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08/11/2015

La foi chrétienne n'est pas un culte de "la famille"

famille,catholiques,synode

'' Que la famille chrétienne soit confondue avec une sorte de serre chaude ('valeur refuge', dit-on de manière exécrable) où le dernier reste des croyants se mettrait à l'abri des vicissitudes du temps, ne saurait être que désastreux'', écrit Roland Hureaux dans la revue Résurrection : 


 

On se demande pourquoi les séminaires français restent dépeuplés, alors que le catholicisme «conservateur» est supposé s'être « réveillé » et marcher résolument vers l'avenir ? Discutez avec un prêtre en poste dans une paroisse b.c.b.g. : il vous dira que nombre de familles – dans ce milieu pourtant si paroissien – jouent un rôle dans l'étouffement des vocations, parce que les fils sont d'emblée voués aux business schools par les parents. Peut-être aussi pour des raisons plus profondes... Là-dessus on lira avec profit les deux articles de Roland Hureaux dans le dernier numéro de Résurrection.*

Extraits :

<< Inséparable de la vocation au mariage est la vocation tout court, à une profession ou à une mission. Les exemples de la Bible ou de l'histoire chrétienne, voire profane, montrent que la vocation est elle aussi le plus souvent inséparable d'une coupure avec le milieu où l'homme se trouvait au préalable. […] Il y a un lien direct entre la radicalité de la coupure d'Abram, devenu Abraham, avec son pays d'origine et la fécondité extraordinaire qui lui est promise […]. Il y a aussi la vocation de Moïse, celle de Samuel, celle de David, celle de prophètes qui commencent toutes par un départ ou une rupture avec des attaches antérieures. Le Seigneur lui-même entame sa carrière par une sorte de fugue […]. Et plus tard, les siens (sa « famille », quel que soit le lien de parenté exact de ses « frères ») tentent de le retenir, en vain […]. Curieux destin d'ailleurs que cette sainte famille fêtée depuis 1893 […] et illustrée par un évangile qui raconte la fugue de Jésus au Temple. La suite de l'Histoire confirme l'importance dans la tradition chrétienne de ce caractère individuel de la vocation... >>

<< La famille est tout sauf une réalité figée devant le photographe, destinée à se contempler elle-même. Elle est intrinsèquement un lieu de passage. Les enfants naissent mais le père et la mère ont pour premier devoir de faire de ces enfants des hommes et des femmes accomplis ; Et cet accomplissement, c'est celui d'une vocation qui leur échappe [... ] Permettre à chacun de ses enfants de découvrir et accomplir sa vocation entièrement singulière, est la première tâche de l'éducation. Et elle comporte elle aussi une césure, éventuellement douloureuse quand la vocation en cause contredira les attentes des parents... >>

<< Aucune autre religion que le judaïsme et le christianisme n'a joué aussi souvent l'individu contre le groupe, l'individu n'existant qu'en s'appuyant sur Dieu. Aucune ne s'attache comme eux à le faire échapper au déterminisme du clan ou de la société. En ce sens, le christianisme est tout le contraire d'une religio, celle-ci étant définie comme le lien social suprême, il est au contraire ce qui libère du lien social... >>

[A propos du mythe « contre-révolutionnaire » de la Famille, infiltré dans le catholicisme au XIXe siècle:] << Dans cette vision idéologique, voire néo-païenne, de la famille, il n'est pas question bien entendu du caractère fécondant et nécessaire des ruptures, pas davantage du fait qu'elle n'est qu'une réalité transitoire... >>

<< Ce que l'on tient généralement pour l'individualisme, soit l'égoïsme, la recherche immédiate des plaisirs par les individus, est au contraire marqué du sceau de la grégarité, par exemple l'achat de certains produits à la suite de l'effet de la mode ou de la publicité ; Roland Barthes, Guy Debord, René Girard, ont montré comment la société moderne propose moins des jouissances proprement dite que des images, du « spectacle », l'imitation des autres, tout le contraire du choix individuel. En outre, la consommation effrénée de tel ou tel bien, ou la consommation en général, ont souvent, dans la société de marché qui est la nôtre, les caractères de l'addiction qui est aussi une forme d'engluement dans la matrice. >>

