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27/09/2014

Amen to that, Father Malone

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Un essai du P. Malone s.j. (revue America), qui parle de l'engagement du chrétien : recentrage sur la « foi nue » en la personne de Jésus-Christ, y compris dans le domaine politique et social... 


Matthew Malone fut naguère l'un des animateurs de la fondation Commonwealth : un des nombreux cercles de la droite américaine en croisade pour la défense du free market, gravement menacé (comme chacun sait) aux Etats-Unis... Mais Matt Malone est devenu membre de la Compagnie de Jésus en 2002, avant de devenir en 2012 rédacteur en chef de la revue jésuite America. Sa réflexion sur la société a évolué, notamment dans le sillage de la pensée de René Girard. On le constate dans son essai Catholiques sans étiquette*, où il déclare par exemple : « Nous avons un parti pris, celui des pauvres et des plus vulnérables […] America croit que l'oeuvre de justice sociale fait partie intégrante de notre engagement de disciples du Christ […] Nous croyons que les êtres humains ont le devoir de prendre soin les uns des autres, surtout des derniers et des plus vulnérables d'entre nous ; ce qui exige des structures sociales et politiques promouvant la responsabilité, l'égalité des chances, la distribution équitable des ressources sociales, et un solide réseau de sécurité sociale** […] L'histoire du XXe siècle témoigne amplement en faveur de l'enseignement social catholique : il n'y a pas de solution étatique à tous les problèmes […], mais pour de nombreux problèmes la seule solution vient de l'Etat. » On s'éloigne du libéralisme !

Ces considérations générales ne sont pas l'essentiel de l'essai du P. Malone. Comme son titre l'indique, il s'adresse aux catholiques : il les appelle à se libérer des divisions nées d'« idéologies » – et à se recentrer sur la « foi nue » en la Personne de Jésus Christ, parce que leur baptême les y invite. « Le témoignage politique des chrétiens est donc le témoignage de pécheurs qui sont aimés et pardonnés, et sont toujours prêts à aimer et à pardonner à leur tour. Le christianisme ne peut être 'crédible' autrement... »

Le P. Malone indique la voie d'un art de vivre et d'agir : « La recherche de la vérité implique des propositions, bien sûr, mais ces propositions doivent être élaborées, défendues et nourries dans le cadre d'une relation personnelle. Autrement dit, ce que professe l'Eglise n'est pas un programme politique comme en établissent les partis. Le catéchisme de l'Eglise catholique n'est pas un code pénal... » Dieu s'est communiqué à l'humanité en la personne de Jésus Christ, pour qui les normes de l'action humaine sont l'amour, le pardon et la justice ; nous sommes tous appelés « à une relation consciente et vivante » avec cette Personne (non à servir une théorie). D'où le critère absolu de l'agir chrétien : il ne s'agit pas de brandir des principes, car « tout ce que l'Eglise enseigne en plus de cette première annonce [le Christ] n'est en fin de compte existentiellement intelligible que dans le contexte de cette relation. »

Le christianisme n'est pas une idéologie puisqu'il ne désigne pas « d'ennemi conceptuel a priori », souligne Le P. Malone en disciple de Girard. Cette seule idée suffit, ou devrait suffire, à libérer ceux des catholiques qui s'encombraient d'obsessions héritées du passé ou des partis. Suffire aussi à leur faire comprendre où va le pape François, qui inquiète si fort les plus encombrés ! « La civilisation est constituée d'hommes condamnés à discuter ensemble », disait le thomiste américain Thomas Gilby o.p.*** : cette perspective est celle de Vatican II et donc celle de Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et François ; à l'heure où la globalisation néolibérale dégénère en « troisième guerre mondiale », comme dit François, la perspective civilisationnelle de l'Eglise catholique devient une idée de salut public. L'urgence pour les catholiques est de le comprendre et de s'y engager : et ceux d'entre eux qui se mêlent de communication doivent, dit le P. Malone, « créer des contenus qui dépassent les clivages partisans, et qui trouvent leur dynamisme et leur crédibilité dans le scandale de l'Evangile plutôt que dans une vision du monde identitaire. »

Amen to that, Father Malone.

