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19/10/2015

Le pape, les papophobes et nous

Après la note du 17/10, un message de lecteur et ma réponse :


 

Girondin, lecteur de ce blog, nous envoie les réflexions suivantes :

<< Recevant dans ma boite mèl les infos de Liberté politique (et bien d'autres de toutes sortes) j'ai exprimé samedi mon indignation  - devant l'exécution sans nuances du pape par M.Billot de Lochner et surtout devant son incompréhension de Laudato Si - en utilisant la fonction "contact" de leur site. J'ai lu l'encyclique cet été et suis entièrement convaincu par son fonds même si je l'aurais préférée plus spirituelle et plus imprégnée des Pères de l'Eglise à l'image de la très belle et courte lettre récente du patriarche Bartholomée sur le même sujet ; elle est en effet à mes yeux un peu encombrée de démonstrations techniques (mais qui ne sont pas pour autant des détails, certes) montrant que François a bien intégré toutes les problématiques scientifiques et politico-sociales du sujet. En tout cas c'est à nous, chrétiens de base, de la faire vivre maintenant dans nos paroisses et communautés.

Toutefois par ailleurs, je regrette que votre dénonciation justifiée des outrances de M.Billot de Lochner s'accompagne sur le site d'une énième manifestation d'opposition à LMPT qui certes, ne se place pas sur le plan de l'écologie environnementale mais agit justement et avec toute raison sur le créneau qui est le sien. Et je n'apprécie pas que des catholiques sincères s'appuient sur le partage que font les écologistes intégristes de La Décroissance entre brebis et boucs au sein de l'Eglise ("les baby-boomers tièdes et niais" : qu'en savent-ils ?)

Jouons donc plutôt la carte de la complémentarité et de l'unité au lieu de rejouer façon années 1970/80 les scènes de la division mortelle entre chrétiens catholiques même quand on prétend s'y opposer. >>

 

 

Réponse

 

D'accord avec vous sur plusieurs points, sauf ceux-ci :

1. Je suis surpris que vous puissiez voir dans ce que j'ai écrit une « opposition envers LMPT ». La situation que j'ai évoquée est la suivante :

les agitateurs anti-François (type Zemmour ou Billot) cherchent à manipuler une partie du public catholique en se réclamant bruyamment, et illégitimement, de « l'esprit LMPT » qui serait (selon eux) trahi par le pape ;

il faut dissiper cette confusion dangereuse et dénoncer les intérêts partisans (donc nullement religieux) qu'elle sert ;

les seuls qui puissent dissiper la confusion sont les animateurs légitimes de LMPT, qui se trouvent être des catholiques (comme 95 % des manifestants de 2013-2014), bien que LMPT ne soit pas un mouvement confessionnel ;

D'où la suggestion que je fais à ces animateurs. Une suggestion n'est pas une prise à partie !

Je fais d'ailleurs la même suggestion aux évêques français depuis plusieurs mois : il est périlleux de laisser les « athées pieux » continuer à influencer une partie du public catholique dans un sens qui n'est pas celui de l'Eglise. On me dira que M. Billot n'est pas un athée ; je répondrai que son for intérieur ne me regarde pas, mais qu'il parle (c'est un fait) comme les « athées pieux ».

 

2. J'ai participé aux Manifs pour tous. Je viens de donner à Nantes une conférence pour les AFC en compagnie du premier président de LMPT, Guillaume de Prémare : ses analyses et les miennes ont convergé, les questions de l'assistance aussi. Idem à la Sainte-Baume en août... La « complémentarité » dont vous parlez existe ; le pape François y appelle. Seuls s'y opposent les agitateurs bergogliophobes, qui roulent, non pour l'Eglise, mais pour le lobby économique libéral (cf. la liste des orateurs de leurs colloques). Je crois que vous voyez l'urgence d'éclairer le public catholique à leur sujet ! C'est à quoi s'emploient ce blog et nombre d'autres réseaux en France ; et c'est pour cette raison que les bergogliophobes nous accusent de « diviser », alors qu'ils sont eux-mêmes au bord du sédévacantisme.*

 

3. Sur l'encyclique, deux observations :

Les chapitres sur l'évangile de la Création (pages 49 à 78) et la spiritualité écologique (pages 155 à 183), ainsi que les deux splendides prières finales, ont une densité théologique et mystique indéniable.

