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22/02/2015

Agriculture, climat : Hollande compromet Paris 2015

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Il bavarde sur la COP 21, mais fait le jeu de ses saboteurs :


 

 

Hier au Salon de l'agriculture, M. Hollande jouait les terriens soucieux.

Chaque semaine il mentionne la conférence climatique (COP 21) qui se réunira à Paris en fin d'année.

C'est la diversion élyséenne pour 2015... « L'esprit du 11 janvier » ayant foiré, voici « l'enjeu du 30 novembre ».

Mais ce souci du climat sonne faux. Vendredi dernier, M. Hollande présidait (« en vue de la COP 21 ») un forum international  organisé par les agro-chimiques et les géants de la finance : FNSEA, industrie semencière, assurances, banques, Veolia, GDF-Suez. Ce forum portait officiellement sur le changement climatique. En réalité, il relayait l'opération américaine « Climate-Smart Agriculture » (Agriculture climato-intelligente) : une vaste manoeuvre visant à maintenir le business productiviste sous un camouflage de souci climatique.

Cette opération a commencé en 2009, à travers la FAO qui ne refuse pas grand'chose au business. L'objectif climate-smart est :

1. « d'augmenter durablement la productivité »  (l'imposture joue sur le mot « durablement », qui ne veut rien dire et sonne écolo) ;

2. « d'adapter » la planète agricole au « changement climatique », faux nom economically-correct du réchauffement ;

3. cela en affirmant, bien entendu, que l'on veut « atténuer les émissions de gaz à effet de serre » : clause de style dénuée de sens, puisque l'on persévère dans le productivisme agro-industriel.

« Productivisme » ne veut pas dire « produire selon les besoins des populations de la planète », mais « produire selon les normes de rentabilité financière des industries ». La société productiviste est une société du pillage au sud pour le gaspillage au nord...

Ainsi la planète est au profit des industries et non des populations, comme s'en indigne le pape dans son discours aux mouvements populaires, le 27/09/2014, ou dans son discours à la FAO (justement), le 20/11/2014.  Il faut « repenser de fond en comble l'économie agricole », a-t-il dit aux agriculteurs italiens le 31/01/2015. Il faut rompre avec « la culture du gaspillage et du rejet », donc avec « la dictature de l'argent », martelait-il lors de la Journée mondiale de l'environnement (5/06/2013) : rompre avec sa « tyrannie invisible et virtuelle », soulignait-il dès le 16/05/2013 dans un discours aux ambassadeurs.

Rompre ? Ce n'est pas ça (mais alors pas du tout !) que veulent les géants amis de M. Hollande.

D'où le cri d'alarme des ONG compétentes. Elles sont une centaine à protester contre l'opération Climate-Smart Agriculture. Ainsi le constat du CCFD* : «Le périmètre des pratiques promues est tellement flou qu'il laisse le champ libre aux OGM*** ou à l'utilisation intensive de pesticides et d'engrais chimiques. Pas étonnant, quand on sait que les premiers acteurs privés impliqués sont les géants américains Monsanto, Cargill ou McDonald's, le norvégien Yara, numéro 1 mondial des fertilisants synthétiques, ou tous les grands traders de l'agro-alimentaire. Ils y voient sans doute le moyen de maintenir le modèle actuel, celui-là même qui nuit le plus au climat...»

Le coup vient de haut, souligne Aurélie Trouvé dans son livre Le business est dans le pré (Fayard) où elle pose le même diagnostic que le pape François : « Face au développement des spéculations sur les marchés à terme agricoles, c'est toute une régulation des marchés financiers et des banques qu'il faudrait mettre en place.»

Et face aux géants auxquels s'est lié M. Hollande, l'urgence est de faire connaître partout les véritables propositions de la véritable agro-écologie :

« Plutôt que de considérer le sol comme un support inerte inondable à l'envi de pétrochimie [...], utiliser sa valeur agronomique [...] Eviter la monoculture, favoriser les rotations. Travailler avec la nature plutôt que contre elle. Maintenir les haies, préserver l'eau, tendre vers l'autonomie des exploitations. Ce qui demande technicité et connaissances. Et permettra parfaitement de nourrir 9 milliards de Terriens en 2050, selon Olivier De Schutter, ancien rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation des Nations-Unies... »***

Mais, insistent les experts (qui parlent comme le pape), « au-delà du fonctionnement des exploitations, c'est tout le système alimentaire qu'il faut repenser. Un  premier pas est de lutter contre les pertes et le gaspillage alimentaires, qui représentent près d'un tiers de la production mondiale de nourriture. »

Ce premier pas nous concerne tous, dans la mesure où nos propres habitudes alimentaires doivent changer. Par exemple : penser aux culture vivrières de l'hémisphère Sud menacées par la production de viande de masse (et penser à la nocivité climatique de cette production), doit nous amener à inverser dans nos assiettes la part des protéines animales et celle des protéines végétales. Penser au climat doit nous amener à préférer les circuits courts de production-consommation. Etc.

 

Etudions ces problèmes et diffusons ces solutions ! Si nous ne le faisons pas, ce n'est pas M. Le Foll qui le fera ! 

Mobilisons-nous pour faire pression sur la COP 21 en novembre ! Si nous ne le faisons pas, ce n'est pas M. Hollande qui le fera !

 

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* Le CCFD : je recommande sa plaquette Vivre le Carême 2015. (« Quand foi et écologie se rencontrent », « habiter la Création, revenir à l'essentiel » ; « Création et humanité au coeur du dessein de Dieu »). J'en parlerai très vite ici.

