23/10/2013
L'histoire du "droit du sol" et du "droit du sang"
...n'a rien à voir avec les slogans qui s'affrontent aujourd'hui :
Ce matin à l'aube, France Info déclare : «en mettant en cause le droit du sol, Jean-François Copé met en cause un fondement de la République ».
Grosse erreur historique !
Le « droit du sol » (est Français quiconque naît en France et y demeure) était un fondement de... l'Ancien Régime, où toute personne née dans le royaume avait la « qualité de Français » en étant, par le fait, sujet du roi de France.
La Révolution a affaibli cette tradition, en exigeant une démarche personnelle pour demander la citoyenneté française.
Puis le Code civil napoléonien a remplacé le « droit du sol » par le « droit du sang », jus sanguinis, par souci du sort des Français expatriés. Et il a rendu longue et difficile la procédure de naturalisation...
Le droit du sol n'a été rétabli qu'en 1889, et pour deux raisons d'époque : a) la France étant devenue une terre d'immigration de main d'oeuvre (polonaise, italienne etc), la République ne voulait pas laisser se constituer des enclaves peuplées d'étrangers ; b) traumatisée par la défaite de 1870 et hantée par l'idée de « revanche », la République voulait compenser, pour des motifs militaires, son déficit démographique naissant.
Aucun rapport avec les slogans agités aujourd'hui, dans un débat politique racorni (depuis les années Mitterrand-LePen) autour du face à face, utilitaire, entre la « gauche morale » et le fantôme anachronique de Hitler.
Je tire ces précisions de l'excellent ouvrage de Patrick Weil : Droit du sol vs droit du sang ?, Grasset 2002. Elles ne dictent pas le regard que l'on doit porter aujourd'hui sur la justice à rendre aux personnes vivant en France (ici nous ne sommes pas de ceux qui regardent l'avenir dans le rétroviseur). Mais elles enseignent à ne pas commettre de simplifications propagandistes.
08:26 Publié dans Idées, Société | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : droit du sol et droit du sang, copé, le pen
Commentaires
PATRICK WEIL
> Patrick Weil aborde aussi cette question dans "Qu'est-ce qu'un Français? Histoire de la nationalité française depuis la révolution", Grasset, 2002.
Le site des Editions Grasset en propose un large extrait : "De l'Ancien Régime au Code Civil : les deux révolutions du Français".
http://www.grasset.fr/chapitres/ch_weil.htm
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Écrit par : Blaise / | 23/10/2013
C'EST DE L'AYRAULT
> France info répète ce que dit le premier ministre : la phrase est de lui, prononcée à l'AN. La voix de son maître ?
Etait régnicole, selon le joli mot de l'époque, toute personne née dans le royaume mais aussi tout indien des possessions d'Amérique, dès qu'il était baptisé qu'il vive ou non dans sa tribu selon sa culture ou non ; il faisait alors usage ou non de cette qualité avec les droits qui y étaient attachés
(le chef Assacumbuit des Abénaquis par exemple, baptisé, est remercié pour services rendus en étant anobli par le roi- ce qui certes, à dû lui faire une belle jambe !)
Dans ce domaine, la Révolution sur laquelle se fonde la république française actuelle (pas très bien inspirée) n'avait pas d'idées très intelligentes :
un Français pour la majorité des penseurs révolutionnaires, c'était un homme du peuple car on croyait que la noblesse descendait ds envahisseurs francs et qu'elle maintenait sous sa domination le "peuple" originel français auquel la révolution ne faisait que redonner le pouvoir.
Les nobles étaient des étrangers et les classes populaires des "patriotes".
De là vient la déformation de la notion de patrie/patriote et son assimilation à l'agitation révolutionnaire, la bave à la bouche, échevelé sur une barricade brandissant un drapeau.
Selon Sièyes, tous ces étrangers "qui conservaient la folle prétention d'être issues de la race des conquérants et de succéder à leurs droits", il fallait les renvoyer "dans les forêts de la Franconie"
Raisonnement d'autant plus stupide qu'en 1789, les nobles sont quasiment tous des anoblis des 16e et 17e siècles et donc issus du peuple !
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Écrit par : E Levavasseur / | 23/10/2013
ASSIMILER
> soyons logiques: si on parle de droit du sol, alors il faut d'urgence reprendre une politique d'assimilation des populations qui arrivent. Le droit du sol par nature s'oppose au modèle multiculturel qu'on nous présente.