La technicité des pages sur l'environnement a un précédent : le message de Jean-Paul II du 1er janvier 1990, que j'invite chacun à consulter sur le site du Vatican, et qui parle avec force du saccage de la planète (changement climatique compris) par le modèle économique actuel.

En tout cas merci de votre message, qui a permis ce débat.

 

_______________

* Il ne me semble pas que notre blog ait parlé d'autres catholiques en termes humainement insultants. Ici nous ne nous en prenons pas aux êtres, mais aux idées quand c'est nécessaires !   

 

Commentaires

MOTS

> Je ne publie pas les messages contenant des mots-symptôme du sectarisme, tels que "réchauffisme" ou "papolâtrie". Qu'ils aillent vers leurs déversoirs habituels.
______

Écrit par : PP / | 19/10/2015

MANENT

> Monsieur, je serais très intéressé par votre point de vue sur le dernier livre de Pierre Manent, Situation de la France. L'avez-vous lu ?
Cdt, JP

Paulet


[ PP à P. - Pas encore. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Paulet / | 19/10/2015

"ATHÉES PIEUX"

> En toute fraternelle sincérité, j'avoue (et j'aurais dû le faire plus tôt) que l'expression "athées pieux" ne me paraît pas recommandable. Certes, c'est un oxymore ingénieux; mais il a le double inconvénient d'attaquer, par chacun des deux termes qui le composent, ce qui se passe à l'intérieur des personnes. Que savons-nous de la foi d'autrui? Que savons-nous de sa piété? Pour que la polémique soit pleinement chrétienne, elle doit critiquer des attitudes objectives et des idées explicitement formulées, plutôt que de ranger les personnes elles-mêmes dans des catégories, si subtiles que soient lesdites catégories.

JMS

[ PP à JMS :
Cette expression purement descriptive (puisqu'elle vise des comportements et des déclarations) est de Mgr Daucourt, évêque émérite de Nanterre.
Il l'a placée dans un éditorial de son bulletin diocésain en 2013 pendant les Manifs pour tous. Elle désignait précisément l'attitude objective de surenchère qui se développait en ce temps-là, en marge des manifestations, dans des milieux qui assiégeaient l'Eglise de leur encombrante "sollicitude" - avec de lourdes arrière-pensées séculières ; attitude qui commençait à contaminer une partie du public catholique, par osmose.
Je n'ai donc aucun scrupule, cher Jean-Marie Salamito, à employer (exclusivement dans son acception et même son contexte originels) cette expression qui nous vient d'un pasteur de l'Eglise... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Jean-Marie Salamito / | 19/10/2015

A P. de Plunkett:

> Merci pour l'attention que vous avez portée à mon message.
Ma préoccupation ne venait pas spécifiquement de votre question aux animateurs de LMPT, encore que les sélectionner explicitement pour faire barrage aux bergogliophobes puisse les désigner indirectement comme favorisant ce comportement ou en porter une part de responsabilité.
J'en avais surtout aux surenchères de certains contributeurs que je trouve trop fréquentes et n'apportant rien, au contraire. L'ambiance d'un site est faite tout autant par eux que par le (ou les) animateur(s) .
Fraternellement.

Girondin


[ PP à G. :
- Les contributeurs dont vous parlez se sont raréfiés ces temps-ci.
- Mon texte ne fait nullement porter sur les animateurs de LMPT la responsabilité des surenchères commises par Zemmour ou Billot, qui ne les représentent en rien !
- En revanche, je me permets de penser que les animateurs de LMPT ont la responsabilité de rassurer une partie de leurs troupes, ébranlées par les surenchères en question...
- C'est le sort de tous les chefs : ils ne sont pas responsables seulement de ce qu'ils ont voulu. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Girondin / | 19/10/2015

@ P de P, sur sa réponse

> Une solution serait peut-être de dire "athéisme pieux" ou "piété sans Dieu". L'attitude objective serait ainsi visée, non les personnes.

