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31/10/2016

Rome et Luther aux origines : un passé à éclairer

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...avec l'historien allemand Heinz Schilling :


 

<<  Le nouveau Luther, le Luther libéré, était aussi un adversaire radical du pape et de l'Eglise romaine. En formulant ses thèses sur les indulgences, il croyait encore que la liberté chrétienne tout juste acquise pouvait encore se concrétiser au sein de l'Eglise et que le pape serait prêt aux réformes allant dans ce sens...  C'est seulement la façon dont l'épiscopat allemand - notamment l'archevêque Albrecht de Mayence -  et la Curie traitèrent la causa Lutheri (l'affaire Luther) entre 1517 et la bulle le menaçant de mise au ban de l'Empire en juin 1520, qui le poussa à la prise de conscience réformatrice aussi sur la question de la véritable forme évangélique de l'Eglise... >>

 

<< Cette rectitude et cette radicalité de la pensée et de l'action font la grandeur du réformateur de Wittemberg et rendent possible le tournant historique de la Réforme. Mais elles marquent aussi ses limites : qu'il soit incapable du moindre compromis dans la "question de la vérité" assurait certes sa doctrine, et du fait même la différenciation culturelle et spirituelle par rapport à la chrétienté européenne, mais cela signifiait en même temps que pour lui des entretiens pour trouver des médiations n'avaient aucun sens tant que ses adversaires campaient de leur côté sur leur propre vérité. C'est ainsi qu'avec la grandeur et le caractère intransigeant de Luther entra aussi dans le monde le conflit fondamental autour de la vérité religieuse, qui poussera temporairement la chrétienté et l'Eglise au bord du chaos... >>

 

<< Il s'agissait maintenant de la construction plus ample d'une théologie évangélique. D'une part, celle-ci devait s'affirmer et marquer sa légitimité face à la théologie romaine [...]  D'autre part, il fallait se démarquer par rapport aux doctrines déviantes dans le camp  réformateur lui-même. Il y avait là en filigrane les polémiques avec les "faux frères" [...] Depuis la fin des années 1520, il fallait se confronter avant tout avec les Allemands du Sud et les Suisses, qui développaient une variante importante, avec une propagande vigoureuse, par rapport à la théologie protestante des gens de Wittemberg. Il fallait compter surtout avec Huldrych Zwingli à Zurich et Martin Bucer à Strasbourg, puis de plus en plus, à partir de la fin des années 1530, avec l'exulant [*] français Jean Calvin. D'abord actif dans de petits cercles d'exulants à Strasbourg et à Bâle, ce dernier devint dans les années 1540 l'organisateur d'une Eglise-modèle réformée, bientôt comprise comme "calviniste", qui s'affirma comme le concurrent - en partie vainqueur - du modèle de Wittemberg... Luther, qui était tout de même devenu le réformateur par la controverse, releva tous ces défis et y répondit avec énergie et passion. Ce faisant, lui-même comme ses opposants posèrent les fondements de la théologie de controverse et de dispute moderne qui influencera profondément, avant tout en Allemagne, la culture orale et écrite des siècles suivants... >>

[*]  émigré.

 

Heinz Schilling, Martin Luther  (704 p., Salvator 2014)

 

 

martin luther,réforme protestante