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05/06/2015

Vincent Lambert, objet d'un algorithme judiciaire

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L'arrêt de la CEDH et l'engrenage sociétal :


 

 

 

Par douze voix contre cinq, la CEDH vient de valider « l'arrêt des soins » déjà décidé par le Conseil d'Etat : c'est-à-dire la fin de la vie de Vincent Lambert. C'était réglé d'avance.

Les attendus valent d'être lus. Ils sont singuliers au point de susciter une protestation de cinq des juges minoritaires, que vous trouverez ici dans les commentaires.

L'arrêt établi par les douze majoritaires déclare notamment qu'en faisant mourir Vincent Lambert, on ne violera pas la convention européenne des droits de l'homme en son article 2, qui garantit... le droit à la vie.

Que faire mourir soit respecter le droit à la vie, c'est un déni de réalité. Il serait impensable dans un univers normal. C'est pourtant ce que disent les juristes de la Machine européenne, après ceux de la Machine parisienne. 

Est-ce qu'ils ne raisonnent pas ? Mais si. Ils raisonnent : selon des structures mentales qui ne sont pas les nôtres.

Ces structures mentales sont ultralibérales. Mais elles fonctionnent - mutatis mutandis et d'une certaine façon - comme les structures mentales totalitaires du passé. Au XXe siècle, en effet, deux types de société avaient produit des normes langagières et des structures mentales fondées elles aussi sur le déni de réalité. L'une avait été analysée par le linguiste soviétique Alexandre Zinoviev, dans Les hauteurs béantes*. L'autre, par le philologue allemand Victor Klemperer dans LTI, la langue du IIIe Reich**... Les deux idiomes servaient notamment à relativiser la liquidation de l'humanisme, présentée comme un service  à rendre à « la vie » (au nom de « l'Histoire » ou du « Volk »).

Au nom de quoi la CEDH a-t-elle émis cet oxymore : faire mourir c'est le droit à la vie ?

Notre société anomique*** force ses instances judiciaires à décider dans des domaines indécidables ; et, précisément, devenus indécidables en raison de l'anomie ambiante. D'où vient cette anomie ? Sa cause originelle est le système économique ultralibéral, qui supprime les normes éthiques en tant que freins au business. Sa cause dérivée (dans les domaines sociaux) est la quasi-faillite qui « impose » à tous les services publics de réduire massivement leurs prestations : dans les hôpitaux comme à la SNCF et ailleurs.

Forcées de décider l'indécidable, les instances judiciaires se replient donc sur un système de raisonnement qui esquive les questions de fond. C'est « l'éthique procédurale » : inventée par des négateurs de réalité, elle consiste à remplacer la pensée par les « procédures ». Puisqu'il n'existe plus de consensus sur le fond, on fabriquera du consensus sur les formes. Or  le paramétrage des formes aiguillera les décisions dans le sens fixé par la société : en l'occurrence l'utilitarisme, qui fait de l'homme une variable d'ajustement. C'est ainsi que nous sommes entrés dans l'ère de l'homme jetable, la « culture du déchet » dénoncée par le pape François.

Constatons au passage le parallélisme entre le procédural (l'éthique réduite à une mécanique) et l'algorithme (les questions sociales régies par ordinateur)...

En quelque sorte, la Cour européenne des droits de l'homme a répondu à la question de vie ou de mort par un algorithme. Sa décision serait insoutenable si l'on était encore aux temps de l'humanisme ; elle est « exacte » au temps de l'algorithme, dont les seuls critères sont le durée du calcul, la consommation d'énergie et la précision technique du résultat.

La pire des barbaries, disait Péguy, est la barbarie « d'après » : celle qui résulte de l'effondrement d'une civilisation.

 

______________ 

* L'Age d'homme, 1976.

** Albin Michel, 1996.

*** L'anomie : ce concept sociologique (formé par Durkheim en 1893) désigne l'état d'une société qui a perdu toutes ses références.

 

 

 

vincent lambert 

 

Commentaires

"OPINION EN PARTIE DISSIDENTE COMMUNE AUX JUGES HAJIYEV, ŠIKUTA, TSOTSORIA, DE GAETANO ET GRIҬCO"

1. Nous regrettons de devoir nous dissocier du point de vue de la majorité exprimé aux points 2, 4 et 5 du dispositif de l’arrêt en l’espèce. Après mûre réflexion, nous pensons que, à présent que tout a été dit et écrit dans cet arrêt, à présent que les distinctions juridiques les plus subtiles ont été établies et que les cheveux les plus fins ont été coupés en quatre, ce qui est proposé revient ni plus ni moins à dire qu’une personne lourdement handicapée, qui est dans l’incapacité de communiquer ses souhaits quant à son état actuel, peut, sur la base de plusieurs affirmations contestables, être privée de deux composants essentiels au maintien de la vie, à savoir la nourriture et l’eau, et que de plus la Convention est inopérante face à cette réalité. Nous estimons non seulement que cette conclusion est effrayante mais de plus – et nous regrettons d’avoir à le dire – qu’elle équivaut à un pas en arrière dans le degré de protection que la Convention et la Cour ont jusqu’ici offerte aux personnes vulnérables.