JMS


[ PP à JMS :
- Sans doute. Mais la formule est d'un évêque...
- Etant moi-même un converti venu de l'athéisme, je crois avoir le droit de parler des athées de droite. J'ai bien connu ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : Jean-Marie Salamito / | 19/10/2015

LE DISCOURS DU PAPE LE 17 OCTOBRE

> “Le chemin de la synodalité est celui que Dieu attend de l’Église au troisième millénaire” explique le pape François.
17 octobre 2015, discours du pape François lors de la commémoration du 50e anniversaire de l’institution du synode des évêques.
C’est dans la salle Paul VI que le pape François a prononcé son discours pour la clôture des commémoration du 50e anniversaire de l’institution du synode des évêques, devant tous les participants du Synode pour la famille.
Dans son intervention, le pape a retracé l’histoire de ces 50 années, évoquant ses prédécesseurs qui ont fait évoluer cette assemblée synodale, ainsi que lui-même, convaincu que « le monde dans lequel nous vivons, et que nous sommes appelés à aimer et à servir même dans ses contradictions, exige de l’Église le développement de synergies dans tous les domaines de sa mission ».
Dans une deuxième partie, il a esquissé en quoi consiste la démarche synodale : « Cheminer ensemble – laïcs, pasteurs, évêque de Rome – », où le sensus fidei du Peuple de Dieu peut aider à « discerner les nouveaux chemins que le Seigneur ouvre à l’Église ».
C’est la raison pour laquelle le pape a voulu « que le Peuple de Dieu soit consulté pour la préparation du double rendez-vous synodal sur la famille » pour écouter « leurs joies et leurs espérances, leurs douleurs et leurs angoisses ».
Puis il poursuit son propos : « Une Église synodale est une Église à l’écoute, consciente qu’écouter “est plus qu’entendre”. (...) Le synode des évêques est le point de convergence de cette dynamique d’écoute menée à tous les niveaux de la vie de l’Église », du Peuple de Dieu à l’évêque de Rome, en étant à l’écoute de l’Esprit Saint.
Puis il affirme : « Jésus a créé l’Église en mettant à son sommet le Collège apostolique, dans lequel l’apôtre Pierre est la « pierre » (cf Mt 16,18), celui qui doit “confirmer” ses frères dans la foi (cf Lc 22,32). Mais dans cette Église, comme dans une pyramide inversée, le sommet se trouve sous la base. C’est pourquoi ceux qui exercent l’autorité s’appellent “ministres” : selon le sens originel du mot, ce sont les plus petits entre tous ».
Puis le pape a dégagé des pistes de réflexion « pour construire une Église synodale », depuis l’écoute de la “base” par les églises particulières, en passant par les provinces ecclésiastiques et les conférences épiscopales, où il voit « la nécessité de progresser dans une “décentralisation” salutaire ».
Il termine sa réflexion sur la nécessité d’« une conversion de la papauté » où « l’exercice du primat pétrinien pourra(it) être mieux éclairé » pour « une contribution significative au progrès des relations entre nos Églises ».

