14/01/2017
Des chrétiens dans le sillage de... l'antichristianisme
Parlons un peu des semeurs de panique :
Ils se complaisent dans l'affolement et l'imprécation : postures qui ne mènent nulle part - sinon à perdre confiance dans l'Eglise et dans le plan de Dieu, autrement dit à perdre la foi.
Qui ça, "ils" ? Les semeurs de panique, à l'oeuvre sur la droite de l'échiquier. Leur dernier buzz est d'accuser un évêque de la région parisienne... Grief : l'évêque aurait profité d'une cérémonie à sainte Geneviève, le 8 janvier, pour exprimer rétrospectivement sa "satisfaction" de la chute de l'empire romain ! Puis il aurait poussé ses auditeurs à "accueillir" des migrants : idée impardonnable... Selon ce buzz (diffusé par courriels et tweets sous diverses signatures), le message de l'évêque "pouvait se résumer (!) ainsi" : "Nous Français, nous Européens décadents et condamnés, nous devons accueillir cette masse de gens tous sympathiques avec l'interdiction ou presque de s'interroger sur les conséquences pour nos pays sous peine d'être d'affreux extrémistes." C'est évidemment un fake, comme on dit sur la Toile... D'autant qu'une variante du buzz accuse l'évêque de véhiculer "l'idéologie de l'accueil de l'Autre", formule de combat empruntée au romancier Jean Raspail.
Et ce type de campagne déferle à jet continu...
Ses orchestrateurs se posent en gardiens de la "chrétienté française et européenne", alors que :
1. depuis longtemps la France et l'Europe ne sont plus une "chrétienté" : il reste des milieux chrétiens, ce qui n'est pas la même chose [1] ;
2. cette "défense de la chrétienté" sent le soufre. Sa façon d'invoquer le christianisme n'est pas chrétienne, parce qu'elle ne repose pas sur la foi. Elle tourne le dos à l'Evangile en refusant en fait toute compassion (et en s'insurgeant contre toute aide au moindre "musulman"). Mais elle tourne aussi le dos à la théologie de l'histoire, qui n'est pas utopie guerrière [2] (contrairement à l'islamisme) mais marche courageuse en présence du Seigneur - sans dévier de la foi, quoi qu'il arrive.
"L'homme aujourd'hui sème la cause / Demain Dieu fait mûrir l'effet" [3] : c'est que l'avenir est à Dieu ! Si les choses devaient tourner à ce que les identitaires considèrent comme "le pire" (la perte du quasi-monopole ethnique blanc sous nos latitudes), la foi en "l'Emmanuel dans notre histoire" [3] nous indiquerait la seule attitude chrétienne : la certitude qu'il arrive ce que Dieu permet. L'empire romain a disparu : l'Eglise antique lui a survécu, et elle a fécondé le haut Moyen Âge. ("Mais les barbares étaient des blancs !", protestent aussitôt les identitaires - montrant par là leur vrai mobile : l'ethnicisme).
Si l'empire romain a disparu, c'est que Dieu l'a permis. Ou bien Dieu n'est pas le Seigneur de l'histoire ? Les catholiques "identitarisés" semblent tentés par cette conclusion ; ce qui explique leur alliance avec les serviteurs d'autre chose...
La chute de Rome a obsédé les antichrétiens européens du XIXe siècle. Dans le sillage d'Edward Gibbon, mort en 1794 [photo], ils accusaient le christianisme d'avoir "empoisonné" l'empire. C'était historiquement faux mais c'est encore aujourd'hui la conviction des identitaires néo-païens, même s'ils viennent sonner du ludhr [5] chez les cathos. (Je précise à nouveau que les "identitaires" ne sont pas porteurs d'une authentique "identité" : l'identitarisme est à l'identité ce que le scientisme est à la science). Au XIXe les antichrétiens imputaient au christianisme la chute de Rome ; au XXIe, d'étranges chrétiens imputent au pape le "suicide de l'Europe". Imputation stupide : le destin de l'Europe est déterminé par ses berceaux vides, son économie artificieuse et sa politique d'Ubu, facteurs qui ne doivent rien à l'Eglise !
Mais pour stupide qu'il soit, le procès contre l'Eglise sert de prétexte à ces gens pour justifier a posteriori cinquante ans d'attitude intégriste (inaugurée dans les années 1960 contre Vatican II et Paul VI) ; et pour justifier aujourd'hui leurs noces contre-nature avec les néo-païens, qui se rêvent âme d'une Europe sans âme. Raison de plus pour lire le livre d'Erwan Le Morhedec (édité au Cerf) : Identitaire - Le mauvais génie du christianisme.