2. Pour parvenir à la conclusion au paragraphe 112 de l’arrêt, la majorité commence par passer en revue les affaires dans lesquelles les organes de la Convention ont admis qu’un tiers puisse, dans des circonstances exceptionnelles, agir au nom et pour le compte d’une personne vulnérable, même si celle-ci n’avait pas expressément émis le souhait d’introduire une requête. La majorité déduit de cette jurisprudence qu’il existe deux critères principaux à appliquer à de telles affaires : le risque que les droits de la victime directe soient privés d’une protection effective et l’absence de conflit d’intérêts entre la victime et le requérant (paragraphe 102 de l’arrêt). Tout en souscrivant à ces deux critères en tant que tels, nous sommes en complet désaccord avec la façon dont la majorité les applique dans les circonstances particulières de l’espèce.
En ce qui concerne le premier critère, il est vrai que les requérants peuvent invoquer l’article 2 pour leur propre compte, ce qu’ils ont fait. Toutefois, dès lors que la Cour a reconnu qualité à une organisation non-gouvernementale pour représenter une personne décédée (Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], no 47848/08, CEDH 2014), nous ne voyons aucune raison valable de ne pas suivre la même approche en ce qui concerne les requérants en l’espèce. En effet, en tant que parents proches de Vincent Lambert, ils ont même a fortiori une justification encore plus forte pour agir au nom de celui-ci devant la Cour.
Quant au second critère, la majorité, considérant que les décisions internes litigieuses se fondaient sur la certitude que Vincent Lambert n’aurait pas souhaité être maintenu en vie dans l’état dans lequel il se trouve à présent, juge qu’il n’est pas « établi qu’il y ait convergence d’intérêts entre ce qu’expriment les requérants et ce qu’aurait souhaité Vincent Lambert » (paragraphe 104 de l’arrêt). Or cette affirmation serait exacte seulement si – et dans la mesure où – les requérants alléguaient une violation du droit de Vincent Lambert à l’autonomie personnelle en vertu de l’article 8 de la Convention, qui, selon la jurisprudence de la Cour, comprend le droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin (Haas c. Suisse, no 31322/07, § 51, CEDH 2011). Toutefois, si les requérants invoquent bien l’article 8, ils le font dans un contexte complètement différent : c’est l’intégrité physique de Vincent Lambert, et non son autonomie personnelle, qu’ils cherchent à défendre devant la Cour. Les principaux griefs qu’ils soulèvent pour le compte de Vincent Lambert sont fondés sur les articles 2 et 3 de la Convention. Au contraire de l’article 8, qui protège un éventail extrêmement large d’actions humaines fondées sur des choix personnels et allant dans diverses directions, les articles 2 et 3 de la Convention sont clairement unidirectionnels, en ce qu’ils n’impliquent aucun aspect négatif. L’article 2 protège le droit à la vie mais non le droit de mourir (Pretty c. Royaume-Uni, no 2346/02, §§ 39-40, CEDH 2002‑III). De même, l’article 3 garantit un droit positif de ne pas être soumis à de mauvais traitements, mais aucun « droit » quelconque à renoncer à ce droit et à être, par exemple, battu, torturé ou affamé jusqu’à la mort. Pour dire les choses simplement, les articles 2 et 3 sont des « voies à sens unique ». Le droit de ne pas être affamé jusqu’à la mort étant le seul droit que Vincent Lambert lui-même aurait pu valablement revendiquer sous l’angle des articles 2 et 3, nous ne voyons pas en quoi il est logiquement possible de conclure à l’absence de « convergence d’intérêts » entre lui et les requérants en l’espèce, ou même d’avoir le moindre doute à cet égard.
Dans ces conditions, nous sommes convaincus que les requérants avaient bien qualité pour agir au nom et pour le compte de Vincent Lambert, et que leurs différents griefs auraient dû être déclarés compatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention.

3. Nous voudrions préciser d’emblée que, s’il s’était agi d’une affaire où la personne en question (Vincent Lambert en l’espèce) avait expressément émis le souhait qu’il lui soit permis de ne pas continuer de vivre en raison de son lourd handicap physique et de la souffrance associée, ou qui, au vu de la situation, aurait clairement refusé toute nourriture et boisson, nous n’aurions eu aucune objection à l’arrêt ou la non-mise en place de l’alimentation et de l’hydratation dès lors que la législation interne le prévoyait (et sous réserve, dans tous les cas, du droit des membres du corps médical de refuser de participer à cette procédure pour des motifs d’objection de conscience). On peut ne pas être d’accord avec une telle loi, mais en pareil cas deux droits protégés par la Convention se trouvent pour ainsi dire opposés l’un à l’autre : d’une part le droit à la vie (avec l’obligation correspondante pour l’État de protéger la vie) – article 2 – et, d’autre part, le droit à l’autonomie personnelle, protégé par l’article 8. Face à un tel conflit, on peut être d’accord pour faire prévaloir le respect de « la dignité et de la liberté de l’homme » (souligné dans l’affaire Pretty c. Royaume-Uni, précitée, § 65). Mais telle n’est pas la situation de Vincent Lambert.