" Béatitudes, Éminences, Excellences, chers frères et sœurs,
Alors que se déroule en ce moment même l’Assemblée générale ordinaire du Synode, c’est pour nous tous un motif de joie, de louange et de gratitude envers le Seigneur que de célébrer le cinquantième anniversaire de l’institution du synode des évêques. Depuis le concile Vatican II jusqu’à l’Assemblée d’aujourd’hui, nous avons en effet pris conscience de façon toujours plus forte de la nécessité et de la beauté « d’avancer ensemble ».
Dans cet heureux contexte, je voudrais adresser un salut cordial à Son éminence le cardinal Lorenzo Baldisseri, Secrétaire général, au Sous-secrétaire, Son excellence Monseigneur Fabio Fabene, aux officiers, aux consulteurs et autres collaborateurs du Secrétariat général du Synode des évêques, à tous ceux qui, dans l’ombre, travaillent tous les jours jusque tard le soir. Je salue et remercie également de leur présence les Pères synodaux et tous les autres participants de l’Assemblée en cours, ainsi que tous ceux qui sont présents dans cette salle.
Souvenons-nous également en ce jour de tous ceux qui, depuis cinquante ans, ont travaillé au service du Synode, à commencer par les Secrétaires généraux qui se sont succédé, les cardinaux Władysław Rubin, Jozef Tomko, Jan Pieter Schotte et l’archevêque Nikola Eterović. Je profite de cette occasion pour exprimer de tout cœur ma gratitude à ceux qui, décédés ou toujours vivants, ont contribué, par leur engagement généreux et leurs compétences au développement de l’activité du Synode.
Depuis le début de mon ministère d’évêque de Rome, j’ai voulu valoriser le Synode, qui constitue l’un des héritages les plus précieux de la dernière assemblée conciliaire (1). Pour le bienheureux Paul VI, le Synode des évêques devait rappeler l’image du Concile œcuménique, en refléter l’esprit et la méthode (2). Le même pape prévoyait que l’organisme synodal « pourra [it] être perfectionné par la suite » (3). Vingt ans plus tard, saint Jean-Paul II lui faisait écho en affirmant : « Peut-être cet instrument pourra-t-il être encore amélioré. La responsabilité pastorale collégiale peut sans doute s’exprimer encore plus pleinement dans le synode des évêques » (4). Enfin, en 2006, Benoît XVI avait approuvé quelques modifications à l’Ordo Synodi Episcoporum, approuvées à la lumière de ce que prévoient le Code de droit canonique et le Code de droit canonique des Églises orientales promulgués entre-temps (5).
Nous devons poursuivre dans cette voie. Le monde dans lequel nous vivons, et que nous sommes appelés à aimer et à servir même dans ses contradictions, exige de l’Église le développement de synergies dans tous les domaines de sa mission. Le chemin de la synodalité est justement le chemin que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire.
***
Ce que le Seigneur nous demande, en un certain sens, est déjà pleinement contenu dans le mot « synode ». Cheminer ensemble – laïcs, pasteurs, évêque de Rome – est un concept facile à exprimer avec des mots, mais pas si simple à mettre en pratique.
Après avoir rappelé que le Peuple de Dieu est constitué de tous les baptisés, appelés à « être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint » (6), le concile Vatican II proclame que « la collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1 Jn 2, 20.27), ne peut se tromper dans la foi ; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste moyennant le sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, « des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs », elle apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel » (7). C’est ce fameux et infaillible “in credendo”.
Dans l’exhortation apostolique Evangelii gaudium , j’ai souligné combien « le Peuple de Dieu est saint à cause de cette onction qui le rend infaillible “in credendo” (8), ajoutant que « chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions » (9). Le sensus fidei empêche de séparer de façon rigide Ecclesia docens et Ecclesia discens, puisque le Peuple de Dieu possède son propre « flair » pour discerner les nouveaux chemins que le Seigneur ouvre à l’Église (10).
C’est cette conviction qui m’a guidé quand j’ai souhaité que le Peuple de Dieu soit consulté pour la préparation du double rendez-vous synodal sur la famille, comme cela se fait d’habitude et s’est fait pour tous les « Lineamenta ». Il ne fait aucun doute qu’une consultation de ce genre ne pourrait en aucun cas suffire pour recueillir le sensus fidei. Mais comment aurions-nous pu parler de la famille sans interpeller les familles, écoutant leurs joies et leurs espérances, leurs douleurs et leurs angoisses (11) ?
À travers les réponses aux deux questionnaires qui ont été envoyés aux Églises particulières, nous avons eu la possibilité d’écouter au moins quelques-unes d’entre elles sur des questions qui les touchent de près et sur lesquelles elles ont tant à dire.
Une Église synodale est une Église à l’écoute, consciente qu’écouter « est plus qu’entendre » (12). Il s’agit d’une écoute réciproque, dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple des fidèles, le collège épiscopal, l’évêque de Rome : les uns à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’« Esprit de vérité » (Jn 14,17), pour découvrir ce qu’il « dit aux Églises » (Ap 2,7).
Le synode des évêques est le point de convergence de cette dynamique d’écoute menée à tous les niveaux de la vie de l’Église. Le chemin synodal commence en écoutant le Peuple, qui « participe aussi de la fonction prophétique du Christ » (13), selon un principe cher à l’Église du premier millénaire : « Quod omnes tangit ab omnibus tractari debet ». Le chemin du synode se poursuit en écoutant les pasteurs. À travers les pères synodaux, les évêques agissent comme d’authentiques gardiens, interprètes et témoins de la foi de toute l’Église, qui doivent savoir faire attentivement la distinction avec les idées souvent changeantes de l’opinion publique. À la veille du synode de l’année dernière, je disais : « Nous demandons tout d’abord à l’Esprit Saint, pour les pères synodaux, le don de l’écoute : écoute de Dieu jusqu’à entendre avec lui le cri du peuple ; écoute du peuple, jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle » (14). Le chemin synodal atteint enfin son point culminant en écoutant l’évêque de Rome, appelé à se prononcer comme « pasteur et docteur de tous les chrétiens » (15) : non pas à partir de ses propres convictions, mais en tant que témoin suprême de la fides totius Ecclesiae, « garant de l’obéissance et de la conformité de l’Église à la volonté de Dieu, à l’Évangile du Christ et à la Tradition de l’Église » (16).
Le fait que le synode agisse toujours cum Petro et sub Petro – donc pas seulement cum Petro mais aussi sub Petro – n’est pas une limitation de la liberté, mais une garantie de l’unité. En effet le pape est, par la volonté du Seigneur, « le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles » (17). Cela renvoie au concept de « ierarchica communio » utilisé par le concile Vatican II : les évêques sont liés à l’évêque de Rome par le lien de la communion épiscopale (cum Petro) et lui sont dans le même temps hiérarchiquement soumis en tant que chef du Collège (sub Petro) (18).
