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03/02/2016

Ecologie intégrale : l'évêque de Des Moines (Iowa) face à Trump, Cruz, Rubio, Clinton et Sanders...

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Des cinq candidats à l'investiture présidentielle US, un seul (et ce n'est pas le "catho") est bien disposé envers Laudato Si' et le discours de Mgr Pates :


 

 

 

The Most Reverend Richard E. Pates, bishop of Des Moines

Allocution au Loras College* de Dubuque (Iowa), 21 octobre 2015

Le changement climatique

et la sauvegarde de notre maison commune

 

 

<< Je suis heureux de pouvoir être avec vous, chers amis, au Loras College ! Merci, Père Joensen, de votre invitation. La faculté et les étudiants de Loras perpétuent une solide tradition d'intelligence en action, et veulent apporter au monde une présence qui promeuve la justice, la vérité et un esprit de charité qui témoigne réellement de notre Dieu vivant.

À cette digne entreprise aucun sujet ne correspond mieux que Laudato Si, l'encyclique « sur la sauvegarde de notre maison commune » : le défi du pape François pour notre temps.

 

Dans la continuité des encycliques sociales

 

Dans cette première encyclique, le pape François s'inscrit dans la continuité des encycliques sociales ouverte par le pape Léon XIII avec Rerum novarum. Aborder les problèmes économiques et sociaux était le propre de ces encycliques, habituellement adressées aux membres de la communauté des croyants. Elles ont aussi mis en exergue les droits humains et la dignité de la personne. Le pape Jean XXIII a élargi la perspective avec Pacem in Terris en s'adressant à toutes les personnes de bonne volonté, soulignant ainsi la nature universelle du message. Dans Laudato Si, le pape François prolonge l'esprit de Jean XXIII en déclarant : « Je veux m'adresser à chaque habitant de la planète », et il analyse les questions économiques sur deux fronts :

1. l'environnement (le monde) traité comme un matériau pour une économie de marché fondée sur la consommation : les ressources mondiales envisagées sous une perspective anthropocentrique pour être livrées à l'exploitation humaine, plutôt qu'en considération de la dignité et l'identité de leurs droits propres, ayant été créées par l'amour d'un tel Créateur ;

2. une économie qui exclut de ses bénéfices trois des sept milliards de membres de la population mondiale : système qui doit être réorganisé pour s'accorder avec les éléments essentiels de la dignité humaine et de l'équité due aux pauvres. Cette approche neuve doit inclure la chaleur et la compassion envers tous les membres de la famille humaine.

Le pape ouvre également de nouvelles voies en matière d'encycliques. Outre les références coutumières à ses prédécesseurs, saint Jean-Paul II et Benoît XVI, cités 23 fois, il cite 17 fois des conférences épiscopales du monde entier : il introduit ainsi une nouvelle méthode, inductive, par laquelle le Magistère ne s'exerce plus seulement de haut en bas mais filtre de bas en haut.

L'encyclique appelle très clairement à agir pour un changement destiné à éviter un désastre irréversible potentiel. […] Le pape veut exercer une influence pour le développement séculier le plus large de politiques visant au bien commun. Il tire avantage aussi bien du lieu d'où il parle, que des moyens de communication dont il dispose.

 

François d'Assise, icône de l'écologie humaine et environnementale

 

Quand se précisa l'imminence de l'élection pontificale de Jorge Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, son vieil ami le cardinal Hummes se pencha vers lui et lui dit : « Jorge, n'oublie pas les pauvres. » C'est à cet instant, racontera le pape, que saint François d'Assise est entré dans son esprit comme modèle de ce qu'il révérait : l'amour du pauvre et de tous les êtres humains : l'amour de la création, oeuvre d'un bienveillant Créateur qui nous a environnés des merveilles et des beautés de ce monde. Quand il lui fut demandé quel nom il porterait comme successeur de Pierre, sa réponse spontanée fut : « François. »

Les deux François sont centrés sur Jésus, fils du Dieu vivant. Le style de vie du Saint-Père, la force motrice qui anime son leadership, ce qui guide son regard, est une relation intime et profonde avec le Fils de Dieu. Cette union produit chaleur humaine, compassion, tendresse et sérénité. Elle s'exprime dans la joie de l'Evangile : la Bonne Nouvelle de l'amour de Dieu pour tous.