4. Selon les éléments disponibles, Vincent Lambert se trouve dans un état végétatif chronique, en état de conscience minimale, voire inexistante. Toutefois, il n’est pas en état de mort cérébrale – il y a un dysfonctionnement à un niveau du cerveau mais pas à tous les niveaux. En fait, il peut respirer seul (sans l’aide d’un respirateur artificiel) et peut digérer la nourriture (la voie gastro-intestinale est intacte et fonctionne), mais il a des difficultés pour déglutir, c’est-à-dire pour faire progresser des aliments solides dans l’œsophage. Plus important, rien ne prouve, de manière concluante ou autre, qu’il ressente de la douleur (à distinguer de l’inconfort évident découlant du fait d’être en permanence alité ou dans un fauteuil roulant). Nous sommes particulièrement frappés par une considération développée par les requérants devant la Cour dans leurs observations du 16 octobre 2014 sur la recevabilité et le fond (paragraphes 51-52). Cette considération, qui n’est pas réellement contestée par le Gouvernement, est la suivante :
« La Cour doit savoir que [Vincent Lambert], comme toutes les personnes en état de conscience gravement altérée, est néanmoins susceptible d’être levé, habillé, placé dans un fauteuil, sorti de sa chambre. De nombreuses personnes dans un état similaire à celui de Monsieur Lambert, sont habituellement résidentes dans un établissement de soins spécialisé, et peuvent passer le week-end ou quelques vacances en famille (...). Et, précisément, leur alimentation entérale permet cette forme d’autonomie.
Le docteur Kariger avait d’ailleurs donné son accord en septembre 2012 pour que ses parents puissent emmener Monsieur Vincent Lambert en vacances dans le sud de la France. C’était six mois avant sa première décision de lui supprimer son alimentation... et alors que son état de santé n’avait pas changé ! »
Il ressort des éléments soumis à la Cour que l’alimentation par voie entérale occasionne une atteinte minimale à l’intégrité physique, ne cause aucune douleur au patient et, avec un peu d’entraînement, pareille alimentation peut être administrée par la famille ou les proches de M. Lambert (et les requérants se sont proposés pour le faire), même si la préparation alimentaire doit être élaborée dans une clinique ou dans un hôpital. En ce sens, l’alimentation et l’hydratation par voie entérale (indépendamment, pour le moment, du fait de savoir s’il convient de les désigner sous le terme « traitement » ou « soins », ou simplement « alimentation ») sont entièrement proportionnées à la situation dans laquelle Vincent Lambert se trouve. Dans ce contexte, nous ne comprenons pas, même après avoir entendu les plaidoiries dans cette affaire, pourquoi le transfert de Vincent Lambert dans une clinique spécialisée (la maison de santé Bethel[1]) où l’on pourrait s’occuper de lui (et donc soulager l’hôpital universitaire de Reims de ce devoir) a été bloqué par les autorités.
En d’autres termes, Vincent Lambert est vivant et l’on s’occupe de lui. Il est également nourri – et l’eau et la nourriture représentent deux éléments basiques essentiels au maintien de la vie et intimement liés à la dignité humaine. Ce lien intime a été affirmé à maintes reprises dans de nombreux documents internationaux[2]. Nous posons donc la question : qu’est-ce qui peut justifier qu’un État autorise un médecin (le docteur Kariger ou, depuis que celui-ci a démissionné et a quitté l’hôpital universitaire de Reims[3], un autre médecin), en l’occurrence non pas à « débrancher » Vincent Lambert (celui-ci n’est pas branché à une machine qui le maintiendrait artificiellement en vie) mais plutôt à cesser ou à s’abstenir de le nourrir et de l’hydrater, de manière à, en fait, l’affamer jusqu’à la mort ? Quelle est la raison impérieuse, dans les circonstances de l’espèce, qui empêche l’État d’intervenir pour protéger la vie ? Des considérations financières ? Aucune n’a été avancée en l’espèce. La douleur ressentie par Vincent Lambert ? Rien ne prouve qu’il souffre. Ou est-ce parce qu’il n’a plus d’utilité ou d’importance pour la société, et qu’en réalité il n’est plus une personne mais seulement une « vie biologique » ?

