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05/01/2014

Le pape François entreprend de recentrer et de concrétiser la pensée sociale catholique

Commentaire des innovations introduites par son exhortation apostolique (La joie de l'Evangile), sur le site jésuite du CERAS : 

 


 

> Texte intégral du commentaire :  ici


> Extrait :


<< ...Noter quatre points quelque peu novateurs :

1. Cette exhortation apostolique ne fait nulle mention de la «loi naturelle» : les arguments avancés sont bibliques, évangéliques, théologiques. Jean-Paul II et plus encore Benoît XVI avaient déjà insisté sur le caractère théologique de la doctrine sociale de l’Église ; mais ils invoquaient aussi la « loi naturelle » ou la « raison », notions permettant de se faire entendre de toute personne, même étrangère à l’univers chrétien. On peut s’interroger sur les raisons de ce silence du pape sur la loi naturelle. Est-ce pour mieux convaincre – comme il l’a répété en plusieurs occasions – qu’il ne faut pas accorder la même importance à tous les aspects de l’éthique chrétienne, et qu’il convient de privilégier ceux qui sont plus directement ancrés dans l’Évangile ? Est-ce parce qu’il n’est pas à l’aise avec cette notion, elle-même controversée, y compris parmi les penseurs chrétiens ? Sans doute faut-il expliquer cette absence, plus simplement, par le fait qu’Evangelii Gaudium s’adresse aux seuls fidèles catholiques (§ 200), alors que les encycliques sociales s’adressent – du moins depuis Jean XXIII – « à tous les hommes de bonne volonté », ce qui exige qu’y soient développées des argumentations audibles par des non chrétiens.

2. Une place importante est accordée aux questions culturelles. Le pape François souligne la dimension collective de l’évangélisation : le message évangélique n’est pas destiné seulement à la personne, mais aussi aux cultures, aux communautés. L’évangélisation est inculturation, qui en dit tous les fruits, toutes les richesses, dans les contextes d’aujourd’hui ; elle interroge les styles de vie, les valeurs partagées. Ainsi le pape appelle-t-il à respecter ce qu’exprime la « piété populaire », vraie expression de la foi d’un peuple, à ne pas confondre avec ses déviations, celles d’un christianisme encourageant les « dévotions » (plutôt que la vraie piété) « sans se préoccuper de la promotion sociale et de la formation des fidèles » (70). Remarquons aussi un développement original sur les « défis des cultures urbaines », avec notamment une insistance sur l’aspect multiculturel de la ville d’aujourd’hui, qu’il ne faut pas redouter.

3. On ne sera pas surpris de voir le pape François insister très fortement sur ce qu’il appelle « l’intégration sociale des pauvres » (186-216). Ce thème, visiblement, lui tient beaucoup à cœur. On sait que, depuis une quarantaine d’années, « l’option préférentielle pour les pauvres » a pris une place de plus en plus centrale dans l’enseignement social de l’Église. Mais le pape ne se contente pas de rappeler ici ce que l’Église a répété, à savoir que le souci des pauvres doit se traduire par des mesures sociales et économiques (droit au travail, juste salaire, lutte contre les inégalités excessives, etc.). Il va plus loin, et invite à écouter leur « cri », comme Dieu lui-même a entendu le cri du peuple opprimé en Égypte. Les pauvres ne sont pas seulement à secourir, mais à écouter, car « ils ont beaucoup à nous enseigner », notamment en ce qui concerne l’expression de la foi : « l’immense majorité des pauvres a une ouverture particulière à la foi » (200).

Pas de paternalisme donc, mais un appel à une véritable solidarité, qui nous met à égalité, car elle consiste à « rendre au pauvre ce qui lui revient », conformément au principe de « destination universelle des biens », que le doctrine sociale affirme être « antérieure à la propriété privée ».

