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17/04/2017

L'événement de la Passion-Résurrection du Fils vient de "l'événement éternel" de la Trinité

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Méditation théologique de Hans-Urs von Balthasar :


 

 

<<  Il faut relier l'événement de la kénose [1] du Fils de Dieu à ce qu'on peut, par analogie, désigner comme "événement" [2] éternel des processions [3] divines. C'est à partir de cet événement supra-temporel mais toujours actuel qu'en chrétiens nous devons approcher le mystère de "l'essence" divine : cette "essence"  "donnée" depuis toujours dans l'auto-donation du Père "rendue" dans l'action de grâce du Fils, et "représentée" dans son caractère d'amour absolu par l'Esprit Saint...

Nous ne saurons jamais exprimer la profondeur abyssale de l'auto-donation du Père, qui, dans une éternelle "supra-kénose", se "destitue" de tout ce qu'Il est pour produire le Fils qui lui est consubstantiel [4] [5]. Tout ce qui est pensable et imaginable pour Dieu est d'avance inclus et dépassé dans cette destitution de soi qui constitue la personne du Père et à la fois celle du Fils et de l'Esprit. Dieu comme "gouffre" de l'Amour absolu contient d'avance, éternellement, toutes les modalités d'amour et de compassion, modalités qui pourront se manifester au cours d'une histoire du salut avec l'humanité pécheresse...

Tous les "abaissements" contingents de Dieu dans l'économie du salut sont depuis toujours inclus et dépassés dans l'événement éternel de l'Amour. Ainsi, ce qui apparaît comme la (très vraie) souffrance de la Croix n'est que manifestation de l'eucharistie (trinitaire) du Fils ; et son eucharistie - corps partagé, sang versé - ne sera jamais abolie, puisque c'est elle qui doit rassembler toute la création dans son Corps.  >>

 

<<  [Par son incarnation, sa mort et sa résurrection], Jésus fournit la preuve de ceci : le Dieu unique est dans sa nature même amour et don de soi... Jésus se sait, Il se reconnaît Parole, Fils, Expression, Témoignage d'auto-donation dans l'amour, de l'Origine qu'Il nomme "Père", qui l'aime et qu'Il aime dans leur commun Esprit d'amour divin. Un  Esprit dont Il nous fait don, afin que nous soyons nous-même inclus dans cet abîme d'amour (qui surpasse toute mesure), et qu'ainsi nous puissions comprendre quelque chose de sa surabondance : "connaître l'Amour qui surpasse toute connaissance" (Ephésiens 3:19)...

<< Si le Nouveau Testament nomme le Père "tout-puissant", cette toute-puissance ne peut donc pas être une autre que celle d'un don de soi que rien ne peut limiter. Qu'est-ce qui pourrait surpasser la puissance de susciter une réalité "consubstantielle", de même amour et de même puissance : non un autre Dieu, mais un autre en Dieu ? ("au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu", Jean 1:1)...

<< L'acte [du Père] de se donner apparaît en même temps comme un acte de se penser, de se dire, de s'exprimer (Hébreux 1:3) : ce qu'elle produit, c'est le Logos, la Parole qui porte en soi tout sens... Voilà pourquoi aussi l'agir du Fils et de l'Esprit dans le monde tend à conduire toutes choses comme à leur demeure en les orientant vers cette  origine dernière en laquelle il y a une place infinie pour tout. Voilà pourquoi l'esprit humain n'est pas en repos tant qu'il n'est pas parvenu au commencement de toute existence et de tout amour... >>

 

 __________

[1]  "Kénose" : De l'expression de Paul (Philippiens 2:7) 'ékénosên éauton' : "il s'est vidé" ("anéanti"). Kénose désigne l'appauvrissement volontaire du Fils dans l'incarnation. Deuxième personne de la Trinité divine, le Fils demeure ce qu'Il est (de toute éternité), mais il accepte - pour ouvrir aux hommes la voie du salut - d'assumer la condition de créature souffrante et mortelle : d'où sa Passion et sa Résurrection.

[2]  "Evénement éternel" :  "la féconde auto-donation du Père, qui est la première Origine, n'a ni commencement ni fin : elle est événement perpétuel, dans lequel se confondent nature et agir." - "Celui qui est le Tout-Premier n'est pas une Réalité qui reposerait en elle-même et serait du même coup saisissable : Il est une Réalité telle qu'elle consiste uniquement dans le mouvement de se donner... C'est dans un pur acte de se répandre, que Dieu le Père est lui-même : qu'Il est, si l'on veut, "personne'." (H.U.v.B.)

[3]  "Processions divines" : ce terme propre à la théologie chrétienne tente de nommer, au sein de la vie trinitaire, la "production" du Fils par le Père, et celle de l'Esprit procédant du Père "et du Fils" ('filioque', selon la formule occidentale du Credo). "Le Nouveau Testament nous révèle le Père par le Fils dans l'Esprit Saint", souligne Louis Bouyer. Le croyant "participe par la grâce à la vie trinitaire de Dieu".

[4]  "Consubstantiel" : du latin consubstantialis transposant le grec homoousios du Symbole de Nicée. C'est une autre tentative héroïque de l'intelligence humaine pour essayer de "définir" ce qui échappe à toute définition. Louis Bouyer : le terme "consubstantiel" signifie "non seulement que le Fils et l'Esprit sont de même substance que le Père (comme on le dirait de diverses pièces du même métal), mais qu'ils n'ont à eux trois qu'une seule substance".

[5]  "Substance" : "ce qui existe en soi et non dans un autre" (id.).

 

 

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