5. Ainsi que nous l’avons déjà souligné, il n’y a pas d’indications claires ou certaines concernant ce que Vincent Lambert souhaite (ou même souhaitait) réellement quant à la poursuite de l’alimentation et de l’hydratation dans la situation où il se trouve à présent. Certes, il était infirmier avant l’accident qui l’a réduit à son état actuel, mais il n’a jamais formulé aucune « directive anticipée » ni nommé une « personne de confiance » aux fins des diverses dispositions du code de la santé publique. Le Conseil d’État, dans sa décision du 24 juin 2014, a fait grand cas des conversations évidemment informelles que Vincent Lambert a eues avec son épouse (et, apparemment en une occasion, également avec son frère Joseph Lambert) et est parvenu à la conclusion que le docteur Kariger « ne peut être regardé comme ayant procédé à une interprétation inexacte des souhaits manifestés par le patient avant son accident »[4]. Or, pour des questions d’une telle gravité, il ne faut rien moins qu’une certitude absolue. Une « interprétation » a posteriori de ce que les personnes concernées peuvent avoir dit ou ne pas avoir dit des années auparavant (alors qu’elles étaient en parfaite santé) dans le cadre de conversations informelles expose clairement le système à de graves abus. Même si, aux fins du débat, on part du principe que Vincent Lambert avait bien exprimé son refus d’être maintenu dans un état de grande dépendance, pareille déclaration ne peut, à notre avis, offrir un degré suffisant de certitude concernant son souhait d’être privé de nourriture et d’eau. Comme les requérants le relèvent aux paragraphes 153- 154 de leurs observations – ce qui, encore une fois, n’a pas été nié ou contredit par le Gouvernement :
« Si réellement M. Vincent Lambert avait eu la volonté ferme de ne plus vivre, si réellement il avait « lâché » psychologiquement, si réellement il avait eu le désir profond de mourir, M. Vincent Lambert serait déjà, à l’heure actuelle, mort. Il n’aurait en effet pas tenu 31 jours sans alimentation (entre le premier arrêt de son alimentation, le 10 avril 2013, et la première ordonnance rendue par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le 11 mai 2013 ordonnant la remise en place de son alimentation) s’il n’avait pas trouvé en lui une force intérieure l’appelant à se battre pour rester en vie. Nul ne sait quelle est cette force de vie. Peut-être est-ce, inconsciemment, sa paternité et le désir de connaître sa fille ? Peut-être est-ce autre chose. Mais il est incontestable que, par ses actes, Monsieur Vincent Lambert a manifesté une force de vie qu’il ne serait pas acceptable d’occulter.
À l’inverse, tous les soignants de patients en état de conscience altérée le disent : une personne dans son état qui se laisse aller meurt en dix jours. Ici, sans manger, et avec une hydratation réduite à 500 ml par jour, il a survécu 31 jours. »
Toutefois, l’accent qui est mis sur la volonté ou les intentions présumées de Vincent Lambert détourne le débat d’une autre question importante, à savoir le fait qu’en vertu de la loi française applicable en l’espèce, c’est-à-dire au cas d’un patient inconscient et n’ayant pas rédigé de directives anticipées, la volonté de celui-ci et les points de vue ou souhaits de sa famille ne font que compléter l’analyse de ce que le médecin en charge perçoit comme une réalité médicale. En d’autres termes, les souhaits du patient ne sont en pareil cas absolument pas déterminants pour l’issue finale. Les trois critères prévus à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique – c’est-à-dire les cas où les actes médicaux apparaissent inutiles, disproportionnés ou ayant pour seul effet le maintien artificiel de la vie – sont les seuls critères pertinents. Ainsi que l’a souligné le Conseil d’État, il faut prendre en compte les souhaits que le patient a pu exprimer et accorder une importance toute particulière à sa volonté (paragraphes 47 et 48 de l’arrêt) mais cette volonté n’est jamais déterminante. En d’autres termes, une fois que le médecin en charge a, comme en l’espèce, décidé que le troisième critère s’appliquait, les dés sont jetés et la procédure collective se résume pour l’essentiel à une simple formalité.

6. En aucun cas on ne peut dire que Vincent Lambert se trouve dans une situation « de fin de vie ». De manière regrettable, il se retrouvera bientôt dans cette situation lorsqu’on cessera ou qu’on s’abstiendra de le nourrir et de l’hydrater. Des personnes se trouvant dans une situation encore pire que celle de Vincent Lambert ne sont pas en stade terminal (sous réserve qu’ils ne souffrent pas en même temps d’une autre pathologie). Leur alimentation – qu’elle soit considérée comme un traitement ou comme des soins – a pour but de les maintenir en vie et, dès lors, demeure un moyen ordinaire de maintien de la vie qui doit en principe être poursuivi.

7. Les questions relatives à l’alimentation et à l’hydratation sont souvent qualifiées par le terme « artificiel », ce qui entraîne une confusion inutile, comme cela a été le cas en l’espèce. Toute forme d’alimentation – qu’il s’agisse de placer un biberon dans la bouche d’un bébé ou d’utiliser des couverts dans un réfectoire pour amener de la nourriture à sa bouche – est dans une certaine mesure artificielle, puisque l’ingestion de la nourriture passe par un intermédiaire. Mais dans le cas d’un patient se trouvant dans l’état de Vincent Lambert, la véritable question à se poser (dans le contexte des notions de proportionnalité et de caractère raisonnable qui découlent de la notion d’obligation positive de l’État au regard de l’article 2) est celle-ci : l’hydratation et l’alimentation produisent-elles un bénéfice pour le patient sans lui causer une douleur ou une souffrance indue ou une dépense excessive de ressources ? Dans l’affirmative, il y a une obligation positive de préserver la vie. Si la charge excède les bénéfices, alors l’obligation de l’État peut, dans des cas appropriés, cesser. Dans ce contexte, nous ajouterons en outre que la marge d’appréciation d’un État, évoquée au paragraphe 148 de l’arrêt, n’est pas illimitée et que, aussi large qu’elle puisse être, elle doit toujours être considérée à la lumière des valeurs qui sous-tendent la Convention, dont la principale est la valeur de la vie. La Cour a souvent déclaré que la Convention doit être lue comme un tout (un principe rappelé au paragraphe 142 de l’arrêt) et interprétée (et nous ajouterons appliquée) de manière à promouvoir sa cohérence interne et l’harmonie entre ses diverses dispositions et valeurs (voir, quoique dans des contextes différents, Stec et autres c. Royaume-Uni (déc.) [GC], nos 65731/01 et 65900/01, § 48, CEDH 2005‑X ; et Austin et autres c. Royaume-Uni [GC], nos 39692/09, 40713/09 et 41008/09, § 54, CEDH 2012). Pour évaluer cette marge d’appréciation dans les circonstances de l’espèce et la méthode choisie par les autorités françaises pour « mettre en balance » les intérêts concurrents en présence, la Cour aurait donc dû donner plus d’importance à la valeur de la vie. Il convient également de rappeler que nous ne sommes pas ici dans une situation où l’on peut légitimement dire qu’il peut y avoir certains doutes quant à l’existence d’une vie ou d’une « vie humaine » (comme dans les affaires traitant des questions de fertilité et impliquant des embryons humains c’est-à-dire touchant à la question de savoir « quand commence la vie humaine »). De même, il n’y a aucun doute en l’espèce que Vincent Lambert est vivant. À notre sens, toute personne se trouvant dans l’état de Vincent Lambert a une dignité humaine fondamentale et doit donc, conformément aux principes découlant de l’article 2, recevoir des soins ou un traitement ordinaires et proportionnés, ce qui inclut l’apport d’eau et de nourriture.

