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26/06/2014

Bonnemaison : procès "exemplaire", dit la presse !

 euthanasie

Malaise des juristes devant l'issue d'un procès dominé par des considérations de "psychologie" pseudo-compassionnelle :

 


Libération déclare que ce procès fut « exemplaire ». Ce fut en effet un exemple : non de cohérence judiciaire, mais d'idéologie contemporaine. Cette idéologie substitue au principe de réalité le principe émotionnel. Du côté de la réalité, il y avait le code pénal, le serment d'Hippocrate et les sept vieillards supprimés par le Dr Bonnemaison parce que leur situation lui était intolérable. Du côté de l'émotionnel, il y avait Bonnemaison lui-même et son avocat. Et les jurés. Et l'avocat général. L'émotionnel a évincé la réalité, parce que, dans notre société, seuls les vivants en bonne santé sont objet d'émotion ; les morts ne comptent plus – même s'ils ont été tués par le vivant en bonne santé.

L'invasion de l'émotionnel a donc conduit à l'acquittement – l'acquittement ! - du médecin qui fit trépasser les sept vieillards.

Cette décision a été prise par les jurés, échantillon représentatif du climat ambiant : l'émotion limitée aux vivants en bonne santé. 

Les jurés ont suivi et même dépassé les conclusions de l'avocat général, qui n'avait demandé qu'une peine de sursis après avoir lancé à Bonnemaison ce cri d'attendrissement : « Non, vous n'êtes pas un assassin, non, vous n'êtes pas un empoisonneur, au sens commun de ces termes ! » (En 2014 il y a donc une manière d'administrer du poison qui ne relève pas de l'empoisonnement, mais du soap opera émotionnelplus fort et bien plus légitime que toute logique judiciaire). Le réquisitoire a proclamé que si le Dr Bonnemaison « a fait le mal au regard de la loi », ce fut « pour faire le bien », et qu'il avait donné activement la mort sans intention de la donner – indéfendable paradoxe.

Cet avocat général mérite notre attention. Il s'appelle Marc Mariée. Au début du procès il avait inquiété nos journaux, chauds partisans de l'euthanasie (fût-elle « active »). On avait « beaucoup à redouter » de lui, souligne Le Monde, parce qu'il avait placé Bonnemaison en garde à vue « au nom du trouble à l'ordre public et de la gravité des faits qui lui étaient reprochés » – ce n'était pourtant que sept patients supprimés ! Marc Mariée avait aggravé son cas en accusant Bonnemaison d'avoir « attenté à la vie » de ses patients : grief peu à la mode dans les milieux que fréquente la presse chic... A l'ouverture du procès, s'inquiétaient ces chroniqueurs, l'avocat général apparaissait donc comme « le pire adversaire » de l'accusé : chose très déplacée aujourd'hui, dans un procès qui doit abattre les derniers tabous pour doper le sociétal.

Et puis le miracle a eu lieu. Marc Mariée a viré de bord. Dans un réquisitoire abolissant toute logique, il a « maintenu l'intégralité de [ses] accusations », tout en absolvant Bonnemaison. Alors que le médecin avait « une parfaite conscience de se situer dans l'interdit » en administrant de l'Hypnovel ou du Norcuron aux sept patients, sans en parler aux familles ni au personnel soignant et sans inscrire ce traitement  létal au dossier médical, donc en agissant « dans une opacité totale », pourquoi Marc Mariée l'absout-il  ? Parce que la responsabilité était « trop forte » pour un médecin « trop fragile » qui avait fait deux séjours en hôpital psychiatrique. Il « n'était plus dans la situation qui lui permettait de prendre les bonnes décisions pour ses patients. Il n'a pas eu l'énergie, la vigilance nécessaire pour ne pas transgresser la loi », hasarde l'avocat général. Et il conclut par ces considérations qui semblent empruntées au rayon psy des hypermarchés : « Je crois désormais que vous avez agi d'une manière sincère. Vous vouliez protéger tout le monde. Les malades, les familles, le personnel soignant ; par compassion. Mais la compassion peut ne pas être lucide... Etre trop compassionnel, c'est faire l'économie des autres. C'est les exonérer d'une responsabilité qui pourtant leur appartient. »

On peut relire plusieurs fois ce passage du réquisitoire, sa signification reste nébuleuse. Veut-il dire que la « sincérité » efface la réalité de l'acte ? Ou que les séjours en hôpital psychiatrique valent excuse absolutoire ? Ou que le mot « compassion », changeant subrepticement de sens, ne désigne plus mon attention à autrui mais mon propre état psychique ? A ce compte la justice ne pourra plus être rendue et la vie en société deviendra difficile, chaque ego se barricadant dans ses pulsions (comme nous y invite jour et nuit la publicité).