La synodalité, en tant que dimension constitutive de l’Église, nous offre le cadre interprétatif le plus adéquat pour comprendre ce ministère hiérarchique. Si nous comprenons que, comme dit saint Jean Chrysostome, « Église et synode sont synonymes » (19) – car l’Église, ce n’est autre que le Peuple de Dieu qui « chemine ensemble » sur les sentiers de l’histoire à la rencontre du Christ Seigneur – nous comprenons aussi qu’en son sein personne ne peut être « élevé » au dessus des autres. Au contraire, il est nécessaire que dans l’Église chacun « s’abaisse » pour se mettre au service de ses frères tout au long de ce chemin.
Jésus a créé l’Église en mettant à son sommet le Collège apostolique, dans lequel l’apôtre Pierre est la « pierre » (cf Mt 16,18), celui qui doit « confirmer » ses frères dans la foi (cf Lc 22,32). Mais dans cette Église, comme dans une pyramide inversée, le sommet se trouve sous la base. C’est pourquoi ceux qui exercent l’autorité s’appellent « ministres » : selon le sens originel du mot, ce sont les plus petits entre tous. C’est en servant le Peuple de Dieu que chaque évêque devient, pour la portion de peuple qui lui est confiée, vicarius Christi(20), vicaire de ce Jésus qui, dans la dernière cène, s’est baissé pour laver les pieds de ses apôtres (cf. Jn 13,1-15). Et, dans une même logique, le successeur de Pierre n’est rien d’autre que le servus servorum Dei(21).
N’oublions jamais cela ! Pour les disciples de Jésus, hier, aujourd’hui et pour toujours, l’unique autorité est l’autorité du service ; l’unique pouvoir est le pouvoir de la croix, selon les paroles du Maître : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave » (Mt 20,25-27). Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : dans cette expression nous rejoignons le cœur même du mystère de l’Église – « Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi ». C’est à la lumière de ces paroles que nous comprenons ce que signifie le service hiérarchique.
***
Dans une Église synodale, le synode des évêques n’est rien d’autre que la manifestation la plus évidente d’un dynamisme de communion qui inspire toutes les décisions ecclésiales.
Le premier niveau d’exercice de la synodalité se réalise dans les églises particulières. Après avoir rappelé la noble institution du synode diocésain, dans lequel les prêtres et les laïcs sont appelés à collaborer avec l’évêque pour le bien de toute la communauté ecclésiale (22), le code de droit canon donne un large espace à ce qu’on a l’habitude d’appeler les « organismes de communion » de l’Église particulière : le conseil presbytéral, le collège des consulteurs, le chapitre des chanoines et le conseil pastoral (23).
C’est seulement dans la mesure où ces organismes restent connectés avec la « base » et partent des gens, des problèmes de chaque jour, qu’une Église synodale peut commencer à prendre forme : de tels instruments, qui montrent parfois des signes de fatigue, doivent être valorisés comme des lieux d’écoute et de partage.
Le second niveau est celui des Provinces et des régions ecclésiastiques, des conciles particuliers et plus encore des conférences épiscopales (24). Nous devons réfléchir à faire davantage de ces organismes des instances intermédiaires de collégialité, peut-être en intégrant et en réhabilitant certains aspects de l’ancienne organisation ecclésiastique.
Le souhait du Concile que de tels organismes puissent contribuer à accroître l’esprit de la collégialité épiscopale ne s’est pas encore pleinement réalisé. Nous avons parcouru la moitié du chemin, une partie du chemin. Dans une Église synodale, comme je l’ai déjà affirmé, « il n’est pas opportun que le pape remplace les épiscopats locaux dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs territoires. En ce sens, je sens la nécessité de progresser dans une “décentralisation” salutaire » (25).
Le dernier niveau est celui de l’Église universelle. Ici le synode des évêques, représentant l’épiscopat catholique, devient expression de la collégialité épiscopale à l’intérieur d’une Église pleinement synodale (26). Deux expressions différentes donc : « collégialité épiscopale » et « Église pleinement synodale ». Cela manifeste la collegialitas affectiva , laquelle peut même devenir dans certaines circonstances « effective », c’est-à-dire qu’elle unit les évêques entre eux et avec le pape dans une même sollicitude pour le Peuple de Dieu (27).
***
S’engager pour construire une Église synodale – mission à laquelle nous sommes tous appelés, chacun à travers le rôle que le Seigneur nous confie – comporte de nombreuses implications œcuméniques. Pour cette raison, m’adressant à une délégation du Patriarcat de Constantinople, j’ai récemment rappelé la conviction que « l’examen attentif de la manière dont s’articulent, dans la vie de l’Église, le principe de la synodalité et le service de celui qui préside, offrira une contribution significative au progrès des relations entre nos Églises » (28).
Je suis persuadé que, dans une Église synodale, l’exercice du primat pétrinien pourra ainsi être mieux éclairé. Le pape n’est pas seul au-dessus de l’Église ; il est en son sein baptisé parmi les baptisés, et, dans le collège épiscopal, évêque parmi les évêques, et en même temps – comme successeur de Pierre – appelé à guider l’Église de Rome qui exerce sa primauté dans l’amour sur toutes les Églises (29).
Tout en réaffirmant la nécessité et l’urgence de réfléchir à « une conversion de la papauté » (30), je répète volontiers les paroles de mon prédécesseur le pape Jean-Paul II : « En tant qu’évêque de Rome, je sais bien (…), que le désir ardent du Christ est la communion pleine et visible de toutes les Communautés, dans lesquelles habite son Esprit en vertu de la fidélité de Dieu. Je suis convaincu d’avoir à cet égard une responsabilité particulière, surtout lorsque je vois l’aspiration œcuménique de la majeure partie des communautés chrétiennes et que j’écoute la requête qui m’est adressée de trouver une forme d’exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission » (31).
Notre regard s’élargit également à l’humanité tout entière. Une Église synodale est comme un étendard hissé pour les nations (cf Is 11,12) dans un monde qui – bien qu’invoquant la participation, la solidarité et la transparence dans la conduite des affaires publiques – laisse souvent le destin de populations entières aux mains avides d’une minorité au pouvoir. En tant qu’Église qui « marche avec » les hommes et qui prend part aux tourments de l’histoire, cultivons ce rêve : que la redécouverte de la dignité inviolable des peuples et de la mission de service de toute autorité puisse aider la société civile à se construire dans la justice et dans la fraternité, offrant aux générations futures un monde plus beau et plus digne de l’homme (32). Merci.