8. À l’instar des requérants, nous estimons que la loi en question manque de clarté[5] : sur ce qui constitue un traitement ordinaire et un traitement extraordinaire, sur ce qui constitue une obstination déraisonnable et, plus important, sur ce qui prolonge (ou maintient) la vie artificiellement. Certes, il appartient au premier chef aux juridictions internes d’interpréter et d’appliquer la loi, mais pour nous, il ressort clairement de la décision rendue le 24 juin 2014 par le Conseil d’État que celui-ci a adopté inconditionnellement l’interprétation donnée par M. Leonetti et en outre a traité de manière superficielle la question de la compatibilité du droit interne avec les articles 2 et 8 de la Convention (paragraphe 47 de l’arrêt), attachant de l’importance seulement au fait que « la procédure avait été respectée ». Certes, la Cour ne doit pas agir en tant que juridiction de quatrième instance et doit respecter le principe de subsidiarité, mais pas jusqu’à s’abstenir d’affirmer la valeur de la vie et la dignité inhérente même aux personnes qui sont dans un état végétatif, lourdement paralysées et dans l’incapacité de communiquer leurs souhaits à autrui.

9. Nous sommes d’accord sur le fait que, conceptuellement, une distinction légitime doit être établie entre l’euthanasie et le suicide assisté d’une part, et l’abstention thérapeutique d’autre part. Toutefois, eu égard à la manière dont le droit interne a été interprété et appliqué aux faits de l’espèce soumis à l’examen de la Cour, nous sommes en complet désaccord avec ce qui est dit au paragraphe 141 de l’arrêt. Cette affaire est une affaire d’euthanasie qui ne veut pas dire son nom. En principe, il n’est pas judicieux d’utiliser des adjectifs ou des adverbes forts dans des documents judiciaires, mais en l’espèce il est certainement extrêmement contradictoire pour le gouvernement défendeur de souligner que le droit français interdit l’euthanasie et que donc l’euthanasie n’entre pas en ligne de compte dans cette affaire. Nous ne pouvons être d’un autre avis dès lors que, manifestement, les critères de la loi Leonetti, tels qu’interprétés par la plus haute juridiction administrative, dans les cas où ils sont appliquées à une personne inconsciente et soumise à un « traitement » qui n’est pas réellement thérapeutique mais simplement une question de soins, ont en réalité pour résultat de précipiter un décès qui ne serait pas survenu autrement dans un avenir prévisible.

10. Le rapporteur public devant le Conseil d’État (paragraphes 31 et 122 de l’arrêt) aurait déclaré (citant les propos tenus par le ministre de la santé aux sénateurs qui examinaient le projet de loi Leonetti) que « [s]i le geste d’arrêter un traitement (...) entraîne la mort, l’intention du geste [n’est pas de tuer : elle est] de restituer à la mort son caractère naturel et de soulager. C’est particulièrement important pour les soignants, dont le rôle n’est pas de donner la mort ». Tant le Conseil d’État que la Cour ont accordé beaucoup d’importance à cette déclaration. Nous ne sommes pas de cet avis. Indépendamment du fait que, ainsi que nous l’avons déjà dit, rien ne prouve en l’espèce que M. Lambert ressent une quelconque souffrance, cette déclaration ne serait exacte que si une distinction était convenablement établie entre des soins (ou un traitement) ordinaires et des soins (ou un traitement) extraordinaires. Le fait d’alimenter une personne, même par voie entérale, est un acte de soins et si l’on cesse ou l’on s’abstient de lui fournir de l’eau et de la nourriture, la mort s’ensuit inévitablement (alors qu’elle ne s’ensuivrait pas autrement dans un futur prévisible). On peut ne pas avoir la volonté de donner la mort à la personne en question mais, en ayant la volonté d’accomplir l’action ou l’omission dont on sait que selon toutes probabilités elle conduira à cette mort, on a bien l’intention de tuer cette personne. Il s’agit bien là, après tout, de la notion d’intention positive indirecte, à savoir l’un des deux aspects de la notion de dol en droit pénal.

11. En 2010, pour célébrer son cinquantième anniversaire, la Cour a accepté le titre de Conscience de l’Europe en publiant un ouvrage ainsi intitulé. À supposer, aux fins du débat, qu’une institution, par opposition aux personnes composant cette institution, puisse avoir une conscience, pareille conscience doit non seulement être bien informée mais doit également se fonder sur de hautes valeurs morales ou éthiques. Ces valeurs devraient toujours être le phare qui nous guide, quelle que soit « l’ivraie juridique » pouvant être produite au cours du processus d’analyse d’une affaire. Il ne suffit pas de reconnaître, comme la Cour le fait au paragraphe 181 de l’arrêt, qu’une affaire « touche à des questions médicales, juridiques et éthiques de la plus grande complexité » ; il est de l’essence même d’une conscience, fondée sur la recta ratio, de permettre que les questions éthiques façonnent et guident le raisonnement juridique jusqu’à sa conclusion finale. C’est précisément cela, avoir une conscience. Nous regrettons que la Cour, avec cet arrêt, ait perdu le droit de porter le titre ci-dessus.


[1] Voir les observations du tiers intervenant, l’association Amréso-Bethel.

