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11/12/2016

L'évêque médecin au chevet d'une époque déboussolée

catholiques

C'est le livre de Mgr Aupetit, évêque de Nanterre (éditions du Moulin). Clair, précis, pédagogique ! Pour comprendre notre crise de société - et donner les repères de la voie chrétienne :


 

 

Mgr Michel Aupetit, 65 ans, évêque du diocèse de Nanterre depuis 2014, est membre du conseil national famille et société de la conférence épiscopale. Il y est chargé du "pôle santé" :  et il y a quelque titre puisqu'il a exercé la médecine de 1979 à 1980 - date de son entrée à la maison Saint-Augustin puis au séminaire de Paris. Ce spécialiste de la bioéthique médicale était tout désigné pour publier ce petit manuel de 125 pages, destiné à tous ceux qui s'interrogent sur la dérive de la société occidentale.

En cinq courts chapitres (La vie, L'homme, La loi, La morale, La science et la conscience), l'évêque-médecin fait le point sur le "malaise dans la civilisation". Comment en est-on venu à croire, en 2016, que le choix serait entre "le Progrès" (l'industrie biotechnologique s'emparant de nos existences) et "la Réaction" (l'obscurantisme irrationnel) ? Quels cheminements idéologiques  - en trois siècles - ont préparé la voie au règne de la technoscience, servi par des chercheurs dont la conscience peut être "anesthésiée" - dit Mgr Aupetit - "par le profit financier que des entreprises sans scrupules [leur] font miroiter" ?

Ce qu'est justement "la conscience", sur quoi repose toute responsabilité, d'où vient le fait que l'individu post-moderne croie suffisant d'être "sincère avec soi-même" : le livre l'indique de manière précise, concise et très éclairante.

Notamment sur la genèse du relativisme qui domine le monde occidental aujourd'hui... Mgr Aupetit met en lumière les équivoques d'une société qui encense l'intime conviction, mais qui en fait "la liberté illusoire d'un esprit conditionné". Or le marketing des comportements est le centre nerveux de l'ère consumériste, indissociable de la mondialisation ; ce processus économique se devait d'éradiquer les morales, dont la diversité (liée à celle des cultures) freinait l'uniformisation de la planète. Le moyen fut d'ôter aux morales leur raison d'être en supprimant le discernement du "bien" et du "mal"  - et en le remplaçant par des "consensus" provisoires. 'Voilà pourquoi le bien d'un jour peut devenir le mal de demain", souligne Mgr Aupetit, "et c'est cela qui se nomme RELATIVISME." 

Ainsi (et tout étant lié, comme dit Laudato Si'), le système économique global est inséparable de la dérive de nos comportements sociétaux. L'évêque prend pour exemple l'évolution de la reproduction humaine :  l'enfant se programme désormais "comme un produit manufacturable", et cette "chosification progressive" de l'humain - commercialisée en tant que progrès absolu - montre le remplacement des visions culturelles de la vie par une vision industrielle.

Mgr Aupetit prend aussi pour exemple la vogue du transhumanisme (utopie lancée par les firmes de la Silicon Valley, qui y voient un chantier de profits illimités pour le siècle à venir) : "L'objet de ces recherches est de fabriquer un être post-humain à l'intelligence artificielle et supérieure combinée entre le cerveau et l'ordinateur, qui tendrait à l'immortalité et dont on pourrait contrôler les émotions..."

L'évêque souligne que le transhumanisme est la conséquence de ce dont il parlait au début du livre : "la vision anthropologique des scientifiques mécanicistes, qui réduisent l'être humain à sa fonctionnalité".

Face à cette vision, Mgr Aupetit propose "l'apport du christianisme" à la vision de l'homme aujourd'hui. C'est un apport nécessaire et urgent. Il s'agit de réhabiliter les limites qui font partie des fondamentaux de la créature humaine ; limites qui n'enferment pas, mais qui nous libèrent de l'utopie. Et qui ouvrent à la transcendance : "Pour les chrétiens, le Christ, Fils et Verbe de Dieu, par son incarnation vient habiter et assumer les limites de la nature humaine. Il accomplit ce qui, en l'homme, est à l'image de Dieu. Loin d'une toute-puissance sur la matière qui nous donne l'illusion d'être créateur à la manière de Dieu, tentation originelle et éternelle, cette image se réalise uniquement dans la plénitude de l'amour. C'est pourquoi nos limites, nos blessures, nos fragilités, [...] peuvent être aussi le lieu d'une révélation, d'un surcroît d'amour, qui seul révèle notre véritable vocation : aimer comme Dieu nous aime..."

L'évêque n'omet pas la dimension intégrale de l'écologie (la responsabilité de l'homme envers le reste de la création), et signale la bonne interprétation des premiers chapitres de la Genèse qui fondent cette responsabilité ; respecter l'humain et respecter la biosphère sont une seule et même démarche et la seconde dépend de la première, comme le martèle Laudato Si'.

Dans ses pages de conclusion, Mgr Aupetit s'associe donc au pape François pour demander qu'une vision "intégrale" du développement humain vienne rééquilibrer le progrès technologique : "Pour l'Eglise, il s'agit de placer l'homme comme unique finalité des activités humaines... En aucun cas il ne peut devenir un moyen au service de n'importe laquelle de ces activités."  La réflexion de l'Eglise est "unifiée", souligne-t-il, "car elle ne découpe pas les problèmes  en fonction des lieux et des temps, ou encore des besoins particuliers. C'est au nom d'une même dignité qu'elle est conduite à défendre la vie naissante de l'embryon, le respect dû aux étrangers, les droits des travailleurs, la liberté religieuse..."

 

 

www.editionsdumoulin.com

 

 

20:04 Publié dans Idées | Lien permanent | Tags : catholiques