme dans celui de la pratique, changements allant dans une ligne de ferme conviction du primat de la personne sur la chose, du travail de l'homme sur le capital entendu comme ensemble des moyens de production. »
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Écrit par : ND / | 05/09/2017
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