Modèle du pape en matière d'art de vivre, François d'Assise abandonna tout pour rendre vraie sa relation avec Jésus ; ce processus le rendit totalement libre. Il devenait ainsi capable de s'ouvrir et de rayonner l'amour envers les autres sans exception : d'où, en réponse, l'estime et l'amour de tous envers lui. Les milliers de gens qui suivirent sa procession funéraire témoignèrent de la totale identification avec son Seigneur qui s'était développée en François... Le Sauveur et lui ne faisaient plus qu'un.

Au dernier paragraphe de l'encyclique, le pape cite François comme un modèle et une référence pour nous guider dans nos relations avec chacun, ainsi que dans notre rapport avec le don de la création : le monde et l'univers. La rupture de notre relation avec autrui et avec le monde créé est au coeur de la crise écologique.

Le pape explique que le partage du prénom [avec saint François] a développé en lui une compréhension de la valeur inhérente à chaque créature en tant que produit d'une intention spécifique de Dieu. Chacune doit être respectée dans son propre droit à l'identité en tant qu'expression de la puissance créatrice de Dieu. C'est ainsi que saint François devint capable de s'adresser avec émerveillement et révérence à ses familiers « frère Soleil et soeur Lune ». François et eux étaient membres de la famille de Dieu, au sein de ce que nous allions appeler « la nature »...

 

La réalité d'aujourd'hui

 

L'équilibre et l'harmonie des rythmes de la nature tels que les voit François d'Assise, se sont détériorés en notre temps. De la révolution industrielle à notre propre époque, sous les exploits de la technologie, la nature et l'environnement ont fini par être réduits presque exclusivement au rang de ressources pour les besoins de l'homme. La mentalité consumériste s'est imposée partout où les dons de la création sont mis à la disposition du profit matériel, d'une mentalité égocentrique et d'un style de vie essentiellement abusif : celui de la consommation sans limites.

Selon le pape François, ceci a provoqué une fracture radicale en ce qui concerne à la fois l'homme et l'environnement.

En termes de relations avec notre famille humaine, trois milliards de nos frères et soeurs sont enfermés dans la pauvreté et la souffrance à cause d'un système qui oublie d'honorer leur dignité et qui échoue à les inclure dans une économie qui devrait en priorité nourrir toutes les créatures de Dieu. Ils sont abandonnés à un saccage opéré au nom du soi-disant progrès... Pire, souligne le pape : eux qui contribuent le moins à la crise environnementale en raison de leur façon de vivre, ils souffrent plus que les autres des conséquences de la pollution, du changement climatique et de la montée des océans qui menace les terres fermes.

Lié à cette dégradation galopante qui affecte tant de nos frères humains, il y a la crise dans l'écologie de l'environnement (la nature, la création prévue amoureusement par Dieu). Le pape François souligne cette réalité lorsqu'il écrit : « Notre soeur, la mère Terre qui nous soutient et nous gouverne... tombe gravement en ruines » ; « elle commence à ressembler de plus en plus à un immense tas d'ordures ».

Au coeur de cette rupture** environnementale, il y a ce que l'on appelle le changement climatique. Le pape partage l'analyse scientifique, selon laquelle ce changement, dans une large mesure, est issu de l'émission de dioxyde de carbone par l'usage des carburants carbonés : charbon, pétrole et gaz, couplé avec la déforestation et la disparition de ce qui aidait à l'équilibre de l'atmosphère en absorbant le gaz carbonique. Un effet de serre est déclenché dans l'atmosphère : il piège la chaleur en un « plafond » qui augmente la température, ce qui a un impact sur le climat, les eaux et la survie de micro-organismes et d'autres formes du vivant qui contribuent à l'équilibre de la nature.