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[1] Il y a "chrétienté" là où la très grande majorité des membres d'une société sont chrétiens : ce qui se traduit (spontanément) dans la vie publique. Aujourd'hui, en France et en Europe, les chrétiens croyants sont une petite minorité.
[2] La sempiternelle évocation de "la bataille de Lépante" par les identitaires prouve leur ignorance de l'histoire : Lépante (1571) fut une victoire inutile. L'empire ottoman reconstitua sa flotte en moins d'un an. Le grand vizir Mehmet Sokkolü déclara aux ambassadeurs vénitiens : "En prenant Chypre nous vous avons coupé un bras. A Lépante vous nous avez coupé la barbe. Un bras coupé ne repousse pas. Une barbe coupée repousse plus vigoureuse."
[3] Hugo, Les chants du crépuscule : Napoléon II (1835).
[4] chant de ces messes "conciliaires" censées vouées à la mièvrerie...
[5] trompe paléo-scandinave.
12:38 Publié dans Histoire, Idées | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : identitaires, catholiques
Commentaires
LE PAPE CONTRE L'INHUMAIN
> Rien à voir avec votre post, mais ceci pourrait vous intéresser. Désormais impossible de faire semblant de ne pas comprendre ou de ne pas se sentir concerné: http://fr.radiovaticana.va/news/2017/01/14/le_pape_d%C3%A9nonce_un_syst%C3%A8me_%C3%A9conomique_%C2%ABinacceptable%C2%BB__car_%C2%ABinhumain%C2%BB/1285699
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Écrit par : ND / | 14/01/2017
DE LA PASTORALE DES MIGRANTS AUX "IDENTITAIRES"
> Une mise au point, assez fournie, de la Pastorale des Migrants dans cet entretien:
https://www.lerougeetlenoir.org/opinions/les-inquisitoriales/quelle-sollicitude-de-l-eglise-envers-les-migrants-entretien-avec-le-service-national-de-la-pastorale-des-migrants-cef
Une brochure du 'service jésuite des réfugiés', consultable en ligne, à diffuser:
http://crea.seitosei.biz/jesuites_de_france/2016_flipbook/#
Lequel 'service jésuite des réfugiés' rappelle une donnée brute, se passant à mon avis de commentaire:
"Sur les 45 millions de déplacés et de réfugiés que compte le monde d’aujourd’hui, 80% sont des femmes et des enfants. Ils vivent le plus souvent dans les pays les plus pauvres de la planète, et ils doivent faire face à l’appauvrissement, la perte du sens de la vie et de la culture, et au désespoir qui en découle [...]".
Ces liens préalables étant posés, qu'on sache bien dans quel camp je me situe (celui desdits "papolâtres", selon les agitateurs en voix et en vogue en ce moment), je vais peut-être faire monter quelques habitués de ce blogue sur leurs grands chevaux, mais un ou deux points sur lequel les identitaires offrent une piste de réflexion qui vaille est celui de la grande construction de Babel via le village global et les richissimes hors-sol, canalisant la richesse planétaire et ayant mis les velléités de gouvernances réellement au service du peuple à genoux.
Aussi, et c'est un à-côté du discours identitaire, peut-on -je crois- comprendre ceux d'entre les bretons, basques, corses (etc...) dans leurs assauts, souvent contre-productifs au reste, visant à établir une reconnaissance culturelle, mais aussi sociale et sociétale mettant en exergue leurs traditions, à stabiliser et si possible étendre le nombre de locuteurs de leur langue, bref une vraie tentative, à travers la reconnaissance de leurs singularités, à faire accepter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Cette aspect là de l'identitarisme mérite considération.
Au demeurant, pour citer Frère Alain Richard, le fondateur des Cercles de Silence, sans doute le nec plus ultra consisterait à laisser aux migrants la possibilité de rester sur leur terre d'origine (littéralement et dans tous les sens leur "patrie"), ce qui sous-entend que ces terres-là, non moins fragments de la Création que les terres d'accueil, lesquelles sont pré-supposées nanties et le sont au reste, soient tout aussi dignement vivables: comment ça, ce n'est pas un programme politique, ça ?
Aventin
[ PP à Aventin :
- Merci de ces réflexions que je partage, sauf sur un point : on ne peut pas prendre au sérieux les groupuscules "identitaires" dans leur anticapitalisme affiché et leur défense affichée des identités régionales.