[2] Il suffit ici de renvoyer à l’Observation générale n° 12 et à l’Observation générale n° 15 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, adoptées respectivement à ses vingtième et vingt-neuvième sessions.

[3] Voir les observations des requérants, § 164.

[4] Voir le septième paragraphe de cette décision, reproduit au paragraphe 50 de l’arrêt.

[5] Le paragraphe 56 y fait également allusion.
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Écrit par : Quiniou / | 05/06/2015

PUISQUE LES PARENTS VEULENT BIEN PRENDRE LA RELÈVE : ALORS, POURQUOI ?

> Cela fait froid dans le dos, une telle décision. Mais c'était assez prévisible depuis qu'il a été statué que l'alimentation et l'hydratation étaient des soins.
Cependant, à ma connaissance, les personnes en bonne santé ont toutes, sans exception, besoin de s'alimenter et de boire.
Pourtant, si l'Etat français décide qu'il ne peut pas consacrer du temps de personnel soignant à une personne dont l'état de santé ne va pas revenir à la normale (à vue humaine, s'entend), les parents veulent bien prendre la relève. Alors ?
Nous entrons, depuis quelques temps déjà, dans une barbarie telle que le monde n'en n'a encore jamais connue. Le nazisme nous en donnait les prémices.
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Écrit par : Bernadette / | 05/06/2015

LA TECHNIQUE

> C'est en lien avec la technique qui tend à remplacer les choix. Même si c'est dans un autre domaine. Revoilà, Dieu merci, Thibault de la Hosseraye: http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/29-mai-2005-le-jour-d-apres-la-democratie
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Écrit par : ND / | 05/06/2015

ORWELL

> La Cour se présente comme "conscience de l'Europe". Toujours cet inquiétant langage orwellien ! Cette dérive totalitaire donne aux propos du cardinal Ratzinger en 1990 toute sa pertinence. Évoquant un autre cardinal il disait ceci :
"La doctrine de Newman sur la conscience fut pour nous la base du personnalisme théologique qui exerçait sur nous attraction et fascination. Notre image de l’homme et notre concept de l’Église furent marqués par ce point de départ. Nous avions expérimenté la prétention d’un parti totalitaire qui se concevait lui-même comme la plénitude de l’histoire et qui niait la conscience individuelle. Hermann Goering avait dit à son chef : « Je n’ai pas de conscience ; ma conscience, c’est Adolf Hitler ». L’immense désastre humain qui suivit tout cela était devant nos yeux. C’est pourquoi, il fut pour nous libérateur et fondamental de savoir que le ‘nous’ de l’Église ne se basait pas sur l’élimination de la conscience, au contraire: ». L’immense désastre humain qui suivit tout cela était devant nos yeux."
http://www.newmanfriendsinternational.org/french/?p=227
Pour une réflexion plus étayée, voir ici : Conscience et vérité dans les écrits du Bienheureux John Henry Newman.
http://www.newmanfriendsinternational.org/french/wp-content/uploads/2013/05/conscience-et-verite.pdf
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Écrit par : isabelle / | 05/06/2015

> Merci, c'était une erreur.
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Écrit par : PP à phil / | 06/06/2015

INCROYABLE

> Oui, c'est vraiment un cas de conscience incroyable.
On ne peut pas le priver de nourriture ni de boisson, ce serait très grave et quelles souffrances il aurait.
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Écrit par : Marie-Thérèse Morellet / | 06/06/2015

ENTRETIEN

> L'entretien ci dessous n'est pas officiel mais la fonction de son auteur peut le laisser penser. Or c'est lamentable comme façon de raisonner. La CEDH ne traite pas de l'euthanasie en général, il n'empêche qu'elle ouvre la porte, comme pour la GPA..
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Mgr-Ribadeau-Dumas-L-arret-de-la-CEDH-sur-l-affaire-Lambert-marque-la-tres-grande-complexite-de-cette-situation-2015-06-05-1320071
Quand on veut noyer le poisson on dit que c'est compliqué.

PH


[ PP à PH - Pour une fois, je ne suis pas de votre avis. La conclusion de l'entretien réaffirme nettement la valeur intangible de la vie humaine. Les réponses qui précèdent ne font que constater la réalité, qui est effectivement complexe (mais pourquoi l'est-elle ?).
Ces situations sont chaque fois un cas unique et complexe, très douloureux : c'est ce que dit l'évêque, et quiconque a vécu une situation un peu comparable sait ce qu'il en est.
Ce que je soulignais dans ma note visait l'attendu de la CEDH qui biaise l'article 2. Mais je soulignais qu'on demande à des juges de décider l'indécidable : dans ces conditions, comment ne recourraient-ils pas à des biais ?
La complexité constatée par l'évêque est la conséquence inévitable de la politisation et de la judiciarisation d'une question intime.
D'où viennent cette politisation et cette judiciarisation, ainsi que la désignation des parents Lambert comme bouc émissaire par le lobby économique de l'euthanasie ? Là est le vrai problème... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 06/06/2015

COMPLÈTEMENT

> Très étrange : nous sommes donc en pleine a-nomie, ce qui pourrait étymologiquement se traduire pas "sans loi" ou sans norme.
D'autre part, on juge (sans "loi"...) qu'un individu a "perdu" sa dignité dans la mesure où il a perdu son auto-nomie ("qui se donne sa propre norme").
Donc si j'ai bien compris, la norme actuelle, qui interdit les normes, exige qu'on meure dès qu'on ne peut plus se donner ses propres normes (?!)
On éprouve un vrai malaise de voir à quel point le système est devenu complètement c...
Je n'ose plus demander de l'aspirine.
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Écrit par : Fernand Naudin / | 07/06/2015