Le consensus de 96 % des scientifiques est clair : le changement climatique est une réalité. Le pape constate que ce changement, avec ses effets destructeurs, est causé par l'action humaine ; cette situation nuisible est sous-tendue par une philosophie centrée sur la vision anthropocentrique. A l'inverse de la vision de François d'Assise (qui regarde toute la création comme un don de Dieu à respecter et à goûter dans le cadre d'une sauvegarde durable), cette façon de voir considère que la terre, la nature, n'existe que pour le profit humain : ce qui justifie et encourage la surexploitation. Voilà un système qui promeut la consommation sans fin de biens matériels, en affirmant qu'une telle façon de vivre apporte le bonheur. Le résultat de ce modèle est l'exténuation du monde. Il ne restera pas grand-chose aux générations qui nous suivront...

Etant donné que le problème du changement climatique est le résultat de l'activité humaine, il peut également être inversé par une intervention humaine. Le pape nous mène à une perspective d'espérance, qui devrait nous galvaniser et nous pousser dans une action dérivant de l'amour de la création, de la nature et de sa beauté intrinsèque.

Par ailleurs, nous voulons nous faire attentifs aux trois milliards de nos contemporains qui souffrent d'être laissés en arrière au lieu de partager de façon proportionnée la providence divine. C'est l'effet de ce que le pape appelle la « culture du rejet »...

En fin de compte, plusieurs [observateurs scientifiques] estiment que dès 2075 les dommages à l'environnement seront devenus irréversibles. Notre devoir envers les générations futures est donc de faire en sorte que nous leur laissions une maison habitable, et de sauvegarder pour eux les merveilles de la création de Dieu. Nous devons faire cela, parce que nous pouvons le faire !

 

La marche en avant

 

L'approche classique en matière d'action, dans la tradition catholique, est le « voir-juger-agir ».

1. Le premier pas est de voir, de réunir les informations scientifiques et sociales qui seront le socle de l'action future. Concernant les pauvres, les données sont plus qu'évidentes : il faut changer les systèmes politiques, économiques et sociaux pour établir un ordre qui traitera les pauvres pour ce qu'ils sont : les bien-aimés de Dieu. D'autre part, il est évident qu'un changement climatique se produit. Est-ce simplement un effet du modèle cyclique de la nature ? Est-ce induit par l'activité humaine ? Une réponse apparemment irrécusable est fournie par les informations scientifiques sur lesquelles se fonde le Saint-Père, par la disparition en cours de milliers d'organismes qui manifestaient l'acte de création de l'amour divin, et par les effets d'une culture dominante centrée sur l'homme.

2. Le pas suivant est l'acte de juger. Le pape a engagé son autorité magistérielle ; le consensus massif des scientifiques établit la réalité du changement climatique et identifie ses causes ; des responsables importants en conviennent – où que ce soit dans le monde. Du point de vue chrétien, lié au souci du bien commun et à l'espoir incarné par la résurrection, cette réalité existe et nous appelle à l'action individuelle et collective. Si quelque chose est évident dans le texte du pape, c'est son appel claironnant à agir. Nous devons changer les choses !

3. Le troisième niveau, celui de l'agir, offre différentes possibilités :

- Si la conviction nous met individuellement en mouvement, le St-Anthony Messenger (octobre 2015) indique où nous mènera une motivation forte :

« Le pape François pense grand, mais il comprend aussi qu'un changement systémique à grande échelle dépend de chacun d'entre nous. Nous pouvons tous faire de petits actes quotidiens, qui nous ferons sortir d'une mentalité de consommateur individualiste. Nous pouvons apporter notre appui à une société et une planète plus saines. Nous pouvons éviter d'utiliser plastique et papier, réduire notre consommation d'eau, trier les déchets, ne cuisiner que ce qui sera raisonnablement consommé, nous soucier des autres êtres vivants, utiliser les transports en commun ou le covoiturage, planter des arbres, éteindre les lumières inutiles, etc. Tous ces gestes expriment une créativité généreuse, consciencieuse et digne, qui met en valeur le meilleur de l'être humain. »