<< Beaucoup se réjouissent du fait que, selon les sondages, 80 % des Français, y compris des jeunes, aient une opinion personnelle favorable de la famille. Ah enfin ! Une valeur traditionnelle qui résiste, dit-on. Mais de quelle famille s'agit-il ? De la famille de l'amont, d'où l'on vient et qui peut être dangereusement captatrice, ou de la famille de l'aval, celle qu'il faut fonder parfois dans la douleur ? Parle-t-on généalogie ou parle-t-on couple ? Tenir pour absolument positive une notion aussi ambivalente, n'est pas sans risque. Il serait en outre à la fois faux et peu porteur, spécialement parmi les jeunes, de laisser croire, en se référant abusivement à la famille, que le christianisme est forcément du côté de l'agrégation contre l'individu, de la structure contre l'électron libre, du consensus contre la dissidence. Alors que tant l'Ecriture que l'histoire montrent que c'est généralement le contraire ! >>

<< Il importe que ne soit pas perdue de vue la dimension violemment libératrice de la famille biblique et véritablement chrétienne, tout à l'opposé du holisme traditionaliste dans lequel une certaine gnose catholique a pu se complaire... >>

 

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* Résurrection a été fondée en 1956 par Mgr Charles. Son directeur est le P. Michel Gitton. Son rédacteur en chef est Roland Hureaux. La revue est éditée par Parole et silence. Ce numéro pour le synode s'intitule La famille, un chemin de liberté et réfute le mythe libéral-conservateur – quasi païen – de la « famille valeur-refuge ». Sommaire : Un sacrement au principe de la famille (P. Michel Gitton), La reproduction sexuée, une victoire paradoxale (Isabelle Rak), Individu et famille (Roland Hureaux), L'Eglise contre la famille ? (Jean Marensin), L'amour ou la guerre (Gabriel Nanterre), La crise de la famille sous le regard des professionnels (Aude Julienne, Ghyslaine jacques), La miséricorde par temps de trouble (Roland Hureaux). Dans ce dernier article, l'auteur souligne que « le capitalisme tend à transformer tout homme en ''particule élémentaire'', sans référentiel stable ». C'est en ce sens que je parle (notamment dans Face à l'idole argent, la révolution du pape François) d'un « hyper-individualisme » produit et diffusé par le formatage économique ; Hureaux donne au terme individualisme un autre sens, positif, celui de l'individuation.

http://www.revue-resurrection.org/

 

 

 

11:16 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : famille, catholiques, synode

Commentaires

FAMILIOLÂTRES

> Remarquable.
On aimerait lire un jour une «histoire des obstacles opposés à l'Église par le catholicisme contre-révolutionnaire (et ses descendants)»… On y étudierait aussi bien les obstacles intellectuels (parfois influents sur certains textes magistériels du XIXe siècle) que les obstacles sociologiques — apparent dans l'histoire de nombre de nouvelles fondations, violemment combattues alors au nom de la «protection de la famille»…
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Écrit par : Philarête / | 08/11/2015

"VALEURS"

> L'engagement "nataliste" des évêques aura été une courte parenthèse dans l'histoire de l'Eglise catholique. Il prend son essor aux alentours de 1850, en réponse à la généralisation des pratiques contraceptives; mais surtout après la Grande Guerre, dans les années 20 et 30, pour des raisons à la fois nationales et religieuses. On demande alors aux époux de donner des enfants à la patrie et à l'Eglise, et si possible en quantité.
Après la 2nde Guerre Mondiale, la tension retombe et, en 1951, Pie XII admet la légitimité de la régulation des naissances. C’est que, depuis quelque temps déjà, s’était développée une réflexion de fond visant à reconnaître la dimension spirituelle de la relation amoureuse et du désir qui lie les époux. « En recherchant ce plaisir et en en profitant, déclarait Pie XII, les couples ne font rien de mal. Ils acceptent ce que le Créateur leur a donné. »
Mais cette façon d’envisager la famille positivement, est longtemps restée marginale dans l’Eglise.
Alors qu’entend-on par la "famille traditionnelle" et ses "valeurs" ?
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Écrit par : Blaise / | 08/11/2015

ÉVANGÉLISER

> A l'occasion du dernier synode, les théologiens ont même souligné le caractère inadéquat de la formulation "l'Evangile de la famille". La famille, comme les autres réalités humaines, doit être évangélisée; elle ne constitue pas en soi une Bonne Nouvelle. Et qu'est-ce que l’Évangile? l'annonce du Salut apporté par le Christ. Donc l'annonce d'une famille alternative, purement spirituelle.
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Écrit par : Blaise / | 08/11/2015

