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06/06/2015

Catholicisme : l'eucharistie, l'eschatologie, et... l'écologie

 écologie,christianisme

Ecologie de l'âme (6). Fête du Corps et du Sang du Christ : 


 

La gratitude est  la démarche chrétienne. Et c'est aussi la fibre de la véritable démarche écologique ! « Sauf s'il est un imposteur (il y en a), l'écologiste est l'homme qui sait n'être pas le maître du monde et de la vie – mais seulement leur gérant. S'il n'est pas le maître, s'il reconnaît qu'il ne doit pascéder au vertige de maîtrise, c'est forcément en vertu de quelque chose qui le dépasse. Autrement dit  et littéralement : une transcendance... Ressentir cette transcendance fait naître un sentiment que la société matérialiste ignore : une gratitude... On ne saurait éprouver de gratitude envers les forces anonymes de la vie, que notre sous-culture scientiste nous propose comme idole ; encore moins envers la poussière d'étoilesqui sert de concept à la fois métaphysique et matérialiste aux films de science-fiction américains. Non : la gratitude recherche une Personne. La gratitude de la créature recherche le Créateur. »*

Envers son Créateur et Rédempteur, le chrétien a des comportements de gratitude dans sa vie quotidienne : saint Paul nous dit de prendre nos repas « dans l'action de grâce » (1Corinthiens 10,30).

Et selon la théologie catholique, communier à l'eucharistie est s'unir à la personne du Christ, qui est Lui-même notre Louange montant vers le Père. 

Toute louange à Dieu est aussi remerciement pour ses merveilles : celles de la création dont nous faisons partie comme gérants, et qui nous sont confiées alors qu'elle existent indépendamment de nous.

Regardons le mystère de l'eucharistie. Comme le soulignait le théologien dominicain Pierre Benoît (Ecole biblique de Jérusalem), le Christ « confie à des aliments, pain et vin, la valeur éternelle de sa mort rédemptrice » : à travers Lui, les choses de l'univers rendent hommage à Dieu. Cet hommage est la fonction propre de la « religion ».

L'écologie y trouve sa dimension spirituelle : et c'est logique, puisque « si la Création est l'espace de l'alliance, le lieu de la rencontre et de l'amour entre Dieu et l'homme, elle est donc destinée à être l'espace de l'adoration »**. Joseph Ratzinger ajoute : « Création, histoire et culte se trouvent liés ; la Création attend l'alliance, et l'alliance, de son côté, accomplit la Création, tout en l'accompagnant. Et si le culte, bien compris, est l'âme de l'alliance, cela implique qu'il ne sauve pas l'homme seulement, mais entraîne toute la réalité dans la communion avec Dieu. » C'est l'idée de Romains 8,19-22 que nous citions hier :« La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au pouvoir du néant, non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l'a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l'espérance d'être, elle aussi, libérée de l'esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d'un enfantement qui dure encore... »

Bénir le Créateur pour le pain, le vin, l'eau, les fruits, etc, était le sens religieux antique du repas en commun. Mais l'eucharistie chrétienne va infiniment plus loin. Les paroles transformatrices de Jésus sur le pain et le vin sont d'un réalisme surnaturel : elles donnent au pain et au vin un sens réel mais inouï, celui de la vie eschatologique promise (et apportée) par la résurrection du Fils. Il ne s'agit pas ici de « symbole », mais d'infiniment autre chose, où l'on retrouve l'idée de Romains 8 dont le pain et le vin sont aussi l'expression. C'est la « messe sur le monde » : en communiant à l'eucharistie, l'homme associe la Création entière – la matière même de l'univers – à sa longue marche eschatologique. Mais c'est parce que l'Esprit a pris possession de la matière par le corps ressuscité de Jésus, cellule première du cosmos nouveau :« le passage qui s'opère du pain au Corps et du vin au Sang reproduit à la manière sacramentelle le passage de l'ancien monde au monde nouveau, qu'a franchi le Christ en allant par la mort vers la vie »... (Pierre Benoît o.p.).

Ainsi le chrétien eucharistique, membre du Corps du Christ, est inséparablement responsable du reste de la Création dont il est membre aussi. C'est la vision chrétienne de l'écologie : elle est radicale. Le chrétien ne peut traiter la matière comme Mammon, le dé-créateur, la traite.

 

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* Cathos, écolos, mêmes combats ? (Peuple libre, 2015).

** Joseph Ratzinger, L'esprit de la liturgie (Ad Solem, 2002). Ce chapitre du livre avait intéressé la revue radicale L'Ecologiste, et suscité un échange constructif entre elle et le cardinal Ratzinger.