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12/11/2015

"J'ai visité Smart City"

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"Le premier reportage réalisé par un avatar" :


 

<< Voici un reportage exclusif de notre envoyé spécial à Smart City, Tom 2.0 :

http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&a...

Ce reportage présente une double nouveauté. C’est le premier jamais réalisé par un avatar et le premier également sur la mythique Smart City, actuellement en construction entre Doha et Songdo. Nous ne doutons pas de voir cette double nouveauté suivie de multiples répliques, à plus ou moins bref délai, suivant les lois de l’imitation médiatique.

L’automatisation générale des emplois et métiers s’étend désormais aux journalistes, après avoir éliminé soudeurs, poinçonneurs, caissières et guichetiers. Normal. Tant qu’on nous réduira à l’état de robots, les robots nous réduiront à néant. Le journalisme était devenu depuis trop longtemps une fonction machinale, facile à décomposer en tâches successives à la portée de n’importe quel logiciel ou « smart rédacteur », pour échapper davantage à cette modernisation des modes de production des contenus.

Inutile de s’affliger ou de verser dans les jérémiades nostalgiques et réactionnaires, la plupart des lecteurs ayant eux-même embrassé avec enthousiasme l’idéal numérique et n’aspirant à rien d’autre qu’à la perfection mécanique.

Ils se régalaient ainsi, depuis des décennies, des mêmes articles sur les mêmes sujets, rédigés suivant les mêmes angles et les mêmes formulations ; et ils auraient été si perturbés qu’on y change quoi que ce soit, qu’ils auraient cessé d’acheter leurs supports habituels. Il est d’ailleurs question de remplacer les lecteurs par des liseuses électroniques qui raconteront le contenu du journal à leurs propriétaires.

Ce psittacisme rassurant affectait particulièrement le reportage. Chaque reporter avant de s’envoler pour Shanghaï, Dubaï ou la Silicon Valley, prenait soin de copier les lieux communs déjà accumulés par ses confrères sur le même sujet, et de valider avec son rédacteur en chef ce qu’il était censé rapporter de son bref aller-retour sur place. Le reportage ne servait en fait qu’à illustrer le pré-script, à lui donner la caution du « vécu » et du « réel ». L’imprévu et l’improbable étant proscrits au nom de la « crédibilité ». Et tant pis pour la théorie qui mesure l’intérêt d’une information à son éruptive nouveauté. Au mieux, le talent du reporter était de savoir répéter ses prédécesseurs, en ajoutant ses tics personnels et en montant des détails en épingle à l’usage de ses successeurs. Il s’agissait en somme de se distinguer dans la redondance.

Nous avons donc décidé de raccourcir les circuits de production journalistique et d’éliminer l’inutile et coûteux pseudo-reportage sur place. Tout est sur le réseau. Il suffit d’y rôder pour trouver les images, les témoignages, les personnages, les rencontrer, les interroger et en rapporter bien plus d’informations que d’un séjour en hôtel, entre deux avions.

D’ailleurs la vie est un songe. La présence réelle (In Real Life), une simple image virtuelle générée par le Grand Ordinateur, et nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves. Rien qu’une combinaison d’algorithmes : de l’information qui circule... >>

 

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Commentaires

SMART WORDING

> Cet exercice de "smart wording" - comme nous disions déja dans les années 1990, dans notre département marketing pour nous moquer de notre directeur - est hilarant et terriblement vrai à la fois !
Ce qui me trouble: le "basculement des blogueurs "dans le capitalisme du XXIeme siècle !"
Mais la 2ème moitié du reportage semble bien avoir été écrite par un humain. Et même un Franchouillardo-Gaulois !
 " Vous êtes récalcitrant quand on vous simplifie la vie ? C'est votre choix, vous n'êtes pas obligé d'adhérer.
Son sourire jusque là impeccable s'effrite."
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/11/2015

STORYTELLING

> Vous verrez qu'ils nous justifieront cela par un prétexte écologique : "Grâce à leurs avatars, nos envoyés spéciaux ne sont plus envoyés nulle part et ne prennent plus jamais l'avion !"
En ce qui concerne le "storytelling" de ce que vous appelez justement les pseudo-reportages, j'en ai vraiment pris conscience en 2005, suite à une séquence sur les survivants de l'ouragan Katrina en Louisiane (il me semble que c'était Envoyé Spécial). À l'image, un sauveteur en canot hélait des habitants piégés à l'étage de leur maison inondée, pour leur confirmer, selon le commentaire en voix-off, la disparition d'un de leurs proches. S'ensuivaient des cris de douleur très poignants. En réalité, le sauveteur annonçait que la personne était saine et sauve, et les cris étaient de soulagement.
Les responsables du reportage, "démasqués" et interrogés par une enquêtrice d'Arrêt sur Images, avaient fini par avouer – sans guère de scrupules eu égard à leur carte de presse – que "ce qui compte, c'est l'histoire". Aujourd'hui, ce genre d'entourloupe doit être tellement courant que Daniel Schneidermann ne s'y arrête plus. D'autant qu'à présent, il serait bien en peine d'inviter l'algorithme responsable à venir s'expliquer sur son plateau !
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Écrit par : Albert Christophe / | 12/11/2015

LE LIBÉRALISME

> Bien qu'indirectement lié, cet article me remémore ce dessin humoristique de Scott Adams, lequel m'a toujours fait particulièrement rire :
http://dilbert.com/strip/2010-01-18
Je vois ici plus une conséquence du libéralisme que l'incrimination du progrès scientifique. Les lois économiques simplistes du libéralisme poussent naturellement l'humain hors du système. S'ils en étaient capables, ils remplaceraient tous les travailleurs par des machines bien plus rentables pour alimenter ce si précieux marché de masse planétaire. Sauf que ces travailleurs sont aussi les consommateurs, ruinés car au chômage. Comble d'absurdité.