(*) Traduction de Violaine Ricour-Dumas pour La DC.

(2) cf. Bienheureux Paul VI, Discours pour le début des travaux de l’Assemblée générale ordinaire des évêques, 30 septembre 1967 ; DC 1965, n. 1505, col. 1965-1968.
(3) cf. Bienheureux Paul VI, motu proprio Apostolica sollicitudo, 15 septembre 1965, Proemio ; DC 1965, n. 1456, col.1663-1668.
(5) cf. AAS 98 (2006), 755-779.
(6) Concile œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium (21 novembre 1964), 10 ; DC 1964, n. 1438, col. 1633 ; DC 1965, n. 1439, col. 65, 97
(7) Ibid., 12 ; DC 1964, n. 1438, col. 1633 ; DC 1965, n. 1439, col. 65, 97
(8) Pape François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 24 novembre 2013, 119 ; DC 2014, n. 2513, p. 38.
(9) Ibid., 120 ; DC 2014, n. 2513, p. 38-39.
(10) cf. Pape François, discours lors de la rencontre avec les évêques responsables du Conseil épiscopal latino-américain (Celam), à l’occasion de la réunion générale de coordination, Rio de Janeiro, 28 juillet 2013 (DC 2013, n. 2512, p. 79-84); Id., Discours lors de la rencontre avec les prêtres, consacrés et membres des conseils pastoraux, Assise, 4 octobre 2013 (DC 2014, n. 2513, p. 133-135).
(11) cf. Concile œcuménique Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, 7 décembre 1965, 1 ; DC 1966, n. 1464, col. 193.
(12) Ibid., 170 ;
(13) Concile œcuménique Vatican II, constitution dogmatique Lumen gentium, 12 ; DC 1964, n. 1438, col. 1633 ; DC 1965, n. 1439, col. 65, 97
(14) Pape François, discours à l’occasion de la veillée de prière de préparation au synode sur la famille, 4 octobre 2014.
(15) Concile œcuménique Vatican I, constitution dogmatique Pastor Aeternus, 18 juillet 1870, chap. IV : Denz. 3074. Cf. également Codex Iuris Canonici, can. 749, § 1.
(17) Concile œcuménique Vatican II, constitution dogmatique Lumen Gentium, 23 (DC 1964, n. 1438, col. 1633 ; DC 1965, n. 1439, col. 65, 97). Cf. également concile œcuménique Vatican I, Constitution dogmatique Pastor Aeternus, Prologue : Denz. 3051.
(18) Concile œcuménique Vatican II, constitution dogmatique Lumen Gentium, 22. (DC 1964, n. 1438, col. 1633 ; DC 1965, n. 1439, col. 65, 97) ; Decr. Christus Dominus, 28 octobre 1965, 4.
(19) Saint Jean Chrysostome, Explicatio in Ps. 149 : PG 55, 493.
(20) Concile œcuménique Vatican II, constitution dogmatique Lumen Gentium, 27 ; DC 1964, n. 1438, col. 1633 ; DC 1965, n. 1439, col. 65, 97
(21) Pape François, discours pour la clôture de la IIIe Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques, 18 octobre 2014.
(22) cf. Codex Iuris canonici, cann. 460-468.
(23) cf. ibid., cann. 495-514.
(24) cf. ibid., cann. 431-459.
(25) Pape François, exhortation apostolique Evangelii gaudium, 16. Cf. ibid, 32 ; DC 2014 ; n. 2513, p. 11 ; ibid., p. 15-16.
(26) Concile œcuménique Vatican II, decr. Christus Dominus, 5 (DC 1965, n.1461, col.2116) ; Codex Iuris canonici, cann. 342-348.
(27) cf. Saint Jean-Paul II, exhortation apostolique post-synodale Pastores gregis, 16 octobre 2003, 8 ; DC 2003, n. 2302, p. 1006-1007 ;
(28) Pape François, discours à une délégation œcuménique du Patriarcat de Constantinople, 27 juin 2015.
(29) cf. Saint Ignace d’Antioche, Epistula ad Romanos, Proemio : PG 5, 686.
(30) Pape François, exhortation apostolique Evangelii gaudium, 32 ; DC 2014, n. 2513, p. 15-16.
(31) cf. Saint Jean-Paul II, lettre encyclique Ut unum sint, 25 mai 1995, 95 ; DC 1995, n. 2118, p. 593.
(32) cf. Pape François, exhortation apostolique Evangelii gaudium, 186-192 (DC 2014, n. 2513, p. 56-58); lettre encyclique Laudato si’ , 24 mai 2015, 156-162 (DC 2015, n. 2519, p. 47-48).
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Écrit par : Jean-Christophe / | 19/10/2015

