Le Touquet ou "Trump Scotland" : ces golfs de luxe qui abîment des paysages et défient les lois

L'opération de Mayville (Le Touquet) n'est pas grand'chose... à côté de celle de Balmedie (Aberdeen), commise par Donald Trump :

 

 L'affaire du Touquet

 

Les dunes de Mayville, près du Touquet, sont situées au sud de l'estuaire de la Canche et couvrent 200 hectares. Selon le Conservatoire du littoral qui les a classées, « elles forment un ensemble naturel dont la valeur patrimoniale est reconnue à différents titres : milieu naturel exceptionnel à protéger pour la région, zone humide prioritaire pour l'Agence de l'Eau. Situé près de la réserve naturelle nationale de la baie de Canche, ce massif dunaire accueille de nombreux oiseaux migrateurs. »

Un golf avait été créé dans ces dunes en 1927. Il était resté de taille raisonnable jusqu'à la seconde décennie 2000.

Mais le propriétaire actuel est  la société Open Golf Club (« première chaîne de golf premium »), dotée d'un esprit entrepreneurial au sens où l'on entend ce mot depuis vingt ans... Face aux week-ends de luxe, que pèsent le Conservatoire du littoral ou l'Agence de l'Eau ? Les journaux de cette semaine révèlent l'extension sauvage du « Golf de la mer » : 19 hectares de dunes détruits pour « rallonger les trous 14, 15 et 16 ».

L'opération fait aujourd'hui l'objet d'une plainte du GDEAM (Groupement de défense de l'environnement dans l'arrondissement de Montreuil) auprès du procureur de Boulogne, pour « défrichement illégal de bois classé, destruction d'espèces et milieux protégés, violation de la loi littoral ». Interrogée par des journalistes, la préfecture admet que l'extension du golf n'est pas « régularisable ».

Néanmoins le PDG d'Open Golf Club déclare à la presse : « Je ne doute pas que les services de l'Etat régulariseront ma situation. ».

C'est une affaire typique.

Mais une petite affaire si on la compare à celle du golf resort de Balmedie, dans les Highlands, au nord-est de l'Ecosse...

 

 

Balmedie : Trump et sa "bataille des dunes"

 

D'après les environnementalistes britanniques, les vastes paysages de Balmedie, sur la baie d'Aberdeen, sont « un ensemble de dunes mobiles unique au Royaume-Uni ». C'est aussi « une zone d'habitat de plusieurs espèces d'oiseaux rares », s'insurgent la RSPB (Royal Society for the Protection of Birds) et l'agence SNH (Scottish Natural Heritage)...

Contre qui la RSPB et la SNH s'insurgent-elles ? Contre Donald Trump.

Le futur candidat à la Maison Blanche s'est abattu sur Balmedie en 2007, proclamant son ambition d'en faire « le meilleur golf du monde ».

Fin 2007, Trump convoque le chef de l'exécutif autonome écossais, Alex Salmond. Il lui expose un plan formifantabuleux, Trump International Golf Links Scotland : deux golfs géants, un hôtel de 450 lits, 950 villas, 500 maisons, un budget d'un milliard de dollars, « des centaines d'emplois » ! Salmond est anxieux de trouver des ressources économiques écossaises autres que le pétrole de la mer du Nord ; il finit par se laisser faire. Dix ans après, il avouera à la télévision (nous l'avons vu avant-hier soir) que « s'il avait su », jamais il n'aurait donné son feu vert en 2008.

On découvrira en effet que le super-golf repose sur un mirage commercial.

C'est typiquement trumpien. En 1989, à Atlantic City, la faillite du casino Trump Taj Mahal (coût de construction : un milliard de dollars) avait ruiné the Donald : trois milliards de dettes, banqueroute, vente en 1991 de la compagnie aérienne Air Trump et du yacht Trump Princess (acheté 29 millions de dollars en 1988 au sultan de Brunei) ! Il y eut aussi les foirades de la vodka Trump, des steaks Trump, du parfum Trump, de Trump Magazine... Le grandiose homme d'affaires n'est pas si grandiose.

En Ecosse, sitôt obtenu le feu vert de Salmond, Trump jette le masque : tout doit lui céder. Il fait des caprices, des colères. Il a de plus en plus d'exigences. Il veut de suppléments de terrain. Il veut raser des maisons anciennes, pour y faire des parkings pour son hôtel de luxe.