Autre insistance propre au pape François : « Je désire une Église pauvre pour les pauvres ». Le peuple de Dieu doit reconnaître aux pauvres une « place privilégiée », car « l’option pour les pauvres est une catégorie théologique avant d’être culturelle, sociologique, politique ou philosophique » (198). Théologique parce que, à travers la rencontre avec le pauvre, c’est un visage de Dieu qui se révèle.

4. Changer les institutions. Donner sa place au pauvre dans notre société n’exige pas seulement que se convertissent les cœurs et les comportements de chacun, mais aussi que changent les institutions. En effet, comme « les relations sociales sont structurées par des institutions », il faut « attaquer les causes structurelles de la disparité sociale », qui est « la racine des maux de la société ». Le chrétien doit donc « se préoccuper de la santé des institutions de la société civile ». C’est une tâche politique, qui est urgente, car « la nécessité de résoudre les causes structurelles de la pauvreté ne peut attendre » (202).

Le pape ne revendique aucune expertise l’autorisant à détailler ces changements, mais il en indique quelques lignes directrices. Il rappelle, très classiquement, l’enseignement traditionnel de l’Église contre le libéralisme économique, du moins celui qui revendique une « autonomie absolue des marchés ». Outre un appel à la lutte contre la spéculation financière – une préoccupation plus récente –, le pape développe ce thème par des lignes particulièrement vigoureuses – qui l’ont fait traiter de « marxiste » dans les milieux libéraux américains : « Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché. La croissance dans l’équité [...] demande des décisions, des programmes, des mécanismes et des processus spécifiquement orientés vers une meilleure distribution des revenus, la création d’opportunités d’emplois, une promotion intégrale des pauvres qui dépasse le simple assistanat » (204). >>

 

Commentaires

"CROISSANCE"

> on comprend ce que les papes veulent dire (c'est l'équité et le changement d'art de vivre vers la sobriété), mais mieux vaudrait qu'ils renoncent au mot "croissance" qui signifie autre chose. Noter que les évêques français ont mis en cause le culte de la croissance dans deux documents officiels, en 2011 et 2012.
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Écrit par : Alain Breza / | 05/01/2014

EXIT LE LIBERALISME

> une chose certaine et toujours plus confirmée de pape en pape : le rejet du libéralisme économique (culte des marchés dérégulés) par Rome. Reste à expliquer ça à plusieurs évêques anglophones.
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Écrit par : molly maguire / | 05/01/2014

"CROISSANCE"

> "mieux vaudrait qu'ils renoncent au mot "croissance" qui signifie autre chose."
Oui et non... Je dirais l'inverse : c'est le modèle actuel qui a perverti le mot "croissance" (parmi tant d'autres !) en le réduisant à la croissance d'un seul et unique indicateur, le PIB, devenue la seule fin de toute "politique".
Alors oui, mille fois oui, et c'est notre tâche, il faut préciser ensuite de quelle croissance le pape parle (une croissance de l'homme et de tout homme), et ce qu'elle peut parfois impliquer (une 'décroissance' du PIB dans le cadre d'un changement de modèle économique et de développement).
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Écrit par : PMalo / | 05/01/2014

LA LOI NATURELLE

> "Est-ce parce qu’il n’est pas à l’aise avec cette notion, elle-même controversée, y compris parmi les penseurs chrétiens ? "
Je crois que vous mettez dans le mille. Et ce serait quand même une grande et bonne chose qu'on cesse d'hypostasier les carottes sans pesticide.

@ P.Malo :

> Oui, je crois que c'est tout à fait ça; parler, plutôt que de décroissance, d'une autre croissance, ou d'une croissance mieux équilibrée.
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Écrit par : Haglund / | 05/01/2014

Mal à l'aise.

