Lettre du pape sur les laïcs : loin du fantasme défensif...

... l'objectif à poursuivre :

 

« Nous avons oublié, en le négligeant, le croyant qui brûle d'espérance dans la lutte quotidienne pour vivre sa foi. Ce sont des situations que le cléricalisme ne peut pas voir, parce qu'il est plus préoccupé de dominer des espaces que d'engendrer des processus... » Ce passage de la lettre du pape au cardinal Ouellet, président de la commission pontificale pour l'Amérique latine (19/03/2016), contient une notion cruciale pour aujourd'hui : l'action des laïcs catholiques – et de toute l'Eglise au XXIe siècle – ne doit pas viser à « dominer des espaces » mais à « engendrer des processus ». Tout est là : l'erreur à ne pas prolonger, et l'objectif à poursuivre.

1.  Erreur à ne pas prolonger   

De la part de catholiques, vouloir « dominer des espaces » c'est s'enfermer dans une conception tribale : conserver des « positions » (s'il en reste) dans la société ; ou fabriquer de nouveaux micro-milieux, où des gens vivraient en conformité avec l'idée que les cercles d'études conservateurs – depuis les années 1950 – se faisaient d'une « société catholique ». Idée obsidionale, obsolète, rivée à une dialectique partisane (droite-gauche) qui n'a plus de sens en 2016... D'où la nervosité des milieux conservateurs, en France et aux Amériques, devant les appels du Saint-Siège à ouvrir les fenêtres, baisser le pont-levis et sortir dans le monde réel. En effet : sortir pour quoi faire ?

2.  Objectif à poursuivre

« Engendrer des processus », dit le pape François au cardinal Ouellet ! C'est l'idée qu'il développe sous tous les angles : dans la pensée économique et sociale (Laudato Si', discours de Santa-Cruz) comme dans la pastorale et le témoignage évangélisateur (Amoris laetitia). « Engendrer » veut dire « faire naître » : c'est autre chose que « défendre » – à supposer qu'il reste quelque chose à défendre –, surtout si les partisans du défensif en font l'ultima ratio fidelium.*

« Faire naître » signifie féconder l'avenir. Donc être ouverts à la nouveauté : en admettre la nécessité, faire en sorte qu'elle procède (« processus ») d'un engendrement : union de deux éléments vitaux, rencontre de deux ADN, fusion de deux différences... et confiance en la fécondité de l'Esprit Saint.

Appliqué à la société dans la lettre du pape, cela donne : « Chercher la manière d'encourager, d'accompagner et de stimuler toutes les tentatives et les efforts qui aujourd'hui se font pour maintenir vives l'espérance et la foi dans un monde plein de contradictions, spécialement pour les plus pauvres ; spécialement avec les plus pauvres. »

Voilà ce que pense et veut l'Eglise, loin du fantasme ultra qui consiste à opposer une chrétienté imaginaire à la société réelle.

 

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* Ultima ratio regum (« ultime raison des rois ») était la devise gravée sur les canons de Louis XIV.