Les habitants s'insurgent ! Ils créent un groupe d'action : Tripping Up Trump (« Faire trébucher Trump »).

Alors Trump se met en fureur. Il traite les habitants de « crétins logés dans des porcheries ». Il annonce qu'il aura recours aux Compulsory Purchase Orders, c'est-à-dire à des expropriations... Cette procédure est réservée en principe à la construction d'hôpitaux ou d'écoles ? Mr Trump se targue d'avoir les médias et les élus dans sa poche. On est en 2009.

Ce n'est qu'ensuite que les notables découvriront le pot-aux-roses : Trump raconte n'importe quoi sur le plan commercial. Son business-plan est un mirage. Les golfeurs riches, quand ils viennent jouer en Ecosse (mère-patrie du golf), vont sur les parcours pour gentlemen : The Honourable Company of Edinburgh Golfers, qui est le plus vieux club du monde (1744), ou à la rigueur The Royal and Ancient Golf Club of St Andrews (1754). Ils snoberont la folie Trump, parce que c'est une démesure de nouveau riche et qu'elle est l'objet de toutes les polémiques – ce qui n'est pas sécurisé.

Trump International Golf Links Scotland ouvre son premier parcours en 2012.  Les résultats commerciaux sont médiocres.

Les golfeurs riches ne viennent pas ? Trump s'en prend au gouvernement écossais. En 2014, il exige que Salmond fasse détruire un parc expérimental de onze éoliennes off-shore (dans la baie d'Aberdeen) qui, dit-il, gâte la vue de son « five star golf resort à 750 millions de dollars » ! « Ces éoliennes violent mes droits humains en compromettant la jouissance paisible du propriétaire », prétend-il.

Salmond tient bon : il veut « faire l'expérience » des éoliennes off-shore. La production d'électricité en mer lui paraît économiquement plus prometteuse que les trumperies.

A la stupeur de Trump, le tribunal d'Edimbourg, présidé par Lord Doherty, le déboute de son action contre le gouvernement.**

Ivre de rage, the Donald réplique en annonçant qu'il achète une partie de la côte du comté de Clare, en Irlande, pour en faire le fleuron de la Trump International Golf Links.

Voilà l'homme que des centaines de milliers d'Américains moyens prennent pour un sauveur.

 

 Le bon goût, version Trump.

 

 

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* 2015,  fiche ZNIEFF  (Zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique) :