SUGGESTION

> Suggestion: plutôt qu'athées pieux, parlons des pratiquants non-croyants (ou non-croyants pratiquants, comme vous voulez), comme dit mon curé. Enfin croyants peut-être en surface, par habitude, mais pas croyants-croyants, vous voyez ce que je veux dire ?

Ninelene

[ Pp à N.
- Oui, bien sûr. S'il s'agissait d'eux...
- Mais ce n'est pas le cas. "Athées pieux" est une notion politico-religieuse. il s'agit de gens qui ne pratiquent pas, ou rarement et pour se montrer ; dont les prises de position socio-économiques et les déclarations off (y compris sur le plan des moeurs) contredisent l'Eglise ; mais qui prétendent néanmoins dire à l'Eglise ce qu'elle a à faire pour satisfaire la Grande Droite Fière de Ses Valeurs.
Ces gens tournaient autour de LMPT en 2013. Puis ils ont tenté de se tailler des parts de marché dans le vaste public réuni autour des manifs.
D'où leur rage quand ils ont vu que l'Eglise - à laquelle appartenaient la plupart de ces manifestants - ne marchait pas dans la combine de récupération partisane (ou groupusculaire, ou carrément perso dans le cas de X. ou Y.)...
Cette rage s'est catalysée en haine envers le pape François, jugé (à tort) responsable de cette "dérobade de l'Eglise".
Dérobade envers qui ? M. Mariton ? Mme Maréchal ? M. Billot ? Le général Boum ? les nostalgiques de Vichy ?
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Écrit par : Ninelene / | 19/10/2015