@ PP

> Désolé, mais je ne me ferai jamais au style si spontanément précautionneux de la CEF, d'ou ma difficulté à comprendre ses documents.
Bien sur que Mgr RD réaffirme que toute vie doit être défendue, mais il semble passer complètement à côté de l'effet jurisprudentiel que cela va avoir. La CEDH ne dit pas qu'il faut généraliser l'arrêt des soins palliatifs, encore heureux, elle se contente de légaliser de fait cette pratique.
Pour ce qui est des parents: naturellement, à chaque fois que leur position est exposée dans les grands médias et même qu'on leur donne la parole, on précise après qu'ils sont catholiques afin de bien insinuer que ce sont eux qui sont un peu spéciaux.

PH

[ PP à PH - Je me permets de vous faire observer que :
1. Mgr RD (et non la CEF en tant que telle) ne "légalise" rien : il n'en a ni le pouvoir ni l'intention ! Son analyse constate une situation de fait et rappelle le principe central.
2. Un évêque n'est pas en mesure de s'opposer à un courant jurisprudentiel. L'erreur de catholiques a été de croire, depuis quarante ans, que "si les évêques avaient parlé plus fort" telle ou telle décision n'aurait pas été prise par les pouvoirs publics : cette croyance est erronée (elle l'a d'ailleurs toujours été, même dans l'ancienne France), mais elle permet à tel ou tel groupe d'opinion parmi les catholiques de se poser en plus-que-parfaits et de censurer les successeurs des Apôtres. (Je ne dis pas ça pour vous : je vous connais assez pour savoir que votre critique de la CEF est d'une autre nature).
3. La désignation des "catholiques" comme bouc émissaire par les médias (donc par les forces financières) vise à pousser les catholiques à la faute : se comporter comme un clan ulcéré, ce qui serait sortir du christianisme. La seule riposte adaptée consiste à critiquer le système économique dont dépendent ces médias ; et non pour "nous défendre", mais dans l'intérêt général. C'est ce que fait le Magistère, même si les groupes catho-libéraux font tout pour que leurs publics (et les cathophobes !) ne le sachent pas.
4. La ligne de crête tenue par les évêques est très inconfortable mais c'est la seule : il s'agit de continuer à être apostoliques malgré la malveillance ambiante, à laquelle il serait trop facile de répondre par une malveillance inverse. Pour être apostoliques, il faut être en contact avec les gens. La solution ne serait pas d'opposer frontalement la théorie canonique à la vie des gens (*), ce qui équivaudrait à relever le pont-levis. "Soyez toujours prêts à donner à qui vous les demande les raisons de votre espérance..."

(*) surtout au sujet de la fin de vie, de la souffrance incurable et des facultés physiques et mentales disparues : domaine déchirant, sur lequel les gens sont très circonspects en ce qui les concerne personnellement.
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Écrit par : Pierre Huet / | 08/06/2015

CE MONDE

> Récemment, une amie m'a fait lire un ouvrage, que je recommande à toutes les personnes qui traversent un épisode dépressif : "Survivre à la dépression", de Kathryn J. Hermes. Un livre de lumière...
http://www.editions-beatitudes.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=115
Beaucoup de saints ont connu la dépression (ou un état très approchant). François Libermann, littéralement obsédé par le suicide, le curé d'Ars, persuadé d'être un imposteur, et...Edith Stein. L'auteur relate que cette dernière, après la prise du pouvoir par A. Hitler, tentée de désespoir devant les horreurs dont elle pressentait l'imminence, désirait être renversée par une voiture à chaque fois qu'elle traversait une rue. Oh, que je le comprends, ce désir ! Devant ces horreurs aseptisées, qui ne posent finalement pas de problème à grand'monde, je me sens... complètement désemparé.
Tout cela est tellement irréel...et pourtant c'est la réalité. Les horreurs du nazisme et du communisme n'ont strictement servi à rien. Souvent, pour échapper à cette folie, pour échapper à tous mes conflits intérieurs (entre le Feld chrétien, le citoyen un peu responsable, et le Feld parfait agent du système car il faut bien nourrir ses gosses et rembourser l'emprunt de sa baraque), je rêve qu'un jour, dans la foule, un inconnu s'arrête devant moi, et, sans un mot, me flingue à bout portant. Mes frères, je n'appartiens plus à ce monde...
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Écrit par : Feld / | 08/06/2015

@ feld

> Je ne connais pas ce livre, mais j'ai entendu que le chapelet était [entre autre] un anti-dépresseur (comme toute prière de répétition).
Evidemment être de ce monde sans lui appartenir, est un peu une quadrature du cercle. Chercher à faire plus mais sans en mettre plus que ne peut contenir le récipient (cf Ste Thérèse, il y a des grands et des petits récipients, le volume ne dépend pas de nous, nous ne pouvons agir que sur le remplissage. Humilitas, humilitas, humilitas).
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Écrit par : franz / | 08/06/2015

@ PP

> -je n'ai pas écrit que la CEF légalisait quelque chose, mais la CEDH.
-soit dit sans flatterie, votre commentaire de ce sinistre arrêt avait beaucoup plus de portée que celui de Mgr RD. Est-ce un acte de rébellion de le constater et, compte tenu de sa fonction, le déplorer?
PH