<< Site d'intérêt européen, les dunes de Mayville constituent la partie nord du vaste massif dunaire d'un seul tenant qui s'est formé à l'origine entre l'estuaire de l'Authie au Nord et celui de la Canche au sud, constituant progressivement le littoral actuel de la plaine maritime picarde. Erigées en une succession de cordons sableux enserrant des dépressions plus basses au sein desquelles se sont formées de vastes pannes orientées nord-est / sud-ouest, dans le sens des vents dominants, les Dunes de Mayville abritaient également autrefois la terminaison de la vaste plaine interdunaire séparant les dépôts récents du Dunkerquien de dépôts plus anciens, développés au-delà de cet ancien estran. Aujourd'hui ne subsistent que quelques vestiges de cette plaine dunaire, en partie transformée en parcours de golf. Malgré cet appauvrissement notoire qui a notamment fait disparaître un des habitats les plus rares de l'hygrosère dunaire oligotrophile nord-atlantique, le Carici trinervis-Schoenetum nigricantis, ces dunes ont conservé ou retrouvent, grâce à d'importants travaux de restauration réalisés en compensation des impacts directs et indirects de l'Enduropale sur le Site Natura 2000, les diverses végétations herbacées typiques des pannes jeunes, et notamment la végétation à Laîche naine et Agrostide maritime (Carici pulchellae - Agrostietum "maritimae") qui est l'habitat d'élection du Liparis de L#sel (Liparis loeselii), présent en effectifs plus ou moins importants selon les années. D'importantes populations de Parnassia palustris, Dactylorhiza incarnata, Epipactis palustris, Pyrola rotundifolia subsp. Maritima renforcent la valeur patrimoniale intrinsèque des habitats d'intérêt communautaire de ces pannes. Depuis 1990, on y a également observé de petites populations d'Ache rampante (Apium repens), espèce inscrite à la directive européenne "Habitats-Faune-Flore", ainsi que l'Orobanche du lierre (Orobanche hederae), espèce exceptionnelle dans la région et connue en station naturelle uniquement dans le secteur du Touquet. Ce site abrite 75 taxons déterminants de ZNIEFF dont 22 protégés dans la région, 5 en France et 2 au niveau européen. Le site des dunes de Mayville, élément des dunes picardes, s'étend au Sud de la Baie de Canche. 25 espèces déterminantes de faune y ont été recensées : 5 espèces d'Amphibiens, 4 de Rhopalocères, 5 d'Odonates, 4 d'Orthoptères, 6 d'Oiseaux et 1 de Mollusques. Parmi les Amphibiens présents sur le site, la Rainette verte, inscrite à l'Annexe IV de la Directive Habitat, est peu commune en région. Elle est principalement localisée le long du cordon littoral, dans les pannes dunaires et les mares vois ines du littoral (GODIN, 2003). Le Triton crêté, également observé sur le site, est protégé au niveau européen. Le fait qu'il soit assez commun dans la région confère aux populations du Nord - Pas-de-Calais une importance particulière en terme de conservation (GODIN, 2003). Concernant les Rhopalocères, le Petit nacré (Issoria lathonia) est assez rare au niveau régional du fait de son confinement au cordon littoral. L'Hespérie de la mauve (Pyrgus malvae), observé généralement dans les prairies maigres et les pelouses, est très rare en région (LAFRANCHIS, 2000 ; HAUBREUX, 2005). Cinq espèces déterminantes d'Odonates sont présentes sur le site, parmi elles, le Sympétrum méridional (Sympetrum meridionale) très rare en région et localisé principalement en Plaine maritime picarde, dans les pannes dunaires. L'Agrion nain (Ischnura pumilio), assez rare en région, affectionne les zones humides récemment créées ou rajeunies. Tout comme le Sympétrum méridional et la Decticelle chagrinée (Platycleis albopunctata albopunctata), l'espèce est observée dans les pannes dunaires du littoral de la Manche (GODIN et al., 2003). Les espèces de Rhopalocères et d'Odonates listées ne sont pas nécessairement régulières sur le site mais sont néanmoins présentes dans la liste puisqu'observées au moins une fois pendant la période indiquée. Le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis) se retrouve principalement dans les parties hygrophiles des pâtures. Elle affectionne les hautes végétations de joncs, laîches et graminées (COUVREUR & GODEAU, 2000). Vertigo angustior se trouve principalement dans des milieux très humides sur sols calcaires. Il est présent dans les massifs dunaires de la Flandre maritime, de Mayville au sud du Touquet et de la Réserve naturelle de la Baie de Canche (CUCHERAT, 2005). Parmi les espèces d'Oiseaux présents dans la ZNIEFF, le Pic noir, protégé au niveau européen et assez rare en région, est nicheur probable sur le site. Il est en expansion continue vers l'Ouest depuis la fin du XIXe siècle. En 1995, au moins une quarantaine de territoires de l'espèce sont observés en région, principalement localisés dans l'Avesnois et le Valenciennois, mais reste une espèce localisée car 90 % de sa population est concentrée dans une dizaine de massifs forestiers (TOMBAL et al., 1996). La Gorgebleue à miroir, protégée au niveau européen, est également une espèce nicheuse probable du site. Après avoir connu une très forte progression pendant les années 1980-1990, elle est actuellement assez répandue dans la région. Elle a une préférence pour les milieux fermés comme les roselières et les bosquets de saules, les milieux plus ouverts et les dépressions de marais constituent quant à eux des terrains de chasse privilégiés (TOMBAL et al., 1996). L'Engoulevent d'Europe, inscrit à l'Annexe I de la Directive Oiseaux, est nicheur possible sur le site car contacté en période de reproduction (TOMBAL et al., 1996). >>

 

** Si le traité euro-américain TAFTA avait été en vigueur, l'affaire aurait été plaidée devant un groupe d'arbitres internationaux privés - et Trump aurait eu gain de cause contre le gouvernement, comme le veut la philosophie de ce traité..