 

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* publié en français à Paris (éditions Salvator).

** idée en horreur à la droite américaine.

*** The Political Thought of Thomas Aquinas, 1959.

 

Commentaires

JOSEPH RATZINGER

> "Deux pensées se font face.
D'un côté, une pensée qui se fonde sur l'ensemble de la tradition chrétienne et tente, à partir
de celle-ci, de décrire l'ample et constante palette des possibilités de l'Eglise.
De l'autre, une pensée purement systématique qui prend pour unique critère de ses réflexions
la forme juridique actuelle de l'Eglise, et se voit ainsi contrainte de redouter tout mouvement en dehors de cette forme comme une chute dans l'abîme : son conservatisme repose sur la distance qu'elle a avec l'histoire et donc sur un manque de tradition, ou plus précisément sur un manque d'ouverture à l'ensemble de l'histoire chrétienne."

(Joseph Ratzinger, 'Ergebnisse und Probleme der dritten Konzilsperiode', Cologne 1965)
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Écrit par : luça / | 27/09/2014

FRANÇOIS

> "Adorer, c'est se dépouiller de nos idoles même les plus cachées, et choisir le Seigneur comme le centre, comme la voie royale de notre vie."
(pape François, homélie du 14 avril 2013)
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Écrit par : luça / | 27/09/2014

VATICAN II

> "Le pape simple qu'était Jean XXIII n'a que trop bien vu que l'Eglise était presque devenue incompréhensible, non seulement parce que ses mots avaient vieilli, mais aussi en raison de ses manières affectées, de l'image qu'elle donnait souvent d'elle-même... Il a donc ouvert les fenêtres. Certains en ont éprouvé de l'angoisse."
(P. Martin Kopp, vicaire général du diocèse de Coire, 2012)
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Écrit par : luça / | 27/09/2014

> "Cela fut possible, non pas grâce aux idées conservatrices ou progressistes des Pères conciliaires, mais parce que ces derniers avaient compris que l'enjeu était plus grand que cela :
il s'agissait d'apporter un témoignage crédible à notre époque."
(P. Martin Werlen, 2012)
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Écrit par : luça / | 27/09/2014

LES DEUX ERREURS

> Du P. Werlen aussi (il exerçait alors son mandat abbatial de 12 ans à la tête de l'abbaye d'Einsiedeln en Suisse) :

"Le danger conservateur, c'est de se murer à l'écart du changement et de s'éloigner du même coup de Dieu, qui veut être auprès des hommes... C'et à cette tentation qu'a résisté l'Eglise avec le concile Vatican II."
"Le risque du progressisme, c'est de se laisser glisser dans le lit du changement et d'être ainsi emporté par les courants de la mode. L'Eglise risque alors de devenir inutile. A cette tentation aussi, l'Eglise a résisté au cours du concile Vatican II."

('Découvrir ensemble la braise sous la cendre', Bayard 2012).

Écrit par : jean-eudes / | 27/09/2014

"LA VOIE DE LA LUTTE ET DE L'ÉCHANGE"

> Dans le livre du P. Werlen :

" Rien ne doit par nécessité rester en l'état sous prétexte que cela a toujours été ainsi.
De même, rien ne doit être changé au seul motif que tout change.
Il s'agit d'être Eglise aujourd'hui, d'assumer dans notre temps la mission qui est la nôtre.
Il ne s'agit pas de nous adapter à l'esprit du temps, mais d'aimer les gens de notre temps et de porter l'Evangile jusqu'à eux...
Notre but doit être d'entendre aujourd'hui ce que Dieu veut nous dire, et de le faire."