Les jurés ont donc acquitté l'accusé. Son avocat entreprend la phase 2 : faire casser par le Conseil d'Etat la décision de l'Ordre qui a privé le Dr Bonnemaison du droit d'exercer la médecine. Praticien compassionnel et renverseur de tabous, l'acquitté doit être rendu à ses patients.

 

 

12:25 Publié dans Idées, Société | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : euthanasie

Commentaires

palme d'or à Bernard Kouchner :

> "Il ne faut pas utiliser le mot 'euthanasie' d'abord parce que dans ce mot il y a 'nazi' et ce n'est pas très gentil Et puis on a tout de suite l'impression qu'il y a une agression, qu'on va forcer les gens."
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Écrit par : E Levavasseur / | 26/06/2014

SCANDALEUX !!!

> Il ne faut pas utiliser le mot d'euthanasie, parce qu'il ne s'agit pas de ça, sauf à voir une stricte équivalence entre meurtre et euthanasie. Les partisans de l'euthanasie nous la vendent comme une démarche imposant :
- consensus
- temps de réflexion
- information des parents
- parcours se soin prenant en charge la douleur avant tout

Tout ceci est absent du cas Bonnemaison, qui était très très éloigné du cadre de la loi Leonetti. On est donc bien dans le meurtre pur et simple (c'est d'ailleurs son chef d'accusation, "empoisonnement").

Les jurés ont fait confiance aux stars médiatiques venues prendre la défense du Dr Bonnemaison : on leur a mis de la poudre aux yeux et ils se sont laissés prendre.

J'espère vraiment que le Conseil de l'Ordre refusera de revoir son jugement, cet homme était dangereux pour ses patients, il va le devenir encore plus maintenant qu'il a la bénédiction de la Justice.
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Écrit par : Dgeni / | 26/06/2014

"FAIRE L'ÉCONOMIE DES AUTRES"

> Intéressante tout de même la dernière phrase du réquisitoire : "Etre trop compassionnel, c'est faire l'économie des autres. C'est les exonérer d'une responsabilité qui pourtant leur appartient".

"Faire l'économie des autres", c'est ce que fait notre société dans tous les domaines :
dans le domaine économique, on "fait l'économie" de tous ceux qui sont exclus et exploités par le système en place.
A l'école, on "fait l'économie" des élèves à qui la pédagogie "made in E.N." ne convient pas.
Au travail, on "fait l'économie" de ceux qui ne sont pas assez forts pour résister à la pression continuelle. Etc.
Dans le domaine médical, où comme dans le reste de la société, la mort est devenue un tabou, on "fait l'économie" de la vie de ceux qui nous dérangent, parce que leur seule présence pointe notre incapacité à maîtriser totalement la vie et la mort.

Et pourtant, "c'est les exonérer d'une responsabilité qui .. leur appartient". Oui, le Dr Bonnemaison a volé l'exercice de la responsabilité de ces malades et de leurs familles dans la manière de vivre la fin de leur vie. J'entendais à la radio un homme qui disait qu'il lui avait volé les derniers instants avec son père : il était parti au self de l'hôpital pour déjeuner, pensant dire adieu à son père en revenant.
Prendre sur soi pour éviter aux autres d'être mis en face de leur responsabilité : on pense rendre service, c'est en fait terriblement grave. Il faudra en rendre des comptes un jour.
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Écrit par : Pema / | 26/06/2014

BISOUNOURS

> "Oh non ! c'est pas très gentil." La mort vue par les bisounours : terrifiant.
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Écrit par : Guadet / | 26/06/2014

