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14/07/2016

Scandale Monsanto+'FCT' aux USA, scandale de l'étude sur l'étiquetage alimentaire en France...

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Les conflits d'intérêts deviennent la norme :


 

 

On se souvient des imprécations contre le Pr Séralini après son étude visant à établir la nocivité d'un OGM de Monsanto, le maïs NK603. Cette étude avait été publiée (septembre 2012) par la revue scientifique Food and Chemical Toxicology (FCT)  - qui avait fini par la retirer (novembre 2013) en l'accusant d' "inconclusivité" : motif de sanction fabriqué pour la circonstance, FCT n'accusant le Pr Séralini ni de fraude, ni de plagiat, ni même d'erreur ! Cette décision inouïe avait été prise par le Pr Hayes, rédacteur en chef de FCT.

Une enquête américaine légale, menée par l'association 'US Right to Know', vient de faire la lumière sur cette affaire. Et c'est édifiant.

Les enquêteurs ont en effet découvert les courriels échangés entre Monsanto, le Pr Hayes et le Pr Goodman, recruté par le Pr Hayes en septembre 2012 pour diriger le secteur biotech de FCT.

Le Pr Goodman, pour sa part, était lié à Monsanto. Employé de cette multinationale jusqu'en 2004, il était toujours rémunéré par elle (et cinq autres géants biotech) en 2012 pour un projet sur les allergènes alimentaires. En septembre 2012, lorsqu'il devint l'un des dirigeants de FCT, il venait de prier Monsanto de lui fournir des arguments contre le Pr Séralini. Les enquêteurs ont publié le courriel d'un executive de Monsanto répondant au Pr Goodman : "Je vous enverrai les arguments que nous avons développés" [*].

En novembre 2012, le Pr Hayes écrira à Monsanto : "Ma requête, en tant que rédacteur en chef et de la part du Pr Goodman, est que ceux d'entre vous qui sont hautement critiques du récent article de Séralini et de ses coauteurs se portent volontaires comme 'reviewers' (contributeurs de référence de la revue) potentiels."

En clair, souligne Stéphane Foucart, FCT invitait Monsanto "à expertiser les études traitant des OGM et soumises à la revue, en vue de leur acceptation ou de leur rejet..." La lecture des courriels montre que "dans certains cas, [le Pr Goodman] semble s'en remettre au jugement des toxicologues de Monsanto lorsqu'il doit évaluer un article dont certains aspects dépassent ses connaissances". Ainsi en 2014 à propos d'une étude sur le possible lien entre le glyphosate [**] et une maladie rénale, il écrit à Monsanto : "pouvez-vous me donner des arguments scientifiques solides pour savoir si cela est ou non plausible..."   

Ceci éclaire froidement l'agressivité de grands notables scientifiques  - notamment français - contre le Pr Séralini. Trois ans après elle durait encore : je l'ai constatée en voyant de dignes personnages entrer en fureur, au cours de dîners, au seul nom du biologiste de Caen... On peut supposer désormais qu'ils vont baisser d'un ton.

Mais l'affaire FCT n'est qu'un cas parmi d'autres.

Citons l'affaire du glyphosate dans l'Union européenne : la Commission s'arcboute pour refuser d'interdire ce produit, classé "cancérigène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en mai 2015... avant d'être blanchi par l'ONU et les "agences" scientifiques de l'UE. Agences elles-mêmes mises en cause, de façon récurrente, pour les liens de certains de leurs membres avec l'industrie biotech ; industrie dont le lobbying à Bruxelles impressionne par sa puissance...

En France, citons l'enquête - publiée le 8 juillet dernier - sur les conflits d'intérêts au sein du comité de pilotage de l'étude sur l'étiquetage alimentaire dans les grandes surfaces. L'enquête révèle que :

six sur dix des membres du comité scientifique de l'étude sont lié à l'industrie agro-alimentaire ou à la grande distribution (les quatre autres ont démissionné pour cette raison) ;

le propre co-président du comité est aussi le président d'un lobby agro-alimentaire financé par les industriels ;

la réalisation de l'étude elle-même a été confiée à... ce lobby !

L'enquête souligne également la présence au sein du comité de pilotage de quatre représentants de la grande distribution et des industries alimentaires...

Le président du Haut Conseil de la santé publique (aussi indigné que celui de l'Inserm) accuse l'étude sur l'étiquetage d'être "contre-productive" car "en totale opposition avec [nos] recommandations". Selon lui, avoir chargé le lobby de réaliser l'étude est "contraire aux règles déontologiques et aux bonnes pratiques de la recherche... Ce montage pose de graves problèmes éthiques du fait des liens d'intérêts existants et annihile la possibilité d'une publication dans une revue internationale digne de ce nom". (On espère qu'il ne pense pas à la revue FCT).

Le Monde du 12/07 rappelle que l'étude sur l'étiquetage a coûté 2 millions d'euros, dont la moitié à la charge du contribuable (l'autre moitié étant payée - bien entendu - par l'agro-alimentaire).

Une partie des journaux et sites de l'Hexagone veillent à ne parler ni de l'affaire FCT-Séralini, ni de l'affaire de l'étiquetage alimentaire... Ne nous étonnons pas qu'il s'agisse des médias les plus proches de la droite fière de ses valeurs. Ce n'est qu'un début ; attendez 2017.

 

Je conclus avec ces lignes du pape François (Laudato Si', § 135) : "Il faut garantir une information scientifique et sociale qui soit responsable et large, capable de prendre en compte toute l'information disponible et d'appeler les choses par leur nom. Parfois, on ne met pas à disposition toute l'information, qui est sélectionnée selon les intérêts particuliers... Il est nécessaire d'avoir des espaces de discussion où tous ceux qui, de quelque manière, pourraient être directement ou indirectement concernés (agriculteurs, consommateurs, autorités scientifiques, producteurs de semences, populations voisines des champs traités, et autres) puissent exposer leurs problématiques ou accéder à l'information complète et fiable..."

 

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[*]  cité par Le Monde, 13/07.

[**]  principe actif du RoundUp et l'un des éléments-clés de la stratégie de Monsanto.

 

Commentaires

BABEL

> Et pendant ce temps la Babel agro-alimentaire monte jusqu'aux cieux :
- Danone achète WhiteWave (11,3 milliards de dollars) : lait bio, lait de soja, lait d'amande.
- Mondelez (biscuits Lu, chocolats Suchard et Cadbury) tente de s'emparer de son concurrent Hershey's.
- Le consortium JDE (L'Or, Senseo, Maison du café) s'empare du concurrent Keurig.
- Le fonds 3G et Warren Buffet avalent Heinz et le fusionnent avec Kraft, produisant ainsi un monstre de l'épicerie US.
- AB InBev (bière) lève 42 milliards d'euros et achète son concurrent SABMiller.
- Nestlé déborde de l'alimentaire et s'implante dans les soins dermatologiques...
Etc.
Explications : "la croissance doit continuer sans limites" (alors que le secteur ralentit depuis 2013) ; et les taux bas favorisent l'endettement des entreprises. (Cette dette-là n'inquiète personne : contrairement à "l'intolérable dette publique" qui permet à l'Etat social de ne pas disparaître trop vite).
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Écrit par : Felioza / | 14/07/2016

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