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Écrit par : ludovic / | 23/10/2013
PLUS GRANDES FACILITES
> Revenir sur le droit du sol ne veut pas dire qu'on ne serait pas plus accueillant. Ce serait au contraire une bonne chose si cela s'accompagne de plus grandes facilités accordées à ceux qui demandent la nationalité française. J'ai connu des gens qui aimaient vraiment la France mais qui n'arrivaient pas à se faire naturaliser et des gens qui n'aimaient pas la France et qui étaient pourtant devenus Français par simple automatisme administratif.
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Écrit par : Guadet / | 23/10/2013
COURT TERME
> JF. Copé parle et agit en vue d'occuper le terrain médiatique et prendre ainsi le leadership sur F. Fillon, afin d'avoir un meilleur positionnement en vue de 2017. C'est mettre son énergie dans la tactique (court terme) au détriment de la stratégie (long terme). A cela se double la préoccupation d'une peur d'une montée du vote de FN (cf Brignoles) aux municipales dans quelques mois.
Si j'ai bien lu c'est pour des raisons nationalistes que le droit du sol a été rétabli en 1889, finalement l'histoire bégaye, c'est encore pour des raisons nationalistes que que certains veulent le restreindre.
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Écrit par : franz / | 23/10/2013
REFERENCES
> Patrick Weil est, je crois, une des meilleures références.
Mais quand même un petit rappel, pas totalement inutile…
1) La France a été la première à attribuer la pleine égalité de droits aux Juifs par le vote de l'Assemblée constituante en 1791.
2) L’Assemblée Constituante proclama en 1789 la liberté de conscience et de culte, fixant les règles de l’organisation du culte protestant dont les fidèles n’étaient plus seulement tolérés mais avaient une existence civique légale.
Ceci pour rappeler les (très légères) limites de l'octroi de la citoyenneté sous l'Ancien Régime.
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Écrit par : Haglund / | 23/10/2013
200 ANS
> En fait, on n'a toujours pas vraiment avancé depuis les débats qu'avait la IIIe République sur les populations d'Algérie parce qu'on ne savait pas très bien ce qu'on faisait là-bas.
(d'autant plus que chaque régime avait hérité du bébé)
Aujourd'hui la seule différence c'est le côté de la Méditerranée où ça se passe, mais on ne sait toujours pas quoi faire.
ni ce qu'on a à donner, à transmettre.
on est universaliste mais en plus on doute de la valeurs de ce qu'on a à transmettre !
intégration ? assimilation ? acculturation ?
le communautarisme inavoué, ne serait-ce pas le retour en catimini de l'indigénat ?
On n'a pas fini de payer les crétineries de 200 ans de religion universaliste.
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Écrit par : E Levavasseur / | 23/10/2013
@ Levavasseur :
> Intéressant. J'imagine que "nos ancêtres les Gaulois" procède de la même idéologie ?
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Écrit par : Albert Christophe / | 23/10/2013
@ Albert Christophe
> "Nos ancêtres les Gaulois" est une vérité historique. Les apports de population depuis la Gaule ont toujours été minoritaires et suivis d'un brassage. Le nier est faire l'apologie d'un système non seulement communautariste, mais même d'apartheid puisqu'on refuse par ce fait le brassage.
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Écrit par : Guadet / | 23/10/2013
Patrick Weil, à son meilleur :
> http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/10/18/patrick-weil-les-imperatifs-de-securite-n-imposent-pas-d-expulser-une-eleve_3498205_823448.html
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Écrit par : Haglund / | 23/10/2013
SANCTUAIRE
> Cela montre aussi que le droit lié à l'immigration a largement évolué depuis l'ancien régime et ce en fonction d'impératifs économiques ou juridiques et non idéologiques.
Le droit de l'immigration n'est donc en rien "dogmatique" : il doit pouvoir s'adapter. Or aujourd'hui, cette notion est visiblement "sanctuarisée" : on ne peut le remettre en question sans provoquer un tollé, ce qui me semble problématique, ne serait-ce que d'un point de vue technique.
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Écrit par : Skeepy / | 24/10/2013
GAULOISERIES
> Le fond est en effet celtique mais l’insistance sur les Gaulois est dû au syndrome sacerdotal si fréquent chez les laïcards
En concurrence (à son initiative) avec l'Eglise, la IIIe République fait commencer l'Histoire de France à Vercingétorix pour la seule raison que cela permet de faire remonter la France à plus loin que Jésus-Christ et de la fonder sur un sacrifice (Jules César = Ponce Pilate, Vercingétorix par son sacrifice sauve son peuple…)
L’Histoire de France est présenté comme une destinée dont l’aboutissement est la république, la morale remplace le caté, les instits les curés
On insiste sur les erreurs et les défaites subies sous l’Ancien Régime (c’est pr ça que les Français les connaissent plus que nos victoires !) et sur les succès des armées de la république : « Un français doit vivre pour elle, pour elle, un français doit mourir »
Concurrente de l’Eglise qui envoie des missionnaires, la république lance la France dans la colonisation active : la République va offrir les bienfaits de la civilisation aux enfants déshérités de l'Humanité.