> Désolé de revenir sur un sujet déjà évoqué, mais la lecture de votre billet sur la concrétisation de la doctrine sociale de l’Église par le Pape François cadre de plus en plus mal avec le discours officiel de l'épiscopat français.
Cela interroge y compris sur des blogs financiers (http://www.les-crises.fr/les-propositions-des-eveques/ et ce jour encore http://www.les-crises.fr/bfm-03-01-2014/)
L'angélisme épiscopal au milieu de tant de souffrances n'est plus de mise et ce dérapage grossier de la part de pasteurs laisse perplexe quant à l'anthropologie sous-jacente.
Médecin dans une ville française moyenne totalement désindustrialisée, je m'estime en première ligne pour observer l'évolution sociale et les difficultés quotidiennes, de plus en plus dramatiques, que vit douloureusement et dans la résignation la plus passive, un nombre croissant de nos concitoyens.
Autant les paroles du Pape François sont fortes et porteuses d'espoir dans un sens concret, autant celles de la Conférence épiscopale française laisse amertume et dégoût par son apologie de l'Europe actuelle!
Une négation des souffrances vécues par des êtres humains.
Savez-vous le nombre croissant de foyer ne pouvant plus payer de mutuelle complémentaire? Savez-vous l'état d'hygiène buccale déplorable de nombre de patients par impossibilité financière à pouvoir s’offrir des soins dentaires de base? Savez-vous l'état d'acceptation de conditions d'horaires de travail par peur de perdre le maigre emploi payé au minimum? Savez-vous la frustration ressentie par toute annonce de licenciements ou par la moindre délocalisation, y compris par ceux qui ne sont pas directement concernés, car cela enlève le peu de fierté qui reste encore par l'acquis d'un savoir-faire qui est ainsi enlevé?
Un être humain est une personne et toute personne est incommensurable en dignité. Or dépouiller quelqu'un de son travail, le soumettre à une dérégulation qui le fragilise et lui enlever tout pouvoir démocratique c'est le rabaisser au rend d'outil, utile que par sa rentabilité!
Cette souffrance je la vis tous les jours!
Le discours épiscopal est une insulte à ces femmes et ces hommes mis en danger de vulnérabilité!
Et cette conférence a invité une député européenne qui a osé plaider pour cette Europe là, empruntant les mots de St François d'Assise « Là où était la haine » l’Union européenne « a mis l’amour », « Là où était l’offense, elle a mis le pardon » « Là où était la discorde, elle a mis l’union » !!!!! (Bigre et les grecs, et les espagnols et les portugais sans rien dire des chypriotes ...)
Je constate d'un côté des institutions aveugles (Bruxelles, la conférence épiscopale française), de l'autre des personnes qui souffrent.
Je suis mal à l'aise mais mon choix est fait, je me range du côté des Hommes contre toute institution!
Un seul espoir les paroles du pape François ou le nihilisme révolutionnaire!
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Écrit par : Albert E. / | 06/01/2014

à Albert E.

> vous allez fort. Le souci du pauvre est une priorité chez nos évêques. Nier cela est une injustice flagrante, tout le monde le sait.
Vous avez raison de protester contre l'européisme béat de l'épiscopat français depuis toujours (déjà dans les années 1960 et ça indignait de Gaulle).
Mais vous avez tort de croire que toute la casse sociale en France est de la faute de Bruxelles !
L'UE en est responsable en partie mais pas seulement elle.
Les patrons français délocalisent pour suivre la mondialisation, ils l'auraient fait de toute façon même s'il n'y avait pas eu l'UE.
Les banques "françaises" refusent de financer nos PME. C'est parce qu'elles préfèrent le casino mondial, et elles le feraient de toute façon même sans l'UE.
Un libéral hexagonal ne vaut pas mieux qu'un libéral bruxellois, cf certains guignols de la finance qui militent eux aussi contre l'euro mais pour des raisons infectes.
Etc.
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Écrit par : André-Paul D. / | 06/01/2014

Haglund :

> "parler, plutôt que de décroissance, d'une autre croissance, ou d'une croissance mieux équilibrée".
Oui et non. C'est la manœuvre habituelle pour noyer le poisson.
Rien ne sert d'ajouter toutes les épithètes que l'on veut au mot "croissance" si l'on ne dit pas QUOI doit croître.
C'est comme le "développement durable". On s'en fout qu'il soit durable ou soutenable ou je ne sais quoi d'autre, on parle dans le vent (et au profit des profiteurs) tant qu'on n'a pas dit "développement de QUOI".
La croissance et le développement du cancer, même durable, n'est pas une bonne chose pour le développement et la croissance de l'homme.