LES ENFANTS

> Merci pour ces extraits des textes de Roland Hureaux, notamment touchant à l’étouffoir que peuvent constituer les familles bourgeoises en termes de vocations.
Cette éducation à la liberté, elle commence très tôt, dans le respect, déjà, des enfants qui demandent le baptême, à l’âge de 7, 8, 9 ans…
L’accompagnement affectueux de la demande de l’enfant par les parents est plus que désirable, bienfaiteur, mais ce dont l’Eglise doit prioritairement s’enquérir, pour un enfant de cet âge, c’est de sa volonté libre de poser un acte libre pour suivre Jésus-Christ. Et déjà à ce stade, des tensions peuvent se faire jour avec les parents.
Il reste ensuite, après le baptême et la première communion, qui sont la plupart du temps célébrés le même jour à ces âges-là (en tout cas dans le diocèse de Versailles, auquel j’appartiens), à maintenir le lien, car si un chemin de conversion s’est ouvert pour l’enfant, le cœur des autres membres de la famille n’a pas toujours été éclairé au même degré.
A l’égard des jeunes, en général, et aussi de la formation des prêtres, je recommande la lecture de l’interview du modérateur général – le supérieur – de la communauté Saint-Martin, principal vivier de prêtres aujourd’hui en France (pour un extrait de l’interview : http://www.famillechretienne.fr/eglise/vie-de-l-eglise/communaute-saint-martin-une-reponse-a-la-crise-des-vocations-180758 ) :
Question du journaliste de « Famille chrétienne », Aymeric Pourbaix, à Don Paul Préaux (en lien avec la figure de saint Martin, catéchumène tout brûlant de l’amour du Christ, dont nous fêtons le 17e centenaire de la naissance) :
– Qui sont les pauvres auxquels vous souhaitez aujourd’hui annoncer le Christ ?
– Il me semble, ce n’est pas exclusif, que ceux qui en ont le plus besoin, aujourd’hui, ce sont les jeunes. Une quarantaine de prêtres de la Communauté travaillent actuellement dans la pastorale des jeunes : c’est une piste.
– Les jeunes, les pauvres d’aujourd’hui ? Ce n’est pas l’acception commune…
– Un jour, un évêque m’a confié : “Je suis attristé de voir dans mon diocèse que les jeunes ne sont pas suffisamment pris en charge”. Son cœur de pasteur saignait : les jeunes ne sont pas évangélisés, comme des brebis sans berger. Oui, il y a chez beaucoup de jeunes une réelle pauvreté humaine, morale et spirituelle. Comme saint Martin, nous devrions tout faire pour nous rendre proche d’eux, les aider à discerner les pièges actuels et criminels de l’idolâtrie, leur enseigner avec douceur et fermeté le chemin de la liberté, en leur annonçant la beauté de la vérité évangélique. Martin n’a-t-il pas déboulonné les idoles de son temps ? »
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Écrit par : Denis / | 08/11/2015

ON RESPIRE

> Alleluia! On respire enfin entre deux dossiers "spécial famille" de la presse catho plus ou moins intellos et deux livres sur "la famille chemin de sainteté" et blablabla. Hâte d'en lire l'ensemble. Mais l'article ne semble pas parler de la famille bourgeoise en particulier, mais de la famille dans ce qu'elle a toujours d'un peu tribal.
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Écrit par : Maud / | 09/11/2015

RAPPELS

> Rappelons que selon l'Eglise la famille est l'Eglise domestique, elle est donc tournée vers l'extérieur et n'est pas une finalité en soi.
La sainte famille a été un tremplin pour le Christ, pas son but.
Que selon l'Eglise (et la logique !) la famille a un prolongement qui s'appelle "la nation".
la nation est selon Jean-Paul II, "un ensemble de gens de même culture".
Or la culture est d'une part un ensemble d'us et coutumes qui sont une recherche d'harmonie pour vivre ensemble, une recherche du Bien Commun, le Bien qui est Dieu et d'autre part la culture est aussi l'art qui est une recherche du Beau qui est "le visage de Dieu".
La culture n'est donc pas plus "bobo" que le "bien commun", la res publica n'est maçonnique.
Pour cela il faut s'organiser: c'est le domaine de la "politique" qui est "le domaine de la plus vaste charité" (dixit Pie XI) pour la gestion de "la maison commune" (expression du pape François).
La "maison commune" nous est commune parce qu'elle nous vient de notre père commun c'est la "patrie" (aucun rapport donc avec le XIXe !).
Quant à "gestion de la maison" c'est ce qu'étymologiquement signifie le mot "économie".
Et comment doit-on gérer cette maison ? selon l'ensemble des règles qui sont les siennes, ensemble qu'on nomme "écologie".
Famille, économie, patrie, écologie, nation, politique, république : aujourd'hui tous ces mots sont comme des gros mots.
Parce qu'ils ont été abandonnés aux pétainistes, ou aux francs-maçons, aux nationalistes, aux libéraux etc.
Ils nous semblent des gros mots parce qu'on a perdu le sens véritable, le sens chrétien qui les fait tous tenir ensemble pour un but ultime : aimer et vivre avec Dieu notre Père.
Ce sont des moyens, pas des buts.
Tant qu'on ne l'aura pas à l'esprit, on se perdra en faux problèmes.
Le vrai problème c'est la déchristianisation qui en traîne une "défraternisation".
C'est ce que dit le "Pélerinage pour la nouvelle évangélisation de la France".
C'est ce que la journaliste au Nouvel Obs et prix Albert Londres 2013 Doan Bui, a compris :
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/elections-europeennes-2014/20140527.OBS8628/vote-fn-qu-est-ce-que-la-france-a-fait-au-bon-dieu.html
lisez l'article jusqu'au bout !
venant d'un Prix Albert Londres ça a du poids.
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Écrit par : E Levavasseur / | 09/11/2015