Leur anticapitalisme affiché ne les empêche pas de dealer avec les libéraux-conservateurs : la droite du fric badigeonné de "valeurs".
Quant aux identités régionales, ils n'y connaissent en réalité rien. (La seule identité qui compte à leurs yeux est la couleur de la peau). Les vrais mouvements enracinés (breton, basque etc) ne veulent pas entendre parler d'eux !
- Sur le pape : marcher avec lui est appartenir à la grande Eglise. Ce n'est pas appartenir à un "camp". Là où il y a "camp" dans l'Eglise, il y a tendance au schisme... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Aventin / | 15/01/2017
RÉGIONALISME BIDON
> "Quant aux identités régionales, ils n'y connaissent en réalité rien. (La seule identité qui compte à leurs yeux est la couleur de la peau). Les vrais mouvements enracinés (breton, basque etc) ne veulent pas entendre parler d'eux !"
Tout à fait exact. je connaissais le milieu identitaire niçois dans les années 85/95. C'était un groupuscule ridicule qui apprenait le niçois à la fac ! Il n'y a presque plus de véritable Niçois et la plupart des "anciens" résidents de la ville sont descendants de Piémontais ou de Génois installé là entre la fin du 19e et les années Mussolini. Leur "identitarisme" est une reconstruction fantasmée.
Rien à voir avec des culture encore vivantes comme la Corse que je connais aussi. Même si, depuis quelques années, l'ethnicisme voire le racialisme se répand aussi dans les milieu politiques corses, malheureusement.
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Écrit par : VF / | 15/01/2017
"CULTE IDOLÂTRIQUE"
> "Quiconque prend la race, ou le peuple, ou l'État, ou la forme de l'État, ou les dépositaires du pouvoir, ou toute autre valeur fondamentale de la communauté humaine - toutes choses qui tiennent dans l'ordre terrestre une place nécessaire et honorable,- quiconque prend ces notions pour les retirer de cette échelle de valeurs, même religieuses, et les divinise par un culte idolâtrique, celui-là renverse et fausse l'ordre des choses créé et ordonné par Dieu : celui-là est loin de la vraie foi en Dieu et d'une conception de la vie répondant à cette foi."
(Encyclique "Mit brennender Sorge")
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Écrit par : Fernand Naudin / | 15/01/2017
PHILIPPOT OU MONOT
> Je ne sais pas où les identitaires vont chercher leur anticapitalisme, mais si c’est au FN, ils risquent fort d’avoir des désillusions. Car au FN, la façade, la devanture, c’est Phillipot. A première vue, ça peut paraître intéressant. Mais il ne faut pas oublier que l’arrière-boutique est nettement moins séduisante.
Car celui qui dirige en la matière c’est Bernard Monot. Monot présenté de façon cosmétique, ça donne ceci : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Monot Ca paraît assez neutre. Par contre Monot dans la réalité c’est ça : http://www.lefigaro.fr/politique/2014/02/23/01002-20140223ARTFIG00146-europeennes-l-economiste-bernard-monot-tete-de-liste-fnrbm-pour-la-region-centre.php
On a bien lu : « Nous nous inspirons très fortement de l'école autrichienne d'économie par opposition à l'école de Chicago qui nous a conduits dans la situation où nous sommes. »
Il y a tout simplement fort à parier que Monot soit un ultralibéral pur jus et rien d’autre, comme tous les autres.
Les lendemains risquent de ne pas chanter.
Sans lien direct : j’ai découvert le lien qui suit : https://www.youtube.com/watch?v=rgTAQ4y0NK0 Je ne sais ce qu’il faut en penser. Mais tous les Africains que j’ai rencontré ces derniers mois, m’ont tenu des propos qui vont dans ce sens. Je ne sais ce qu’il faut en penser. Que chacun se fasse son opinion. Mais il est évident que personne ne regarderait plus la classe politique de la même façon, si cela est vrai.
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Écrit par : ND / | 15/01/2017
Réaction à la réponse de P. de Plunkett au dernier commentaire :
> Certains identitaires peuvent être sensibles à la diversité des ethnies qui composaient la France au début du XXe siècle. Même le racisme a des nuances.
Réaction à l'article :
Les identitaires confondent les mœurs guerrières, la rudesse d'une époque où tout le monde était chrétien avec la chrétienté, alors que le christianisme tendait à adoucir, à pacifier cette époque. Aujourd'hui que nous avons assimilé certaines idées chrétiennes, nous avons perdu le contact avec l'Esprit. Nous dérivons loin de leur source.