"Ce chemin, les Pères conciliaires l'ont trouvé dans l'échange entre conservateurs et progressistes. Chercher dans les textes du concile des propos pour justifier sa propre attitude, et négliger du même coup la voie de la lutte et de l'échange, c'est passer à côté du cœur de ce qui, pour l'Eglise, fut l'événement du siècle. Le concile Vatican II a permis de découvrir une Eglise au sein de laquelle les croyants mènent leur quête ensemble."
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Écrit par : jean-eudes / | 27/09/2014

UNE 3e VOIE

> N'existerait-il pas une troisième voie entre l'étatisme et le libéralisme ?
La "sécu" en France n'est théoriquement pas étatique mais privée et gérée normalement paritaire. Certaines caisses ont des représentantants nommés par les syndicats et les représentations patronales, d'autres ont des délégués élus.
Depuis plusieurs années, l'emprise étatique est de plus en plus forte sur ces caisses.
L'Etat s'en sert comme machine idéologique.

Lorsque je parle d'Etat je parle de cette machine politicienne pilotée par les cabinets ministériels et les think tanks ( création pour la plupart de groupes financiers).
Une protection sociale obligatoire mais géré de façon vraiment paritaire ( élus des employés et élus des entreprises) me semblerait mieux correspondre à la doctrine sociale de l'Eglise.
Je parle biens d'élus et pas de représentants du MEDEF ou de la CGT.
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Écrit par : PAC / | 27/09/2014

à Jean-Eudes

> dans le diocèse de Sion on parle du P. Werlen comme éventuel successeur de l'évêque,
Mgr Brunner.
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Écrit par : D. Wicht / | 27/09/2014

à Jean-Eudes

> La citation ratzingérienne donnée par Luça en tête de ce fil illustre précisément cette "voie
de la lutte et de l'échange" qui permit l'œuvre de Vatican II.
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Écrit par : amos / | 27/09/2014

"PERSONNE NE PEUT DÉTENIR LA VÉRITÉ"

> "Personne ne peut détenir la vérité. C'est la vérité qui nous possède, elle est quelque chose
de vivant !"

(Benoît XVI aux membres du Ratzinger-Schülerkreis, 2/09/2012)
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Écrit par : fulbert / | 27/09/2014

FRANCE-AMÉRIQUE

> J'ai lu le livre du père Malone. Il insiste sur le besoin de dépasser les divisions. Il vise je crois surtout le problème actuel dans le clergé américain et chez les religieux très divisés en courants contraires, certains très idéologiques.
Il n'y a pas de divisions comparables en France, et pas de mutinerie contre Rome et contre les dogmes de la foi comme chez les religieuses US.
Ce qu'il y a chez les Français catholiques c'est un autre problème : une espèce de surdité mais inconsciente devant le Magistère quand il parle des questions économiques et sociales. Profitent de cela des groupes privés qui font écran entre le Magistère et le public catho en se servant d'Internet.
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Écrit par : paul-henri picot / | 27/09/2014

LA FOI NUE

> La « foi nue » en la Personne de Jésus-Christ… Cette expression de « foi nue » est éloquente, elle dit bien comme nous sommes exposés et fragiles lorsque nous portons aux hommes l’évangile.
Relisant la parole de Dieu de ce dimanche, qui évoque le « Nom au-dessus de tout nom » conféré à Jésus-Christ, dans la lettre aux Philippiens (Ph 2:9), je pensais encore que nous recevons du Tout-Puissant, dans la Personne du Christ, le « Nom nu », qui est l’Amour, livré aux hommes pour leur salut.
Que ce Nom nous appelle à dépasser tous les clivages et toutes les divisions, jusqu’à aimer notre ennemi, cela est clair.
Comme il est clair que les idéologies contemporaines, du libéralisme à l’islamisme, font délibérément écran à cet appel de Dieu à vivre dans l’Amour, à revêtir son Nom.
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Écrit par : Denis / | 28/09/2014

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