LA CITATION

> Selon toute apparence, Girondin n'a pas aimé ma citation de Vincent Cheynet. Mais pour être exact, plutôt que d'un « partage », je parlerai plutôt de tendances lourdes, d'ordre sociologique, qui affectent les catholiques Français. Ce qu'il décrit là, ce n'est même pas une opposition entre deux camps ou deux idéologies.
Quoi qu'il en soit, deux écueils sont à éviter : une culture du conflit, qui n'aborde les enjeux contemporains qu'à travers la grille de lecture stéréotypée amis/ennemis. Et de l'autre un refus a priori de voir les rapports de force et la recherche avide du pouvoir qui pourrissent les relations humaines. Le péché originel est une triste réalité, j'en conviens.
Pour finir, Vincent Cheynet, dans le texte cité, se rapporte très explicitement à Georges Bernanos et à Jacques Ellul, qui, lui, dénonçait « l’écoeurante mollesse des bons sentiments » – lesquels empêchent de « regarder la vérité en face ». Parce qu'ils occultent sous une unité de façade les tensions et les clivages à l'oeuvre.
Un des grands mérites de la dernière encyclique, c'est justement qu'elle n'élude pas cette dimension conflictuelle.

Blaise


[ PP à Blaise - Amen to that. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Blaise / | 19/10/2015

CE QU'IL EN RESTE

> Mais qu'est, aujourd'hui, LMPT, à part un terrible acronyme pour Ludovine ? Plus rien, ou presque. Les uns sont à Sens commun, d'autres aux Poissons roses, d'autres à Ecologie humaine, etc. ; la plupart restent libéraux-sauf-contre-le-mariage-gay-et-la-GPA...
LMPT représente-t-elle vraiment encore quelque chose, à part une boutique en ligne vendant des sweats à capuche (je suis un adepte croyant et pratiquant du sweat à capuche, mais pas LMPT) ?
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Écrit par : Alex / | 19/10/2015

A Blaise:

> je préfère en effet votre réflexion raisonnée et assez raisonnable à votre citation antérieure d'un groupe extérieur à l'Eglise.Nous sommes assez grands et j'espère assez respectueux des personnes pour tenter de dépasser nos différents vers le haut sans les nier plutôt que de nous référer à des observateurs extérieurs souvent pas très bien intentionnés qui aimeraient parfois voir exploser le corps de l'Eglise.Je ne crois pas être particulièrement parano en disant cela mais réaliste .
Quant à Bernanos et Ellul ils ont toujours été des modèles à mes yeux et le second un maitre de mon époque universitaire bordelaise (pas cité dans Laudato Si,dommage ...).
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Écrit par : Girondin / | 20/10/2015

CHEYNET

> Ce n'est pas mon avis; Vincent Cheynet, s'il est volontiers critique de certains aspects de l'Eglise de France, ne s'attaque pas à la foi chrétienne comme telle ni même à l'institution ecclésiale proprement dite. Aucune animosité de sa part, qui permettrait de le cataloguer comme anticlérical ou antichrétien. Il dénonce plutôt certaines tares, dues essentiellement à l'état social du catholicisme français tel qu'il se présente aujourd'hui. J'apprécie sa lucidité sans langue de bois. Une lucidité qui n'est pas dépourvue de sympathie pour la foi qu'il a quittée. Et en plus, il a le sens de la formule, ce qui ne gâche rien au plaisir.
L'échange et la rencontre avec les non-chrétiens est d'ailleurs plutôt une bonne chose. Bénéficier d'un regard extérieur peut-être même constructif et enrichissant. Pourquoi s'en priver? Le dialogue, voilà quelque chose d'important pour l'Eglise, et qui est devenu central depuis Vatican II. Paul VI a écrit une très belle encyclique sur le sujet : "Ecclesiam Suam".
Ajoutons que le journal 'La Décroissance', s'il n'est pas d'Eglise ni même porté par beaucoup de chrétiens, ne se veut ni contre ni extérieur au christianisme. Il se propose de fédérer des gens venus de divers horizons idéologiques autour de problématiques communes. Cheynet, dans la ligne de Michéa, propose même un dépassement du clivage droite/gauche pour lui substituer une ligne de partage progressistes/radicaux.
Le Péguy non-catholique a écrit des pages bien plus violentes. En 1902, pour lui, le vrai chrétien ce n'était pas l'archevêque de Paris mais Tolstoï.
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Écrit par : Blaise / | 21/10/2015

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