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Écrit par : Ghislain / | 15/01/2017
MARIE
> Une démarche intéressante (sous réserve d'inventaire ; les articles de cette revue ne sont pas toujours d'excellente qualité) :
http://www.mariereine.com/nouveau-annoncer-christ-aux-musulmans/
Et :
http://www.mariereine.com/prier-nos-freres-musulmans/
Seule Marie pourra empêcher (même si je n'y crois plus guère ; je suis moi-même un homme de peu de foi, violemment tenté sur la Foi) que la situation que nous allons connaître tourne à la guerre civile...
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Écrit par : Feld / | 15/01/2017
BRIDGE
> Que pensez-vous de la tribune publiée par Aleteia et traitant Erwan Le Morhedec et ceux qui pensent comme lui de "bande de pharisiens" ?
Anne-Sophie H.
[ PP à A.-S. H. :
Vous n'êtes pas la première à m'en parler, et à être surprise de voir un texte pareil sur un site "d'information". Je partage votre étonnement. Ce texte n'est pas au niveau. La personne qui l'a signée ne comprend pas où est le problème, donc elle insulte ceux qui le comprennent ; ce n'est pas à son honneur.
Une fraction du milieu bcbg semble péter les plombs. Habitués à ne se fréquenter qu'entre eux et à ne voir les choses que sous leur angle de milieu social, ces catholiques perdent la tête quand leur façon de voir est mise en cause. Du coup ils nous traitent de pharisiens, alors que leur attitude est très exactement celle des pharisiens des évangiles !
Ayons compassion à leur égard. Se croire obligé de se lancer dans des controverses d'idées quand on est plutôt habitué(e) au bridge, ça ne doit pas être confortable. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Anne-Sophie H. / | 16/01/2017
@ PP
> Toujours sur Aleteia : que pensez-vous des propos de l’abbé de Tanoüarn relayés, sur cette question de l’identité, par le confrère Sylvain Dorient ? En particulier la phrase suivante, inspirée à l’abbé par le livre de Jean-Paul II, « Mémoire et identité » :
« La démarche religieuse de beaucoup de personnes commence avec cette quête identitaire ».
Je veux partager cet optimisme. J'ai, pour ma part, plutôt tendance à relativiser le danger que présenterait pour l’Eglise lesdits identitaires. Pour la plupart des Français, l’Eglise ne peut se confondre avec la vision rétrécie du « prochain » que propagent ces personnes.
Ayons confiance, et montrons-le en ne renchérissant pas trop dans la controverse. Le Christ et les papes ne cessent de nous le rappeler : « N’ayez pas peur ». Y a-t-il meilleure parole à opposer à ceux que vous appelez vous-même, cher PP, les « semeurs de panique » ?
Denis
[ PP à Denis
Je comprends votre intention.
Mais vous ne connaissez pas ces milieux sur le terrain.
Vous en avez donc une idée irénique...
La quête d'identité peut ouvrir sur la révélation chrétienne. Mais l'identitarisme n'est PAS la quête authentique d'identité : c'est une pathologie de fermeture et de refus ! La fermeture n'ouvre jamais sur rien. L'identitarisme ne mène pas à l'identité : il ne mène qu'à la haine de clan, envers ceux-ci ou ceux-là.
La quête d'identité peut mener à la révélation chrétienne : mais ni plus ni moins que la quête d'universalité, ou que n'importe quelle autre démarche humaine ! et à condition de dépasser la seule quête d'identité...
J'en sais quelque chose : s'il ne m'avait pas été donné de dépasser la quête d'identité grâce à Paray-le-Monial (en 1985), combien de temps serais-je resté dans l'impasse ?
Je dois tout à la grande Eglise qui m'a guéri des chapelles. En menant le combat que je mène depuis dix ans (et en me réjouissant de n'y être pas seul), j'ai le sentiment d'acquitter un devoir et une dette.
Je précise que je parle de tout ça régulièrement avec des prêtres diocésains : pour que ce combat essaie de rendre service à la grande Eglise - et ne dérape pas en allant trop loin. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Denis / | 16/01/2017
PP à Paul
Je ne veux pas couper dans votre message, et les parties concernant Erwan Le Morhedec devraient lui être adressées à lui plutôt qu'à moi ! Je vous suggère de me ré-adresser ce message en ne gardant que le débat général, qui est très intéressant et auquel je répondrai volontiers.
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Écrit par : PP à Paul / | 18/01/2017
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