Fondée sur le souvenir des « grands ancêtres de la Révolution », elle ne peut envoyer les « volontaires (tu parles !) de 92" apporter les droits de l’homme à l’Europe, qu’importe ! son épopée humaniste, elle la vivra par la colonisation.
La colonisation va permettre d’éloigner les militaires dont les héritiers de la révolution ont peur depuis Brumaire et le coup d’Etat de Bonaparte, en plus de cela, les militaires sont contre la colonisation : pour eux, la priorité c’est l’Alsace Lorraine. Une politique militaire donnerait de l’importance à l’armée et cela, le barbichu de la IIIe république n’en veut pas. Il supprime d’ailleurs le droit de vote pour les militaires d'autant plus que l'armée est un repaire de monarchistes.
les femmes sont jugées trop proches de l'Eglise : on leur supprime le baccalauréat, comme ça plus d'études supérieures.
L'esprit jacobin s'oppose aux cultures régionales : on interdit l'usage du breton, du basque, du provençal, des patois... et on fait apprendre "nos ancêtres les Gaulois" aux Bamilékés
C'est la même logique ; du fait qu'elle s'est fondée sur la Révolution, la République confond ses opinions avec la Vérité, elle croit qu'elle incarne la Vérité : alors, toute remise en cause de ses idées est une remise en cause personnelle, elle se croit donc en danger à la moindre divergence et justifie son autoritarisme.
En Algérie l'arrivée de la République signifie la fin des droits autonomes et l'application des principes jacobins par le BHL de l'époque, Crémieux, qui supprime le système d'alors à ses yeux insupportable puisqu'il était fondé sur la religion (ds ce système,un musulman était français mais de droit musulman, il pouvait demander à vivre selon le droit français et devenait alors citoyen [de droit] français).
Crémieux-BHL voit dans les les grandes familles féodales arabo-berbères l'équivalent ds nobles français : il les fait exproprier et distribue leurs terres aux colons qui sont forcément "les gentils" puisqu'ils sont pauvres (pauvreté qui pr le coup est un fait).
Dès janvier c’est la révolte kabyle.
Un BHL on vous dit !
La république envoie des généraux soucieux de prouver leur ralliement au nouveau régime et on ne s’y prend pas avec plus de délicatesse qu’avec la Commune. En 1793/94 on envoyait en Guyane, là ce sera la Nouvelle Calédonie
La république aggrave encore les choses de 1881 à 1896 : l’Algérie est administrée par des fonctionnaires ... parisiens ! (sic)
Puis la stupidité du système devient criante, on délègue alors mais il n’y a plus l’autonomie qu’il y avait jusqu’en 1870 : sans tenir compte des réalités, elle devient le prolongement de la France.
Tout cela parce que personne n'a dit qu'un peuple, chez lui, a le droit de ne pas se voir appliquer la logique d'un autre et que deux visions opposées ne peuvent fonder un ensemble sauf s'il y a de l'autonomie ce qui exclut toute universalité.
Je constate que sur ce plan, l'aveuglement administratif est le même aujourd'hui. Les victimes sont les Français et les immigrés.
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Écrit par : E Levavasseur / | 24/10/2013
LE DROIT DE CHOISIR
> Je m'érige contre cette atteinte à la liberté individuelle qui impose à un enfant une nationalité qu'il n'a pas choisie, et je demande qu'on le laisse vierge de toute nationalité et de tout endoctrinement de quelque culture que ce soit pour qu'il puisse choisir librement à la majorité. Ce sont pratiques d'un autre temps, non? Que l'on passe enfin du droit du sol ou du droit du sang au droit de choisir, comme pour le sexe! En plus il y aurait là un marché immense, dans cette libre concurrences des Etats pour s'attirer les citoyens les plus rentables, on pourrait concevoir un quota de rebuts économiques, prévoir une taxe pour que ceux qui ne veulent pas respecter la reverse aux Etats pauvres sommés de les accueillir, ... que l'on étende le libéralisme jusqu'aux entrailles des hommes!
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Écrit par : Anne Josnin / | 24/10/2013
@ anne josnin
> puisque les nations se sont effacées au profit de l'économie, je propose de supprimer la nationalité et de la remplacer par l'entreprisalité.