[ PP à PH
- Mais non, pas "de rébellion". Cependant il faut comprendre le point de vue pastoral des évêques, comme j'ai essayé de le dire dans ma réponse précédente. Leur mission est tout autre que notre métier de commentateurs... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Pierre Huet / | 08/06/2015

@ feld

> Vivre dans ce monde et anticiper la perfection de celui à venir est schizophrénique à faire perdre la raison.
Teilhard de Chardin fit admirablement remarquer: «… Nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine»
Cultivons donc notre spiritualité. Pour le reste soyons suffisamment indulgent avec nous-mêmes.
Comme vous le soulignez fort justement, il y a des responsabilités qui nous incombent et nous obligent à des compromis avec le matérialisme.
Sauf à choisir la voie de la vocation.
Ne pas l'avoir fait est ma croix personnelle.
Prions Dieu.
Sincèrement votre.
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Écrit par : JClaude / | 09/06/2015

CE QUI LES INDIGNE

> Le CSA se préoccupe de la dignité de M. Vincent Lambert. Pas pour empêcher qu'on le fasse mourir, mais pour s'indigner qu'on le montre.
http://www.delitdimages.org/video-de-vincent-lambert-saisine-du-csa/
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Écrit par : Pierre Huet / | 11/06/2015

HÔPITAL

> "Y aurait il un hôpital chrétien pour accueillir Vincent ?! Et donner de l'amour et de l'attention à Vincent et sa mère."
C'est une remarque de la cinéaste Cheyenne Carron.
Oui, pourquoi pas, quitte à faire une souscription pour prendre en charge tout ou partie du coût, qui doit être important.
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Écrit par : Pierre Huet / | 12/06/2015

DIFFICILE

> je rebondis sur les questions soulevées en commentaire sur la réaction de la CEF et de ses divers porte-voix. Aux itw mentionnés s'ajoute celle de Mgr d'Ornellas dans La Croix. Je trouve cela vraiment difficile à suivre pour le commun des mortels. On croirait même presque à un moment de l'itw qu'il associe la valeur d'une vie au niveau de souffrance ou de plaisir qu'elle comporte.
Je ne préjuge pas de son opinion réelle mais je ne trouve pas que les réactions de l'épiscopat soient lisibles et utiles.
Peut-être que l'érection du "magistère parallèle" que vous dénoncez souvent n'a pas qu'à faire avec les imperfections de franges catholiques, mais aussi avec la mollesse du leadership officiel ; non pas mollesse dans le sens que la CEF ou la plupart des évêques devraient être plus "durs", mais peut-être simplement plus lisibles et réactifs !
De plus, on comprend bien sûr le "point de vue pastoral" que vous évoquez et qui fait que la parole d'un évêque, n'étant pas celle de n'importe qui, se doit d'être mesurée (au risque de s'enliser). Mais je crois aussi qu'il ne faut pas forcément nier que certains de nos prélats n'apportent pas un intérêt fondamental aux questions bioéthiques ; le nier serait ce me semble un peu rapide. Dans le monde occidental, le positionnement des évêques sur l'avortement suit typiquement ces deux contraintes, 1/ un raisonnement pastoral très légitime qui incite les évêques à réfléchir sur leur place pertinente dans l'engagement des chrétiens sur la question de l'avortement 2/ l'intérêt personnel du prélat sur la question. Et nous savons tous très bien que cet intérêt est hétérogène.
Ainsi bien sûr, il est honteux de dire comme je l'ai déjà entendu, et comme vous le mentionnez plus haut, que les évêques français ont du sang sur les mains parce qu'ils n'auraient pas protesté assez fort à la loi Veil, autant on peut reconnaître qu'en certains cas, le degré de réaction de l'Eglise reflète le degré de priorité attribué au sujet par les évêques.
Et on peut là-dessus imaginer que les catholiques de la base et les évêques n'ont pas des préférences thématiques identiques.
Exemple : les évêques s'intéressent peut-être moins à Vincent Lambert que certains cathos de base. Il ne m'appartient pas de dire que c'est bien ou mal, n'ayant aucune idée de quels sont les autres "sujets" quotidiens dans la vie d'un évêque.
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Écrit par : perlapin / | 17/06/2015

En conclusion

> Le tort, c'est de s'emballer. Et une forme de confusion apparente peut effectivement être en réalité un test de foi. Et le résultat de celui-ci n'est pas toujours effectivement très brillant.
Au-delà du test en lui même qui a lui aussi son importance, il y a le fond du sujet, clairement évoqué en son temps par Jean-Paul II. Quant à l'aspect "réflexe" évoqué par certains au sujet de la respiration, heureusement pour eux qu'ils ont déjà ce même réflexe depuis leur entrée dans le monde, sinon il ne pourrait pas en parler aujourd'hui.

En particulier, je voudrais souligner que l'administration d'eau et de nourriture, même à travers des voies artificielles, représente toujours un moyen naturel de maintien de la vie, et non pas un acte médical. Son utilisation devra donc être considérée, en règle générale, comme ordinaire et proportionnée, et, en tant que telle, moralement obligatoire, dans la mesure où elle atteint sa finalité propre, et jusqu'à ce qu'elle le démontre, ce qui, en l'espèce,
consiste à procurer une nourriture au patient et à alléger ses souffrances.

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II
AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS INTERNATIONAL
PROMU PAR LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES
ASSOCIATIONS DES MÉDECINS CATHOLIQUES
(17-20 MARS 2004, AUGUSTINIANUM)
Samedi 20 mars 2004
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Écrit par : Jean / | 18/06/2015

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