LES PERVERS

> Le docteur Bonnemaison, co-inventeur avec la justice française d’une jurisprudence sur le meurtre compassionnel, absout et applaudi à sa sortie du tribunal.
La France, condamnée par les instances européennes parce que, faute de lui accorder un état civil, elle nierait l’identité de l’enfant né « légalement » d’une mère porteuse (GPA) à l’étranger…
Dans ces affaires, qui nie l’identité de qui ? L’empoisonneur qui soigne sa déprime en exécutant des vieillards alités – j’ai pitié de toi, je te tue ?
Le couple qui s’offre une mère porteuse contre espèces sonnantes… ?
Non pas : il faut les célébrer, les gratifier.
Mais celui qui a été sommairement exécuté au curare n’a pas voix au chapitre, d’ailleurs est-ce qu’on l’a vu pleurer ?
Et l’enfant, ainsi que celle qui l’a nourri neuf mois durant avant de l’abandonner – puisque c’est le contrat –, qui a vu leurs larmes ?
Personne !
Bonnes gens, puisque des juges se portent garants des services de fin de vie du Dr Bonnemaison, tout autant que des « bonnes maisons » qui commandent, elles, des services de début de vie, en gestation pour autrui, à l’étranger… il faut les croire. Et croire par conséquent en cette réalité sidérante, qui saute à nos yeux secs (en comparaison du regard trouble des juges et jurés) : nous sommes bel et bien entrés dans une société – et son économie – perverse, contrôlée par une justice perverse, influencée et administrée par des politiciens pervers…
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Écrit par : Denis / | 26/06/2014

> Et quel était l'âge moyen des jurés ?
Y a-t-il eu des récusés ?
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Écrit par : franz / | 27/06/2014

LARMES

> "qui a vu leurs larmes" ?
Mais puisqu'on vous dit que c'est le liquide physiologique qu'on leur a mis dans les yeux.
Vincent Lambert n'a pas pleuré, personne ne pleure.
Bienvenue dans le monde des Bisounours.
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Écrit par : Pema / | 27/06/2014

LA LANCE

> En se souvenant du soldat romain qui donna un coup de lance à notre Christ en croix , on peut aussi voir, à travers l'attitude de Bonnemaison , un acte de compassion.
De la mesure dont vous jugerez...
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Écrit par : béber / | 28/06/2014

@ Béber

> Longin – saint Longin – est un soldat qui possède comme une seconde nature les gestes du combat. Il a appris à frapper avec la main gauche, la droite tenant le bouclier. Il devait vérifier si Jésus était mort ou vivant, et il était peut-être habitué à abréger les souffrances des crucifiés.
Sans doute a-t-il éprouvé de la compassion pour Jésus. Il frappe, sa lance entre à travers les côtes, du côté droit de la poitrine du Sauveur (côté gauche quand nous le regardons) et, poursuivant sa trajectoire, elle lui ouvre le cœur, d’où jaillit du sang et de l’eau.
Faut-il vraiment, maintenant, que nous établissions, comme vous le suggérez, un parallèle avec le bon docteur Bonnemaison qui, certes, n’a pas appris le métier de soldat mais celui de médecin… ? Permettez-moi de m’en dispenser.
Reste que vous allez donner des idées aux bons apôtres de nos hôpitaux.
Pourquoi pas un bataillon spécialisé pour déceler le moindre signe de vie finissante, et administrer l’euthanasie à ceux qui la méritent tout simplement parce que leur maladie ou leur grand âge apporte un trouble odieux à l’ordre public libéral libertaire ? Les choses seraient plus claires…
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Écrit par : Denis / | 28/06/2014

EN OCTOBRE

> Je me permet de sauter directement de l'Euthanasie à l'ABCD sur lequel les commentaires sont fermés pour vous faire "réserver" , avant d'être pris par le rush de la rentrée, le 1er WE d'octobre (celui de St François d'Assise, un clin d'oeil au Pape ?) :
http://radionotredame.net/2014/societe/cedh-france-gpa-manifestation-octobre-28125/
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Écrit par : franz / | 28/06/2014

> Prions pour que nos évêques prennent publiquement position.
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Écrit par : Observateur / | 28/06/2014

Cher Denis,

> merci pour ce rappel. Toutefois, accordez à Béber que ce n'est pas du fait du coup de lance que Longin est pour nous saint Longin. Aussi n'est-il pas aberrant de comparer ces deux compassions mal orientées (après sa conversion, saint Longin n'aurait probablement pas renouvelé ce geste). Cependant la précision s'imposait.
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Écrit par : Maud / | 01/07/2014

EUTHANASIE = CROISSANCE ?