** OGM : « La campagne de semences d'organismes génétiquement modifiés, qui prétend assurer la sécurité alimentaire, ne doit pas faire ignorer les vrais problèmes des agriculteurs : le manque de terre arable, d'eau, d'énergie, d'accès au crédit, de formation agricole, de marchés locaux, d'infrastructures routières, etc. Cette technique [du transgénique commercial] risque de ruiner les petits exploitants, de supprimer leurs semences traditionnelles, et les rend dépendants des sociétés productrices des OGM. » (Benoît XVI, synode des évêques africains, octobre 2009).

*** Coralie Schaub, Libération 21/02.

 

 

Commentaires

« d'augmenter durablement la productivité »

> En fait, c'est parfaitement clair, puisque dans la terminologie économique qu'il connaît bien (il a fait l'ENA, hein!), la productivité est la production en valeur finale rapportée à l'effectif. Et la valeur de cette production inclut celle des intrants, ce n'est pas forcément la valeur ajoutée par les cultivateurs.
Donc un suicide d'agriculteur augmente aussi la productivité.
Humour cynique? non, réaliste.
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Écrit par : Pierre Huet / | 22/02/2015

LES SOLS

> Le problème des sols devient crucial pour l'avenir de l'humanité. Peut-être que le manque de sols nous rattrapera avant le réchauffement climatique.
La FAO, et Olivier de Schutter ont raison de proclamer l'année internationale des sols.
Dans ma région, on peut perdre 100t de terre par ha et par an. 1 cm d'argile a besoin de 100 ans pour se régénérer, et encore uniquement sous une forêt.
Les matières organiques des sols ont été divisées par deux en cinquante ans, et dans beaucoup de sols français, il n'y a plus de matière organique labile (celle qui produit l'alimentation des plantes).
Il faut donc tout apporter à la plante, qu'on soit en bio ou non. La matière organique peut se régénérer, mais très lentement en supprimant le labour et maintenant des plantes en couverture. Ca permettra d'ailleurs de stocker du CO2 (gros travail de recherche que l'INRA n'a qu'effleuré)
Monsanto, Cargill, Syngenta et consorts ont tellement pompé la valeur ajoutée de l'agriculture qu'ils sont les seuls à pouvoir financer la recherche agronomique actuelle. Ils apparaissent partout, car l'Etat finance à peine 20% de la recherche appliquée agricole.
Voilà quelques éléments d'un agriculteur à soumettre à votre réflexion. La situation de l'agriculture française a vraiment besoin de réactions rapides et pragmatiques, en évitant les caricatures.
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Écrit par : Tassel | 22/02/2015

PINATEL

> Merci Pierre pour ce lien, où l'on voit le courageux Laurent Pinatel se faire expulser "gentiment" par le service d'ordre de notre pâte molle pasteurisée (voir précédent fil sur le sujet)! La Confédération Paysanne au salon de l'agro business ?.. là déjà y a outrage, faut pas pousser ! La FNSEA veille , les agitateurs (il en reste ?) seront étouffés , deux ou trois "vrais paysans" dans chaque parcs nationaux ça suffit bien !!! Merci également pour ce dernier commentaire tout à fait réaliste ! J'ai la chance d'avoir un ami éleveur de brebis (800 avec son associée!) et producteur de noix en bio et à la "conf" , son père était éleveur (lait) et à la FNSEA bien sûr , il est aujourd'hui à la retraite et commence à s'intéresser à la réussite de son fiston , qui l'eut cru , et maintenant à l'aider et ... réapprendre son beau métier de paysan ! Les brebis sont dehors en toutes saisons (transhumances l'hiver sur des terres prêtées ... ça nettoie!)... Les résultats de ce beau travail (beaucoup de temps et de recherche, des techniques nouvelles aussi) commencent à interpeler l'entourage (au départ très hostile) et les adeptes inconditionnels de FNSEA se posent des questions ! Je voulais partager avec vous l'espoir que suscite cette aventure magnifique .
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Écrit par : escargolibri / | 23/02/2015

MARION ET MÉLANIE

> Ne soyez pas ainsi pessimiste! M. Hollande se préoccupe réellement du climat, il constitue une équipe de choc:
http://www.closermag.fr/people/politique/francois-hollande-emmene-marion-cotillard-et-melanie-laurent-en-voyage-offici-471542
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Écrit par : Pierre Huet / | 24/02/2015

NE PAS TRAITER À PART

> Tant que l'écologie et le climat seront traités à part, on résoudra pas les problèmes .
Il ne devrait pas y avoir un ministère de l'Ecologie, mais des personnes compétentes dans les problèmes environnementaux qui interviennent sur tous les sujets .
Voici un article intéressant :http://www.lemonde.fr/climat/article/2015/02/17/il-faut-cesser-de-separer-le-climat-du-monde-reel_4578024_1652612.html
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Écrit par : Nathalie Larnicol / | 25/02/2015

@ Tassel

> Pas seulement les sols; la pêche en eau profonde fait dès aujourd'hui des ravages considérables, avec la bénédiction des pouvoirs publics.
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Écrit par : Blaise / | 25/02/2015

LA THROMBOSE DES OCÉANS

> Il sort en ce moment un rapport sur la pollution des océan en surface et dans la masse, par les déchets de plastiques. C'est peut être ce qu'il y a de pire comme danger !
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Écrit par : Pierre Huet / | 25/02/2015

@ Pierre Huet

> Peut-être; mais cela n'empêche pas qu'avec la pêche en eau profonde nous nous dirigeons vers l'extinction rapide d'espèces entières, et la désertification des mers et des océans.
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Écrit par : Blaise / | 25/02/2015

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