- Le deuxième niveau d'action est de soutenir, dans le cadre de notre situation locale, le développement et l'usage d'énergies vertes, propres et renouvelables. […] Nous autres dans l'Iowa, nous accueillons le début du cycle de l'élection présidentielle américaine. C'est une occasion particulièrement intéressante de discuter avec les candidats de l'importance que nous attachons à une révolution dans la production d'énergie. Cela implique pour nous une grave responsabilité envers le reste des Etats-Unis. Notre production et notre utilisation industrielles et domestiques sont responsables d'un pourcentage significatif des gaz à effet de serre qui produisent les problèmes climatiques : nous pouvons changer ça pour le bénéfice de tous, dans l'esprit américain de la réalisation par soi-même !

[ Après de substantielles citations du pape François sur le climat, la pauvreté et le modèle économique, Mgr Pates conclut : ]

Revenons à la figure de saint François d'Assise. Il se tient comme l'icône de l'oeuvre divine telle qu'elle peut découler de nous (ce qui est plus nécessaire que jamais) : voir la vérité sur l'ensemble de la création s'appliquer tout spécialement parmi nous les humains. Le pape François hérite du manteau du François du XIIIe siècle, et nous en avons grand besoin ! Le Saint-Père n'est pas seulement le leader de nous autres catholiques : il est celui de toutes les personnes de bonne volonté à travers le monde, sur la voie qui nous rend capables d'atteindre nos fins et de le faire dans l'amour.

La jeune génération, vous qui êtes réunis ici, tient une occasion remarquable de changer à la fois l'environnement humain et celui du reste de la création, et, ce faisant, d'introduire tous nos frères, les pèlerins de la terre, au bonheur le plus vaste.

Intitulé Changement climatique et bien commun, un communiqué de l'Académie pontificale des sciences et de l'Académie pontificale des sciences sociales déclarait en 2015 : « Au dessus des réformes institutionnelles et des innovations technologiques en vue d'énergies renouvelables et accessibles, il y a le besoin fondamental de réorienter notre attitude envers la nature et, par là, envers nous-mêmes. Trouver les voies d'une relation soutenable avec la nature exige l'engagement de scientifiques, de leaders politiques, d'éducateurs et de la société civile, mais ne réussira que si cela repose sur une révolution morale que les religions instituées sont particulièrement placées pour promouvoir. »

Mes amis, notre religion instituée n'est pas une organisation anonyme, sans visage et sans nom. C'est vous et moi. Le pape François nous adjure de le rejoindre, pour ouvrir la voie d'une écologie qui soit partout bienfaisante !  >>

 

 trad. PP.

 

_______________

* Fondé en 1839, le Loras College (1600 étudiants) est une université catholique située à Dubuque, Iowa.

** L'évêque inverse ici le sens du terme disruption (« rupture », « interruption »), devenu l'un des slogans du turbocapitalisme américain. L'intention ironique est discrète mais certaine.

*** Pris ici dans son seul sens authentique (la mystique chrétienne), le terme « icône » résonne étrangement aux oreilles contemporaines, habituées à entendre les médias utiliser ce mot dans son sens informatique déshumanisé – mais à propos d'humains.

 

 

Un des bâtiments du Loras College

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Commentaires

RÉEL

> Il y a quelque temps, un site intégriste français déclarait : "Mgr Richard Pates n'est pas un des évêques américains dont nous parlons le plus souvent". On comprend pourquoi : il marche avec l'Eglise réelle.
______

Écrit par : churubusco / | 03/02/2016

OUF

> Ouf. Une preuve que les évêques américains ne sont pas ce que la droite catho française veut croire. Thank you, bishop Pates !
______

Écrit par : JM Carrier / | 03/02/2016

RUBIO

> Le catho ? Celui-là ? "Rubio est catholique. Il est initialement baptisé dans la foi mormone puis devient baptiste et de nouveau catholique."

JG


[ PP à JG - Eh oui : tout est possible au pays de la "disruption". ]

réponse au commentaire

Écrit par : JG / | 05/02/2016

Les commentaires sont fermés.