> Bonnemaison a montré de la compassion... envers les victimes de la crise économique. Il y a un moyen de relancer la croissance avec le marché de l'euthanasie, et en économisant sur les soins aux personnes non-solvables (ne vous inquiétez pas: pour les Schumacher, il n'y aura pas de Docteur Bonnemaison).
Quant-aux soins palliatifs, ils n'ont aucun avenir: pas de lobby derrière, puisque c'est d'abord de l'humain dont la valeur est en chute libre, et non de la technique à forte valeur ajoutée.
Regardez dans l'Education Nationale, c'est la même tendance: plus on serre le budget salarial, plus on multiplie les investissements en tablettes numériques, tableaux interactifs,etc.
On assiste à une guerre généralisée contre l'être vivant, où la machine chasse partout ouvriers, soignants, enseignants, parents procréateurs...jusqu'aux insectes pollinisateurs, remplacés d'ici 10 ans par des robots.
Monsieur Bonnemaison, un jour aussi on vous remplacera par un "robot compassionnel", une fois que grâce à vous on aura légalisé l'euthanazie (pardon, pour ne pas choquer la sensibilité de Kouchner, l'euthanalibéral).
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Écrit par : Anne Josnin / | 01/07/2014

@ observateur

> s'ils le font, on dira "vous voyez l'opposition est purement religieuse, pas naturelle, atteinte à la laïcité etc"

mais nous ne devons pas être naïfs et impressionnés par cette mauvaise foi : qd quelqu'un s'oppose à ces dérives, on dit toujours qu'il est catho (comme si c'était un argument)
Peaufinent-ils leur déclaration ?

ça ne nous empêche pas à nous de dire ce que nous pensons et on ne s'en prive pas sur internet et dans la rue.
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Écrit par : E Levavasseur / | 01/07/2014

Maud,

> je ne pense pas que Longin agisse par compassion. En bon soldat, il remplit la mission qui lui a été confiée : s'assurer de la mort des condamnés, puisqu'il ne faut pas, sous peine d'émeute, qu'un condamné meure le jour du sabbat. (On avait déjà de ces délicatesses dans ce temps-là. Tuer, oui, mais pas n'importe comment : on n'est pas des sauvages quand même.) En homme organisé, il ne va pas briser les jambes de Jésus, manoeuvre fatigante qui vise à hâter la mort, puisque celle-ci est déjà survenue. Le coup de lance est une ultime précaution qui lui permettra d'assurer avec 100% de certitude que le condamné n'a pas survécu.
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Écrit par : Barbara / | 01/07/2014

@ Maud et Barbara

> J’accepte bien volontiers le rappel à l’ordre de Maud, tout en souscrivant au bon sens de Barbara. Je reconnais qu’ayant médité, il y a quelques années, sur la personne de Longin, je m’étais posé la question de sa compassion, élément paradoxal à première vue, sauf à considérer que Longin assiste à la Passion du condamné Jésus, qu’il entend ses dernières paroles et notamment celle où Notre Seigneur demande au Père éternel le pardon pour ses bourreaux (Lc 23,34 : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font »). Longin étant, de ce point de vue, au premier rang d’une cohorte où figurent tous les pécheurs… lui qui aurait reçu l'un des premiers la grâce, selon sa légende, d'être « baptisé » dans le sang de Jésus-Christ.
A l'époque, il m'était surtout apparu que le récit du martyre de saint Longin, en Cappadoce, faisait magnifiquement écho à ce qu’il avait vécu au Golgotha en montrant combien il avait assimilé son modèle, le Christ, en s’élevant bien au-delà de la compassion et en offrant lui aussi, librement, sa vie par amour pour les pécheurs, en l'occurrence pour le gouverneur qui le condamnait à mort.
J’en avais conclu que Longin pourrait bien être un intercesseur de choix dans le combat des chrétiens confrontés à la fin de vie. J'avais d'ailleurs proposé, dans cet esprit, une prière :
« Saint Longin, qui avez été racheté au Golgotha par le précieux sang de Jésus, priez pour nous à nos derniers instants. Ouvrez nos yeux à la lumière du salut offert en Jésus-Christ. Par Son Sacré-Cœur que vous avez transpercé, intercédez pour nos frères pécheurs trompés par le démon, particulièrement s’ils se font nos bourreaux. Par Jésus-Christ, notre Seigneur. Amen. »
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Écrit par : Denis | 01/07/2014

RELENT

> tout de même !

un "relent de conscience" ? www.lepoint.fr/societe/proces-bonnemaison-le-parquet-general-fait-appel-de-l-acquittement-02-07-2014-1842681_23.php

Le parquet général de Pau a décidé aujourd'hui de faire appel de l'acquittement du Dr Nicolas Bonnemaison
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Écrit par : E Levavasseur | 02/07/2014

Les commentaires sont fermés.