@ Denis

> je confirme. Moi aussi, je suis très frappé par le constat du père Paul Préaux, quand il dit que "les jeunes ne sont pas évangélisés, comme des brebis sans berger. Oui, il y a chez beaucoup de jeunes une réelle pauvreté humaine, morale et spirituelle". Je m'en rends de plus en plus compte, tant au lycée qu'en aumônerie : ils sont à l'abandon, et la rupture de transmission (humaine, morale, spirituelle - et culturelle, ajouterais-je) s'accentue chaque année.
Dans l'Église, passée la première communion, les jeunes sont pastoralement abandonnés, et le nombre minuscule de confirmands révèle cela de plus en plus. Entre 10 et 15 ans, c'est pourtant l'âge ou jamais de leur donner des structures, des fondations solides pour l'intelligence de la foi. Mais on baigne dans le sentimentalisme mou, partout, entre les ridicules querelles sur les sacro-saintes "méthodes" de catéchisme et les 'groupes de partage' pour adolescents où l'on ne parle surtout pas de la foi en Jésus, mais de sujets de société et d'actualité. S.O.S. (Lord, Save Our Souls) !
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Écrit par : Alex / | 09/11/2015

BAR MIZVAH

> "Aucune autre religion que le judaïsme et le christianisme n'a joué aussi souvent l'individu contre le groupe, l'individu n'existant qu'en s'appuyant sur Dieu."
Avant, je ne sais pas, mais aujourd'hui, une Bar mizvah ressemble de plus en plus souvent à cela :
https://www.youtube.com/watch?v=G8NTnnEPdUM
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Écrit par : Thomas Mousset / | 09/11/2015

L'ERREUR

> "les jeunes ne sont pas évangélisés, comme des brebis sans berger."
Quand on s'adresse aux jeunes c'est toujours aux mêmes et avec des "grand-messes" qui coûtent cher où l'on recherche le spectaculaire : grands raouts cathos où le nombre est recherché, où l'on fait beaucoup de bruit.
Et puis il y a les petites actions qui marchent bien, avec beaucoup de patience et aucun moyen.
Autres catégories abandonnées : les campagnes et les banlieues.
On fait aujourd'hui avec les campagnes et les banlieues la même erreur qu'avec les ouvriers au XIXe. Après les avoir abandonnés, on a reproché aux ouvriers de voter communiste, on reproche aujourd'hui aux banlieues de "ne pas bien voter" et aux campagnes de faire des barrages et des opérations escargots.
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Écrit par : E Levavasseur / | 10/11/2015

@ Levavasseur :

> Oh oui ! je vis à la campagne, loin de l'évêché... Le tout-pour-les-villes est dur à subir pour les gens d'ici : d'où déchristianisation massive (depuis au moins 150 ans, au vu des historiens locaux) et vote FN en hausse.
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Écrit par : Alex / | 10/11/2015

QUESTION

> E Levavasseur, par qui ces grands rassemblements bruyants et spectaculaires sont-ils organisés ? Est-il interdit de le dire ?
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Écrit par : Thomas Mousset / | 10/11/2015

BALTHASAR

> Un texte intéressant de HUvB qui était paru dans 'Communio' :
http://www.communio.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=1214:19803073-jesus-bouc-emissaire&catid=186&Itemid=95
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Écrit par : Maud / | 11/11/2015

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