JC

[ PP à JC - Je partage votre analyse, d'autant que je la développe dans "Face à l'idole Argent" ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : JClaude / | 12/11/2015

> Il y a le meilleur et le pire dans 'Pièces et main d'œuvre'. L'idée première est excellente mais elle dévie parfois dans des errements qui la décrédibilise. Ainsi, si cet article est plutôt juste, il fait référence par exemple à un autre article, sur Le Corbusier, qui est plein de mauvaise foi. Cet autre article reprend de vieux faux procès faits à l'architecte et passe sous silence les réponses qu'il a lui-même longuement donné aux accusations.
Le Corbusier s'est beaucoup démené dans l'arène des polémiques et des manifestes, écrivant un peu dans tous les sens. Par un choix d'éléments courts et hors contexte, on peut lui faire dire tout ce qu'on veut. Je pourrais très bien refaire un choix qui le présente en parfait luddite.
Si en revanche on étudie sérieusement l'ensemble de son œuvre, on ne peut qu'être frappé par sa vision très humaniste, insistant sur la haute valeur de l'homme et sur l'importance de lui garder une proximité avec son histoire et avec la nature. Sa pensée est proche de celles de grands penseurs chrétiens de l'époque comme Emmanuel Mounier, et il pourrait être considéré comme l'un des pères de l'écologie intégrale, à mille lieues des totalitarismes technocratiques.
L'histoire de la "machine à habiter" vient d'un malentendu qui a été monté en épingle. Le concept vient des classiques. Sa formulation volontairement provocatrice veut faire la promotion d'une architecture faite entièrement pour l'homme, pour l'utilisateur, et non pour la gloire artistique de son créateur. C'est l'avènement d'un âge technocratique qui en a déformé l'interprétation. La "machine à habiter" était une création humaine destinée à mettre en valeur, non pas elle-même, mais l'homme et la nature.
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Écrit par : Guadet / | 12/11/2015

BOTS

> Notez que depuis plusieurs années déjà, des bots (= robots informatiques) sont utilisés pour rédiger des articles de journaux 'faciles à écrire', comme par exemple des commentaires de résultats sportifs locaux aux états-unis.
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Écrit par : Barthélémy / | 12/11/2015

TRISTE ET VRAI

> Puisque l'on parle de travail : ce midi, en allant sur le web, je suis tombé sur cet article :
http://www.economiematin.fr/news-travail-emploi-stress-maladie-esperance-vie-mort-sannat?ref=yfp
Dur... mais tellement vrai. C'est en tout cas ce que je ressens. A tel point que, après l'avoir lu, j'ai été à deux doigts de m'enfermer dans mon bureau pour pleurer à chaudes larmes, de joie et tristesse mêlées...
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Écrit par : Feld / | 12/11/2015

UBER

> Plutôt que de journalisme automatisé ou robotisé, parlons de l’ubérisation de l’information à l’heure où des patrons de presse s’efforcent d’imposer des agrégateurs de contenus (type Netvibes), rassemblant tout et n’importe quoi, en guise de matière première pour la confection de leurs journaux. Ne leur parlez plus de dépêches produites par des professionnels de l’information en prise directe avec l’événement ! L’heure est aux réseaux sociaux, aux contributions gratuites, aux twitter-rédacteurs… Ainsi va le monde : Internet über alles !
Contradiction ? Les éditeurs de journaux commencent à se rendre compte que la gratuité du Net est un piège mortel, non seulement pour leurs publications, mais aussi pour l’information vraie et vérifiée, objective, experte, sourcée. Ils révisent le périmètre de leurs sites web, font davantage payer les contenus. Beaucoup continuent cependant à se laisser bouffer et bouffonner par le « monde prodigue » de l’hyperconnexion, vendu par exemple par le (de nouveau) fringant Jean-Marie Messier (lundi dernier dans « Le Figaro »).
Face à tous ces enfants prodigues, les professionnels de l’information se rebiffent-ils suffisamment ? Tel journaliste média, Alexandre Debouté (Figaro), complice mais pas dupe, se dira ainsi sur twitter : « Journaliste comme tout le monde ici ». Beau métier que celui des faiseurs d’opinion en 140 signes !
Ici ou là, d’autres voix s’élèvent. Il y a quelques jours, une centaine de journalistes du leader de la presse professionnelle en France (« L’Usine nouvelle », « LSA », La Gazette des communes », « Le Moniteur », une cinquantaine de titres au total) ont fait grève pour obtenir le maintien des abonnements AFP du groupe. Dans leur quasi-totalité, les abonnements à l’Agence France Presse venaient d’être supprimés pour des raisons d’économies et au prétexte que la multitude des contenus googlisés et indexés par mots clés offrirait une matière nécessaire et suffisante – à défaut d’être satisfaisante – pour animer n’importe quelle conférence de rédaction. Après deux journées et demi de grève de ces journalistes s’élevant contre l’info low-cost, leur direction a accepté de réexaminer la question. L’info a beau être à tout le monde, elle n’est jamais mieux servie que par des pros !
______

Écrit par : Denis / | 12/11/2015

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