10/04/2017
Donald Trump choisit la fuite en avant à l'extérieur
...pour masquer son impuissance à l'intérieur :
Donald Trump a proféré la semaine dernière le cri de guerre de l'interventionnisme US le plus anachronique : "World is a mess and we're going to fix it !" En français : "c'est le b... dans le monde et nous allons y mettre bon ordre". Au nom de cette maxime aveugle, les Etats-Unis ont semé le chaos sur tous les continents au siècle dernier.
Mais au XXIe siècle, le monde n'est plus celui de la guerre froide : c'est un monde de plus en plus multipolaire, où la politique du bombardement aérien ne peut que déclencher des catastrophes en chaîne.
Ce soudain interventionnisme est le contraire exact de ce que M. Trump annonçait en 2016, quand il battait l'estrade à travers les Etats-Unis en promettant la fin des aventures militaires américaines à travers le monde. Cette promesse avait suscité l'enthousiasme de certains Français, nostalgique du discours de Villepin à l'ONU en 2003 (voire, pour les plus âgés, du retrait gaullien de l'OTAN en 1966 : décision de salut public que s'empressèrent de trahir, puis d'annuler, les successeurs du général de Gaulle - y compris et surtout les deux soi-disant "gaullistes"). Les trumpistes français se sentent donc mal aujourd'hui.
L'alignement de la Maison Blanche sur la politique étrangère de ses prédécesseurs (Bush 1 - Clinton - Bush 2) est le résultat de l'amateurisme et de l'absence de leadership de M. Trump.
Ayant bricolé une équipe gouvernementale incohérente et contradictoire, le président se montre incapable de lui imposer une ligne. Il assiste donc - impuissant - à la guerre entre ses collaborateurs pour s'emparer du Donald. D'un côté M. Bannon et les siens : les sulfureux "populistes" qui avaient aidé aux manoeuvres électorales victorieuses en 2016 [*]. En face, tous les autres clans : les néoconservateurs, les faucons du Pentagone et le lobby militaro-industriel, avec les généraux McMaster et Mattis ; mais aussi le lourd "club des milliardaires" ; sans oublier le gendre, Jared Kushner, pro-Netanyahou et en pleine ascension. Ni l'envahissante Nikki Haley (ONU), aussi belliciste que naguère Samantha Power, l'effrayante Victoria Nuland ou Condoleezza Rice pour qui l'URSS existait encore... Ces divers clans s'opposent sur la plupart des sujets sauf deux, dont leur commune allergie à M. Bannon [**]. Celui-ci est donc poussé vers la sortie, à la consternation des trumpistes français.
Le bombardement du 6 avril en Syrie est le premier acte d'un Trump rallié à l'interventionnisme. Ce ralliement lui a été imposé par les faucons de son gouvernement. Ainsi que la décision de renforcer massivement les forces spéciales et leur dispositif de projection à longue distance. Et le renforcement du vieil axe Washington - Le Caire - Ryad - Tel Aviv - Amman, alors que M. Trump promettait en 2016 de retirer les USA du piège proche-oriental... De même les déclarations belliqueuses de M. Tillerson, contre "l'agression russe" en Ukraine et "l'occupation russe" de la Crimée.
Cette soudaine tension Washington-Moscou est pire que sous Obama, dans la mesure où M. Trump joue, lui, avec le feu. Confondant imprévisibilité, improvisation et incohérence, Il n'a pas de stratégie : il se lance donc dans la gesticulation militaire - mais au bord du gouffre, c'est-à-dire de l'instant terrible où le gesticulateur doit choisir entre l'escalade ou l'humiliation.
M. Trump veut l'Amérique "great again", allusion à un passé qui inclut la guerre du Vietnam (déclenchée, rappelons-le, par un fake américain). Il envoie sur le monde extérieur des missiles et des porte-avions, comptant ainsi faire oublier aux Américains - à l'intérieur - son inaction, ses échecs et ses promesses abandonnées. C'est la fuite en avant caractéristique des régimes "populistes". L'histoire montre où cela mène.
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[*] victorieuses auprès des électeurs d'Etats-clés, mais pas au total des suffrages populaires (Mme Clinton ayant obtenu 2,3 millions de voix de plus que M. Trump).
[**] Leur autre sujet d'entente est le mépris (ou l'hostilité) envers tout souci de l'environnement. D'où le fait que le seul acte "réussi" de M. Trump depuis janvier soit d'avoir pu autoriser la construction de deux oléoducs géants, menace pour les eaux dans plusieurs Etats.
Le malaise intérieur est-il soluble dans les bombardements extérieurs ?
12:40 Publié dans Trump, USA | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : trump
Commentaires
MARRE
> Vous en avez pas marre de parler de trump ?
garde
[ PP à "garde" :
- Vous en avez pas marre de Trump ?
- Nos prévisions sur la Baudruche se réalisent (hélas) : ce n'est pas le moment pour nous de cesser d'en parler. ]
réponse au commentaire
Écrit par : garde / | 10/04/2017
"LUNAIRE"
> Il faut dénoncer le "trumpisme" d'un certain nombre de Français : obscène en janvier mais lunaire en avril.
Remettre les pendules à l'heure !
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Écrit par : a. ancelin / | 11/04/2017
OLIGARCHIE
> Ce que tout cela nous montre, encore plus que pour le cas particulier "Trump", c'est que les peuples n'ont pas la main sur les décisions majeures qui les concernent, malgré les incantations de "Démocratie". Les peuples peuvent bien élire qui ils veulent, finalement c'est toujours la même oligarchie qui a le pouvoir, et qui ne le partage pas. Soit les "politiques" élus font la politique de l'oligarchie, soit ils se font sortir ou remettre au pas.
Nous l'avons très bien vu avec l'exemple de la Grèce, maintenant avec les Etats-Unis.
Dieu nous vienne en aide !
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Écrit par : Pema / | 11/04/2017
MANIPULÉ
> Trump a un gros défaut, sous son air viril autoritaire, il est en réalité très sensible à la flatterie, donc pour qui sait lui parler, facilement manipulable. Je crains que le parti de la guerre ait encore de beaux jours devant lui. L'emploi d'une bombe américaine, ce sont des emplois américains... "America first" (et fuck l'OTAN) !
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Écrit par : franz / | 13/04/2017
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