Farpaitement ! comme dirait Obélix
la carte professionnelle à la place de la carte d'identité
on se mariera devant le DRH, etc
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Écrit par : E Levavasseur / | 24/10/2013
à Anne Josnin
> Dans quelle langue la personne pensera-t-elle son choix? L'idée d'un être humain affranchi de toute culture, et l'idée d'une culture sans lien avec une collectivité humaine (nation, ethnie, tribu, associations, région, etc etc), ne tient pas debout.
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Écrit par : le balp / | 24/10/2013
@ le balp
> Anne ironise
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Écrit par : E Levavasseur / | 24/10/2013
> vous me rassurez.
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Écrit par : le balp / | 24/10/2013
;-)
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Écrit par : Anne Josnin / | 24/10/2013
@ E Levavasseur
> D'accord avec vous, mais il ne faut pas tomber d'un excès dans l'autre. L'enseignement de l'histoire n'est plus le même aujourd'hui qu'aux belles heures de la république, et dans un sens qui fait regretter l'ancienne version. Pour le XVIIIe siècle, un quart des cours sur le commerce international, un quart sur le trafic d'esclave (uniquement les noirs par les européens), un quart sur les Lumières et un quart sur les causes de la Révolution. Résumé : européens salauds, mondialisation et libéralisme indispensables. Je préfère encore l'époque de "Nos ancêtres les Gaulois", qui répondait à la soif d'identité et de solidarité d'une collectivité.
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Écrit par : Guadet / | 24/10/2013
@ le balp
> En quelle langue? en globish, bien sûr!
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Écrit par : Pierre Huet / | 25/10/2013
Les fondements de la république ?
> Il y a parfois des coups de pieds salutaires qui feraient bien d'y atterrir vigoureusement pour remettre certaines idées en place !
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Écrit par : Réginald de Coucy / | 25/10/2013
@ guadet
> Oui mais un excès entraîne toujours l'excès opposé : l'histoire des mentalités est comme un pendule.
ce que nous vivons aujourd'hui d'auto-dénigrement est le fruit de l'excès inverse, l'auto encensement.
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Un jour ou l'autre, le discours surréaliste tenu par la République depuis son avènement, devait fatalement se confronter aux réalités.
Le jour où cela s'est produit, on s'était rêvé un piédestal si haut que lorsqu'on s'est réveillé, on s'est vu si bas, que la chute a fait très mal et cette mentalité suicidaire que nous connaissons s'est développée.
La France de 40 millions de résistants était aussi un discours surréaliste, du coup les Français sont tombés de si haut ds les années 80 qu'ils sont maintenant persuadés que la France était un pays de 40 millions de collabos.
tout mirage se dissipe, je ne suis pas du tout d'accord quand j'entends dire qu'un peuple se bâtit sur "des mythes".
Non, sur des souvenirs qui unissent, ce n'est pas pareil.
Écrit par : E Levavasseur / | 25/10/2013
@ E Levavasseur
> pour vous, l'auto-dénigrement serait donc le résultat d'un retour à la réalité !
Je ne suis pas du tout d'accord.
L'auto-dénigrement est au contraire dans la parfaite continuité de la mission civilisatrice auto-proclamée dont vous parlez. Il s'agit de nous persuader que nous avons nous-mêmes besoin d'être civilisés, que nos ancêtres étaient des barbares et que nous devons abandonner la transmission familiale et notre culture pour nous soumettre à une élite technocratique laïciste et libertaire se réclamant des Lumières. Rien n'a donc changé sauf que la colonisation touche la France elle-même.
Historien de l'époque contemporaine moi-même, je suis amené à combattre le dénigrement de la France des XIXe et XXe siècles, démontrant qu'il repose sur des visions fausses qui découlent d'une idéologie libérale. C'est aujourd'hui surtout qu'on construit des mythes. Encore une fois, "nos ancêtres les Gaulois" n'était pas un mythe. Personne n'a dit que la France avait compté 40 millions de résistants. En revanche, un film, Le Chagrin et la pitié, a lancé le mythe des 40 millions de collabos, dans le contexte libéral libertaire post 68 voulant détruire l'idée d'état et l'idée de nation. il n'y a pas d'effet de pendule là-dedans.
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Écrit par : Guadet / | 25/10/2013
@ Guadet
> Ce sujet vous est si sensible que vous réagissez au quart de tour et ne prenez pas le temps de comprendre ce qu'on vous dit.
Je laisse tomber et je le regrette.
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Écrit par : E Levavasseur / | 28/10/2013
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