C'est finalement bête comme chou, mais c'est là toute la difficulté : pendant que le bon peuple s'agite dans de pseudo-débats inutiles et parfaitement vides, ce flou perpétuel profite aux profiteurs et les affaires tournent.
Les 3/4 des gens qui répètent, parce que c'est dans notre ADN intellectuel et culturel, qu'"il faut de la croissance" ne savent pas en réalité ce qui doit croître.
Faites l'expérience : "quand tu parles de croissance, tu parles de la croissance de QUOI ?" Attention aux surprises.
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Écrit par : PMalo / | 06/01/2014

Pas si fort que ça, hélas!

> Ce blog est une mine d'informations et de commentaires pertinents aussi je ne souhaite pas en faire un lieu polémique.
Qu'il me soit permis de donner cette, dernière, réponse.
Ma réflexion est celle d'un homme de terrain au ras "du sang, de la merde et des larmes" et non dans les assemblées et autres commissions.
J'écoute, je vois, je constate.
Et l'Europe ultra-libérale de Bruxelles, l'Europe actuelle met tout en œuvre pour la dérégulation la plus totale.

Un exemple? Des discussions, avancées ont lieu aujourd'hui pour négocier un traité de libre échange Nord-atlantique entre les USA et l'Europe.
En avez-vous entendu parler? Que nous en dit-on dans les médias? Que nous en a dit notre Président lors de ses vœux?
Qu'en souhaite le président des Etats-Unis?

L'un des objectif est "une reconnaissance mutuelle" des différents systèmes réglementaires". Bien, mais effet pour l'industrie européenne? Surcoût de 20% du prix des automobiles européennes! Donc nouvelles délocalisations! (source: http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20131111trib000795086/libre-echange-reprise-des-negociations-entre-les-etats-unis-et-l-ue-sur-fond-d-affaire-snowden.html)
Attention vers les plus pauvres?

Par ailleurs "les craintes sont vives que l'accord affaiblisse les règles et les normes actuellement en vigueur. Des frictions pourraient notamment surgir sur l'agriculture et les organismes génétiquement modifiés (OGM) cultivés à grande échelle aux Etats-Unis et strictement régulés dans l'UE" (même source).
Souci de la planète?

"La Commission européenne, qui négocie au nom des Etats, espère en outre que l'accord de libre-échange conclu mi-octobre avec le Canada va servir de modèle dans cette nouvelle négociation. Après plus de quatre ans de discussions, Européens et Canadiens ont réussi à se mettre d'accord et à régler plusieurs contentieux dans le domaine agricole comme l'ouverture du marché européen au boeuf canadien"! (même source)
J'ignore comment est élevé le boeuf canadien ...
Souci des agriculteurs français?


Ma demande est simple et claire:
Que la parole magistérielle soit entendue et comprise par nos pasteurs dans le seul souci de l'être humain.
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Écrit par : Albert E. / | 06/01/2014

IDEOLOGIE

> "La croissance pour la croissance est l'idéologie d'une cellule cancéreuse."
Edward Abbey, "The Journey Home : Some Words in Defense of the American West", 1977
(cette citation se repartage beaucoup sur les réseaux sociaux alternatifs)
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Écrit par : Albert Christophe / | 06/01/2014

BIZARRE

> http://blogs.lexpress.fr/lumiere-franc-macon/2014/01/07/gldf-ni-pour-ni-contre-la-pma-homo-et-la-gpa/
Voici un article de votre collegue Koch. On n'est pas sorti de l'auberge si la FM refuse de prendre position alors qu'elle pretend peser et eclairer. Dommage, parce que ca va revenir sur la table, tot ou tard.
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Écrit par : christophe b / | 07/01/2014

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